Google This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's bocks discoverablc online. It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the publisher to a library and finally to you. Usage guidelines Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. 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Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. Consignes d'utilisation Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. 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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl DES MALADIES MENTALES TOME L DES MALADIES MENTALES TOME I. VOUTZXAE8 FUBIiXOATIOVS CHEZ J.-B. BAXLUiaS. AlTÂTOMIE COMPARKK DU SYSTLME KERVEL'X , COIlsidlTL' (laOS 6CS rajipOrtS aviT rintnlIigencccomprcDant l.i description de l'encéphale et de la moelle racliidienno ; des rerhcn-hcs sur le d(.''Vclo{)pemcut, le volume, le poids, la structure de ci-s organes, chez l'iiommo et les animaux vertébrés ; l'his- toire du by^tôme giin<;Iiunu.'iin; dos animaux articulés et des mollu^iqucs ; et Tcxposc de la relation i^raducllo qui existe eutrc la jifrlection progressive de ces centres nerveux et l'état de« facultés instinctives, intellcctuelici et mo- rales; par Franc vs Z.c.'(i/rz , médecin de rhoipicc de Bicétre, Paris, iH38, 2 vol. iu-8, et atlas de S'i planches in-fol, desbiuées d'après nature et gra- vées avec le plus grand 5oin. De ta. l'ARAi.YsiK, coksiuéri-'e chez les amlnÉs. Recherches faites dans le service et sou;» les yeux de MM. Roycr^ColLinl et E.^tjuinl; par L.'F. Culmcil, I). M. Py médecin ù la maison royale des aliéuéa de Charenton Paris, 182(5, iu-S. (> fr. 5o c. Sur les foxctioxs du CEnvF\u et sur celles de chacune do ses parties, avec des observations sur la possibilité de rectjuiivl et Itanl, Paris, 1827, in-8. ^ G fr. Dkî* <:ai:sk8 murales et niYsiguKS des malaiuks mentali:s, et do quelques autres affections nervcu.srs, telles Jqu<' l'h>sléne, la iijmphouianif et le saty- riasis; par F. k'in.sin^ D. M. P., membre de plusieurs sociétés savantes. Pans, i82(î, in-8. 7 fr. Hygiène murale, ou Application de la Pliysioh>{;ic à la iiiorah- cl .1 l'édu- cation, par Ciis. Brousstiis^ professeur a l'hôpital mditaire du Val-dc- Grâcc, ag'cgé u la Facullé de Médeciue de l'.iris. Paris, rS Î7, in-S. .*» fr. Traité TUK(»RiyUE et pratique dls malai:ie.s he \.\ v\.\v.\ par /'. Rajrer, médeclu de rhôpital de la Charité; ilvuxUrnc édition ttUititnitnt refondue. Paris, i8"î5, 3 loris vol. in-8, accouipagcés d'une a?l;ts de 2(» plaudics gr.nud in-4, gravées et coloriées avec le plus grand soin représentant, » n '|Oo ligu- res, les diftércntes maladies de la peau et leurs variétés. Prix du texte &eul, 3 v«»l. iu-8. 2'3 fr, — Prix de l'atlas seul , avec explication raisonnée. grand in-', c;irtouué. 70 fr. — Prix de l'ouvrage complet, J vol. in-8 el atlas iu-.'| cartonné, 88 fr. Ti'.aitÉ dfs maladies des reins, étudiées eu elles-mêmes et dans leurs rap- ports avec Us MALADIES DES UI(E1'KRE.S, DE \.\ \ HSME , DE LA l'KO.srATB DE l'lp.J.'IRE, etc., par P. Jitijvr, médecin de rhupital de la Cl:;>rilé. Paris, * 1837-1 s:i8. Ce bel ouvrage se compose de 2 forts volunu'S in S, et de i:» livraisons, ciinteuaut rh.icuue 6 planches gravées et maguiliqiicuiciil riihtriécs cl un texte ifi'urij»! /'. Viïi i\r iha({Ui> livrai.soD. 16 Ir. '«-^aiH0»4<^ IMPRIMÉ CHEZ FAUIi REXfOU\RD, RUE OARAIf CIÈRE , V, 5. DES MALADIES MENTALES CONSIDÉRÉES SOUS LES RAPPORTS ÏÉDIGAL , HYGlÉNItUE ET MÉDICO-LÉGAL, PAR E. ESQUmOL, MRDicnr m chef de la maison royale des auéitbs de chareutoh , AVCIEir XHSPECTBUR-OBirÉRAL DE l'uHIYERSITÉ , MEMBRE DE l'aCAd£mie ROYALE DE MÉDEGIITE , ETC. ACCOMPAGNÉES DE 27 PLANCHES GRAVÉES. 9* ^~~~"~ TOME PREMIER. . * B ^PAAKS CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, • *J LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE'MEDECINE, RUE DE L*ÉCOLE-DE-HÉDECinR , N. 17. LOnUKES, MÊME MAISON , 219, RfiC£NT-5TAJBfi7. à. uoa I cm Cl. iatt, a liuim , un u wciiuk«« 1838. 1 2H87U / ••• • «• « • * ■ • • • • • • • • • •• • !• • • • • • ^ • •• • • • ' • • • • • • • a • • • • • • • • • • • • • •• • ••• • • • » • - • • • • * • • • • • * • • . ••• : • • • • _ _ - • • •• PRÉFACE. L'ouvrage que j'offre au public est le résultat de quarante ans d'ëtudes et d'observations ; j'ai observé les symptômes de la folie; j'ai étudie les mœurs, les habi- tudes et les besoins des aliénés , au milieu desquels j'ai passé ma vie ; j'ai essayé les meilleures méthodes de trai- tement; m^attachant aux faits, je lésai rapprochés par leurs affinités, je les raconte tels que je les ai vus, j'ai rarement cherché à les expliquer et je me suis arrêté devant les systèmes qui m'ont toujours paru plus sédui- sans par leur éclat qu'utiles dans leur application. Les matériaux de cet ouvrage recueillis à la Salpé- trière, à la maison de Charenton, dans ma pratique particulière, ont été successivement publiés dans le Dic- tionnaire des Sciences médicales et dispersés dans les recueils de médecine. Tout en conservant l'esprit de leur première rédaction, plusieurs de ces matériaux ont subi de nombreuses modifications et des augmentations considérables, afin d'être mis en rapport avec mes ob- servations ultérieures. Quelques-uns ont été traduits dans plusieurs langues, et réunis en corps d'ouvrage par les médecins allemands et italiens : j'ai l'espérance VI PREFACE. que l'ensemble de ces travaux paraissant pour la pre- mière fois et que j'ai revu avec le plus grand soin, sera favorablement accueilli par les médecins. Plus qu'un autre j'apprécie les avantages d'un ouvrage systématiquement rédigé; nul doute que mon livre se- rait lu avec plus d'intérêt, si une idée générale en dominait toutes les parties. Mais je me serais engagé dans un travail incompatible avec mes nombreuses oc- cupations; néanmoins on retrouvera un enchaînement méthodique dans la distribution des matériaux que j'ai mis en œuvre. Le premier chapitre qui a pour titre De la Folie est le résumé des notions générales sur la folie , les autres chapitres sont les commentaires et les déve- loppemens de ces notions. Ayant assisté aux premières améliorations qui ont été faites en faveur des aliénés , j'ai secondé les progrès de ces améliorations par mes écrits, par mon enseigne* ment et par mes voyages. Heureux si cette nouvelle publication, malgré ses imperfections, contribue à dé- truire quelques préjugés y à dissiper quelques erreurs, à éclairer quelques points obscurs des maladies mentales, à propager quelques vérités d'une application utile au traitement et au régime des malheureux malades aux- quels j'ai voué toute mon existence ! TABLE ANALYTIQUE. A Abrutissbmevt,!!, 338. Ai8AncEfl(Siègcs d'), II, 5i6. Absorbakt (système), comme siège Aix (Maison des aliénés à), H, 46a. de l'épilepsie, 323. ' Albiitos, II, 366. Abstihebcb chex les lypémaniaqaes , Albt (Maison des aliénés à), II, 480. iii» Alikhation. Tableau des différen- AcconcRKEs. Aliénation mentale des tes espèces observées dans la maison nouvelles acroucLées , a3o. — Symp- nationale de Charcnton pendant le tûmes, 333, a35. — Caractère parti- cours de Tan xii, II, 571. •-- Causes culier, a 36. — Age auquel elle est pbysiques de Taliénation mentale, II, fréquente , a36. — Causes prédispo- 684« 7^5. santés, 337. — Causes excitantes poy- Aliéh es. Aspect d*ane maisons 'l'uriéot» ou ), AKTisPAsaiODïoi:F.s (Emploi dcsj, i53. AFurr.hxcK. Son influence snri la pro- (liirtioii de la folie, ^S. — Sur celle de la démoiirc, II, 2.15. Api'ktit rlie/. les individus en dé- mence, H. 2 9. '3. ARMRM'tKtiKs (Maison des aliénés à), 11,472. Ahiii-s pour les ;jli('ucs, II, /|io. — Plan 4ii. — Nombre /|28. — Moyens d'exc- cDtiou, 42(j. — Adminbtrutiou 43o. Atte:«tios^. Impossibilité de fixer l'at- tention , cnu»e primitive des crrcnrs de% sens, 90. -> Dispersion de TaUcn- tion , manie ; concentration , mono- manie ; engourdissement , dcrooncc ; absence de rattcntiq», imbéciiliié, idiotie, ai. — Son ctatcbez les mania- <}UCH, 11,147. — Clie* les individus on démence, II, 219. — Cbez les im- béeilles, II, 296. AuMoirtRR, II, 659. Aura xpileptxca, 279, 3o4, 3o5, 324, 326. AuRiLT.AC (Mftison des aliénés à), 11,4*^4.528. AriTOPêiK, 1x0, 112,244* — Autopsie de roonomaniaques . Il, 10, 27, X24« — de maniaques, 107; II, 180, 192. — d'individus en démence, II, 240, 245 , 240 . 248, 25o. 254 , 256, — II , 3o2, 307, 324, 320, .329, 396. — Ré- sultats généraux, II, 698. AirroRXTK. Son intervention dans les cAf d'isolement, II, 782. Aviniros ( Maison des aliéné:» à ), II , 45o. 6 Batscs. Diversc5 espèces, 14G, 247,470» 480, II, 201 » 2o5. — Baiins de sur- prise, II, 21 5. — Salles de bains. Il , (il 3. Batimehs destinés aux aliénés. — Leur forme, II, 5o.\, Brdt.am, II, 40 '|. BicxHre. II, 445, 448. BlLK,290. BLKirvonRBAr.iR (Mnnie ju^cc par la), 11,174. Boisions froides, i'»(). — Influence dcn boissons alcooliques sur le suicide, 5cj2. BoxHEUR des fous, 14. Bojf-SAUVEun à Cacu CMnisoa du), II, 474. BQaDKACx(Mai8uodesaiicucsà),II,454. c Caek (Maison de» aliénés à) , II, 473. .Cages, II, 599. Cagots, II, 370. CAMr.soT.R, H , 5^6, (-ASTRATioif (Folie jugée par la ), 397. Cataracte (Folie jugée par l'opération de la), 397. CAusE.t de la folie. Combinaisons des cnttses morales, et des causes pbysi- qucii, 61. — Tiiblcau des cnu»es mo- rales, 62. — Rapport des causes mo- rales et des causes pliysiques, O2. — Tableau des cau&cs pliysiques , 64. Cautère, 325. Cautère actuel, II, 2i5. Cautérisation, 320. Cellules pour les aliénés , Il , 5o8 et sniv. CÉRÉMQiriES religieuses , leur influenco dansqnelquescas d'aliénations, 11,718. Cerveau. Influence des affections ai- guës du cerveau sur la production de la folie, 73. — Son état ches les épi* leptiques, 3o8. — Clies les suicidés , 641 • ^44 • 643. — Cbex les maniaques, II, x8o. — Cbez les individus en dé- mence, II, 244. — Cbez les idiots , H, 35o. — lufliicocc des lésions du cer- veau , II, 525. — Action du ccrveaa sur la manifestation de l'intelbgencet II , 698. CuAGRiifS. Leur influence sur la pro- duction de la démence, II, 235. — Cliagrins domestiques. II, 685. CiiAXKEs ( Usage des) ponr les aliénés, II, 41 X, 534. CaAKGEMFJTT d'émt (Influence du) sar la production de la folio, 46. Charento:? (Maison royale de), 446, 4l9» et II, 539. — Aspect généml, 540. — Historique, i*"»-* période; ad- ministration des frères de la Charité, 56 r. — 2° période : administration de M. de Conlmier, 56i. — 3' période; administration do MM. Roulhac Du- maupa» et Pnlloy, 592. — Règlement, (»2o. — Prospectus ,. 639. — Tableau fies entrées, tic 1 8x5 à 1825, relative- ment à râgc et an sexe, 663. — Ta- TAiîLE A^'Ai.YTJQLE. IX, blcJQ général des ailniimoas de 1S26 la folie, Sr. — Leur juQucncc &ar Vim k i833, 6()8. — Tnblcaii des admis- diotie, 34i. sions rclntirement aux &ai^ons, de Couî.mier (de). TI, :ïr)f. i8a6 à i833, G70. — Id. rclAtivcioenc Cours. Leur influence sur ridictic, II, aax «ges, de 1826 à i833, (J72.— /r/. 34i. reLitiTerocnt à rémt civil, de 182G à Cours des maisons d^alicoés, II, 5o5. z833, 677. — /(/. relatiTcmcot anx CniLiirTE. Ses phcnorAciies cLez les professions de 1826 à iK33, 679. — lypcmaniaques, /|i5. — Son action sur /J. relativcmcot aux cause» delà tolic, les maniaques, II. 186, 753. de xSjGà x833, G82. — Jd. relative- Crark. Ses altérations clic/, les snici- mcnl aux variétés du délire, de iSzG des, t>.îo, 645, 647. — Chcx les idiots, à i833, 687. — I((. des sorties, 68<). H, 3.îa. — Clicz les crétins. II, 356. — - Id, des guérisons relatirement aux Cuftinismx , II, 352. — Pliéoomènes sexes et aux saisons , 692. — Id. rc- 354. — Variétéx , 355. — Endémique , lativerocnt aux formes du délire, fiy3. 357. — Fréquence, 358. — Oiuses pré- — Id. de la mortalité relativement disposantes et éloignées, opinions des aux saisons et aux sexes , 694. — Au- auteurs, 359* — Cannes immédiates tnpsics, 69S. — Plan de la maison, 7o3. or<;.iniqiies, 3G'J. — Coocomitance du Cu\i;KFAr.K, II, 521. goitre et dn crciinisuic, 364* — I^»* CiiAUFF-)in.s comr.iiius, II, 5'22, 600. niination, 3(>G. CuEvxux , 39, 40. — Folie jiigéc par CaiSKS (Ooctrincdes). Son application la coupe des cljevciix, 397. à T.iliéoation mentale, Sr, et II, 337* CuiRURGiF.N , II , G|G, G49. — démonstration par Vanalogie, 338« Cholkaa , II , CS4, 697. — par l'observation , 341. CoRisTiArfMMF. Son influence sur la Critiques (Respect dû aux efl'orts), II, folie, II, 433. 202. Chrosiques (Affections). Leur in« Croisées des maisons d'aliénés, II, 5io. flucucc sur la production de la folie. Croup, II, 73o. 74- Culture de la terre par les aliénés, Chutes, G8. — Leor influence sur la 142, et II, 718. production de la démence, II, a 35. Cutahées (Affections). Influence de Climats. Leur influence sur la pro- leur suppression sur la production do dnction de la lypémanie, 4^3 . — Sur la folie, 75. crlle du suicide, 577. — Sur celle do Cynamtropie, 522, la manie. H, z4o. Coeur. Complication des affections du L) ccenr avec la folie, 81. — Ses lésions chez les suicidés, 642. Dartres. Folie jugée par les dartres. Coït (Folie jugée par le), 391 , 471. 369. — Leur influence sur la prodac- Coi.oMBiiR. Son instrnction pour les in« siondeIaraauie.il, 140. sensés, II, 439. DARvrtji (Machine de), i56, 478. C0L09 transverso ( déiilaccment du ), Décès, ïI, 689. 445, 640 , G44 , 647. DÉFiAifCR chez, les aliénés, II, 75a. Coi.oQuiHTE. Son efficacité , i5i. Déjectiohs alvines (critiques), 86, et CoH^TiPAT-.on, 142. Il» X74> Co9STiTUTror( des aliénée, 140. Délire, 19, a3i. CoifSTRUCTiosrs. Lenr influence sur Drlirium trimeits, II, 73. Texistence et la guérison des aliénés, Démeitce, 2a, 25, aS, 3i, 3i, 89, 4^ 11,695. 75 et II, i35, ai9. — Sympt/imcs, 223, CoNTizrEKCi. Son influence sur la pro- a3x — Eu quoi elle diffère de la ma- duction de la folie, 47, 69. — Son iu- nie, 224. — Passage de la monomanio flucnco snr la production de l'éroto- à la démence, 225. — Exemples de dé- manie, II, 43. menée, 23o. — Différence entre la dé- Coii VALUCxirca, II, 780. mcncc et Tidiotie, a3 1 . — Causes exci- CoiiTi;i.8ioirs. Leur complication avec tantes morales et physiques, a35. — TàBLE AlfAlYTIQUE. Ses Tariétés et ses complications, a38. — Maladies auxquelles succombent les individus en démence, sSq. — Ré- sultat des autopsies , 340. — Observa- tions, a44> a46, 347, 248, 254. — Dé- mence aiguë, aSg. -~ Chronique, a6o. — Scnile, a6i. — Variétés compliquées, a63. — Compliquées par la paralysie, 264 etsuiv. — 687, 718, 777. DâKOHOMAxriB, 48a. — Son ancienneté, ; 484* — Opinions des païens , 485. — Des chrétiens, id, — Ses diffère ns noms, 4^7* — ^es caractères, 490. — démonomanie simple, 490. — Com- pliquée, 498* — Analyse et comparai- son des symptômes de la démonoma- nie avec les signes de possession, 5oi. — Démonomanie épidémique , Soi. — Héréditaire, Soi, — Quel âge y est le plus exposé, id. — Quel sexe, 5o3. — Quel tempérament , iJ, — Quelle classe d'individus, 5o4. — Ses causes spécifiques, SoS , Si-]. — Sa marche, 5o6. — Ses phénomènes, 507. — Ses variétés, 617. — Traitement , DiiTTiTioir. Son influence sur la pro- duction de la folie, 7a. — Folie causée et jugée par la dernière dentition, 396. DKTBiiMiirATroirs automatiques, i3. DiossTir (Système), comme siège de Pépilepsie, 3a z. DcoESTivxs ( Ponctions ) chez les idiots, II , 335. Directeur. Fonctions et qualités du directeur d'une maison d'aliénés, If, 5a6. — Fonctions du directeur de Cha- renton, 637. DisTRACTioir (Des meilleurs moyen de), 137. Douche, 147. — Son action, id, — As- cendante, 149. Douleur physique. Son influence sur la production du suicide , 537. Drastiques. Leur emploi dans la ma- nie , II, ai3. E Eau. Son emploi dans le traitement des aliénés , 146. — Eau froide, 480. -* Infloence des eaux snr l'idiotie, II, 341.*- Sur le crétinisme, 35o. EcosoMi. Gtrde-magasin, H, 6a8. EcouLEMEHS. Influcnco' de leur sup- pression sur b prodoetion de la folie» Educabilité des idiots. II, 340. EoucATioir (Influence de l') sur la pro- duction de la folie. Sa, H, 7^6. Electricité (Emploi de 1'}, xS4, 3a8. Emétiqus, a47* Empirisme. Son application dans les cas de manie, II, axa» Employés. II, 6io, EMPOisoifiTEMEifT (Folic jugée par V), 397- EiTPANs. Aliénation particulière aux enfans, 3a. — Mal des enfans, a74. Engelures (Folie /ugée par les), 373. EirifDi de vivre, 55a. — Suicide qu'il enfante, 554* — Effets de l'ennui, II, 769-. Epidémie d'aliénations, 39. — Epidé- mie suicide , 536. Ei'iLKPsiE. Son influence snr la pro- duction de ta folie, 74. — Sa compli- cation avec la folie, 81. < — Sa défini- tion, a74> — Ses phénomènes, 375..-- Chex les enfans, a78. — Symptômes précurseurs, 379. — Epilepsie essen- tielle, U. — Sympathique, «/., et 397.— Angtoténiqne. a97. — Gastrique td, — Idiopathiqnc, 298, 3oô. — intestinale id. — Sanguine, a99. — Génitale, 3oo. — Durée et fréquence des accès, a8o. — Effets accidentels , a8a. — Néces- saires id. — Combinaisons avec les divers genres d'aliénation , a84. — Symptômes consécutifs , a86. — Fu- reur des épileptiques , ù/. •— A quelle espèce d'aliénation ils sont le plus su- jets , 387. — Diagnostic, 390. — En quoi elle diffère de l'apoplexie, de la syncope et de rbystérie, 390. — Ses causes, 391 , 398, 399, 3ox , 3oa. — ' Age qui y est le plus exposé et sexe qui y est le plus sujet, a9a. — Tem- péramens prédisposans , id. — Cau- ses excitantes, id, 394, 396. — De 3uoi symptomatiqoe , a95. — Repro- uction des accès, 397.' — Organes quelle affecte, 398, et suiv. — Traite- ment 3oi, 3x7, ^2'« et suiv. —• Point de départ interne, 3oi, 3oa. — Exter- ne, 3ao, et suiv. — Son siège, 3oS« 3o8. — Hérédité, 3o(). — Divers sys- tèmes, 3x3. — Diagnostic, id. — Es- pèces diverses, 3i4* — Pronostic, 3i6. Mcdicamcns, 827. — Secours bygié- TABLS UrALTTIQtfE. XI iiSqoes, Bag. — PlrécMitioiis contre les ftoites des accès , 33o. — Exemple de Vétat épUepUque^ 33^, — Influence de répilepsie sur la production de la manie, II, 141. — Sur celle de l'idio- tie, II, 34i*683. — Son action, 7a5. EPII.BPTIQUI8 (Aliénation mentale des). Sa durée, 287. — Sa marche, 288. — Observations sur la forme de la tête des épileptiques, 3o8. Epiitaxxs (Manie jugée par 1*) , II, 74* EQOiTATioir, 14a. Erotomahib, II, 32. — Symptômes, 33. Variétés, 39. — Complications, 4a, — Quelles classes , quels âges elle at- taque, 46, 48. — Terminaisons, 43t 46. — £0 quoi elle diffère de la ma- nie hystérique, 47. —Ancienneté de cette affection , id, •» Ses causes, id. — Son siège, 48. — Son traitement, id. EacRiMK, 14a. Esprit. Ses états ches les lypémania- quea, 41g. Etages (Inconvéniens des) des maisons d'aliénés, II, 507,617. Etat cÎTil (Tableau des admissions à Cbarenton relatÎTement à T), II, 677. Etacoaits, i5o. EvACUATcoirs ( Manie jugée par les ) , 11, 174. Etvnbmens politiqnes. Lear influence sur la production de la folie, 53. — Sur celle de la démence, II , a35, 685. Excès (Influence des) sur la produc- tion de la folie, 43, II, 683. EzGRÉTXOHs, 14a. Exemple (Influence de 1') sur les alié- nés , ia7. Exercice, 14a, 470» II* 184. ExuToiEBS (De ^remploi des), i53. Faim. Son action sur les maniaques, n, x55. PATurri, II, 298. Fes. Son emploi dans Pépilepsie, 827. Feu (De l'applieation dn), i54. FiBTRS de Uit, 93x. — Solution de la folie psr la fièTre , 35o. — Influence de la fièTre ataxiqae sttr U produc- tion de la démence. II, s35. Foie. Ses lésions ehes les sidcid^» 641, 647. 649. Folie, i. — Symptômes relatifs anx lé- sions des fonctions de la TÎe organi- que, 5. — Aux illusions de la rue , 6, 9. — Aux illusions de l*ouïe , 6, 9. -^ Anx illusions de Todorat » 8, 9. — Anx illnsiona dn goût id. — Du toucher , id. — A la mnltiplioité des sensations , 9. — A l'abondanee des idées , id» — A Taltération de la £i Exemples, 3o, 3i, 33. —Du sexe, 34- — Du tempérament , 3q. — Tableau des habitudes externes du corps, de la taille , des yeux et dès chereux , 40. — Profession , manière de viyre, 40* — Marche de la folie, 75. — Son point de départ , 76. '— - Action des . causes prédisposantes id. — Idem des causes excitantes, id, — Son temps d'incubation, 77.— Folie continue, 78. — Rémittente, id, — Intermittente, 79: — Combinaisons des différens genres, So, — Complications avec les diyerses maladies, 01.—- Jugement par réso- lution, 82. — par la prédominance du système absorbant, cd et 345.— ^ par l'amaigrissement , 83 et 348. ~- par les flèvres^ id. et 35 1, 356, 359. — par les faémorrhoîdes , 84. — par l'épis- taxis, id, et 36o. — par l'éruption, la cessation ou le rétablissement des menstrues ,84 et 364. — par les hé- morrhagies utérines, la leucorrhée, la blennorrhagie, 84 et 36o. — par le coït, l'excrétion spermatique , la ges- tation, rallaitement, 84. — par les af- fections cutanées , id, et 367. — par les sécrétions naturelles, 388.— par les sécrétions maladives, 393.— par des accidens ou des opérations , SigS. — Durée, 94. — Traitement, ii6.— Folie morale , II , 63. — Folie raison- nante, II,g5 et 791. — Terminai- sons critiques, 336 et II, 175. — His- toire des diverses modifications d« la folie, II, 43a. — des divers refuges 11. 433. — da fréquence comparée aux Âges, II, 675 et suiv. FoxfCTfOifs de la vie organique chez ^ XIV TA3LE AlfALTriQUE, — Ses causes, 439-435*— Lypéamiie religieuse , 4^1 4^6* — Lypémanie sé- nile, 4^7. — Sympathique, 436. — Ré- mittente, 439. — Continae, 440. — If er* ▼euse, 479* — ^^ terminaisons, 441. — Son siège, 44^''-S<>n traitement, 465. — Hygâniqne, 466.— Moral, 47 1**^ Physique, 47 6< M Machiite rotatoire, i56; II, ai 5. M aguktismk (Emploi du), i55 et 481. Maisoits d'aliénés. Comment elles doivent être situées et constrnites, 140. — Quel doit en être le réj;imo , xa5, 398. — Leurs divers états en France, II* 400, 408, 439, 445, 449, —en Allemagne, en Italie et en An- gleterre, 4oi> 5o3.— Leur noml)re en France, 4oa. — De la mauvaise appropriation des bAttmens, 4o5, 410- 5oa. — Régime , 410- — Traitement, 4x1. — Service médical, 4xa. — Administration, 41 3. — Moyens d*a* mélioration, 414* — Nécessité de créer des étabUssemens spéciaux , 4x5« — Inconvéniens de les trop multi- plier, 4x6. — Plan, 4a x. -— Histori- que des maisons d'aliénés, 43a. — Description de cellep d*Avignon , 45ai. •— De Rouen, 45o. —De Bordeaux, 454. — De Montpellier, 457* — De Marseille , 459. — D'Aiz« 46a* — • De Lyon, id.-^ de Saumur, 467*— D'An* ' gers,470. — De Saint-Venant, 471. — D'Armentiàres, id» — de Caen, 473. — De Toulouse, 478. — D*Alby, 480. — De Nantes, id, — d^Aorillac , '484. — De Rennes , 485. — De La- fond , 488. — Du Mans , 489. —De Strasbourg , 4Q2' — De Poitiers , 494. — De Mareville , 495. — Petit nom- bre des maisons particulières , 498. — Du matériel , 499> — Comparai- ton des divers établiaaemena , 5o4. et suiv. — Leurs inconvéniens 5o4 et suiv. •— Leurs avantages, 5o4 et suiv. — Du personnel, 5a()» — ^ Conditions diverses d*admissioB, 785. Mal des Ardens, II, a8. — Mal Caduc, 374. — Mal d'Hercule ûL Maladies fatales aux aliénés, 104, xxo. ' -^ Maladie sacrée , 374. Hasxaquu (suicide des }, 54o. MAirià&K Di Yirai ( tal^éaa d« rtp* port de la ) , et de la folie, 46, — Soa Influence sur la production de la lyw pémanie , 4^0. Manib, aa, a7, aS, 3x. — Tempé- rament prédisposant, 3q. — Bianie raisonnante , 94* •— Défiûtion de la manie, II , x3a. — Phénomènes t x33« — Caractère différentiel , id. — Causes prédisposantes, x36. «- Physiques, 140, 144. — Morales, 14a ; 144. — Marche, x45, x58, 167. —Symptô- mes 147 à 157. — Variétés, 157.— Observations , 1 59. — chronique con- tinue , rémittente , intermittente , i68. — Retour des accès, 169. -^ Maladies avec lesquelles elle alterne , 170. — Observations, 171. — Com- plications , 174* -~ Crises, id, — Ter- minaisons, 175. — Observations, 175. — Guérison, 177. — Durée, 178. — Morulité, x 79. — Maladies auxquelles succombent les maniaques , 179,181. — Raison organique, i8r. — Curabi- lité, i8a. — Traitement hygiénique, x83. — Moral , i85. — Observations, x88, aoa, ao3, ao6.^-Convalescence« X98. — Médication , aoo. — Influenee de la manie sur la production de U démence , a35. — 687. — 777. Mans (Maison des aliénés au), II, 489. Marbviixe (Maison des aliénés à), II, 495. Ma&xaoi. Son emploi oontre l'épilep- sic , 3a4* -~ *FoUe jugée par le ma- riage, 39X. MA.RssxLLB(Maiflondes aliénésè)4l45Q. BCAaruEBATxoH, son influence sar ui Sroduction de la folie, 47* — 68.— > oo. — Son influence sur la prodm^ tion de la démence , II , a35. Minicnr d'aliénés. — Son r61e, II, 198. — Ses devoirs et ses qualité8,5a7. Foutions du médecin en chef à Cha- renton ,643* — Du médecin adjoint, 646. — Des élèves, 646 , 649. MxDicAïuurs. Leur ii^uence sur U production de la folie , 75. Miav (Saint-) de Rennes, U , 486» Mklahoolxb ; 398, 404. — Déflnition des anciens , 404. — Id, des mo- dernes , 4o5 et 406. — > Mélancolie chea les xnbécilles, II, Soa. F' i.» •. 1 ji i-» » » et le. difformités intellectuelles. 339. ^^^^î^" (Swat-), hôpital d'alienes a —Causes prédisposantes, 540.— Exci- , "°'?J: ,? ?r?; „ , , tantes, 34i.-Idiotie innée. 34.a-Ac. ^'"Ti?', \"^*^W'A'^q . . âdentelle, id. - Physionomie des J«am (Mal de Sainl-). II. 28 et 274. idiots, 35o.- Traitement, 35f —Pro- ^^^«"S^^ (Aliénation» particulières portion rclatÎTement aux aliénés, 358. """;» ^** — Obserrations, 376. J^ IixusxoHS, 202. — En quoi elles diffè- rent des hallucinations, 2o3. — Leurs Lactatioit. Son influence sur la produc- cansea, 204* — De celles qui naissent tion de la maoic, t. II, 140. des sensations internes, 2o5. — £xem- Lafoii d (Maison des aliénés de), 488. pies divers, 206 et suiv. — de celles Lait. Son râle dans l'aliénation des qui naissent des sensations externes, aecouchécs et des nourrices, 240. 214.-— Exemples divers, 2i5. — de la Larmes (Emission des), critique, 85 et vue, 216. — de l'odorat, 220. — du 389. foùt, 221. — du tact, 222. LatriKes des maisons d*aliénés, II, I11BKCI1.1.ITC, 11,288. — Caractères pro- 699, 617. près, 289. — Phénomènes, 296, 3oo. — Lavkm kks. 1 49t a4 7* Variétés, 298. Lcblakc (Sébastien). II, 54t, 596. laxKRsioir (Bains d*), 146. Lxucorkuie. Son influence sur la faiPRxssxoxrs fortes. Leur influence sur production de la folie, 70. — M.inie b production de la folie, 67. jugée par la leucorrhée. 11, 174. iMTCiÉvoVAirrr. cbex les aliénés, 11^ 753. Liavcoort (de). II. 444, 557. lanmiixxBs. II* 53o et 653. Librets individuelle, II, 785. IffsoMicix, II» i56. LfosRTrxrAGa. Son influence sur la Imspkctaur du service de santé à Cha- production de la folio, 47. renton, II. 647. Luroa de corps, II, 52o. larrincT chex les idiots, II, 335. Lm, II, 5i8. IssiiTunuas, II, 680. LocALrnb. Leur influence sur l'idiotie, IirraLuosncE. Son concours dans lea H, 34 1. illusions, 2o5. — Son éut cbea les im- Loobs des aliénés, II, 509 et suiv. bécilles, II, 299, 3oi, 3o3.— Chez les I^ia. Leur influence sur la production idiots, II. 333. — Cfaex les aliénés en de la folie^ 53. général, II, 747. Louis XYL Son instruction aor les in-^ (VTxaoïcnoH dea aliénés, II, 782. sensés, II, 439. (ITTXSTXHS (Affections des). Leur com- Lovoirrri, 100. pUcation avec la folie, 81. Luc (Saint-) deLondres, H, 5o4. jot.xif Kirr, 1 19, 470, et II, 648 et 746. Luxtatiquis, 274, — Supériorité de risolement en Luvs. Son influence sur les aliénés, aft. commun sur lYsolement partiel, I25. —sur Tépilepsle, 281.— 3oo. — Son but, IL 745. — Sa mvité Ltgavtropie, 5ai. sous le rapport du droit, II, 745«~Sa Ltow (Maison des aliénés à), IL 462. •écesaîté,!!, 746.— Son utilité, II, 76a. LYPiMAiriAQVis. Maladies auxquelles — Objeetious, 129, et n, 774. — An- ils suocombeot, 442.— Résultat des plication, i3i, et II, 776. — Quelle autopsies, 443,464. doit être sa durée, ï3o, et II, 778. — LTFiMAïf is, 22. 3i, 32. 39, 598, 404, et Divers modes, i3i, et II, 78i.r— Son IJ, 7^^. «.Eu quoi elle difTh-e de action, i3a.^ Nécessité d'une loi sur l'hypocondrie, 4o6.~Ses symptômes, ^ette natièrey II, 785. 407.-^ Lypéma^ie raisonnante, 420, .1 î xvi TABLE ANALYTIQUE. O Obksitk (Solution de la folie par T), 345. Oi»ORAT ( Hallnciiiations de T ], 190. — Illnsiont, 220. — Ce qa'ilest chez les idiote. II; 333. Ohazixsmb (Folie jngée par 1* ). 391. Son influence sur le suicide, 5gi. — Sur l'crotonuiuîe, II, 48* — De l'o- nanUinc chez les maniaques, x56. — 3cC. 320, 323, 336* Opium. 337. Oraci.ks, 487, 5o2. Ouïe (Hallucinations de 1*). 7, et 160, — de louîc et delà vue, i()5, 169, 171. 175, 177, x83, 188,196. — do Touïe chez les idiots, II, 33 1. PjLiXDy, 11,617. Pahophgbxk, ai 5. Paralysie. Se complication avec la folie» 81. — Son influence sur la pro« dnetion de la démence. II, 235. — • Sa complication avec la démence, 356, 364, 273. Parole chez les maniaques, II, i5i.— Chez les idiots, 333, 340. pAssioirs des fous, 14. — Influence des passions sur la production de la folie, 56. — ^Leur concours dans les illusions, ao5.— Suicide provoqué par les pas- sions, 533. — Des passions chez les im<- bccilles, II, 84»3oi. — Chez les indi- vidus en démence, 33 e. — Passions sociales, 736. Paume, 142. PealU (MaUdies de la). Leur complica- tion avec la folie, 01. — Folie jugée par elles, 367. .P^DiLuvEs, 148. pEiirrRsa, II, 680. Pellagre, 503. Son influence sur la production do suicide, itL Perdus (Signes de la suspension pen* dant U vie). H, 844. Petit mal, 381. PmraiOHOMiE des fous, 17.— Des ma- niaques, II, i53. — Etnde de la phy- ilononûa, i65« PiARKACiiir, II, 648. PixiALB (Glande), 3 10. PiVEr.. Délivre les aliénéf de leur» chaînes, II, 445. — Organise le traite- ment à la Salpétrière, 447» PiTUETAXEE (Gluude), 3x0. Plaxtcher». Divers Aystèmes pour les maisons d'aliénés, II, 5x4. Plique (Folie jugée par la), 397. Poisoivs. Leur influcuce sur la produc- tion de 1.1 folie, 74. PorrxERs (Maison des aliénés à), 11,494- Politique (Fanatisme), II, 737. Portes des cellules, II, 5xo. PossEssioH, 4 S 7. — C^ompaniison de ses signes avec les symptômes de la dé- mouomanie, 5oi. Pouls. Son état chez les lypémanin- qucs, 41a. Poumons (Affection des). Leur com- plication avec la folie, 8x. Préservatifs de la folie (Moyens), x56. Prisons où l'on jette des aliénés , II, 407. -— Inconvenance de ce séjour, 4x3. PAOÉOUMÈlfE, 397. pROVissioNS (Tableau du rapport des) et de la folie, 45. — Leur influence sur la production de la lypémanici 430^— Sur celle de la manie. II, 139. —Tableau des admissions à Cliaren- ton, relativement aux professions, 679- Promenoirs, II, 5o6. Pronostic de la folie, 114. Ptyalxsme (Manie jngée par le), II, 174. Puroatxps, i5o, 346, 391. Pyrna (Etablissement de). If, 5o4* Pyromanie, II, 84. — Observations, 85. —Influence des passions sur la pro- duction de cette Êffection, 88. — In- fluence de l'âge, du sexe et des habi- tudes, 90. Quinquina, 337. R Racbitomb, 3 II. RAiiiN. Son usage dans le tnûteaeut de la lypémanie, 468. RAiioiniEMRNT (du) chez les aliénés convaletcens, 97. Rechutes, 28, 99. RÉGIME. Influence des écarts de ré- gime sur les productions de |a folie. TABLE Alï^LYTIQUE. XVII 43. — Bigime alixii£Atairc de la mal' •on de Gharciiton, II, 63i. RxLioiiux (Fanatisme), II, 726. RÉMISSION (Crise de), 34a. Reuhes (Maison des aliénés à]. II, /^B$. Rehtiers, II, 679, 680. BipRsssiON (Moyens de) pour les alié« nés, II, 187. RÉpaoDiTCTioir (Organes de la), 3a3. RssoLUTiOH (Crise de), 342. Ri£-DB-CUAU8SRE. Importance de celte habitation pour les aliénés, II, 423. RouBV ( Maison des aliénée à ) , II , 45o. ROULBAC DUMACPAS, II, SqQ. ROTBA-COLLARD, II, 67S, 5il» 58^ SAioiriE, i5i. — Abus qai en a été fait, i5a, 246. — Son emploi dans le trai> tement de la manie, II, ai 3. Saisons. Leur influence sur la prodoc- tioB de 1b lypémanie, 4a3, 4a5. — Sar celle dn suicide, 578. — Sar celle de la manie. II, x36. — Tableau des ad- missions à Cbarentonde i8a6à x833, relatiTement aux saisons, 670. — Lenr in Jaence amr là prodaotîon de la folie, 671. — Lenr rapport «vee les j^uéri- aoiu , 692. — Avee la mortalité , 694. Sautation, criti^e, 85, 288. SALpÂTBiàBB, II, 445, 447. SANOvnr ( Sptème) , comme siège de Téptlepsie, 3aa. SATTBIAaM, II, 3a. SAUMoa (Bfaison des aliénés à), 11,467. Sautaoss, II, 375. SOMBUT. Sa complication avec l*alié- ■ation mentale, II, a38. ScaovuLBs. Lenr action, II, 7a5. SBcainoNs ( Folie jugée par les) na- tnrelles , 388. •— Idem par les mala- dÎTes , 393 , 14a. — Ce qu'elles sont chez les Tjpémaniaques , 41a. — Qiez les idiou. H, 334- Sels métalliques. Leur usage dans Té- pilepsie , 3a8. Sbvs (Erreurs de^, aoa, ao5. SbnsibiliuL Ses phénomènes chez les Ijpémaniaqnes, 4i5. — Chez les im* bécilles. Il , 397 , 3o3i 3ao, 33;. — Chex les aliénés en général, 75 1. SBamuaBs, II, 5co. Sbatigi médical dBS aliénés, U, 640. S;^KViT£URS des alicnés. Leurs devoirs et leur utilité, 127, II, 532. Skxr. Influence du sexe sur la produc- tion de la Ijnémjnic, 428. — Sur celle du suicide, 584' — Sur celle de la ma- nie, II, i38. — • Tableau des entrées qui ont eu lieu à Cliarenton, de i8i5 à iS'iS, relativement aux &excs, 663. —«Des sorties de i8i5 à 181 7, 664* — Des guérisons de i8i5 à 1817, iôf. — Des décès , 664. — IJ, de 1826 à i833, 67a, et 673. — Rapport des sexes et des guérisons, 692. — Idem et de la mortalité, 694. Soir, X43* Sol. Son influence sur IMdiotie, II, 34 x. Sonde. Son emploi pour nourrir les aliénés, 66a. SoMitfXL chez les lypémaniaques, \i2 , 414. — Chez les individus en démence, H, 223. Sop.ciBRs, 487. Sort, 522. , Soupçon symptomatiqne, 120. Sourds-muets, II, 731. Spectacle. Son action sur les aliénés. i38. — Spectacle à Charenton, II, 578. — Ses effçts, 579. — Interdit, 58 1 . Spbrmatiqdbs (Folie jugée par les év.ncuations), 391. Splien, 554* SpuxATioir (Folie jugée par la), 588. Statistiqur son importance en mé- decine, II, 665. Strasbourq (Maison des aliénés à), II, 49a. Suaire (Fête du Saint-). II, 434. SuBUB (Folie jugée par la), 389. Suicide, 48, 53, 526. — Opinions des anciens sur cet acte, id, — Des mo- dernes, 527. — Circonstances princi- pales qui y portent, 527 et suiv, ..- Influence des passions. 53a. — Suicide involontaire, aigu, 534« — Yolontaire chronique, continu, 536. — Intermit- tent, 634* — Spleeniqoe, 554*—^ Pré- cédé d'homicide, 562.— -Ses caractèras. 563. — Ses motiis, 570. — Suicide réci- proque, 57 1 . — Simulé, 574.— Suppo- sé, 575.— Causes^ 577, 587.-«-Preais- positions , 58o , 594. — Apparition épidémique, 588.— Époques favora- bles à la production du suicide, 5S9. — Phénomènes, 595, 6o4*-— Moyens de destmclion employés, 602, — Ré- XVÏII TABLE ANALYTIQUE. snltaU des tcnlatÎTes infractueiucs , 79. — Folie jugée par lu transpîratioiif 634. — Altérations pathologiques ob- 86, 389. «ervées cliea les suicidés, 639. — Trai- Travail. Son utilité, II, 5ii3. ment, 655. — Hygiénique, 659.^— Mu- Thépait, 325. rai, 669.— Guérisons spontanées, 656. Tkutimahik, 4o3. — Le suicide est4I un crime ? 664« — jt Moyens préventifs, 665. — Pénalité , ^ 665.-Hi»toriqne du suicide, 668.- UccimES. Critiques, 85. Tableau comparatif du suicide dans ^ les principaux états ^n globe, 673. V Sdppuratio's (Solution de la folie „, , par les). 38 ï et sniv. Va.l*riawm, 397, SuRPixsi (Bain de), 146. Vaeicis (Manie jugée parles), II, 174. SoRVf ILI.AM8, II, 533. 65a. Ver AifT(Maisondc8aliénc*àSt.).lI»47ï- Sthpathiqui ( Epilepsie ). Ses cinq Vkhoeakci, II, 794. variétés, 3 14. * «^ ' • ^ Yehtousbs, 246, Stmptomatiqui (Epilepsie). 3i5. ^^*»* '-«"'' influence »««- ja produc Syphilis. Son influence sur la npo. J»<>» «' ^ gaérison de la foUe, 86. duction de la démence, II, «35. Vanxiot epileptique, 277. —Son in- fluenœ sur le cerveau, 2li8. ^ YisiCATOlRKS, 247. Vktsmess des aliénés, 141; II, 620. Tact (Hallnainatîons du), 190. — lllu- X'^^î**^ ^ ... ,. sions,' 922« ^"^* Influence de la vie sédentaire sur TiMpiRAMffiT!*. Leur infloenoe sur U i? .Production de U foUe, 45.— production de U lypémanic, 429. — «"ne de U vie, 55f. Sur celle de la monomanie, II, 29.— Z^,h *^*' 3 Sur celle de la manie. c38.-*Sur celle ▼«•influence de son abus sur la pro- de la démence. 23-. duction de la fuUe, 46. Ay.-^IJ, sur Turcs II 443 ' la production de la démence, II, 935. Timmi' (Mal de). 274. Vikœht de Paule (Smnt-), II, 436. TamnwjB, II, 726. Visiohs, 200, 202. TfcaoMiif « de Méricourt, 445. 3°« *^^f* '«• '^o?' "• .^^i- ^ ^ TiTS.Diversesmesuresdetétes,II,T26, V>"»"«,. il. — Ses phénomènes chex 3o4. 3o8, 3io, 3i3. 317, 3i8, 32i, [" ïypen-n-qnes , 4ao.- Cbw les 326. 33o, 345. 357, 369. 377, 38o, ^«^5! ?S ^^^"S'îî i' ?"--^^*^ 383. 384. 385, 387, 389; 3û2, 394, ïes mibécilles. 286; II, 1^,4. 84». 395.-Conformation de la tlto che» Vomiss«m«»s critiques, 86. 391; 11,174. les idiots. 33i,34o, 343. Vomitifs, i5o. 391. ^ THioMAxris II. ". VOYAGES. Lcur influence sur les aUé- TicovAL (Fétcdu), 53t. nés, 139, 142; II, 781. Trc, II, 222, 335. ^"« ( Hallucinations de la ) , i65, 169, TonBEDBs, 274. V» *75, I77* \»9. 'Q^. 19? — ^^^ ToviQUis (De remploi des> i5S. sions, 21b.— De U vue cbes les mUoCs, TovcHM ehes les idiots, II, 332. " » ^^^* Toulouse (Maison des aliénés à). Il, 478. Y TnAtTEHBST de la folie, 92. x 16.— Ho- ^ , , raUi32.— Physique. 139. — Hjgiéni- 1"^'-^/%. ,r que, 140. -Th^rapeuUque, /£• - ^o. (Saint-;, II. 452. Éoipyrique. 145. 7 Tbavspibatios. Influeneede sa sup» pression sur la production de la lolie, Zoartropxi , 52x. FIN DE LA TABLB ATrALTTIQUK. DES MALADIES MENTALES. PREMIÈRE PARTIE. MÉMOIRES SUR LA FOLIE ET SES YARIÉTÉS. (1816.) Qae de mëditatioos pour le philosophe qui , se dé^ robaot au tumulte du monde, parcourt uoe maison d'à* liëoés! Il j retrouve les mêmes idëes, les mêmes erreurs, les mêmes passions, les mêmes infortunes : c'est le môme monde; mais dans une semblable maison, les traita sont plus forts, les nuances plus marquées , les couleurs plus vives , les effets plus heurtés , parce que l'homme s'y montre dans toute sa nudité, parce qu'il ne dissimule pas sa pensée, parce qu'il ne cache pas ses défauts, parce qu'il ne prête point à ses passions le charme qui séduit, ni à ses vices les apparences qui trompent» Chaque maison de fous a ses dieux, ses pd[|pK8, ses fidèles, ses fanatiques : elle a ses empereurs, ses rois, aes ministres, ses courtisafis, ses riches, ses généraux, I. f 3 DE tA. FOLIE. s«s ftoldaUy et un peuple qui obéit. L'un se croit in$piré de Dieu el en oommunicalion avec TEsprît c^este ; il est chargé de convertir la terre, tandis que Tautre, pos- sédé du démon , livré à tous les tourmens de Tenfer, gémit, se désespère, maudit le ciel, la terre et sa propre existence. L'un , audacieux et téméraire , commande à l'univers et fait la guerre aux quatre parties du monde , qu'il a soumises à ses lois, ou qu'il a délivrées des chaînes du despotisme. L'autre, 6er du nom qu'il s'est donné, dédaigne ses compagnons d'infortune , vit seul , à l'é* cart , et conserve un sérieux aussi triste qu'il est vain. Celui-ci , dans son ridicule orgueil , croit posséder la science de Newton , Téloquence de Bossuet , et exige qu on applaudisse aux productions de son génie , qu'il débite avec une prétention et une assurance comiques. Celui-là ne bouge point, ne fait pas le moindre mou- vement ; toujours à la même place , dans la même posi- tion , il ne profère pas un mot ; on le prendrait pour une statue ; il vit tout en dedans , son inaction le tue. Desséché par les remords , son voisin traîne les feibles restes d'une vie qui se soutient à peine , se (ait les plus sanglans reproches; il se maudit lui-même , il invoque la mort, comme le terme àax maux qui le dé- chirent Près de lui , cet homme qui nous: paraît heu- reux et jouissant de toute sa raison , calcule l'instant de sa dernière heure avec un sang-froid épouvantable ; il prépare avec .calme et même avec joie les moyens de cesser jdhfirivre. Ce malheureux , jour et nuit, a l'œil et l'oreille aux aguets : l'obscurité ^ la lumière , le silence , le bruit , le mouvement, le repos , tout l'épouvante, le Dr LA FOLIK. 3 terrifie ; il a peur de lui-même. Que do terreiu's imagi- naires dévorent les jours et les nuits de ce lypé maniaque! Eloignons -nous y tout fait sur celui-ci uuc impression douloureuse qui l'inquiète, Tagite, l'exaspère, le rend furieux, il se croit trahi, persécute, déshonoré; le be- soin de soupçonner et de haïr lui fait voir des ennemis partout : dans sa vengeance effrénée, il n'épargne per- sonne. Celui-là, jouet de l'égarement de sa sensibilité et de l'exaltation de son imagination qui Tirritent, est dans un état habituel de colère, il brise^ détruit, casse, déchire tout ce qui tombe sous sa main ; il crie, menace, frappe, alléguant toujours un motif pour justiGer Té- pouvantable désordre de ses actions. Celui que vous voyez renfermé est un fanatique qui vocifère, blas- phème, et condamne aux feux 'de Tenfer; il prétend con- vertir les horonies : c'est par le baptême de sang qu'il ^ veut les purifier , déjà il a sacrifié deux de ses enfans. Cet insensé, dans l'explosion bruyante de son délire, est d'une pétulance incoercible ; il semble prêt à com- mettre les plus grands désordres, mais il ne nuit à per- sonne. A voir l'activité empressée de celui-ci, vous croi- riez que quelque grand intérêt l'anime, que sa destinée dépend de ses démarches ; dans l'irrégularité de ses mouvemens , il choque , il heurte tout ce qui l'entoure , il renverse tout ce qu'il rencontre ; il vous poursuit et TOUS obsède de son babil intarissable, et malgré ce tor- rent de paroles , âl ne dit rien , il ne pense à rien. Cet autre, transporté d'aise, passe sa vie à se réjouir, il rit sans cesse aux éclats; cependant qui peut exciter sa joie, que peut-il espérer ? Il n^a aucun souvenir do la veille, s. 4 DF LA FOLIE. aucun closir pour le lendemain. Ainsi , dans une maison de fous, se fout en même temps entendre les cris de la joie mêlés à ceux de la douleur, Texprcssion de Talié- gresse à côté des gémissemens et du désespoir; on voit le contentement des uns et les larmes des autres. f Dans une maison de fous, les liens sociaux sont bri- j ^ ' ^ ^ ses: les habitudes sont changées , les amitiés cessent , la confiance est détruite: on agit sans bienséance, on nuit sans haïr, on obéit par crainte; chacun a ses idées, ses affections, son langage; n'ayant aucune communauté de pensées, chacun vit seul et pour soi; Tégoïsme isole , tout. Le langage est outré, faux, désordonné , comme les pensées et les passions qu'il exprime. Un pareil asile ' n'est pas exempt de crime : on dénonce, on calomnie, j on conspire , on se livre au plus stupide libertinage , on l • viole, on vole, on assassine; le fils maudit son père, la mère égorge ses enfans. Si nous pénétrons plus loin , nous voyons Thomme , desceudu du haut rang qui le place à la tête de la créa- tion, dépouillé de ses privilèges, privé de son plus noble caractère, réduit à la condition des plus stupides et des plus viles créatures. Il ne pense pas ; non-seulement il n'a pas d'idées, ni de passions; il n'a même pas les dé- terminations de Finstinct. Ne pouvant pourvoir à sa subsistance, il n'est pas capable d'approcher de ses lèvres lesalimcns que la tendresse ou la bienfaisance lui V présentent; il se roule sur son propre fumier; il reste exposé à toutes les influences extérieures et destructives; rarement il reconnaît son semblable, il n'a plus le sen- timent de sa propre existence. DE LA FOLIE. 5 Dans cet amas d'ennemis qui ne savent que s*ëviter ou se nuire y que d'application, que de dévoûment , que de zèle ne faut-il pas pour démêler la cause et le prin- cipe de tant de désordres; pour ramener à la raison ces intelligences tant bouleversées , pour conjurer tant de passions diverses, pour concilier tant d'intérêts opposés, enGn, pour rendre l'homme à lui^ême! Il faut cor- riger et redresser l'un, animer et soutenir l'autre, frap- per l'esprit de celui-ci , aller jusqu'au cœur de celui-là : l'un veut êti*e conduit par la crainte, l'autre par la dou- ceur, tous par l'espérance; et cependant celui qui se dévoue ainsi, ne peut se promettre que le bien qu'il fait. Que peut espérer un médecin qui a toujours tort quand il ne réussit pas, qui a rarement raison quand il a du succès, et qui est poursuivi par les préjugés, même dans le bien qu'il a obtenu ? Pour nous reconnaître dans ce chaos des misères humaines, nous ramènerons à quatre cliers principaux ce que nous avons à dire sur la folie : i "" nous analyse- rons les symptômes qui caractérisent celte maladie; a* nous rechercherons ses causes; S"" nous tracerons sa marche et signalerons ses diverses terminaisons; 4'' ^n- fin, nous poserons les principes généraux de sou trai- tement, § I**. Syjnptômea dé ia folie. La folie, l'aliénation mentale est une affection céré- brale ordinairement chronique, sans fièvre, caractérisée par des désordres de la sensibilité , de l'intelligence, de la volonté. 6 m- L.V FOLIE. Je dis ordinairement^ pArce que la folie est quelques- fois d*une courte durce^ parce que, au début et dans le cours de cette maladie, il se manifeste dc^ symptômes fébriles. Cliez les fous, la sensibilité est exaltée ou pervertie, leurs sensations ne sont plus en rapport ni avec les im- pressions extérieures, ni avec les impressions internes; . ces malades paraissent être le jouet des erreurs de leurs sens, de leurs illusions. Beaucoup d'aliénés ne lisent point, parce que les lettres leur paraissent chevaucher les unes sur les autres^ en sorte quMls ne peuvent les coordonner pour former des syllabes et des mots. Mille iilusions'de la vue produisent et entretiennent leur dé- lire; ils ne reconnaissent ni leurs parens ni leurs amis et les prennent pour des étrangers ou des ennemis; ils ne sont pas plus sûrs dans l'appréciation des qualités et propriétés des objets environnans ; plusieurs se croient au milieu de leurs habitations ordinaires, lors même qu'ils en sont très éloignés « et réciproquement, etc. Un officier de génie, d'une constitution forte, âgé de quarante-six ans, éprouve quelques contrariétés dans le service; il se livre à des actes d'impatience, est mandé à Paris, n'est pas reçu comme il l'espérait; son imagi- nation s'exalte; après quelques jours, il sort de chez lui vers onze heures du soir; il traverse la place Louis XV, n*y trouve pas la colonne élevée place Vendôme; aussitôt il se persuade que des insurgés ont renversé cette colonne, et menacent le gouvernement; il s'établit sur le pont Ix>iiis XVI pour en défendre le passage aux prétendus insurgés, il arrête tout rc qui veut passer, la garde sur- DE LA rbLIE. ^ vient, il se bat en désespéré contre ces ennenHis de' l'état y il est blessé et ne se rend qu'au nombre. Une dame, âgée de vingt-sept ans, arrivée au dernier degré de la phthisie , est frappée par Todeur du char- bon. Elle croit qu'on veut l'asphyxier ; elle accuse le propriétaire , court le dénoncer à ses amis ; cette odeur la suit partout; partout elle sent la vapeur du char- bon. Elle quitte son logement, déménage plusieurs foi3 en un mois; la maladie principale fait des progrès, et la malade succombe , tourmentée jusqu'à la fin par son hallucination. ^ Très souvent les fous repoussent avec horreur, et refusent avec obstination les alimens, après les avoir flairés pendant long-temps. Souvent , au début de la fo- lie, le goût est perverti; les aliénés rejettent toute sorte de nourriture; ce symptôme, alarmant pour ceux qui n'ont pas l'habitude de ces malades, se dissipe en même temps que l'embarras, l'irritation gastriques. Un étu- diant déjeune avec un de ses amis , se grise, devient furieux , et reste convaincu qu'on a mêlé des drogues dans son vin. (Yoyez Illusions.) Combien d'aliénés qui se trompent sur le volume, la forme, la pesanteur des corps qu'ils touchent! La plu- part deviennent inhabiles aux travaux des mains, aux arts mécaniques, à la musique^ à Técritiire; ils sont très maladroits, et le toucher a perdu la singulière propriété de rectifier les erreurs des autres sens. Ces erreurs des sensations paraissent n'affecter qu'un sens, souvent deux, plus rarement trois, quelquefois qiuitre, et même tous. Lorsque l'aliénation mentale se 8* DE LA ÈOÙii déclare, et quelquefois long-temps avant, l'odorat et le goût sont altérés; mais les erreurs de Touîe et de la vue caractérisent et entretiennent plus généralement le dé- lire de la plupart des aliénés. ^ Il est des fous qui entendent des voix parlant très distinctement, et avec lesquelles ils ont des conversations suivies. Ces voix viennent des nuages, des arbres, elles pénètrent à travers les murs^ les pavés, elles suivent et fatiguent ceux qui les entendent le jour et la nuit^ à la promenade, dans la société, au milieu de beaucoup de monde, comme dans la retraite : elles prennent Taccent et le ton de la voix d'un parent, d'un ami, d'un voi- sin, d'un ennemi; elles tiennent des propos qui sont gais, erotiques^ menaçans, injurieux; elles conseillent des actions contraires à l'honneiir, à l'intérêt, à la con- servation des malades. Un monsieur ^ après une grande catastrophe ^ se croit accusé, se coupe la gorge et passe plus de deux ans entendant des voix qui l'accusent , le menacent (Voyez page i6i,t. i). Madame**^ croit que des hommes entrent dans sa chambre pendant la nuit; poussée à bout, parce qu'on lui démontre que cela est impossible : ils passent par la serrure^ répond-elle. Un lypémaniaque parle seul, et comme s'il eût entretenu une conversation avec une autre personne, je lui fais quel- ques observations sur l'erreur oii il est; je lui répète qu'il peut s'assurer que personne n'est auprès de lui pour l'écouter et lui répondre : au milieu de notre dis- * Voycc Hftiittdtmtùms f p. tSg. UlusiimSf p.'90«. Dfi LA tOUEs Q cussion , il me dit : PensezHfous quelquefois ? Sans'*' doute. Vous pensez tout bas : Eh bien moi , je réfléchis y je pense à haute voix. Si la folie est caractërisée, et entretenue par des er« reurs de sensations^ par des illusions et des hallucina* tions, elle l'est aussi par la multiplicité des sensations, par Tabondance des idées, la versatilité des afTectionSi qui se produisent pêle-mêle, sans ordre j sans but^ sans fixité. Cette exubérance de pensées ne permet pas à Taliéné d'arrêter son attention assez long-temps sur chaque sensation , sur chaque idée^ pour séparer les idées qui n'ont point de rapport entre elles, pour écarter les idées surabondantes; il ne peut pliis saisir les qua- lités^ les rapports des choses, ni comparer, ni abstraire. Il résulte de cette disposition un délire fugace, dont l'objet est sans cesse renouvelé , qui prend toute sorte de formes ; le langage^ les actions participent de cette mobilité, de cette versatilité, et donne quelquefois un ca- ractère très élevé et même sublime à la pensée. Tandis, qu'en d'autres circonstances, l'attention s'exerce avec tant d'énergie, qu'elle est exclusive sur un seul objet : constamment attachée à cet objet, rien ne peut l'en distraire; tous les raisonnemens , toutes les détermina- lions dérivent de cette idée fixe. La monomanie offre mille exemples de ce délire. La faculté qu'a notre esprit d'associer nos sensations et nos idées , de les coordonner entre elles, de les com- biner avec nos déterminations, offre des altérations très remarquables chez les fous. La plus légère impression , la plus' faible consonnance provoquent les associations 10 DB LA VOUE* les plus étranges. La ville de Die est dominée par un rocher qu'on nomme le t; ; un jeune homme s'avise d'a- jouter la lettre v au mot die y en fait le mot dieu, et tous les habitans de Die sont dieux pour lui. Bientôt il reconnaît l'absurdité de ce poly théisme , et il concentre alors la divinité dans la personne de «on père, comme étant l'individu le plus respectable de cette contrée. Son père y quoique à deux cents lieues y agit en lui, et lui- même n'agit que par son père, etc. Un général s'agite, pousse des cris, prend le ton du commandement, dès qu'il entend le tambour ou le canon. Souvent le délire se lie tellement à la cause qui l'a excité 3 à la situatigo intellectuelle e|t morale du malade au moment où la fo- lie a éclaté, que cette association vicieuse persiste pen- dant toute la maladie , la caractérise , et devient le seul obstacle à la guérison. Un militaire émigré, âgé de trente-cinq ans , rentre en France , est arrêté , mis en prison et perd la tête : rendu à la liberté, il se voit par- tout entouré par des espions et des agens de la police. Un jeune artiste^ admirateur passionné de JeanJacques Rousseau, n'obtient pas le grand prix de sculpture, qu'il croyait avoir mérité; il exhale son désespoir; il voue une haine éternelle aux hommes; il ne veut plus vivre qu'à la manière des brutes ; il marche à quatre pattes; si on le met sur un lit, il se roule à terre; si on l'y fixe, il a des convulsions; il ne veut manger que de l'herbe , ou des fruits crus qu'il ramasse par terre ; si on les lui sert^ il les rejette. Cet état persiste pendant plus de deux mois , après lesquels le malade reste dans la démencei pour laquelle il avait une forte prédisposition, «jant plusieurs fibres et sœurs atteints de la même maladie. Chez d'autres aliénés, les organes affaiblis ne perçoi- vent que faiblemenl les sensations; les impressions ne sont pas assez senties; la mémoire ne les retient pas et est inBdèle; ces malades ne se souviennent que des choses passées depuis long- temps : mal servis par les sen- sations et par la mémoire , ils ne peuvent saisir aucun rapport; ils ne peuvent plus arrêter leur attention, n'é- tant pas avertis par l'impression des objets extérieurs; leurs déterminations sont incertaines; ils semblent n'agir que par réminiscence. La mémoire présente aussi de grandes anomalies chez les aliénés, soit que les idées aient besoin d'une sensation actuelle pour se réveiller , soit qu'il faille un effort continuel pour les rappeler : ce n'est pas que la mémoire manque à ces malades, mais la faculté de diriger et de fixer leur attention étant léséi^i la mémoire le« sert mal. Dans quelques cas d'aliénation mentale, l'homme, soustrait en quelque sorte à l'empire de la volonté, ne. semble plus être le maître de ses déterminations. Les liliénés dominés par leurs idées, par des impressions,, sont entraînés à des actes qu'eux-mêmes réprouvent. Les uns se Condamnent au repos ^ au silence, à l'inac- tion, ne peuvent vaincre la puissance qui enchaîne leur activité : les autres marchent, chantent, dansent, écrivent , sans pouvoir s'en abstenir; on en a vu s'é- chapper de chez leurs parens, sans autre motif que le besoin de marcher, courir pendant plusieurs jours, et ne s'arrêter qu'à peipe pour prendre . quelque nourri- la DE LA. FOLIE. ture : quelques autres se livrent à des actes de fureur dont ils gémissent. Ces impulsions, ces directions irré- sistibles , ces déterminations automatiques, comme les appellent les auteura, semblent être indépendantes de la volonté; cependant elles tiennent le plus souvent à des motifs dont Taliénc et ceux qui Tobservent peu- vent jusqu'à un certain point se rendre compte. ^ Les aliénés sont, comme dit Locke, semblables à ceux qui posent de faux principes d'après lesquels ils raisonnent très juste, quoique les conséquences en soient erronées. Un receveur de département, après un travail long et difficile sur les finances , est frappe de manie; l'accès se termine par la mélancolie compliquée de démence et de paralysie. Il refuse, pendant quelques jours, de boire à ses repas : on insiste, il s'emporte : comment j coquin ^ tu veux que f opale mon frère! Ré- fléchissant sur cette brusquerie, je m'aperçois que le malade voit son image dans la bouteille posée sur sa table: je la déplace, et dès-lors il boit sans difficulté. Un vigneron tue ses enfans , dit Pinel ; mais il les tue pour qu'ils nd soient pas damnés. Une femme, âgée de quarante ans, tombée dans la plus profonde misère, se jette dans la rivière; elle m'a assuré que , pendant vingt-quatre heures, se promenant sur les bords de l'eau, elle avait souffert horriblement, et qu'elle ne s'é- tait déterminée au suicide que pour prévenir les an- goisses de la plus profonde misère. Les affections morales provoquent la folie ; les symp- ' Togiei Umam^nk kdmiéd€^ pige i H lohf.» tai^ IL BR LA. FOUE. l3 tomes qui caraclërisent cette maladie lui iroprîmcnt souvent tous les traits des passions. Les déterminations que les passions produisent ne sont point en rapport avec la manière dont le malade était affecté autrefois y' ni avec ce qu'on observe chez les autres individus. Un fou est colère, il est jaloux , il tue ; un fou est impa- tient d'être retenu; s'il ne peut s'évader, il se précipite ou Qiet le feu à la maison. Parmi les aliénés , les uns sont frappés de terreur, croient être ruinés, tremblent d'être victimes de quelque conspiration , redoutent la mort : les autres se croient heureux , sont très gais, ne songent qu'au bien dont ils jouissent et aux bienfaits qu'ils peuvent répandre; ils sont persuadés qu'on les a élevés aux plus grandes dignités; que tout le monde leur doit des hommages ; qu'ils habitent une région su- périeure où ils doivent vivre éternellement enivrés de délices , etc. : témoin le fou d'Athènes , qui croyait que tous les vaisseaux qui entraient dans le Pyrée lui ap- partenaient.. Un jeune chimiste, âgé de vingt-sept ans, d'une con« stitution forte, travaille nuit et jour à des rechercl^es chimiques : il s'excite de toutes les manières, en même temps il est amoureux; il se précipite d'un quatrième étage, se casse le péroné : reporté dans son lit, le délire est toujours fougueux ; le malade distribue des millions, et assure que tout le monde sera heureux : après trois mois, il guérit. La première phrase qu'il écrit a ses parens est ainsi conçue : je sens qu'il faut renoncera mes illusions ^Jamais je ne serai aussi heU" reux que pendant les trois mois qui viennent de s'é* l4 DE LA. FOlilË. couler. Cet état heureux de quelques aliénés a été la~ cause de beaucoup d'erreurs sur ces malades. Pour quelques-uns qu'on a vus ainsi , on a conclu que les fous étaient tous heureux , qu'ils ne souffraient point , tandis que, généralement, les aliénés souffrent autant au physique qu'au moral. Les passions des fous sont impétueuses, surtout dans la manie et la monomanie; elles sont tristes dans la lypémanie, dans la démence et l'imbécillité, il n'y a d'autres passions que celles qui naissent des premiers besoiB$ de l'homme : Famour , la colère , la jalousie. Celui qui a dit que la fureur est un accès de colère prolongé, aurait pu dire que l'érotomanie est l'amour porté à l'excès; que la Ij^manie religieuse est le zèle ou la crainte de la religion poussés au-delà dés bornes ; que le suicide est un accès du désespoir , etc. Ainsi, de la situation la plus calme, on s'élève, par des nuances insensibles, à la passion la plus violente, jusqu'à la ma- nie la plus furieuse ou à la mélancolie la plus profonde; e&r presque toutes les folies ont leur type primitif dans quelques passions. Les aUénés se livrent €{uelquefois aux actions les' plus honteuses. Il en est d'une probité sévère, de mœurs irréprochables, appartenant même aux clas- ses les plus élevées de ki société, et qui, pendant Pac- cèsde folie, tiennent des propos obscènes, se livrent* à des gestes indécens , absolument démentis par leur conduite passée : enfin, il en est qui volent. M***, âgé de quarante ans, après les orages de la révo- lution, neutre en France, et y retrouve une exis- DB LA FOUS. l5 teace honorable. Deux ^ns après, il a des absenees de mémoire; ses amis s'aperçoivent que son carae^ 1^ change; enfin, lorsqu'il dîne ches qudqu'ufi d'eux, il emporte avec lui quelque pièce d'argente» rie. Arrivé à Paris, il se rend au café de Foy, se (ait servir une tasse de chocolat, déjeune, et sort sans payer, emportant dans son gilet une cuiller et une soucoupe. U est inutile de rapporter ici les excès auxquels se livrent les hystériques et les nym* phomanes. Les fous deviennent d'une pusillanimité biaot re-» marqnable : ils se laissent fiEMnlement intimider; ib sont craintifii , défians , soupçonneux : c'est œ qui fait qu'ils ne se trouvent bien nulle part; qu'ils veulent è(re partout où ils ne sont pas; qu'ils se défiait, se détfr» chent de leurs parens, de leurs amis. Ce caractère défiant se retrouve chex les peuples dont l'intelligence est peu développée. Ln gommes les moins joupçon^ neux.^Jea,.plus oonfians , sont, sans contredit_, ceux j qui cultivent leur intelligence^ tant il est vrai que la ; fi>roe morale est en rapport avec le plus grand dé» '■ veloppement des facultés intellectuelles : et cepen^ dant , malgré cette défiance , les aliénés sont d'une imprévoyance qui ne peut être comparée qu'à celle des sauvages. Ils sont sans souci pour l'instant qui va suivre, mais d'une inquiétude extrême pour le présent* Cette imprévoyance les expose aux privations de tou( genre, si on ne les surveille, si on ne les soigne atten- tivement. Les aliénés pnennnni en aversîoa les péfisoanes ifga l6 DE LA FOUE. leur sont chères; ils les injurient , les^ maltraitent, les fuient; c'est une suite de leur déBance, de leurs soup- çons, de leurs craintes : prévenus contre tout^ ils crai* gnent tout. Quelques-uns semblent &ire exception à cette loi générale y et conservent une sorte d'affection pour leurs parens et pour leurs amis } mais cette ten- dresse, qui est quelquefois excessive, existe sans con- fiance , sans abandon pour les personnes qui , avant la maladie, dirigeaient les idées , les actions des malades. Ce mélancolique adore son épouse, mais il est sourd à ses avis, à ses prières; ce fils immolerait sa vie pour son père , mais il ne fera rien par déférence pour ses conseils, dès qu'ils auront son délire pour objet. Cette aliénation morale est si constante , qu'elle me parait un caractère essentiel de l'aliénation mentale, il est des aliénés dont le délire est à peine sensible ; il n'en est point dont les passions, les affections morales ne soient désordonnées, perverties ou anéantis. Le re- tour aux affections morales dans leurs justes bornes; le désir de revoir ses en fans, ses amis; les larmes de la sen- sibilité; le besoin d'épancher son cœur, de se retrouver au milieu de sa iamille, de reprendre ses habitudes, sont des signes certains de guérison, tandis que le contraire avait été un signe de folie prochaine ou l'indice d'une récidive imminente; la diminution du délire n'est un signe certain d^guérison que lorsque les aliénés revien- nent à leurs premières affections. Terminons ce long résumé des symptômes intelleo« tuels et moraux de la folie, passons aux principales aU téyations |^]rsi<|ues que présentent les aliénés* DE LA FOLIE. ly Les forces vitales acquièrent, chez ces malades, une exaltation qtii leur permet de résister aux induenceg les plus capables d'altérer la santé; mais cette exaltation n'est pas aussi générale qu'on le croit communément ; les exemples en sont rares, quoique répétés partout. Quel- ques aliénés éprouvent une chaleur interne qui les dé- vore, qui les porte à se précipiter dans l'eau et même dans la glace, ou à refuser tout vêtement dans les temps les plus froids. Chez d'autres , les forces muscu- laires acquièrent une énergie d'autant plus redouta- ble , que la force est jointe à l'audace et que le délire lenr fait méconnaître le danger. On a vu des fous passer plusieurs jours sans manger ni boire, et conserver tpute leur énergie musculaire. Je le répète, ces exemples sont rar«B. Presque tous les aliénés s'empressent autour du feu lorsqu'ils en trouvent l'occasion ; presque tous mangent beaucoup et très fréquemment. Le scorbut n'affecte tant d'aliénés dans tous les hospices, que parce que les habitations sont humides , froides , mal aérées, et parce que ces malades vivent dans l'oisiveté et l'inaction; les épidémies, les contagi9ns ne les épar- gnent pas , ce qui prouve que les fous ne sont pas aussi impassibles aux influences extérieures qu'on l'a prétendu, j Les fous ont les traits de la face convulsifs , leur phy- sionomie porte l'empreinte de la douleur : quelle dif- férence entre les traits mobiles d'un nyniaque ! quelle différence entre la physionomie fixe et tirée d'un mé- lancolique! quelle différence entre les traits relâchés et le regard éteint d'un individu en démence avec ceux de ces mêmes individus lorsqu'ils sont guéris ! Parmi les I. id DE LA FOLIE. aliénés', les ans sont pléthoriques, les autres lymphati- ques, les uns sont forts, les autKi faibles; le pouls est plein, développé, dur chez ceux-là; il est lent, mou, concentré chez ceux-ci; tourmentés par la faim et la soif, ils sont plus agités ou plus mélancoliques après les repas; ils ont des rapports acides, nîdoreux; quel- ques-uns ont des langueurs d^estomac qui les portent à boire du vin, des liqueurs; d'autres ont des douleurs abdominales , des ardeurs d^cntrailles. Les maniaques et les monomaniaques, les lypémaniaques ne donnent pas, Tinsomnie dure plusieurs mois; s'ils dorment, ils ont le cauchemar, des rêves affreux, ils sont éveillés en sur* saut; les imbécillesel ceux qui sont en démence veulent toujours dormir. Il en est qui sont tourmentés par une constipation qui persiste pendant huit, treize, vingl-tl-un jours; ils en est dont l'urine est retenue pendant vingt- quatre, soixante, cent vingt heures. Chez d'autres, les déjections alvines, Turine coulent involontairement. Toutes les excrétions acquièrent une odeur pénétrante, dont se chargent les vétemens, les meubles, et que rien ne peut détruire. Plusieurs aliénés ont des céphalalgies atroces qui les portent à se frapper la tête ; des douleurs à la poitrine, dans l'abdomen, aux membres, qu'ils attri»^ buent souvent à leurs ennemis , ou au diable, ou à do mauvais traitemens. EnSn ils sont sujets aux affections cutanées, auxpkties, aux hémorrhoides, aux convul- sions , aux maladies organiques, etc« De tout ce qui précède nous concluons que, chez les fous, les propriétés vitales sont altérées, que la sensibi- lité physique et morale, h facultéde sentir, de comparer, DB LA. FOLIE. IQ d'associer les îd^ ; que la volonté et la mémoire ; que les afTectioas luoraj^s^ que les fonctions de la vie orga- nique sont plus pu moins lésées. Comme je me suis in- lerdittouteexplication, je pourrais me contenter dédire : voilà k^ faits. Cependant j'ajouterai quelques courtes observations qui aideront peut-être à répandre quelque lumière sur le délire. Un jeune homme voit autour de lui toutes les personnes de la cour^ il se prosterne aux pieds de celui qu'il croit être le souverain , il refuse les soins qu'on lui donne ne devant pas être servi par d'aussi grands persosnages; il devient furieux lorsque les do- mestiques se fÎEimiliarisent avec le souverain de sa créa- tion. Je lui fais bander les yeux pendant deux jours, et son déUre cesse; mais le bandeau étant retiré ^ le délire r6paraît. Reih rapporte qu'une dame voyant des spectres, de^^ monstres, tombait daus un délire convul- sif; que sa femme de chambre pour la maintenir posa sa main sur les yeux de la malade; celle-ci aussitôt s'écria : fê suis guérie. Cette expérience fut renouvelée avec le même succès devant le médecin. Les aliénés, lorsqu'ils sont guéris^ conservent le sou- venir le plus parfait de leurs sensations vraies ou fausses; ilsse rappellent trè^bien leurs raisonnemens et les déter- minations qui en ont été la auile^ et même la mémoire de tous les plus petits détails acquiert d'autant plus de force qu'ils avancent davantage vers le complément de la santé; donc, pendant le délire^ ils avaient la connais-^ sance et là faculté de raisonner* 1. 20 DE LA FOUF. Quant aux lésions de Fentendement , elles peuvent être ramenées à celle de l'attention : Jean-Jacques a dit : rétat de réflexion est un état contre nature^ V homme qui médite est un animal dépravé. Au lieu de cette boutade misanlropique, Rousseau aurait dû dire que tout raisonnement suppose un effort j que nous ne sommes raisonnables, c'est-à-dire, que nos idées ne sont conformes aux objets , nos comparaisons exactes, nos raisonnemens justes que par une suite d'efforts de l'attention, qui suppose à son tour un état actif de l'or- gane de la manifestation de la pensée ; de même qu'il faut un efTort musculaire pour produire le mouvement, quoique le mouvement ne soit pas plus dans le muscle que la pensée n'est dans le cerveau. Si nous réfléchis- sons à ce qui se passe chez Fhomme le plus raisonnable^ seulement pendant un jour, quelle incohérence dans ses idées, dans ses déterminations depuis qu'il s'éveille jusqu'à ce qu'il se livre au sommeil du soir ! Ses sensations , ses idées, ses déterminations n'ont quelque liaison entre elles que lorsqu'il arrête son attention ; alors seulement il rai- sonne : l'aliéné ne jouit plus de la faculté de fixer, de diriger son attention ; cette privation est la cause pri- mitive de toutes ses erreurs. C'est ce qu'on observe chez lesenfans qui, très impressionnables^ ont néanmoins peu de sensations, faute d'attention; c'est ce qui arrive aux vieillards , parce que leur attention n'est plus sollicitée par les objets extérieurs à cause de raffaiblissement des organes. Les impressions sont si fugitives et si nom- breuses, les idées sont si abondantes , que le maniaque ne peut fixer assez son attention sur chaque objet , sur DE LA FOLIE. 121 chaque idée; chez le monomaniaque Fattention est tellement concentrée qu'elle ne se porte plus sur les objets environnanSi sur les idées accessoires j ces fous sentent et ne pensent pas; tandis que chez ceux qui sont en démence, les organes sont trop affaiblis pour soutenir l'attention, il n'y a plus de sensations ni d'en- tendement. L'attention de tous les aliénés est si essen- tiellement lésée par l'une de ces trois causes que, si une sensation forte, agréable, pénible ou inattendue, fixe l'attention du maniaque, ou détourne l'attentiou du mo nomaniaque; si une violente commotion réveille l'at* tention de celui qui est en démence, aussitôt l'aliéné devient raisonnable , et ce retour à la raison dure aussi long-temps que l'effet de la sensation, c'est-à-dire pen* dant que le malade reste le maître de diriger et de soutenir son attention. Lesimbécilles, les idiots sont privés de cette faculté; ce qui les rend incapables d'éducation. J'ai très souvent répété cette observation chez eux. Ayant moulé en plâ- tre un grand nombre d'aliénés, j'ai pu faire poser les ma- niaques, même furieux, et les mélancoliques; mais je n'ai pu obtenir des imbécilles qu'ils tinssent les yeux as- sez long-temps fermés pour couler le plâtre, quelque bonne volonté qu'ils apportassent à cette opération. J'en ai vu même pleurer de ce que le moulage de leur tête n'avait pas réussi, et entreprendre plusieurs fois, mais vainement, de conserver la pose qu'on leur donnait, et ne pouvoir fermer leurs yeux plus d'une minute ou deux. L'étude pathologique des facultés de l'âme condui- rait-elle aux mêmes résultats que ceux auxquels M. La- a a DE LA FOUE. roiniguière s^est élevé , dans ses éloqueutes leçons de philosophie ? Des faits nombreux justifieront cette don* née psychologique sur laquelle repose un principe fé- cond de thérapeutique des maladies mentales. Après avoir réduit, en quelque sorte, le délire à ses premiers élémens, après les avoir isoles, nous n'avons plus, pour obtenir les formes générales de la folie, qu'à réunir ces élcmens. Or, ces formes générales se ré- sumcul dans les termes suivans, et caractérisent cinq genres : 1° Lypémanie (mélancolie des anciens) délire sur un objet ou un petit nombre d'objets avec prédominance d'une passion triste et dépressive. 2'' Monomanie , dans laquelle le délire est borné à un seul objet ou à un petit nombre d'objets avec excitation et prédominance d'une passion gaie et expansive. 3** La manie, dans laquelle le délire s'étend sur toutes sortes d'objets et s'accompagne d'excitation. 4** La démence, dans laquelle les insensés dérai- sonnent, parce que les organes de la pensée ont perdu leur énergie et la force nécessaire pour remplir leurs fonctions. 5° L'imbécillité ou l'idiotie ^, dans laquelle les orga- nes n'ont jamais été assez bien conformés pour que ceux qui en sont atteints puissent raisonner juste. Ces formes, assez bien rendues dans les gravures jointes aux mémoires où il est traité des genres et variétés de * Au mot idiotisme qui a uue double 8cceplioD,j*ai subsliiué celui d'itUatiey qui» UMintenant» «t d*iio usage preiqiiegéiiéniL DE LA FOLLE. %'i la folie^ont servi de base à la classification de Pinel, elles expriment le caraclère générique de Taliénation men- tale ; ces formes étant communes à beaucoup d'affec- tions mentales d'origine, de nature, de traitement, de terminaison bien diiTérens^ ne peuvent caractériser les espèces et les variétés qui se reproduisent avec des nuances infinies. L'aliénation peut affecter successive* ment et alternativement toutes ces formes; la mono** manie^ ia manie, la démence s'alternent, se remplacent^ se compliquent dans le cours d'une même maladie, chez un seul individu. C'est même ce qui a engagé quelques médecins à rejeter toute distinction 9 et à n'admettre, dans la folie, qu'une seule et même maladie, qui se masque sous des formes variées. Je ne partage pas une semblable manière de voir, et je regarde les genres dont je viens de parler comme trop distincts , pour pouvoir jamais être confondus. Nous aurions voulu établir le rapport de nombre qui existe entre les divers genres de folie. Quelques au* teurs croient que la mélancolie est plus fréquente que les autres formes de délire. Pinel semblait être de cette opi- nion; cependant, dans la seconde édition de son Traité de la manie, il indique six cent quatre maniaques, tl seulement deux cent dix mélancoliques ou monomania^ ques. Pour comparer les relevés qui ont été faits en di-* vers lieux et par divers auteurs, il faudrait que chacun eût donné, la même acception aux mots démence , idio^ tismej manie j mélancolie : c'est ce qui n'est pas. En pré'* cisant l'acception de ces dénominations, je crois que la monoBianie est plus fréquente que la maaie. La dé^ !l4 BE LA FOLIE. mence et l'idiotie sont plus rares, surtout l'idiotie^ cette dernière est endémique dans quelques pays de mon- tagnes. § IL Causes de la folie. Les causes de Faliënation mentale sont aussi nom- I breuses que variées; elles sont générales ou particu* l lièresy physiques ou morales, primitives ou sccon- l dairesy prédisposantes ou excitantes. Non-seulement les climats, les saisons , les âges, les sexes, les tempéra- mens, les professions , la manière de vivre, influent sur la fréquence , le caractère , la durée, les crises^ le trai- tement de la folie; mais cette maladie est encore modi- fiée par les lois, la civilisation, les mœurs, la situation politique des peuples; elle Test aussi par des causes pro- chaines d'une influence plus immédiate et plus facile- ment appréciable. * i"" Climats. — Les climats chauds ne sont pas ceux 4{ui produisent le plus de fous, [mais bien les climats tempérés , sujets à de grandes variations atmosphéri- ques, et surtout ceux qui sont d'une température alternativement froide et humide, humide et chaude. On voit moins de fous dans les Indes, dans TAmérique, en Turquie, en Grèce; on en voit davantage dans le nord des climats tempérés. On a trop exagéré l'influence du climat sur la pro- duction de la folie. Montesquieu veut qu^en Angleterre le ciel brumeux soit la principale cause de ce grand nombre de suicides dont parlent les Anglais avec une sorte d'ostentation : nous verrons plus bas qu'il est des DE JJl folie. tkS causes plus puissantes et plus immédiates du grand nombre de fous qu'on observe chez nos voisins. La folie semble être endémique dans quelques contrées : dans les pays marécageux ,1a démence est plus fréquente, Timbécillité s'y multiplie. Le crétinisme est endémique dans les gorges des montagnes. Les montagnards qui descendent dans nos villes sont plus exposés à la nos* ^ talgie que les habitans des plaines. Les causes ne sont pas les mêmes dans un pays de montagnes et sur les bords de la mer , dans un pays agricole et dans un pays qui s'enrichit par le commerce. ^ . « a* Saisons. — AprèsHippocrate, Aretée, Celse assu- rent que l'été, l'automne, produisent la fureur. La plu- part des auteurs répètent que la mélancolie sévit dans l'automne : la démence se déclare en hiver. - Charles YlperdU la tête pour avoirété exposéau soleil, étant à la chasse, ou se disposant à la guerre. Les habi^' tans d'Abdère ne furent-ils pas frappés de folie pour être restés trop long-temps au soleil, en assistant ili^ \ Andromède d'Euripide ? Dodart a vu un jeune hom- me qui perdait toutes ses idées quand il faisait chaud. L'auteur de la Topographie d'Auvergne remarque que les Auvergnats qui vont dans les provinces méridionales deTEspagne, en reviennent mélancoliques ou mania- ques. Plusieurs Français , avant que nos soldats fus- sent acclimatés en Espagne, sont devenus aliénés. L'excès du froid cause les mêmes désordres ; c'est ce ' Voyez dans \ti partie statistique de cet ouvrage, le nombre d'aliénés qui eitttent dans les différentes coi^ées de l'Europe et de rAmérique. -aÔ DE LA FOUE. qu'ont éprouvé nos troupes à la désastreuse retraite de Russie, pendant laquelle plusieurs Français furent frappés de délire frénétique et même de manie. Le docteur Pienitz, médecin de l'hospice des insensés de Pirna, près Dresde, recueillit dans son hospice plusieurs officiers français aUénés. Leur manie était aiguë, et passait promptement à l'état chronique. La chaleur comme le froid agite les aliénés, avee»î;^ cette différence que la continuité de la chaleur aug*^}' mente l'exaltation, tandis que le froid prolongé la «'éprime. Les grandes commotions atmosphériques les exaltent et les exaspèrent; aussi une maison d'aliénés est plus bruyante alors, elle réclame plus de surveillance aux équinoxes. L'influence de certains veots sur les Indiens, les Napolitains, les Espagnols, explique suffi- samment l'influence de certains états atmosphériques . sur les aliénés. Du relevé suivant, fait à la Salpêtrière, pendant neuf 4ins, il résulte : i^ que les admissions dans cet hospice sont plus nombreuses pendant les mois de mai, juin^ juillet, août; n"" que cette proportion décroît de sep- tembre en décembre, pour décroître encore davantage en février et en mars. ^ (0 V. Jtémoire Idstorique et statistique de h maiion royale ée Charenlottf tome K. DE LA. FOLIE. TABLEAU DES SAISONS. H. Janvier. F«rier. Avril. UaL Juin. Juillet. koiL Sepl. Octob. Mot. Dec. iBûT, AHsitS. «,.„ ,.., cSoS i8 .6 i5 a3 33 41 ai i6 '4 .8«o''8>o |3 i3 lî 3d iS 34 19 35 i8 l6 .a>3 |5 98 ÎJ ^9 33 a3 iS<3 a5 13 18,4 ID ■7 au as 4S 35 iS 3o .8 L a] aï al '9 ai i3 36 i8 S7 a6 3i 39 »99 iS 34 î4 .8 3«0 1G3 17Î .87 ■S 3SI .98 19' a3,ij a9> jSS aga 34911 L'influence des saisons s'ctead jusque sur la marche de la folie. II est des individus qui passent Vété dans faf&issemeDt ou l'agitatioa, tandis qu'ils sont peu- daot lliiver dans un état opposé, he délire change de caractère avec les saisons. Une dame , âgée de ving^ aixans, à la suite de la petite-vérole, a un dépôt sous l'aisselte^ce dépôt est ouvert; la plaie se cicatrise; la fo- lie éclate. Après deux ans , la malade est conEée à mes soîos; son mari, à chaque renouvellement de saison, m'annonçait le nouveau caractère qu'ailait prendre le délire de sa femme , et cela se répéta exactement , pen- dant plusieurs annéesi. Les mauies qui éclatent au printemps et en été, ont une marche aiguë; si elles ne guérissent promptemeot^ a8 DE LA FOLIE. elles se jugent dans l'hiver. Les monomanies et les ma- nies d'automne ne se jugent qu'au printemps. Uété est plus favorable à la guërison de la démence. Les guéri- sons qui ont lieu pendant la saison chaude, sont plus rares mais plus durables. Les rechutes sont plus imminentes à l'époque de Tannée qui a vu éclater le premier accès; elles sont plus fréquentes au printemps, en été^ quoiqu'elles aient lieu aussi en hiver. Les rechutes , dans la même si^ son, quoique après plusieurs années d'intervalle, éclatent avec une régularité parfaite dans quelques folies inter- « mittentes. La lune a-t-elle quelque influence sur lef aliénés? Les Allemands , les Italiens croient à cette influence; les An- glais et presque tous les peuples modernes donnent le nom de lunatiques aux fous. Daquin, de Chamberi ^y d'après quelques observations, conclut que la lune influe sur ces malades. Quelques faits isolés, les phénomènes observés dans plusieurs maladies nerveuses, sembleraient justifier cette opinion. Je n'ai pu vérifier si cette influence est réelle, quelque soin que j'aie pris pour m'en assurer. Il est vrai que les aliénés sont plus agités au plein de la lune, de même qu'ils le sont tous à la pointe du jour. Mais, n'est-ce pas la clarté de la lune qui les excite, comme celle du jour les excite tous les matins ? Cette clarté ne produit-elle pas, dans leurs habitations, un effet de lumière qui effraie l'un, qui réjouit l'autre , qui les agite tous ? Je me suis convaincu de ce dernier effet, en faisant clore soigneusement les croisées de > La philosophie de lafc^e ; Chamberi , 1 804 » iii-8. DE LA FOLK. IkQ quelques aliénés qu'on m'avait donnés pour lunatiques. Le docteur Hutchinson n'a jamais aperçu cette influence pendant plusieurs années qu'il est resté à Thôpital de Pensylvanie, en qualité de médecin-apothicaire. Haslam n*a pas été plus heureux à Bedlam de Londres : à l'hos- pice de la Salpêtrière , où les vérités-pratiques sont de- venues, en quelque sorte , populaires parmi les habitans Kit la maison , on n'y soupçonne pas encore l'influence àe la lune. Je peux en dire autant de Bicêtre et de quel- ques maisons particulières de la capitale. Cependant une opinion qui^ traversé les siècles, qui est répandue dans tous les pays^ qui est consacrée par le langage vulgaire, réclame toute l'attention des observateurs*. Aurais - je y dans l'article démonomanie , indiqué la vraie rai- son de cette opinion aussi ancienne que le monde? Plusieurs auteurs assurent que l'aliénation mentale est épidémique. Il est certain qu'il est des années oîi , indé- ' pendamment des causes morales , la folie semble toul-à- coup s'étendre sur un grand nombre d'individus. Quant aux contagions morales, elles sont incontestables, et nous en parlerons plus bas. 3* jiges, — L'enfance est à l'abri de la folie, à moins qu'en naissant l'enfant n'apporte quelque vice de con- formation, ou que des convulsions ne le jettent dans ' MM. Leuret et Mitivié ont examioé si Ja lune influe sur le pouls des aliè- nes, et ils se prononcent pour la négative. Voyez leur ouvrage iotitulé : De la fréquence du pouls chez les aliénés^ etc. Io-8<>^ Paris, zSSa ; avec gravures re- présentant les phases delà lune et le nombre des pulsations comptées jour ]>arjour, pendant un mois d'été et un mois d'hiver, sur des aliénés de la Salpêtrière et d'Ivry. 3o DE L^ FOLIE. nmbëcillité ou l'idiotie. Cependant Joseph Franck trouva, en 1803, à Saint-Luke à Londres, un enfant qui était maniaque depuis l'âge de deux ans. En i8i4f je donnai des soins à un enfant âgé de huit ans, d'une figure agréable, doué de facultés intellectuelles ordinaires, qui fut très effrayé par sa gouvemante lors du siège de Paris. Cet enfant parlait souvent juste; rien ne poo* vait le fixer : il s'échappa plusieurs fois d^auprès de » mère et de sa gouvemante, et s'égara dans Paris. 'Il descendait dans la cour de l'hôtel, pour ordonner qu'on mît les chevaux, prétendant être le maîti^i II assurait avoir gagné une grosse somme à la loterie. Âllait-il chez un marchand , ou passait-il devant un magasin , il se .précipitait sur l'argent que sa mère ou les chalands don* naient en paiement : souvent il injuriait ^ provoquait, frappait les personnes qu'iLrencontrait, surtout celles qui allaient chez sa mère. Il dormait aussitôt qu'il s'a^^^ seyait; il mettait tout en désordre dès qu'il était deboitt/ €t faisait beaucoup de bruit. Il maltraitait sa maman,. ' et ne voulait rien faire de ce qu'elle lui ordonnait. Un enfant de neuf ans , échappé à une fièvre ataxique^ devint maniaque ; il était méchant, injuriait son père , ses sœurs, frappait tout le monde, pleurait souvent^ ne voulait point manger, ne dormait pas , faisait du bruit : il était très maigre et avait le dévoiement. Il me fut confié le i3 août 1814 > vers le huitième jour de sa nouvelle maladie: on le laissa se livrer à toutes ses divagations; on le portait au grand air pendant toute la journée ; on lui prescrivit le quinquina , un régime tonique , et en deux mois il fut rétabli. j>E ul folie. 3i f«n décembre i8i5, je fii$ consulté pour un enfiint doué d'une intelligence précoce, âgé de onze ans, ayant la tête volumineuse, très appliqué pour son âge : il était mélancolique, avec des hallucinations du goût et de la vue, et était tombé dans le marasme. Il refusait souvent à manger, ne voulant aucun aliment, dès qu'il avait vu ou cru voir de la fiimée. U avait pris un ton de comman- dement et d'autorité sur ses parens. L'isolement a com- mencé par diminuer sa répugnance pour les alimens, sans changer le délire. Ces exemples, qui ne sont pas tout-à-feilç^es exceptions, si on les joint à ceux qui sont causés par la jalousie des enfans et par la masturbation dès le premier âge, ces exemples, dis-je, sont néan* moins très rares. Ce n'est qu'à la puberté, pendant les efforts de la pre- mière menatruatjon, ou pendant et après une croissance , trop rapide, que l'on commence à observer quelques * g^ùéûés; mais, après la puberté, on voit beaucoup de folies erotiques, hystériques et religieuses. Dans la jeunesae, la manie et la monomanie éclatent avec toutes leurs variétés et Umrs nuances. La lypémahie est plutôt le par- tage de l'âge consistant, la démence attaque Tâge avancé et la vieillesse. Dans la jeunesae, la folie a une marche plus aiguë; elle se juge par des crises plus apparentes; dans l'âge adulte, elle est plus chronique; elle se corn» plique avec les affections abdominales, les hémorrhagies cérébrales, avec la paralysie; elle se termine plus lente- ment, et se juge parles hémorrhoïdes, les déjections al vi- ses ; sa guérisoQ est plus incertaine. Ce n'est pas que la démence ne se montre quelquefois chez les jeunes gensf 32 DE LA FOLI£. ce n'est pas que la manie et la mélancolie n'éclatent dans un âge avancé. Greding , Rush, etc., ont vu des mania* ques âg^ de quatre-vingts ans. Nous avons eu à la Sal- pêtrière deux femmes âgées , Tune de quatre -vingt, l'autre de quatre-vingt-un ans, atteintes de manie avec fureur , et se guérir. J'ai donné des soins à un homme âgé de soixante-dix-huit ans, qui avait une mélancolie compli- quée de manie. Mais ces individus avaient conservé la force de l'âge consistant. L'aliénation mentale pourrait donc êtce divisée, re- lativement aux âges , en imbécillité pour l'enfance , en manie et en monomanie pour la jeunesse, en lypémanie ou mélancolie pour Tâgc consistant , en démence pour l'âge avancé. Ce n'est rien dire que de répéter avec Haslam que, sur seize cent soixante-quatre aliénés admis à l'hospice de Bedlam, depuis 1 784 jusqu'à 1 79^, neuf cent dix étaient âgés depuis vingt jusqu'à cinquante ans. Rush n*est p^tSff* plus exact, en disant que, sur soixante-dix aliénés qui étaient dans l'hospice de Pensylvanie en 1812, soixante- quatre étaient âgés de vingt à cinquante ans. 11 est tout simple que, dans une période de trente ans et dans une période de la vie où l'homme e&t le plus «xposé à toutes les maladies, il y ait une plus grande proportion d'aliénés. Nous ferons remarquer cependant que lenombredes alié- nés âgés de vingt à cinquante ans, est bien plus considéra- ble proportionnellement en Pensylvanie qu'à Londres. Y aurait-il en Angleterre plus d'idiots et d'individus en démence qu'en Pensylvanie? L'hérédité qui prédispose si souvent à la folie en Angleterre, les mœurs qui ont tant DE LA FOIJE. 33 d'influence sur cette maladie^ fournissent des morifs suf^ fisans pour que l'on puisse croire à une semblable dif- férence. W TABLEAU DES ACES. N. 3. . 1784 .; Age». TO„L. . 3o .0 5n 60 s 33 3i ai „ fi 110 ijgO 4 35 1786 *4- 3i 4- 3i IJ87 41 '4» 1788 43 lîi 1783 6 6 38 39 34 3î '9 H iu3 '79' 0 iG 3a 16 03 33 S3 ■ ;03 3<; aa i3 .0 ,o..„.. Gî 359 3So 3 36 ■ 3o 53 ..03 tsiiu. HRLEvi r*IT Jt LÀ ULFiTHiinE rsamaf ouiTni A Kl Agca. .ûr««. „ iS 3o 35 (o 5o Co i9it 34 3- :!* a- ■i^ 38 j4 . i(W l8<3 iSi3 43 34 33 iH 3a 57 57 19 ^' ■j8 5 i8r4 4' 3S 58 3i 16 53 34 sa ,0 sgl T»TXUX 171 ■ 35 141 .17 i41 io5 iiS es = î im3 ....« Dï WO!. »TAEL.S>IX£1.I. ^ 6iU3 35 H ■■ 1 ■■■! ' 3 « 36 DE LA. FOLIE. En i8ot2 , Pioel établissait la difTérence d'un homme à deux femmes aliènes, en comparant Bicêtre à la Sal- pêtrièrc. En 1 8o4 9 un état de mouvement sur la maison de Chareuton, constate que, dans cette maison, le nombre des hommes remportait de moitié sur celui des femmes : les hommes sont constamment plus nombreux dans cet établissement; ce qui tient aux localités et à des cir- constances particulières. En 1807 et ]8io, parcourant les hospices des prin- cipales villes de France, j'ai trouvé sur près de 6,000 aliénés, la différence de cinq hommes à sept ftmmes. En i8i3, M. le préfet du département de la Seine ordonna le recensement de tous les aliénés alors exis- tant a Paris dans les maisons particulières et publiques^ il se trouva un quart de femmes de plus. Dans mon établissement pendant douze ans, il a été reçu cent quatre-vingt-onze hommes et cent quarantç- quatre femmes. De 1744 à 1794» J^'^s l'hospice de Bedlam, sur neuf mille huit cent ai^xante-quatorzc aliénés, il n'y a que cent femmes de plus. Le directeur de l'hospice de Sainl-Luke, à Londres, interrogé, en 1807 , par un comité de la Chambre des communes, rapporta qu'on recevait annuellement dans cet hospice à-peu-près un tiers de femmes de plus que d'hommes. A l'hospice de la retraite, près d'York, ou a admis, pendant dix ans, un quart de femmes de plus. A l'hospice des insensés de Vienne^ il y avait; en 1 8 1 1 ^ DE LA FOLIE. 87 cent dix-sept.^oinnies et quatre-vingt-quatorze femmes. A riiospicc de Berlin , la proportion des hommes aux femmes est comme uu à deux. AThospiccde Pensylvanie, la proportion est inverse, o^est- à-dire d'une femme à deux hommes. TABLEAU DU SEXE. N. IIL « Z756 Raymond à Marseille 5o hommes à 49 femmes. 1 786 Tenon à Paris 5oo — à 509 — 1786 à 1,994 à Bcdiam........ 499a — 34882 — 1807 àSaint*Luke 110 — à i53 — Btcétre et Salpètrière. (An- née moyenne) lao — à a79 — Vienne 117 — " 94 — à la Relraite près d'York.. 67 — a 8a — 1807 à 18 xa. Plusieurs hospices de France 4*^8 — à 700 — z8oa à z 8 14 Mon établissement. Z9Z — a z44 — TOTAL.*.. 6635 — 689a — lf£ Eu rapprochant ces divers r^ves, en les addition- nant, en les comparant, on peut conclure, sans pré- tendre être arrivé à une appréciation rigoureuse de rinfluence des sexe: i"* que, sur un nombre très consi- dérable d'aliénés, pris en divers pays et dans diverses conditions, la diflerence des hommes aux femmes est bien moins considérable qu'on ne le croit communé- ment; ^"^ que cette différence se rapproche beaucoup de • Nottirellet recherches sur la difîércuce du sexe dans le mémoire historié s qticsur Chartnton^ t. ii. 38 BE LA FOLïE. la proportion qui existe entre les deux sexes, dansFétat général de la population ; 3" que la différence n'est point la même dans tous les pays; 4^ qu'en France, laproportion, des femmes est plus forte qu'en Angleterre. Quant aux relevés des autres pays, ils ne portent que sur un trop petit nombre d'individus, et ne s'étendent pas à un assez grand nombre d'années pour que j'en puisse rien conclure ni absolument pour ces pays, ni relativement à la France et à l'Angleterre. Qu'on n'imagine pas que cette question soit indifférente; elle peut faire naître des réflexions graves sur les mœurs publiques, et sur l'influence que les femmes y exercent. Sa solution doit fournir une des données préliminaires à toute construction d'hospice d'aliénés. Les femmes succombent à des causes de folie qui sont propres à leur sexe : les causes physiques agissent plus souvent chez elles que chez les hommes; elles sont plus souvent aliénées avant l'âge de vingt ans, elles sont plus sujettes à la démence; leur délire est religieux ou erotique *. Presque toutes leurs folies se compliquent d'hystérie. Les femmeS* conservent , pendant leur mala- die, un caractère plus caché que les hommes; elles par- lent avec plus de répugnance de leur état , tâchent de le dissimuler à elles-mêmes et aux autres. Les hommes sont, au contraire, plus maniaques , plus furieux ; ils sont plus francs, plusconfians dans leur délire qui se com- plique souvent avec Thypocondrie. Leur traitement n'est pas interrompu; il en guérit proportionnellement da- ' Thomas, Essai sur les femmes. BB LA FOLIB. Sç vantage;ils sont moins sujets aux rechutes que les femmes. 5* Tempérament. — Les tempéramens simples se rencontrent si rarement dans la pratique, qu'il n'est pas facile d'indiquer avec précision celui de tel ou tel indi- vidu, à plus forte raison celui de tel ou tel aliéné. Le tempérament sanguin est une des prédispositions à la manie. Le tempérament nerveux caractérisé par une susceptibilité que tout irrite et exaspère , par un besoin de sentir qui prive de la faculté de raisonner, est favo- rable à la production de la manie et de la monomanie. Les individus d'un tempérament sec, sur lesquels pré- dominent les viscères abdominaux, qui sont méticuleux, timides , inquiets, sont prédisposés à la lypémauic. Le tempérament lymphatique peut se rencontrer avec la manie et la monomanie , mais on doit alors redouter la démence, hes imbécilles, les idiots n'offrent point de tempérament dont on puisse assigner le caractère. . Sur deux cent soixante*cinq aliénés, Hasiam en a trouvé deux cent cinquante dont les cheveux étaient foncés^ et soixante qui avaient tes cheveux clairs. En Pensylvanie, sur soixante-dix aliénés, un seul avait les cheveux clairs, cinquante-six avaient les yeux bleus ou clairs. Les cheveux et les yeux châtains sont les plus nom- breux à la Salpêtrière parce que c'est la couleur géné- rale des cheveux et des yeux dans le nord delà France. Plus d'un dixième des aliénées admises ont les cheveux gris ou blancs, à raison de leur âge avancé. Les yeux bleus sont en bien grand nombre comparativement aux yeux noirs. 4o DE hk FOLIE. N. rv. xas [ embonpoint médiocre ! maigreur uo ( obésité 0 Habitudes extérieures du corps. { maigreur 60 Taille. élevée. loa petite 19 rUàtaius ou bruns xoa Yeux { bleusou d*uue couleur claire. 98 noirs 17 châtains 1 18 blonds 39 gris ou blancs 36 noirs , 3i blonds foncés a ChcTeux. En général ceux, qui ont les cheveux noirs , qui sont forts, robustes, d'un tempérament sanguiu, sont ma- niaques et furieux, la marche de leur folie est plus aiguë, les crises sont plus sensibles. Ceux dont les che- veux sont blonds, qui ont les yeux bleus, un tempé- rament lymphatique, deviennent maniaques , monoma- niaques, mais leur folie passe facilement à Félat chro- nique et dégénère en démence. Ceux qui ont les cheveux et les yeux noirs, qui sont d'un tempérament sec, ner- veux, sont plus souvent lypémaniaques. Les individus qui ont les cheveux d'un blond ardent, sont furieux, traîtres et dangereux. 6"* Profession , manière de vi^rc. — Les personnes qui se livrent à des études très opiniâtres , qui s'aban- donnent à la fougue de leur imagination, qui fatiguent DE LL FOLIE. 4^ leur intelligence^ soit par une curiosité inquiète, soit par un entraînement pour les théories et les hypothèses; soit par attrait pour leurs idées spéculatives, présentent ime condition favorable au développement de l'aliéna- tion mentale. Les unes sont d'une mobilité d'esprit in- coercible, effleurent tout, sont incapables de rien approfondir; d'autres n'ont d'intelligence que pour cer- tains objets, et elles ont une ténacité opiniâtre pour les mêmes méditations, les mêmes conceptions. Ces personnes, placées dans des extrêmes opposés, tou- chent de près à l'aliénation si elles ne se tiennent pas en garde contre ces dispositions natives. Dryden a dit que les hommes de génie et les fous se tiennent de très près : si on a voulu dire par là que les hommes qui ont l'imagination très active et très désordonnée, qui ont une grande exaltation et une grande mobilité dans les idées, offrent de grandes ana- logies avec les fous , on a eu raison ; mais si l'on a voulu dire qu'une grande capacité d'intelligence est une pré«- disposition à la folie, on s'est trompé. Les plus vastes génies, dans les sciences et dans les arts, les plus grands poètes, les plus habiles peintres ont conservé la rai- son jusqu'à leur extrême vieillesse. Si l'on a vu des peintres, des poètes, des musiciens, des artistes de- venir aliénés, c'est qu'à une imagination très active, ces individus associaient de grands écarts de régime, aiixquels leur organisation les exposait plus que les autres hommes. Ce n'est point parce qu'ils exercent leur intelligence qu'ils perdent la raison ; ce n'est point la culture des sciences, des arts et des lettres qu'il 4^ BE X^A EOUC. Ëiut accuser : les hommes , qui sont doués d'une grande puissance de pensée et d'imagination, ont un grand besoin de sensations : aussi la plupart des peintres, des poètes, des musiciens , pressés par le besoin de sen- tir , s'abandonnent-ils à de nombreux écarts de régime, et ce sont ces écarts, plus encore que les excès d'étude, qui sont chez eux la vraie cause de la folie. Dans d'autres cas, l'intelligence prend une direc- tion exclusive, l'homme médite sans cesse sur des sujets métaphysiques spéculatif; et il se livre à la contemplation avec d'autant plus d'opiniâtreté qu'il ne peut en appeler à ses sens et à sa raison ; toutes ses facultés physiques et morales sont absorbées; il néglige les premiers soins de sa conservation; il se con- damne à des pratiques qui altèrent sa constitution. Des spasmes épigastriques sont bientôt suivis de l'inertie du système nutritif, les digestions se dérangent, les sécré- tions se font mal , la transpiration se supprime ; de là rhypocondrie|, la mélancolie si familière aux savans mé- ditatifs qui pâlissent nuit et jour sur leurs livres. Le danger est bien plus grand , bien plus imminent si l'at- tention se concentre sur les idées religieuses; quand le fanatisme est la cause de tous ces désordres , la lypémanie religieuse éclate avec tous ses travers et tous ses excès j c'est ce qu'on a vu chez les gymnoso- phistes , c'est ce qu'on volt chez les bramines , les faquirs, chez les méthodistes en Angleterre, les mar- tinistes en Allemagne. J'ai vu plusieurs étudians qui, animés du désir d^aUeindre leurs camarades ou de les surpasser, après des^ études opiniâtres, sont deve- BS LA POIilS. 43 nus aliëaës; ils étaient presque tous mastarbateurs» rai donné des soins à quelques administrateurs et à des employés qui étaient tombés dans la folie après s'être épuisés par des veilles, ou par le travail monotone du bureau, et je dois ajouter par les plaisirs. J'en peux dire autant des littérateurs, des musiciens, des artistes, pour lesquels on a réclamé mes conseils. Ainsi les excès, les écarts de régime, doivent entrer pour beaucoup dans l'appréciation des causes de i'alié* nation mentale. Les idées dominantes dans chaque siècle influent puissamment et sur la fréquence et sur le caractère de la folie ^ il semble que les esprits s'emparant de nou- velles conceptions ne peuvent s'en dégager. Ce que la réflexion trop prolongée opère sur les individus , elle le produit aussi sur les populations entières : ainsi les monumens historiques prouvent qu'à la naissance du christianisme, il y eut beaucoup de mélancolies reli- gieuses; l'esprit chevaleresque qui suivit les croisades multiplia la mélancolie erotique; les discordes civiles et religieuses excitées par le calvinisme firent reparaître les mélancolies religieuses; la magie et la sorcellerie eurent aussi leur vogue; les idées de liberté et de ré- forme ont égaré bien des têtes en France, et il est remarquable que les folies qui ont éclaté depuis trente ans , ont eu pour caractère celui des différens orages qui ont troublé notre patrie. Enfin, il n'est point de découvertes, il n'est point d'institution nouvelle qui n'ait été cause de quelque folie. Une dame voit la fantasmagorie , elle se persuade 44 I>B LA FOLIB. qu'elle est enlourée de fantômes. Une autre voit la p étendue femme invisible , dès-lors elle croit que, par de semblables moyens, on entend ce qu'elle dit à voix très basse et à distance. Un jeune homme assiste à des expériences de physique et se croit soumis à l'action électrique qui cause ses douleurs. Une dame entend parler de magnétisme, et attribue son insomnie, ses ^oufirançes aux magnétiseurs, etc. , etc. La fréquence de la folie est toujours en rapport avec les professions qui rendent Thomme plus dépen- dant des vicissitudes sociales : ainsi , loin d'épargner le palais des rois, Talicnation mentale y est plus fréquente qu'ailleurs. Aristote demande pourquoi les grands légis- 1 ' lateurs sont tous mélancoliques. Les courtisans , les hommes éminens de la société, les riches soht plus sujets à cette maladie que le pauvre. Les militaires^ jouets des caprices de la fortune, lesnégocians, surtout c^ux qui font des spéculations hasardeuses, les cm* ployés, dont l'existence dépend de la volonté de leurs chefs, courent le même danger. *« DE LA FOLI£« 4^ TABLEAU DES PROFESSIOiVS ET DE LA MANIÈRE DE VIVRE. N. V. RILKTi DE Là SALPéTAIEAE. Travaillaot aux champs. . . 43 Domestiques 5 1 Ouvrières en liage 85 Cuisiuicrcs • 1 6 Mardiands sctlenlaires .... 21 Mardia&ds forains 16 Cordon»iei*s 8 YtToisseuses 5 TOTAL, . , . a45 vivant ilnns son ménage. . . 192 FiUcs publique*. 33 Abus du vtu a6 Masturbation 10 Changement d état 3 TOTAL. 26 BKLBTB OE MOS ÉTABLISSEMEirr. Cultivateurs. 3 Militaires 33 Marins 3 Négocians ' 5o Étudians a5 Administrateurs et employés a z Ingénieurs a Avocats, notaires, gens d'af- faires II Chimistes , verriers 4 Médecins 4 Artistes 8 TOTAL. . . . 164 i i5x Inconduitc 6 3 14 :.. 3 Misantropic 3 Education mal dirigée ao TOTAL. . . • aoo En jetant les yeux sur ce tableau y nous voyons que la vie sédentaire telle que la mènent les riches au sein de leur famille, ou telle que la mènent les pauvres au sein de leur ménage et dans l'exercice de leurs profes- sions, est la condition la plus ordinaire des individus qui sont atteints de folie. Quelques voyageurs assurent que l'oisiveté est la cause de la plupart des aliénations en Turquie. Le changement brusque d'état , le passage d'une vie active à une vie inoccupée, conduisent à la folie : c'est ce qui arrive aux négocians qui , après 4$ DE LA JPOLIE. avoir acquis une fortune honorable, se retirent des affaires : c'est ce qu'on a pu observer chez les mili- taires français , qui j après une vie errante , vaga- bonde et passée entre les privations de tout genre et l'abondance de toute chose, obtenaient la permission de se reposer. C'est ce que j'ai vu chez plusieurs officiers après i8i5. Le besoin de se déplacer , la manie des voyages , le malrêtre qu'éprouvent quelques individus lorsqu'ils sont sans occupations, le défaut d'habitudes, en lais- sant le cœur et l'esprit dans un vague au milieu duquel l'homme rouie sans pouvoir se satisfaire , prédisposent à l'aliénation mentale; tandis que l'abandon des an- ciennes habitudes, la nécessité d'en contracter de nou- velles, causent la fohe, et souvent annoncent sa pro- chaine explosion. Les professions qui exposent l'homme à l'ardeur du soleil , aux vapeurs du charbon, favorisent le dévelop-^ pement de la folie ; celles qui l'oUigont de vivre aux milieu des oxides métalliques : les cuisiniers^ les bou- langers, les mineurs sont dans ce cas. La vapeur du plomb produit en Ecosse une espèce de manie dans la- quelle les maniaques se déchirent à belles dents , et que les paysans écossais appellent mill-reeck. Ixîs mineurs du Pérou , du Mexique sont sujets à une folie toute particulière. On prétendquelesteinturiers qui emploient l'indigo , sont tristes et moroses. L'habitude de rivrognerie, d'une galanterie illi- mitée et sans choix, d'une conduite désordonnée ou d'une insouciance apathique, peuvent, dit Pinel, dé-^ DB LA. FOLIfi. 4? grader la raisoa et aboutir à une alicnation d% t'A. FOLfB. soleil neis de h vie; «lie n'apporte plus ses coa^olations et ses espérances aux malheureux,; la morale religiease fie guide pics ia raison dans le sentier étroit et diflfidle de la vie ; le frord égoïsme a desséx^hé toutes les sources du sentiment; il n'y a plus d'afScaôtiions domesfticfues, ni de re^>ecfty ni d'amour, ni dautorité., ni de dépeu» fiances récîproi|U€s ; chacun vit poui* soi; personne ne forme lie ces saiges oomiDinaisons qui liaient à la gêné* ration futiue les généi*attons présentas. Les liens dn mariage ne sont pins que des lioche ts dont se pare le riche par spéculation on par amour-propre, et que ne* glige le bas peuple par dédain pour ks nniii^tres des au- tels , par indi^Bareacie et par libertinage. Ces depikMrabJcs vérité m'ont empêché ée lieair «compte de Tétai de ma* riage,de célibat on de veuvage parmi les femnies^iui en- trent dans notre bospine^ (*t, par conséquent, de pou* voir apprécier chct elles TieflueBce du mariaf^e Imr ia production de Faliénalion fnentale. Près dm quart des personnes admises dans œoa étaUisisenient étaient câi* bataires : vingt-six seulement étaient veufs, A^nt eu à £iirei^ bcauconp de milTtaircs, » plusieurs étudians, on ne sera pas étonné de •coUe propoitien de céiibalaifes ^ns la classe élevée. L'altération de nos mœurs se fera sentir d'autant plus long^iBips que notre édocatinn est plus vicîaise* Nous prénom beaucoup de smin pour fonoer l'esprit, et nous sembkms ignorer que le cennr a, cnnUDe l'esprit, besoin dedaoation. La tendresse ridicule et funeste des parena^ aousKt «u& caprices de renâMBce b raison de T^ge mur. Chacun donae à son iils une ëdn- cation supérieure à celle qui convient à sa position sociale y à sa fortonc; en sorle que les enfans, mépri- sant le savoir de lem^ parens, dédaignent la censure de leur expéimice. Accoutumé à suivre tous ses penchans n'ctanr point façonné par la discipline à la contrariété, Tenfànt, devenu homme, ne peut résister aux vicissitu- des, aux revers dont la vie est agite^e. A la moindre adversitié, la folie éclate, notre &ible raison étant pri- vée de ses appuis, tandis qJB ^^ f OL0L révolutionnaire ont été frappa par raliénation men- tale. L'influence de nos malheurs politiques a été si constante^qucjo pourrais donner rbistoire de notre révo* lution, depuis la prise de la Bastille jusqu'à la dernière apparition de Bonaparte, par celle de quelques aliénés dont la folie se rattache aux cvènemens qui ont signalé celte longue période de noire histoire.^ Ici se présente cette question rappelée si souTeut de- puis quarante ans : y a-t-ilplus de fous depuis la révolu- tion ? Je vais hasarder mon opinion à cet égard. Les commotions politiques sont, comme k's idées do- minantes, non des causes prédisposantes, mais des causes excitantes : elles mettent en jeu telle ou telle cause, elles impriment tel ou tel caractère à la folie; mais cette influe^nce, quoique générale, est niomentanée. À la destruction de Tautique monarchie, plusieurs indi- vidus devinrent aliénés par la frayeur et la perle de leur fortune. Lorsque le pape vint en France, les folies reli- gieuses furent plus nombreuses : lorsque Bonaparte fit des rois, il y eut beaucoup de reines et de rois dans les maisons d'aUenés. A Tépoque des invasions de la France , la terreur produisit beaucoup de folies, surtout dans les campagnc^s. Les Allemands avaient fait la même observation , lors de nos irruptions en Allemagne. Tel individu , devenu fou par la perte de sa fortune, cie son rang, le fût devenu, cinquante ans ^voat, après avoir perdu sa fortune confiée à la mer, ou après jfàe dît» ^ Je ponrrais conUaier ctUe Li&toixc com^éc juscpi^ii noê ymn. Un ma- gulrat se croyait accusé de Tattentat de Fieschî , et deux jeunes hommes M crurent lcs| complices d*Alibaud. grâce de cour: tel individu, que les frayeurs révolu* tîonuaires rendirent aliéné , le fût devenu , il y a deux siàclesi par la crainte des sorciers et du diable. Mais pourquoi voil-on tant de fous aujourd'hui? Pourquoi leur nombre est-il doublé à Paris, depuis trente ans ? Pourquoi , en 1 786, n'y avait-il à Paris que mille neuf aliénés , taudis, qu'en 1 8 1 3, il y en avait deux milieu? Il s'en faut bien qu'il faille conclure de cette augmentation progressive des aliénés à Paris, que le nombre des aliénés soit doublé. Il a doublé, triplé, à Pa- lîs, parce que, depuis Timpubion donnée par Pinel, on a multiplié les secours dans la capitale; les asiles ouverts aux aliénés s'y sont agrandis, améliorés ; les médecins s^en occupent d'une manière plus spéciale; on soigne mieux ces malades ; on en guérit un plus grand nombre; on parle d'eux avec plus d'intérêt et d'espérance; ils sont plus en évidence, leur vie est plus longue. D'après uo relevé fait pendant dix ans à la Salpêfrière, il résulte qu'un tiers des femmes, admises parmi les aliénées de cet hospice, sont très âgées, paralytiques, en démence sénile. Il en est de même à Cliarenton et à Bicetre* Ces infirmes eussent resté autrefois dans leurs familles; mais l'espoir de la guérison les fait conduire aujourd'hui dans les établissemens où ils sont traités. ]> peuple pro- fite d'un moyen facile pour se délivrer du fardeau de laur entretien. Ce lait donne la raison de l'accroisse^ ment effiipyant de la population dans les hospices de France oîi l'on reçoit comme aliénés, tous les indi- ' Et qu'il y en a près de quatre mille en 1 836. 1 ! I ■ I '', i I • '; J i i 56 DE l'A FOLIE. vidus qui se présentent, sans condition autre que celle d'être dans le délire. Dans les villes où Ton a agrandi et amélioré les portions d'hospices consacrées aux aliénés , comme à Limoges ^ Orléans, Toulouse, etc., dans les villes oïl l'on a créé des établissemens, spéciaux, comme à Bordeaux , Rouen , Caen , Nantes , Lyon , le Mans, etc., le nombre des fous s'est singulièrement accru. Il est remarquable que cet accroissement n'a eu lieu partout, que du moment où les améliorations où les constructions ont commencé. Autrefois les aliénés étaient admis dans quelques couvens, dans quelques maisons religieuses où ils étaient soustraits aux regards de la police, i De toutes ces considérations, on peut conclure que si le nombre des aliénés est augmenté depuis la révolu- tion, cette augmentation est plus apparente que réelle; qu'elle est bien moins considérable qu'on ne cesse de le répéter; que cette augmentation est moins due aux orages de la révolution dont l'influence est passagère, qu'à l'altération profonde de nos mœurs dont l'influence est plus durable. Ne cherchons point en les exagérant , à grossir les maux qui, depuis tant d'années, pèsent sur notre malheureuse patrie. 7** Passions. ^— Dans le dernier siècle , on donna une grande importance à l'étude de l'homme intellec- tuel et moral. Cabanis embellit ses recherches de la die- ' Tû traité cette question dans un mémoire ayant pour titre : Y a^~ii plus de fous aujourd'hui qu'autre/ots ? mémoire qui se trouve r«produit plus bas. DE LA. FOLIE. S'J tion la plus séduisante, et réduisit presque à des démon- strationS) l'influence rëciproc[ue du moral sur le physique. Crichton a fait une application plus directe de l'étude des passions aux causes de Taliénation mentale. Pinel, dans la seconde édition du Traité de la manie ^ a adopté la division des passions proposée par Moreau de la Sar- the: cette division repose sur des vues pathologiques. Ainsi Moreau et Pinel envisagent les passions comme des agens spasmodiques,débilitans ou expansifs qui pro- duisent la folie. Cette division, qui doit plaire surtout aux médecins, est-elle d'une application générale à l'é- tude de l'aliénalion mentale ? Dans ma Dissertation sur les passions considérées comme causes^ symptômes et moyens curatifsde t aliénation mentale j j'ai principale- ment considéré les passions comme les symptômes les plus essentiels , et comme les plus puissans agens thérapeutiques de la foHe. Les premiers besoins de l'homme se bornant à ceux de sa conservation et de sa regroductiou , provoquent les déterminations de l'instinct; une impulsion interne nous porte à les satisfaire; les besoins secondaires se rattachent aux premiers; et les désirs qu'ils excitent ac- quièrent d*autant plus d'énergie , que nous avons plus de moyens pour les satisfaire ; ils produisent les passions primitives; enfin, il est des besoins qui n'ont nul rapport avec notre conservation; ils sont le fruit de notre intelli- gence développée et de la civilisation; ils engendrent les passions factices; ce sont ces passions qui font le plus de mal à l'homme, surtout dans la classe élevée de la société. 58 DE IJL f OLIS. L'enfance, exempte de pasaions, est presque étrangère à la folie ^ mais, à Tépoque de la puberté, des seiUiineM connus jusque-là font naître des besoins nouveain; la foHe vient troubler les premiers momeus de rexistencemo- raie de Thomme. Dans Tâge viril ^ les rapports s'étendant , les besoins sociaux se multiplient, les passions prennent un nouveau caractère : à mesure que les passions amoi»- reuses s^affaiblissent , les passions factices se fortifient ; rintérêt personnel, Tambition , l'amour des distinctions^ Pavarice remplacent les charmes de l'amour et les àé^ lices de la pateruité; aussi, à cette période de la vie, toutes les aliénations se déchaînent; la folie est plus opi- niâtre, plus concentrée; «lie passe plus facilement à l'é' tat chronique; elle est plcM dépendante des lésions ab- dominales; le sentiment de son impuissance rend le vieillard plus calme; méditant sur les écarts auxquels entraînent les passions, il s'isole, devient égoïste. La folie, par cause morale, est rare chez lui, et quand il perd la raison, c'est que ses organes sont fatigués, épui- sés; alors ce n'est ni la manie, ni la mouomanie qui se développe, mais la démence sénile. T)e toutes les causes morales, celles qui produisent le plus fréquemment la folie, sont l'orgueil, la crainte, ta frayeur, l'ambition, les revers de fortune, les chagrins doniestiqucs. Cette dernière cause aurait dû être placée, relativement à sa grande influence, en tête des causes morales , si cette dénomination renfermait une idée sim- ple; mais,* par chagrins domestiques, j'exprime toutes les peines, toutes les douleurs, toutes les contrariétés , toutes les infortunes , toutes les dissensions de famille* DE LA FOLIE. Sg On ne se persuade point combien celle cause agit sur le peuple, principalement sur les femmes; l'oubli de tout priucipe , Thabitude de Timmoralité la plus vile et sou* vent la plus criminelle, rendent frAjucmment les femmes du peuple victimes de la plus féroce brutalité. Les passions gaies sont rarement la cause de cette maladie; il est singulier que l'excès de la joie qui tue, n'ote point la raison , tandis que la peine et le chagrin en provoquent si souvent la perte. Quelques auteurs cependant pensent que les passions gaies ont causé la f£ l'A FOLIE. ce que celles-ci sont plus inclividuelles; elles agissent plus immédiatement sur Torganisme; leur action est plus fa- cilement appréciable y et peut être prévenue jusqu'à un certain point; les moyens propres à en combattre les résultats doivent être empruntés à la pharmacie. Ce sont les causes qu'on a appelées plus particulièrement causes physiques, tandis que les précédentes sont hy- giéniques, intellectuelles ou morales. CAUSES PHYSIQUES. N. VU. AALPÊTRrÈaE. MOS ÉTABLISSCMKHT. Hérédité. •••... xo5 • . • ■ 1 5o CoDVulsbns de la mère peu-' donl la gestation n 4 Épilcpsie XI a Désordre menstruel 55 xg Suites de couches 5a ai ! Tempv critique 37 xi ! Progrès de l'âge 60 4 I Insolation la «. 4 • Coups ou chutes sur la tête. 14 • 4 i Fièvre i3 .,, la i Syphilis 8 i ! Mercure 14 18 < Ycrs intestinaux 24 4 ' Apoplexie 60 xo î . . , TOTAL.... ^66 TOTAL. ... 204 L'hérédité est la cause prédisposante de la folie la plus ordinaire^ surtout chez les riches, elle est d'un siuènie chez !es pauvres. Je crois néanmoins celte pro- ])ortion plus forte même chez ces derniers. Si, d'après mes relevés de la Salpêtrière , cette cause paraît faible , c'est qu'il n'est pas aisé de recueillir des renseignemens exacts sur des femmes qui souvent ignorent jusqu'au nom DE LA FOLIE. 65 de leurs pareas.Masson Cox accorde une grande influence à cette prédisposition. Elle est comptée pour peu, en Pen- sylvanie, par Rush. Elle est remarquable en Angleterre, surtout parmi les catholiques qui s'allient toujours entre eux. On en peut dire autant des grands seigneurs en France, qui sont presque tous parens. Quelle leçon pour les pères qui, dans le mariage de leurs enfans, consultent plutôt leur ambition que la santé de leurs descendans! La folie est plus«ouvent transmissible par les mères que par les pères. ^ Les enfans qui naissent avant que leurs parens aient été fous y sont moins sujets à l'aliénation mentale que ceux qui sont nés après. Il en est de même de ceux qui naissent de parens qui ne sont aliénés que du côté du père ou de la mère , comparativement à ceux qui naissent de père et de mère aliénés, ou ayant des parens des deux li- gnes dans le même état. Burton assure que les individus engendrés par des parens âgés, sont prédisposés à la mé- lancolie. Cette funeste transmission se peint sur la physionomie, sur les formes extérieures , dans les idées, les passions, les habitudes, les penchans des personnes qui doivent en être les victimes; averti par quelques-uns de ces si- gnes , il m'est quelquefois arrivé d'annoncer un ac- cès de folie, plusieurs années avant qu'il éclatât. La manie héréditaire se manifeste chez les pères et les en- &ns, souvent aux mêmes époques de la vie ; elle est pro- voquée par les mêmes causes; elle affecte le même carac* * Je soigne aujourd'hui plusieurs des enfans dont j*al soigné les parens , dm les prcmièies innées de ma pratique médicale. I.' 5 66 DE LA. rOLIS. tère. Un négociant suisse a vu ses deux fils mourir aliénés à rage (le dix- neuf ans. Une dame est aliénée à vingt-cinq ans, après une couche; sa fille devient folle à vingt-cinq ans, et à la suite découches. Dans une famille , le père, le fils et le petit-fils se sont suicidés, vers la cinquantièmean- uéedeleur vie. Nous avons eu, à la Salpêtrière, une fille publique qui s'est jetée trois fois dans la rivière, après des orgies ; sa sœur s'est noyée étant prise de vin. Il existe aux environs de Nantes, une famille dont sept frères et sœurs sont ensemence. Un monsieur, frappé des premiersévéne- mens delà révolution, reste pendant dix ans renfermé dans son appartement; madame sa fille, vers lememe âge, tombe dans le même état, et refuse de quitter son appartement. Cette prédisposition, qui se manifeste par des traits exté- rieurs, par le caractère moral et intellectuel des individus, n'est pas plus surprenante, relativement à la folie, que re- lativement à la goutte , à la phthisie pulmonaire , etc. Elle se fait remarquer même dès l'enfance ; elle peut expli- quer une multitude de bizarreries, d'irrégularités, d'a- nomalies qui, de très bonne heure, auraient dû mettre en garde les parens. Elle peut être un avertissement utile à ceux qui président à l'éducation des enfans nés de pa- rens aliénés. Il convient de donner à ces enfans une éducation particulière, de les exercer beaucoup à la gymnastique ^ âk les endurcir contre les impressions extérieures ; enfin , de les placer dans des conditions dif- férentes de celles oit étaient les auteurs de leurs jours; car, c'est ici le cas de mettre en pratique le précepte d'Hip- pocrate, qui veut qu'on change la constitution des indivi- dus, pour prévenir les maladies dont ils sont héréditaire 1>E LA FOUB* 67 ment menaces. Ce quejedispourréducation physique, je le dis pour réducatioD morale et iutellectuelle : il faut être en garde contre tout ce qui pourrait exciter le cerveau* Quelquefois c'est dans le seiu maternel qu'il faut re« chercher la cause première de la folie, uon-seulement pour ridiotie, mais pour les autres espèces d'aliénation. Je ne sais pourquoiceltecirconslance a échappé aux observa- teurs. D'autres fois, c'est pendant l'allaitement, pendant la première dentition, que s'établissent les premiers élé- mens de la maladie , qui doit éclater plus tard. Au rap- port de Van Swleten, presque tous les fous ont eu des convulsions pendant leur enfance* J'ai observé plu- sieurs jeunes aliénés qui, dans leur enfance ou à la puberté , avaient échappé à des fièvres cérébrales. Quelquefois de fortes impressions reçues dans le pre- i mier âge, sont aussi la cause éloignée de la folie* i Plusieurs dames enceintes aux diverses époques de la révolution, ont mis au monde des enfans que la plus légère cause a rendus aliénés* Une femme du peuple est ; enceinte; son mari, pris de vin , menace de la frapper; . elle s'eflraie, accouche quelque temps après, d'un en- .• fant qui a une santé délicate, qui est sujet à des terreurs : paniques, et qui, vers l'âge de dix-huit ans, devient maniaque. Une dame enceinte expose mille fois sa vie •pour sauver celle de son mari; elle a des convulsions; elle accouche; sa fille née faible, sujette aux frayeurs se marie, est mère de quatre enfans; à vingt-trois ans, 'dks idées de terreur, d'assassinat, de meurtre, occupant seules sa pensée et la rendent furieuse. Un jeune enfant, igé de trois ans, conduit k Bicèlre, est effrayé par les 68 DE LA. FOLIC« ousqu^on montrait alors comme un objet de curiosité; depuis, il est sujet à des rêves affreux; à dix-sept ans, il tombe dans la manie. Une demoiselle, âgée de six ans, voit massacrer son père; elle a souvent depuis des ter- reurs paniques; à quatorze ans, les menstrues s'ëtablis* sant mal, elle devient maniaque; elle veut se précipiter sur tout le monde; la vue d'un couteau, d'une arme, de beaucoup d'hommes assemblés, excite chez elle la fu- reur la plus violente. Les chutes sur la téte^ même dès la première enfance, prédisposent à la folie, et en sont quelquefois la cause excitante. Ces chutes, ou les coups sur la tête, précèdent de plusieurs années Texplosion du délire. Un enfant de trois ans fait une chute sur la tête; depuis, il se plaint de céphalalgie ; à la puberté , le mal de tête aug* mente et la manie se déclare à Tâge de dix-sept ans. Une dame l'entrant d^une promenade à cheval , se heurte contre une porte, elle est renversée; quelques mois après, elle devient maniaque, est guérie après trois mois, et meurt deux ans plus tard , à la suite d'une fièvre cé> rébrale. Rush rapporte plusieurs faits analogues. I^ masturbation, dont nous avons parlé sous un autre rapport, est signalée, dans tous les pays, comme une des causes fréquentes de folie ; quelquefois elle est le pré* ludede la manie, de la démence, et même de la dé- mence sénile; elle jette dans la mélancolie, conduit au suicide; elle est plus funeste aux hommes qu^aux femmes ; elle est un grand obstacle à la guérison des aliénés qui se livrent fréquemment à ce vice, pendant le cours de la maladie. Les crétins , les idiots , les individus DE L\ FOLIE. 69 Cil démence s*y abandonnent avec une sorte de fureur. lia continence^ quoique bien rarement, cause la folie; BufTon a emprunté à TEspion turc un fuit bien rcmaiv quable, depuis copié partout, de manie causée par la continence. Le veuvage, que nous avons considéré ailleurs sous le rapport des mœurs , est-il une cause d'aliénation mentale ? Celte influence n'est pas facile à apprécier sur les femmes de la Salpêtrière, leur manière de vivre suppléant presque toujours à la continence, avant ou après le mariage. Dans la classe riche Jes mœurs sont géné- ralement régulièi'es, j'ai trouvé, sur cent quarante-quatre individus admis dans mon établissement, quarante-quatre filles , quatre-vingt femmes mariées, vingt veuves. La proportion des célibataires est plus forte chez les hom- mes, puisque, sur cent quatre-vingt-douze hommes, soixante-et-un n'étaient pas mariés , et huit seulement étaient veufs. J'ai vu quelques jeunes filles qui, ayant été violées, ont perdu la tête; la honte, le chagrin étaient la vraie cause de leur maladie. J'ai donné des soins à une dame qui avait eu un accès de manie dès la première nuit de ses noces; sa pudeur s'était révoltée contre la nécessité de coucher avec un homme. Une jeune femme très ner- veuse fut si douloureusement aCfectée par les premières approches de son mari, que sa raison s'aliéna immé- diatement. La menstruation , qui joue un si grand rôle sur la santé des femmes, ne peut être étrangère à la production dbraliénation mentale : aussi entre-t-elle pour un siiième ^. fJO DS tk VOUE. parmi les causes physiques. Les efforts de la première menstruation dëterminent la folie. Cette observation n'a* vait pas échappée à Hippocrate. Les désordres des mens* trueSy provoqués par des accidens physiques ou moraux ou par les progrès de Tâge, multiplient les conditions fa- vorables à l'aliénation mentale. Tantôt les menstrues se snpprimentet cessent tout-à-coup ^ et la folie éclate aus* iitot. Tantôt elles offrent de grandes anomalies, soit pour Tépoque de leur retour , soit pour la quantité et la qua- lité de l'écoulement, avant que la folie se déclare. Quel- quefois les menstrues sont très abondantes, elles coulent à des époques très rapprochées, peu de temps avant l'invasion de la folie. Enfin , il est des cas oîi la folie se manifeste sans le moindre désordre menstruel. L'épo- que des retours menstruels est toujours un temps ora- geux pour les femmes aliénées, même pour celles dont les menstrues ne sont point dérangées. La leucorrhée, qui est souvent supplémentaire des menstrues, à laquelle sont si sujettes les femmes des Tilles et celles qui mènent une vie trop sédentaire, en Me supprimant, cause aussi la folie : j'ajoute que cette cause est plus fréquente qu'on ne le pense commune* ment, et que la connaissance de ce fait peut devenir une précieuse indication thérapeutique, La suppression des hémorrhoides est presque aussi fb- neste aux hommes que celle des menstrues l'est aox femmes; mais son action s'exerçant dans un âge plus avancé, produit le plus souvent la mélancolie et la dé- mence. La grossesse est-^elle cause de la folie et la compliqua- DE Li. FOUB. ^I t-elle dans quelques cas? Je ne parle pas des envies des femmes grosses , et des perversions morales observées quelquefois chez elles. I^s auteurs de médecine légale en rapportent plusieurs eiemplcs. J'ai vu une jeune femme très nerveuse qui avait eu un premier accès de manie dès la première nuit de ses noces, et qui en eut un second dès le premier jour de la conception : il en a été de même à sa seconde grossesse. Ces accès ne duraient que quinze jours environ. Mous avons vu, à la Salpétrière, plusieurs femmes devenir folles pendant la grossesse. Si cette cause doit être rangée parmi les causes physiques dans quelques cas , il en est d'autres où elle est mise en action par des causes morales. La honte et lo chagrin, la crainte sont alors les vraies causes de la maladie. Une dame, au deuxième jour de sa couche, quitte son lit y et répand une grande quantité d'eau de Cologne sur ses vêtemens et dans ses appartemens : le lende- main elle est maniaque. Une dame éprouve une affeo^ tion morale le septième jour de sa couche, les lochies se suppriment, ainsi que le lait : elle devient furieuse. Mais la folie éclate plus souvent après la couche et pendant Fallaitemeut, que pendant la grossesse. D'après un relevé pris à laSalpêtrière,de6oo femmes aliénées, 5a avaient perdu la raison après l'accouchement ou la lac* tatioD. Sur j44 femmes aliénées appartenant à la classe riche, ai sont devenues malades à la suite de couches ou pendant qu'elles allaitaient. Cette dernière influence est donc plus active encore sur celles-ci que sur les femmes du peuple. Haslam compe 84 femmes aliénées à la suiiç y2 DE LA FOLIE. de couches, sur i66/| femmes aliénées admises à Beth- lem. Rush en a trouy^ 5 sur 70 reçues à Pensylvanie; h Charenton les folies a la suite de couches, sont très rares. Nous avons eu à la Salpétrière, des femmes qui devenaient aliénées après chaque couche, une, entre autres, après chaque deux couches. Une dame qui avait une disposition héréditaire devenait aliénée au troisième mois de rallaitement. Hippocrate avait dit que le sang qui monte aux mamelles des nourrices, présage la ma* nie : Planchon en cite un exemple. Mais la suppression du lait est-elle cause ou effet du délire? On a prétendu qu'elle est toujours l'effet de Taffection cérébrale; mais on ne l'a pas démontré pour tous les cas. Il est des cas dans lesquels la folie éclate, sans que le lait se sup- prime; mais le plus souvent cette suppression précède Taliénation : quelquefois le délire augmente à mesure que le lait diminue; le délire cesse après le l'établisse- ment de la sécrétion laiteuse : ces aliénations dont on n'attribuera pas la cause au transport , à l'accumulation du lait dans la cavité crânienne, guérissent même en peu de jours, plus souvent après cinq, six mois et même un au. ^ La première dentition , en causant des convulsions aux enfkns, prédispose à la folie, l'éruption des dents- tardives a quelquefois provoqué cette maladie. .^ La suppression de la transpiration qui est déterminée ' par les affections morales, doit être comptée pour beau« * y. cL-«près : De l*alîciiition mentale des nouTeltes accouchées et des aonnices. DE LA FOLIE. 'j3 coup parmi les causes de raliénalion mentale. C'est en la supprimant que les variations almospliëriques; l'hu- miclité du sol, les écarts de régime, les excès iVétude, les passions produisent la folie. Un homme âgé de qua- rante*six ans, suait beaucoup de la tête; ou lui con- seille de se laver avec de l'eau froide : la sueur se sup- prime peu-à-peu, la démence s'établit. Un jeune homme est en sueur, il traverse un ruisseau , se couche avec un frisson, et aussitôt il devient maniaque. Les fièvres de mauvais caractère laissent après elles un délire chronique qu'il ne faut pas confondre avec l'aliéna* tîon mentale, pas plus qu'il ne faut confondre les fièvres continues ou intermittentes ataxiques avec la folie, à son début, et c'est ici un point de pratique très important pour le médecin; car l'aliénation mentale, à son invasion, présente souvent presque tous les caractères de la Hèvre ataxiquéou des inflammations des méninges etdu cerveau, et réciproquement. Ces fièvres, ces méningites, ces ce* phalites, en affaiblissant le système cérébral, prédis* posent à la folie, qui éclate après quelques mois, quel- ques 'années. On rencontre souvent des jeunes gens de dix«neuf, vingt, vingt-cinq ans atteints tout-à-coup de manie, san sautre cause appréciable , qu'une affection cérébrale aiguë qui avait eu lieu avant ou à l'époque de la puberté. La présence de plusieurs substances dans les pre- mières voies a produit sympathiquement l'aliénation mentale. Des amas muqueux, bilieux, noirâtres dans l'estomac, des amas de vers dans le conduit intestinal, le tœnia, les lombrics, les strongles ont produit la folie* ^4 I>K ^^ FOUB. Je ne parle pas de lefTet des poisons , quoique leur ma* nière d'agir sur les fonctions cérébrales mérile la plus grande attention de la part de celui qui veut approfon* dir 1 étude des lésions des facultés intellectuelles ; les poisons produisent un effet consécutif qui , en altérant la sensibilité, cause une folie secondaire dont la gué» rison est très difficile. Un grand nombre d'affections chroniques^ soit par leur suppression inconsidérée, soit par leur métas- tase, déterminent la folie. Hippocrate avait dit que la suppression des crachats, chez les phthisiqucs, jette dans l'égarement de la raison : il est certain que la phthisie cause ou du moins précède l'aliénation men- tale et alterne avec elle. L'épilepsie conduit tôt ou tard à la folle, soit dans l'enfance, soit dans un âge plus avancé. Sur les trois cents épileptiqucs qui habitent la Salpêtriere, plus de la moitié sont aliénées; il en est de même des épilepti* ques de Bicétre et de Charenton; les uns sont idiots ou imbécilles, les autres en démence, quelques-uns maniaques, et même furieux. La fureur des épileptiques a un caractère de férocité que rien ne dompte, et c'est ce qui la rend si redoutable, dans tous les hospices d'à* liénés. L'hystérie, Thypocondrie, dégénèrent et passent son« vent à la folie, et dans beaucoup de cas, elles n'easont que le premier degré; c'est ce qui a Êiit confondre cet maladies avec l'aliénation mentale, par un grand nom^ bre d'auteurs tant anciens que modernes. L'apoplexie se juge souvent par la démence qui est emportés par leur imagination désordonnée, auraient été incapables d'études suivies; quelques autres, opinid* très jusqu'à Fexcès, n'avaient pu vivre que dans un cercle très étroit d'idées et d'affections, tandis que plu- sieurs, sans énergie intellectuelle et morale , avaient été timides, méticuleux, irrésolus, indifférens pour tout^ Avec ces dispositions , il ne faut qu'une cause acciden- telle pour que la folie éclate. Mais la folie a, comme toutes les autres maladies, son temps d'incubation, ses prodromes, et souvent dans le compte que rendent les pareus, on découvre que le premier acte de folie qui les a effrayés , avait été précédé de plusieurs symptômes qui avaient échappé à toute observation, et quelquefois on prend pour la cause de la maladie, ce qui en était le premier phéno- mène. Souvent les aliénés combattent leurs idées fausses; leurs déterminations insolites, avant que personne s'a- perçoive du désordre de leur raison et de la lutte intc* rieurc qui précède l'explosion de la folie. Long-temps avant qu'un individu soit reconnu aliéné, ses habi* ludes, ses goûts, ses passions changent. L'un se livre à des spéculations exagérées qui ne réussissent pas; ce revers n'est point cause, mais premier effet de la mala- die. Un autre donne tout-à-coup dans la haute dévo- tion, assiste à une prédication d'où il sort effrayé, il se croit damné. La prédication n'eût pas produit cet effet, si la maladie n'avait existé précédemment. Un jeune jS DK UL FOLIE. seigneur, sans motif quelconque, part pour un voyage de plusieurs années, huit jours avant les couches de sa femme. Il éprouve quelques contrariétés pendant son voyage , et , après six mois , son aliénation éclate : ce voyage n'était*il pas le premier acte de folie? Austt arrive-t-il souvent que le mal existe , alors qu'on ne le lioupçonne pas. M , âgé de soixante-quatre ans, d'un tempérament sec et nerveux; ayant toujours eu une conduite très régulière et des mœurs très pures, sort \ souvent de chez lui, sous le prétexte de se promener; sa femme, inquiète, le fait suivre par son valet de chambre. Celui-ci voit son maître entrer dans un mau- vais lieu du plus bas étage; sur la plus légère représen* tation, ce vieillard a un accès de colère furieux qui , après cinq jours, se termine par la démence. La folie est continue, rémittente ou intermittente. La folie continue a une marche régulière, un espace de temps qu'elle doit parcourir, trois périodes bien marquées; une première période aiguë avec symptômes concomittans , une seconde période chronique presque toujours exempte de symptômes étrangers au délire; enfin la troisième période est celle du déclin et de la curation. Mais cette marche n'est facile à saisir que dans les folies aiguës, accidentelles, ou dans les accès de folie intermittente, on ne Tobserve point dans l'i* diotie, ni dans la démence. Les folios rémittentes offrent des anomalies hien re- marquables, soit pour le caractère, soit pour la durée de la rémission. La rémission, dans quelques cas, n'est que le passage d'une forme de délire à une autre forme} DB JJl FOLIB» ^ ainsi, un aliéné passe trois mois dans la lypémanie, les trois mois suivans dans la manie, eafia, quatre mois, plus ou moins, dans la démence, et ainsi suc- cessivement, tantôt d'une manière régulière, tantôt avec de grandes variations. Une dame, âgée de cinquante- deux ans, est un an lypémaniaque et un an maniaque et hystérique. Dans d'autres circonstances, la rémittence ne présente qu'une diminution sensible des symptômes de la même espèce de folie. Ainsi , il est des maniaques qui ne sont agités, violons, emportés, qu'à certaines époques du jour, qu'à certains jours, que dans certaines saisons, tandis que leur délire est calme et paisible pendant le reste du temps. Il en est dont la lypémanie ne devient plus profonde, plus accablante qu'à des in* tervalles plus ou moins réguliers, tandis qu'habituelle' ment elle offre tous les traits d'un délire fixe, combiné avec les passions gaies. Les saisons, la menstruation^ ramènent les mâmes symptômes, le même délire, la même exaltation, le même accablement Les folies intermittentes sont quotidiennes, tierces, quartes, mensuelles, annuelles; enfin, les accès rc* viennent après plusieurs années. L'intermittente est tantôt régulière, tantôt irrégulière. Dans le premier cas, la même saison, la même époque de l'année, les mêmes causes physiques et morales, ramènent une ma- ladie ayant le même caractère, les mêmes crises, la toêroe durée. Le plus souvent les aqcès reviennent à des intervalles très variables ; ils sont provoqués par des causes nouvelles, ils n'affectent pas la même forme de délire; leur durée, leurs crises, sont différentes $2 I>E LA Foi;m. dus, rataxîe des symptômes troublent la marche de la nature. Hippocrate, Celse, Caelius, Boerhaare, Pinel ont-ils signalé plusieurs crises de la folie, ainsi que tous les médecins qui ont écrit sur cette mala- die. Ces Crises sont' physiques ou morales; elles ne s^observent que dans la monomanie, la lypémanie, la Inanie, la démence aiguë; elles ne sauraient avoir lieu dans Tinobécillité, la démence chronique et la dé- mence sénile. La folie se juge par résolution. La décoloration de la face, qui était d'un rouge vif ou d'un brun terreux, ]e calme des traits-, le sentiment de lassitude générale, le sommeil, la souplesse de la peau, la liberté des , excrétions, le retour de la sensibilité morale pré-» gagent une guérison prochaine; elle est parfaite, si le malade étant rendu à la raison, les évacuations habi- tuelles se rétablissent; si le convalescent revient à ses habitudes, à son caractère. Mais si le sommeil^ f appétit, les excrétions rentrent dans l'état normal, si le délire ne diminue pas, sija sensibilité morale ne se manifeste pas dans la même proportion, la monoma- jiie, la manie, passent à l'état chronique ou dégénèrent en démence. Quelquefois la folie se juge par la prédominance dtr système absorbant; les malades prennent de l'embon- point, et le délire $^ dissipe à mesure que l'ob^té augmente. L'obésité se soutient pendant plusieurs mois après le rétablissement parfait de la raisou, tandis qu'elle est un signe de démence si le délire persiste. J3an8 les cas contraires, les malades ne guérissent DE Ul FOLK. 83 qu'après être arrivés au deriûer degré de ramai- crissement, et ils ne reviennent à la vie, à la raison, qu'après avoir frappé aux portes de la mort. Il y a trente ans on niait cette dernière terminaison critique, en disant que l'amaigrissement était l'effet de la folie, et non sa terminaison critique; cependant il est plusieurs folies intermittentes dont la marche rend évidente cette terminaison critique. Madame ***, âgée de cinquante- ct-un ans, a déjà eu plusieurs accès de manie^ à la suite * d'adliclions très vives; chaque accès cesse dès que la malade devient très maigre. L'intermittence dure deux ans, pendant lesquels elle engraisse bcaucoiip ; et y lorsqu'elle semble avoir atteint le summum de la santé, tout -à -coup le délire éclate, se prolonge pendant plusieurs mois, son inteasité ne dimiaue que lorsque la malade commence à maigrir; il ne cesse que lorsqu'elle est très maigre. J'ai souvetit observé des faits semblables. AL , âgé de cinquacte-quatre ans, a eu grand nombre d'accès de maoic avec fureur; chaque accès dure quinze à vingt jours, et sa terminaison s'annonce par un grand et rapide amaigrissement, tan* dis que le retour des accès n'a lieu que lorsqu'il a repris beaucoup d'embonpoint. Galieo rapporte un exemple de folie jugée par la fiè- vre quarte. Belgarric cite un pareil fait dans une tlièse soutenue à l'Ecole de Montpellier, sous ce titre : Jn in morbis chronicis^ febris sit eoceitanda? J'ai vu plusieurs fois la folie se juger par des fièvres, soit con- tinues, soit internutteates. Hippocrate, Celfic, Bosrhaave, Zacutus assurent que 6. 84 DE LA. FOLIE. la folie se juge par les hémorrhoïdes. Fréde'ric Hofmann conseillait les ventouses au fondement pour les provo- quer. L'épistaxis la juge aussi. La première éruption menstruelle est quelquefois cri- tique, tandis que la cessation des menstrues est un temps vraiment critique pour quelques femmes aliénées. J'en al vu plusieurs qui ont recouvré entièrement leur rai- son, en cessant d'être menstruécs. Le rétablissement des menstrues termine très souvent la folie ; les hémor- rhagies utérines, la leucorrhée , la blenuorrhagie l'ont aussi jugée. Le coït , l'excrétion spermatique ont été critiques ; il en est de même de la gestation , de l'allaitement ; mais je crois qu'on s'est trop hâté de conseiller le mariage pour guérir la folie. Ce mojen ne réussit pas aussi sou- vent qu'on le pense; il augmente quelquefois le mal. J'ai vu un grand nombre de monomanics, de manies résister à la grossesse , à l'accouchement, à l'allaitement. Les affections cutanées méritent d'autant plus notre attention, que leur suppression cause la folie, et que les aliénés sont très sujets à ces affections. J'indiquerai ailleurs la marche de la pellagre et son itifluencc parti- culière sur le suicide. Quelquefois la folie se reproduit en même temps que les dartres se manifestent, tandis que plus souvent elle ne cesse que lorsque la dartre dis- paraît , et même la guérison n'est durable que lorsque la dartre s'est fixée sur une partie. Hippocrate veut que la gale juge la folie, et tous ceux qui ont vu beaucoup de fous , ont pu vérifier cette sentence. J'ai essayé de donner la gale à' un militaire en démence et paralyti- DE LA FOUE. 85 que, à la suite d'une gale répercutée; je n'ai point réussi ni a guérir, ni à communiquer la gale. Gar- danne prétendait qu'on pouvait guérir la folie par l'inoculation de la petite- vérole. Les furoncles, qui amènent une suppuration plus ou moins abondante , jugent souvent la folie, tandis que des eschares, des suppurations énormes, mais atoniques, ne la jugent ja* mais favorablement. Les ulcères dont la suppression cause la folie, la guérissent eu se rétablissant, comme l'art guérit en { rappelant les évacuations habituelles supprimées. Perfect cl Pinel rapportent la guérison d'une manie, après l'engorgement d'une parotide. En i8ia, il y eut à la Salpêtrière une femme âgée de quarante ans, qui, effrayée d'un coup de tonnerre, devint maniaque; la manie cessa par un engorgement énorme des glandes sous-maxillaires ; cette malade tomba dans une stupeur profonde qui se dissipa à mesure que l'engorgeaient des glandes disparaissait. Lafontaine a lu à la Société de Gœttingue l'histoire d'une aliénée guérie, après plu- sieurs années , par l'extirpation d'un cancer au sein. La salivation est un symptôme très fréquent chez les fous. Plusieurs font des efforts comme s'ils voulaient cra- cher, et néanmoins ils ne rendent point de salive. Ce symptôme tient à la constriction de là gorge , au spasme des glandes salivaires; mais il arrive que la salivation est critique , comme Perfect et Rolfinck l'ont observé , ainsi que Pinel et moi. L'émission des larmes offre aussi les mêmes carac- tères; plusieurs aliénés font comme s'ils pleuraient, ils \ 86 06 LA. fOLnr. ne répandent pas une larme ; souvent les paroxysmes cessent par rémission des larmes qui, dans quelques cas, sont critiques. Le retour de la transpiration juge la folie beaucoup plus souvent qu'on ne le croit; c'est ce qui rend ie printemps favorable à la guérison de cette maladie; c'est ce qui rend les bains tièdcs si utiles dans le fraite- ment des aliénés, dont la peau est dans un état d'éré- thisme très remarquable. Le vomissement des matières muqueuses, jaunes, noires, poisseuses, les déjections alvines de même na- ture, jugent souvent la folie, surtout la' lypémanie. Hippocratc, Lorry, Pinel, ont signalé ces terminaisons, aussi bien que Mead, Selle, Van Swioten qui ont, en outré, rapporté des guérisons après l'expulsion des vers. Pendant Tété de ï8r i, nous eftmes à la Salpêtrière plu- sieurs manies, qui guérirent par l'expulsion des vers. Ce- pendant, je suis bien loin d'attribuer h la présence des vers l'importance que lui donne Prost , dans la produc- tion de la folie *. Il en est de même de l'influence que ce médecin accorde à la membrane muqueuse du conduit alimentaire. De ce que la folie se juge par des évacuations alvines , conclure que la folie a son siège daq^ les intes- tins, c'est se tromper étrangement. De oc que la mu- queuse (tes ratestins est phlogosée, ulcérée, conclure E LL FOLIE. 91 éprouvait quelque opposition à ses désirs , qui étaient toujours impérieux, elle devenait bourrue, difficile, con- trariante; elle se plaignait de céphalalgie, de lassitude dans ks membres; à la moindre occasion elle se fâchait, s^irritait, se livrait aux actes de la colère la plus aveugle; injuriant sa mère, ses amis ; menaçant leurs jours et les siens : après chaque accès de colère furieuse, madame * tombait dans l'abattement, rentrait dans son état calme, et était très bonne et bien portante; si elle cherchait à se vaincre, à contenir Texplosion de sa colère, alors elle souffrait horriblement dans tous Les membres, sa tête se gonflait, la face était injectée et les yeux gorgés de sang, et cet état ne se dissipait qu'après que Taccès avait éclaté. Cette observation^ dont les détails trou- veront leur place ailleurs, ne fortifie- 1- elle pas notre opinion sur les crises morales de la folie ? Cette opinion est confirmée par les effets salutaires qu'on obtient des secousses morales dans le traitement de l'aliénation mentale; ici, comme dans le traitement physique, le médecin ne fait qu'imiter la nature, et seconder sa ten- dance vers telle ou telle solution. L'élude des terminaisons critiques de la manie nous conduit naturellement aux considérations sur la cura* bilitë et la mortalité de cette maladie. 92 DE LA, FOLIE. TABLEAU DES GUÉRISONS, N. TUI. „<,„,„„ ...-.,o«. o 1^^\ ^ . P . ,„,à,3... 4». Hospieede Sniut-Luk, depuis. .. 1751 à iSor... 6*53. . aSir Sgg. HosiiUedeln rciraile prèi d'York dl,.i.. 1801 h iSU. .. 163. TOTAUX. ..>65iG. . 5ç.i8 Charcnlon, iu 3» nov.. 179S, au as juillet iBoo.. q-; . .. 33 'Bo3 49y. .. iGf .. 407 335 .. .73 TOTAUX. .. 3933. .- '99» S Taileaa Jei giièrisont obtenues à la Salptiriirt 1^ pendant du ani. î " tSQl leos isae lam jsoa IB09 J810 ISll ISiï isii 1BÏ1 aog 64- 47 7-1 S'i 4 3 » ■ \t ao(i 1 104 s-i iSS aog 4» (il 4 » lUS -,> loo5 ,io 4o 99 Des relevés faits dans divers établissemens ou hospices consacrés aux aliénés ', nous concluons : i" que la gué* * Tofei le chapitre iuti*liqu< à la fia de l'ouTHge. DE LA FOLIE. gS rlson absolue des aliènes est d'environ un tiers* : a" que le nombre des guérisons varie du quart à la demie. Cette différence tient à des circonstances particulières de loca- lité^ de maladies^ de traitement : i** que les guérisons sont plus nombreuses en France qu'en Angleterre (elles sont beaucoup plus rares en Allemagne et en Prusse ). Ainsi, quelque ostentation que les Anglais mettent dans le succès du traitement des aliénés, nous pouvons en France leur opposer de plus grands succès. Avis à nos compatriotes qui veulent que le mieux soit toujours chez les étrangers. Il ne suflit pas de déterminer le nombre des guérisons; 3 importe encore d'apprécier la durée de l'aliénation mentale ou de son traitement. C'est dans cette vue que j'ai rédigé le deuxième tabreau des guérisons pendant dix ans. La première colonne offre le nombre des admis* $ions, déduction faite des incurables; les lignes hori- zontales indiquent les guérisons de chaque année; la deuxièmecolonneverticaleindique le total des guérisons. J'ai constamment observé que, dans l'espace du pre- mier mois de la maladie, il se fait une rémission très marquée. Jusque alors la folie, qui avait eu une marche aiguë et violente , semble être arrivée à sa terminaison , et c'est alors qu'elle semble passer à l'état chronique ^ parce que la crise a été incomplète. Cette rémission, que j'ai observée avec le plus grand soin , doit-elle être attri- buée aussi aux symptômes qui compliquent la folie au dé- but? C'est souvent dans le premier mois qu'on obtient le plus grand nombre de guérisons, comparativement ^ Dans rétablissement dlvry , nous avons compté sur Sag aliénés de^ deux wttts, non paralyticjues» a63 guérisons = i sur 9,01. g/^ DE LA FOUE. aux mois suivans; c'est ce que confirme le Mémoire de Pinel lu à Tlnstitut en 1 806. Le terme moyen de la durée de )a folie a été fixé, dans ce même Mémoire , entre cinq et six mois. M. Pinel n'a compris dans les relevés qui l'ont conduit à ce résultat que les aliénés qui n'araient subi ailleurs aucun traite- ment, ou dont la ^maladie n'était pas très ancienne. M. Tuck donne une extension plus grande à la durée de la folie, dans le compte qu il rend de la maison de la retraite, près d'York* Kos données nous forcent à nous ranger à l'opinion de ce dernier. Tai été conduit à cette opinion en faisant le relevé des femmes aliénées admises à la Salpêtrière , pendant dix ans. Ce releré s'é« tend depuis 1 8o4 jusqu'à n 8 1 3. Il a été reçu deux mille huit cents femmes aliénées : sept cent quatre-vingt-quinze ont été reconnues incurables, à cause de leur âge 00 parce qu'elles étaient imbécilles, épileptiques ou paraly- tiques. Deux mille cinq ont été mises en traitement, sans avoir égard à l'ancienneté ni au caractère de la folie. Sur ce nombre, six cent quatre ont été guéries dans la pre- mière année; cinq cent deux dans la seconde; quatre* vingt-six dans la troisième; quarante-et-une dans les sept années suivantes; d'où on doit conclure: i"" que l'on obtient le plus grand nombre de guérisons dans les deux premières années : a"* que le terme moyen des guérisons est d'un peu moins d'un an : 3*" que, passé la troisième année, la probabilité de guérison n'est guère que d'un trentième. Il est néanmoins des cxem* pies qui prouvent qu'il ne faut jamais désespérer de la guérison des aliénés. Pinel ^ d'après Baumes, cite DE lA FOLIE. 95 l'exemple bien mémorable d^une dame qui a passé vingt-cinq ans dans un état de manie, au su et connu de toute une province, et qui tout-à-coup a recouvré la raison. ]'ai vu une jeune fille qui , depuis dix ans , était ensemence, avec suppression des règles. Un jour, en se levant, elle court embrasser sa mère: ah! ma- man^je suis guérie! Ses menstrues venaient de cou- ler spontanément, et la raison s'était rétablie aussitôt. Au reste , ces faits sont rares. Ils prouvent que lorsqu'il nV a pas de signes d'incurabilité, ou lorsqu'il existe quel- que désordre physique , on peut espérer qu'enfin la folie cessera. Je l'ai vue terminée deux fois au temps critique chez deux femmes qui étaient aliénées , et çnême en dé- mence maniaque , depuis leur première jeunesse. 11 y avait a la Salpêtrière , pendant que j'étais médecin de cet hospice , une femme qui , de la première menstrua- tion, était devenue folle, et qui guérit à quarante-deux as8, lors delà disparition des menstrues. liC plus grand nombre des guérisons s'obtient au prin- temps et à l'automne. L'Âge le plus favorable pour la guérison est depuis vingt ans jusqu'à trente ans. Passé cinquante ans, les guërisonisont rares. ^ L'on guérit beaucoup plus de manies et de mono- manies que de lypémanies : ou ne guérît point Tidiotie, ni la démence sénile: la démence chronique guérit rare- ment : les manies guérissent plus promptement que les Ijrpëmanies. ^ Des relevés statistiques « postérieurs à la publication de ce mémoire, Joitifieiil les proposilions précédeotes. Toj. tom. H . q6 de la. folie. Il est des fous qu'on ne peut guérir que jusqu'à un certain point. Ces individus restent d'une susceptibilité telle que les plus légères causes provoquent des re- chutes, et, alors, ils ne conservent leur raison qu'en restant éloignés de la société dans une mai^pn, ou nulle secousse morale, nulle inquiétude, nul événe- ment ne les expose à retomber dans leur premier état. Il en est d'autres dont le cerveau et par conséquent la raison a éprouvé une telle atteinte, qu'ils ne peuvent plus reprendre le rôlequ'ilsjouaientavant dans le monde: ils sont très raisonnables ; mais ils n'ont plus assez de tête pour être militaires, pour conduire leur commerce, pour diriger leurs afTaires, pour remplir leurs emplois ou leurs charges. On peut compter ces individus pour un vingtième, parmi ceux qui recouvrent leur raison. La plupart des aliénés conservent un sentiment pé- nible de leur maladie; ils sont souvent ingrats pour les soins qu'on leur a donnés, parce qu'ils imaginent qu'on s'est mépris sur leur maladie, et qu'on les a déplacés, isolés, traités à contre-temps. Ce phénomène, qui a été signalé par les anciens, qui est ordinairement très pro- noncé dans les premiers temps de la convalescence^ se dissipe peu-à*peu , et disparaît enfin lorsque les indi* vidus ont recouvré la plénitude de leur santé. Presque tous les aliénés, même les maniaques, ontie souvenir des idées, des illusions, des faux jugemens, des affections , quel qu'ait été le désordre de leur intel- ligence. Lorsqu'ils sont convalescens ils rendent très bien compte des illusions des sens, des hallucinations^ de leurs répugnances, de leurs aversions, de leurs pré* DE LA FOUE. Q^ férenceSy de leur obstination, enfin du motif de leurs déterminations et de leurs actes. Ils précisent très bien l'époque de la cessation du délire , ils indiquent les causes qui ont provoqué cette cessation ou les symp- tômes qui l'ont signalée; ils appi'<écient les soins qu'on leur a donnés, le bien ou le mal qu'on leur a fait, les erreurs ou les fautes qu'on a commises pendant leur maladie. La folie n'est donc point \bl perte de la con- science y car laliéné conserve souvent le sentiment de son état. Beaucoup de mélancoliques et même des ma- niaques ont une parfaite connaissance de tous leurs dis- cours et de toutes leurs actions, et après leur guérisou, ils racontent avec une surprenante ex.actuuâe, ce qu'ils ont fait, dit ou pensé : plusieurs, à cause du souvenir qu'ils en conservent , n'osent se montrer en public, re- nouer leurs anciens rapports, craignant, qu'en rentrant dans le monde, ils ne soient un objet de curiosité, de commisération et de défiance, ce qui blesse leur amour* propre et les humilie. * 1 J*ai rapporté , dans les Anmdes d'hygiène piMque et de médecine /e* fole, i836y t. \yfy page 197 , {Vexposé de rétat !psychique d'ane dame hyponoondriaque , d après un extrait des lettres qui m'ont été adressées par la malade. Tous les symptômes que cette dame a éprouvés y sont exposés et analysés par elle , avec une grande exactitude. Dans le même %oInme des AmnoUt , se trouve un mémoire du docteur Bergmann , où sont consignées les réflexions d'une personne qui , ayant été atteinte de manie, rapporte tout ce qu'elle a éprouvé pendant sa maladie. M. Leuret, dans ses Fragment pkychologtquM sur la Folie y Paris, i834, in-8, p. i5 , a publié rbistoire d'un maniaque qu*il a observé à Ivry, maniaque qui s'est rappelé, deux îomrt «pris les avoir dites , des paroles tout44ait incobérantes, et dont un iMMune jouissant de %a raison, à moins qu'il ne fût doué d*une exceikate nre , aurait asiurément beaucoup de peine à se souvenir* «• 7 ^ft DE 'Ul fFOhïM. Il n'est point xareque des individus regardës-eomme gucris parieurs pareus et même par le médecin, ne le soient point entièrement. Ces individus raisonnent parfaitement, ont repris leurs habitudes, leurs manières de vivre et remplissent même des fonctions importan- tes y tandis qu'il reste en eux quelque chose de singu- lier, de biâuirre et d'insolite* Un monsieur, dont la maladie avait été caractérisée par des hallucinations de louïe, quoique parÊiitement rendu à la raison^ éprou- vait encore les mêmes hallucinations; mais ce symptôme était fugace, et le convalescent *en appréciait très bien la cause ; il persista pendant quatre mois. Monsieur N... était guéri d'une manie lypémaniaqué ; il était rentré dans sa femille et avait été nommé à des fonctions très élevées , qu'il remplissait à merveille. Pendant un an , il ne voulut ni s'occuper d'une terre qu'il affectionnait beaucoup , ni correspondre à ce sujet, ni permettre qu'on lui en parlât, et que sa femme et ses onfans y allassent. C'est dans cette terre que sou délire ^vait éclaté avec le plus de violence. Une dame guérie, en apparence, d'un accès de ly- i émanie suicide avec des paroxysmes de manie, passe im mois à Paris pour se distraire et fortifier sa con- valescence; puis elle retourne au sein de sa famille, et reprend toutes ses anciennes habitudes : chacun est convaincu de son par&it rétablissement.'Un an après, son mari est frappé d'apoplexie foudroyante; le char grin qu'elle en éprouve fisiit sur elle une imprMsion ex- tvêmement profonde qui achève la guérison. Jusqu'alors elle était restée, à l'insu de tout le monde, avec des idées dâinintes dont le soin qu'elle prit de ses enfans f pour prévenir les funestes effets de la mort précoce de leur père , l'avait seul délivrée. Madame N..«^ après avoir été tourmentée pendant plusieurs mois par une sombre et délirante jalousie, qui l'avait poussée jusqu'à vouloir détruire ses enfans, quoi- que jouissant d'une raison parfaite , quoique rentrée dans le monde, où elle se faisait distinguer par son esprit et par ses charmes , ne voulut voir ses enfans que huit mois après sa guérison apparente. Les relevés que j'ai rapportés plus haut prouvent , jusques à l'évidence , qu'on guérit un plus grand nom- bre d'aliénés qu'autrefois. Mais les rechutes ! les re^ cbutes sont si fréquentes! répète-t-on de toutes parts. Tant il est vrai qu'il est aussi difficile de dissiper la frayeur de l'esprit de l'homme, que d'établir l'espérance dans son cœur. Il ne faut pas confondre les rechutes avec de nouvelles folies. Sur deux mille huit cent quatre aliénées traitées à la Salpétrière , deux cent quatre-vingt- douze y étaient pour un second ou pour un troisième accès. Ainsi , on peut croire qu'il y a un dixième de lecbutes. Chez les personnes riches, les rechutes sont plus rares , sans doute parce que les riches ont plus de moyens et plus de volonté pour éviter les causes de re- diute, tandis que la misère et l'indifTérence du pauvre l'exposent à toute l'action de ces causes. Les praticiens savent que ceux qui ont eu des fièvres , des phlegma*. sies, etc. 9 sont, plus que les autres individus, exposés à contracter ces mêmes maladies , parce qu'un oi^ane ooe fois afiecté est, par là même, plus disposé qu'un lOO DE LA. FOLIE* autre à être affecté de nouveau et de la même manière. On ne donne point le nom de rechute au retour de ces maladies. Pourquoi le donner à une nouvelle atteinte de folie? Tous les médecins d'hôpitaux ne voient-ils pas revenir souvent dans leurs salles, les mêmes individus et pour les mêmes causes? Ils pensent avoir à traiter une nouvelle maladie et non la précédente qui avait été guérie. Je ne nie point que les aliénés ne soient sujets aux rechutes ; ils y sont peut-être plus exposés que les autres malades, parce que les causes excitantes de la folie sont nombreuses, se montrent en tout lieu et dans toutes les circonstances de la vie; parce que les crises de cette maladie sont rarement complètes, parce que les individus guéris sont peu soigneux de se garantir des accidens qui les ont rendus malades, une première fois. Mais parce que les hommes sont imprévoyans, faut-il accuser d'impuissance la médecine ? J'ajoute que les rechutes ont presque toujours été prévues et que souvent on eût pu les prévenir. Greding, Monro, Crichton croient que les aliénés ne vivent pas long-temps , même ceux qui ont recouvré la raison. Je partage cette opinion jusqu'à un certain point; mais je ne l'exagère pas, comme l'a imprimé le docteur André, dans un journal allemand. A côté de cette opinion affligeante , l'expérience prouvé que plu- sieurs aliénés parcourent une iongue carrière/ U n*est pas rare de trouver dans les hospices , des fdusqui y vivent depuis vingt , trente et quarante ans. La mortalité des aliénés offre des considérations in- téressantes, quoique négligées jusqu'ici: elle doit être DE LA. FOLIE. lOI étudiée relativement au nombre des aliénés, à la saison, aux âges, au sexe, à Tespèce de foHe, à la maladie à la- quelle les malades succombent, à louverture des corps. La mortalité des aliénés , comme leur guérîson, dé- pend de plusieurs circonstances locales. L'une et Tautre sont modifiées par la position, la distribution générale du local où on les traite; par la direction, la surveil- lance, le régime; par l'espèce de malades reçus dans la maison. La mortalité doit être plus considérable, les guérisons sont moins nombreuses, lorsque l'on a affaire à toute sorte d'aliénés. Ainsi les tables de mortalité , pu- bliées par les médecins de Londres et d'York, sont les plus favorables, parce qu'on ne reçoit, dans les hospices de Londres et d'York, que des individus offrant les con- ditions les'plus favorables de guërisou , par conséquent les plus contraires à la mortalité; tandis qu'à la Salpê- trière, à Bicétre, à Charenton, un grand tiers des alié- nés admis, viennent terminer leur carrière dans ces hospices. Il faut aussi tenir compte des circonstances accidentelles qui doivent modifier ia mortalité : aussi on avait observé à l'Hôtel-Dieu de Paris que , lorsque la petite-vérole était épiaemique, il mourait un plus grand nombre d'aliénés. En 1 793, la disette augmenta ia mor- talité des aliénés de Bicétre (Pinel). ' Im mortalité est très forte en automne et en hiver, comme le prouve le tableau ci-joint (page 109); elle est i Eo i83i , le choléra ayant eavahl la division des aliénét de Bicétre et de U Salpèlrim, la novulité des aliénés des deuK hospiees a été plus con- fidénble qu'en temps ordinaire* Ce Oéana épargné la maison de Cbarantoo. lOa TfE LL FOLICX plus fatble au printemps et eh été. Dans ces dernières saisons , les moyens conservateurs de la vie concourent à écarter les dangers. Les aliénés sont moins casaniers qu'en hiver, ils font plus d'exercice; ils mangent des légumes frais; ils sont plus excités et plus gais. Aussi le* printemps est-il une saison doublement favorable aux aliénés, puisque , pendant le printemps, ils guérissent en grand nombre, et qu'il en meurt moins que dans les autres saisons; considération qui fournit une donn^ précieuse pour la direction des aliénés , et une forte objection contre le traitement débilitant. Nous avons vu que l'âge le plus favorable à la pro- duction de la folie, est de vingt-cinq à trente-cinq ans pour les deux sexes; il n'en est pas de même de la mor- talité. La mortalité la plus élevée, pour les deux sexes, est de trente à quarante ans, celle des femmes est plus forte de quarante à cinquante ans; celle des hommes de trente à quarante; elle est plus forte chez les femmes que chez les hommes, depuis soixante ans et les années suivantes. Il résulte donc du tableau sur la mortalité, que la mortalité des aliénés est plus précoce chez les hommes y et infiniment plus forte dans Tâge avancé, chez les femmes. On doit aussi tenir compte du traitement pour Fap* précier. Le mode de traitement adopté à i'HôteUDieu rendait dans cet hôpital, la mortalité plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les hospices de Bicêtre et de la Salpêtrière. A Marseille, Raymond établissait la mortalité des aliénés d'ua à quatorze. DE- ZAt VOUE. T09 Tenon, à Paris, en 1786, la fixe d'un à onze. Pinel, faisant abstraction des démences séniles, la porte d'un à vingt et même à vingt>trois. Je croîs qu'elle est plus forte; elle est d'un à six, à huit; mais pour avoir des idées plus précises , il faut la considérer dans les divers genres de folie. Voici ce que m'ont fourni mes relevés : Mortalité de la manie, un sur vingt-cinq. Mortalité de la monomanie, un sur seize. Mortalité de la Ijpémanie, un sur douze. Mortalité de la démence, un sur trois. Les imbécilles, les idiots ne guérissent pas; mais quel- ques-uns vivent long-temps. Cependant il est rare qu'ils passent trente à quarante ans. La manie accidentelle, aiguë, est rarement funeste; Ja iypéinanie simple^ même, celle qui est caractérise'e par l'impulsion au suicide, n'est mortelle que lorsqu'elle dépend d'une lésion organique, ou lorsqu'elle se com- plique avec le scorbut, la plithisie et la paralysie. Les malades alors tombent dans le marasme (^tabes melan- choUca de Lorry) , et succombent. La démence étant le dernier terme de toutes les aliénations mentales, est le plus ordinairement funeste : souvenf elle se complique de paralysie, et c'est cette complication qui rend la niortalité des hospices de Bicêtre et de la Salpêtrière d'autant plus considérable, que ces hospices sont le dépôt de toutQS les espèces de folies. La mortalité des aliénés est pins forte dans les deux premières années depuis Pmvasion de la maladie, que dtas lies anttéies suivantes; elle est plus forte dans la I04 1>£ l'A. FOLLE. première aimée de leur admission chez nos femmes de la Salpétrière. Ces considérations nous ramènent à Tétude des ma- ladies auxquelles succombant les aliénés. Les maladies qui terminent le plus ordinairement l'existence des aliénés , sont l'inflammation des ménin- ges^ la fièvre cérébrale, l'apoplexie , les lésions orga- niques du cerveau, du thorax ou de l'abdomen. On peut compter deux huitièmes d'affections encéphaliques, abstraction faite de l'épilepsie et de la paralysie au nombre des maladies qui tuent les aliénés ; deux huitiè- mes de maladies du thorax; trois huitièmes de maladies de l'abdomen, eu y. comprenant les dévoiemens coUî- quatifs, le marasme sans lésion organique. Le docteur Monro, s'appuyant des aphorismes de Grediug, assure que le marasme et l'hydropisie de poitrine font mourir le plus grand nombre des aliénés. L'ouverture des corps d'environ six cents aliénés ne m'a pas conduit à ce ré- sultat ; au contraire, les maladies du thorax sont moins nombreuses que celles de l'abdomen. Cette différence tiendrait-elle au climat, à la manière de vivre, au trai- tement employé pour combatfire la maladie? La fièvre lente «lerveuse termine souvent la lypéma- nie. Les lypémaniaques se refusent à tout mouvement: tantôt ilsne veulent point bouger de leur lit, tantôt il sont accroupis par terre: les uns rejettent avec obstination toute sorte d'alimens, les autres mangent avec une yo« racité effrayante ; ils semblent se plaire à braver tout ce qui peut détruire leiu* organisation ; ils maigrissent ; leur peau devient terreuse; ils tombent dans une débilité ex- DE LA FOLIE. Io5 tféme; la fièvre s'empare d'eux avec un paroxysme tous les soirs ; souvent le dévoiemeiit survient et hâte leur mort. La phthisie qui complique la folie, et plus particu* lièrement la lypémanie, a été observée par Mead et Lorry'. J'ai vu un grand nombre de fois la phthisie pré- céder de plusieurs mois la lypémanie et même la ma* nie, ou se déclarer en même temps qu'elle. Ces phthi- sies échappent à l'observation la plus attentive : les ma- lades s'affaiblissent y tombent dans le marasme et la Bèvre lente; quelquefois avec toux, dévoiement; ils s'éteignent; le délire, loin de cesser, augmente jusqu'à la fin. A l'ouverture des corps, on trouve les poumons tuberculeux,suppurés, quelquefois avec des vomiques; la mélanose des poumons n'est pas rare : presque toujours les infestins offrent des traces d'inflammation et de gan- grène, ainsi que la suppuration des cryptes dé la membrane muqueuse. On pourrait croire que les lésions organiques du pou- mon ont lieu, parce que les aliénés crient et usent cet organe parleurs vociférations; il n'en n'est pas ainsi , puisque la phthisie ne s'observe le plus souvent que chez les Jypémaniaques qui ne vocifèrent pas. Hippocrate aver<» tity dans les Coaques, que la phrénésie qui survient à la suite de la pleurésie est funeste. Quelquefois aussi , la folie alterne avec la phthisie et alors pendant la durée du délire, même le plus violent, tous les symptômes de phthisie cessent pour revenir après l'accès. * Hf fiulanehciia ei morhit mêlmteholisiu Parîsiis , s?^^ » t. z, p. 3S5» Le scorbut est encore une des complications les plti& fr^uentes de l'aliénation menlale; il est souvent une suite de la folie, de rinsalubrité des habitations , du défaut d'exercice, du mauvais régime des aliénés. Les aliénés scorbutiques sont ou l^pémaniaques ou dans la dëmcnoe , et très souvent paralytiques. U se manifeste alors des taches jaunes, brunes, noires, sur les mem* bres; les gencives sont fongueuses; ces malades sont pris de dévoiement séreux, quelquefois sanguinolent; les membres s'œdématient; il survient dos douleurs et des tiraillemens d'estomac; la face est pâle, bouffie. Les eschares au sacrum, aux talons, aux malléoles, aux troch^nters, aux coudes, les déjections involon- taires et séreuses, les syncopes, présagent une mort prochaine. A l'ouverture des corps, on trouve des épanchemens séreux dans la tête, le cerveau est infiltré; le eœiu* flasque, souvent la capacité du ventricule pulmonaire, et particulièrement celle de rorcillette droite est aug- mentée ; la vésicule biliaire pleine de bile noire et fi- lante; la rate, plus ou moins volumineuse, se réduit en une bouillie ressemblant à la lie de vin; la muqueuse des intestins est injectée, brune et enduite d'une mu- cosité brune, sanguinolente; les muscles, pâles et dé- colorés , se déchirent avec la plus grande facilité. La moitié des aliénés quel que soit le caractère da délire, mais plus particulièrement les monomaniaques qui succombent, sont paralytiques. Ces individus ont plus ou moins d'embarras dans l'articulation des sons; ils déraisonnent quelquefois ti*ès peu au dâuit ds la DE LA FOLIE. tOFJ maladie ; après qudques mois ou un an j s'ils n'ont en- graissé beaucoup, ils deviennent très maigres; ils s'af- faiblissent, marchent avec peine, se penchent ordinaif*^ remant sur le coté gauche ; les déjections deviennent involontaires, sans être plus liquides; il y a inconti* nence d'urine; l'embarras de la langne augmente; les forces diminuent , quoiqu'ils fassent de Pexercice et que l'appétit soit vorace; dès qu'ils s'alitent, il se forme des eschares gangreneuses au coccyx , aux trochanters, aux talons, aux coudes; ces gangrènes humides font des progrès rapides, dénudent bientôt les os; la fièvre se développe. Il survient des convulsions épileptiformes ^ les membres sont violels et très froids; le pouls ne se fait plus sentir; les malades meurent. J'ai dû signaler ces deux terminaisons , parce que je les ai observées très souvent. L'apoplexie est encore une des maladies qui termine la vie des aliénés : sur deux cent soixante-dix- sept indi- vidus, trente -sept sont morts apoplectiques. Pinel, le premier, a signalé cette variété de mort subite dont sont frappés quelques maniaques, et quelques monomaniaques , particulièrement pendant l'hiver : les vieillard» y sont plus exposés que les jeunes gens. Tout» à*coup la fureur la plus violente, le délire le plus exalté cessent, et en peu d'instans le malade meurt. Il semble ^e toutes les forces de la vie aient été épuisées par 1 excès de lexcitation maniaque. J'ai donné des soins à un vieillard de soixante-douze ans, sec et maigre, qui^ depuis trois mois, était dans une agitation et un délire Oftntinuela : à soa réveil il demande, da toUr U plua; ro8 DE LA. FOUE. calme, sa tabatière à son domestique; il prend une prise de tabac et meurt. La putréfaction s^est emparée très vite de son corps, et l'intérieur du crâne n'a pré* sente aucune altération. M***, âgé de quarante-trois ans, d*un tempérament sec, était,' depuis un mois, dans un accès de délire avec fureur : le trentc-et-unième jour, on l'aperçoit pâlir; il demande à s'asseoir et expire. J'ai tl*ouvé dans la duplicature du repli falciforme de la dure-mère, un point osseux pisiforme , de trois lignes environ de diamètre , déprimant la circonvolution correspondante du cerveau. Chez d'autres je n'ai rien trouve. TABLEAUX RELATIFS A LA MORTALITÉ DES ALIÉNÉS. E N. U Mortalité relative aux admissions, ADMISSlOXrs. MORTS. Bicétre, pendant les années 1784 à 1794 x4oS.... 685 Salpétricre(PiDel), x8oi à x8o5 zooa.... aSo Chareiiton , pendant Tannée i8o3 499 • • • • Sa Salpétrière, 1804a 18x4 2804.. •• 790* * Les 790 morts de la Salpétrière , de 1804 à 18x4, relaU^ement a«z admissions , out eu lieu dans la proportion suivante ; 382 dans la pre- mière année, ^27 dans la deuxième, et 181 dans les sept années suÎTantet. N. 2. Mortalité reUuive aux saisons, **"• f Pendant les dix années , de x 804 à x 8 1 4 , les 790 nnorts de la Salpé^ trière onl préseoté les proportions suivantes, relativement aux saisons : Mars , aTril , mai 17$ Juin, juillet^ août 174 Septetûbre , octobre , novembre ai4 Décembre, janvier , février 207 DE LA TOLIB. 109 N. 1. SlorlaliU tairont l» à g..,' ^ Icij'ii parapprothcr la iDorUlilédei homme» HTM lor le mime nombre de mort» des deux selej. celle deatemmca II ées, el à'pcU'prei 1 Bieélre. Hommit. De 1784 1 i;gl. SAfHriin.Fem> »u.Dc 8o4iiS.4 îoi-" I7« .. S3 ::& 685 790 1 ^-5 Tabltaa Je la mortalité à la Sa//,^iri ™ s 1 '""'Z'fr! ""'' idoj (BOS .80. 1*07 .... 1«U9 ISld 18» 1S13 ISlJ »7i 11 ïi ,. fi toi .« -5 iBi X ■l;i iT ; "■ z 3S 3< In îî 64 >33 loi le ;î 9 55 33 '9* î' '™*- • ■ ^ olal _ __ _ j^l rSO I>C LA. FOLIE. Tableau des maladies auxquelles succombent les aliénés. Fièvre adynamique • • . . 32 Fièvre ataxique 14 Fièvre cérébrale aS Fièvre lente nerveuse s5 Pleurésie. . . . la Phlhisie a8 Péritonite latente. x3 Dévoiement coUiquatif , loorbttt 38 Hydropéricarde. zi 5quirre du pylore 4 Lésions organiques du foie -55 Apoplexies 33 Epilepsies 4 Total a77 Nous voilà conduits naturellement à Touverture des corps des aliènes. A ce mot , chacun espère que nous , allons indiquer le siège de la folie ^ que nous allons faire connaître la nature et le siège de la lésion organique, dont la folie est la révélation. Nous sommes encore bien loin de ce but. Les ouvertures de corps £siites jusqu'ici ont été «tëriles. Les faits observés par Willis, Blanget, Bonet, Morgagni, Gunz, Meckel, Greding, Vicq-d'Azyr, Camper, Cbaussier, Gall, etc. n'ont eu que des résultats négatife ou contradictoires. Ces obser» vatcurs célèbres n'ont eu qu'un petit nombre de sujets soumis à leurs recherches. Tous les travaux sur l'ana- tomie du cerveau, n'ont eu d'autres résultats qu'une description plus exacte de cet organe , et la certitude désespérante de ne pouvoir jamais assigner à ces par- 0E ljl folie. m lies des usages d'où Ton puisse tirer des connaissances applicables à l'exercice de la faculté pensante^ soit dans Tétat de santé , soit dans la maladie. Ayant de rien conclure des lésions organiques ob- servées chez les fous , ne fallait-il pas connaître toutes les variétés du crâne et du cerveau compatibles avec Tin- tégrité des facultés de l'entendement ? C'eût été là le véritable point de départ de toutes recherches patho- logiques. Or, dit le savant Chaussier, il n'est pas d'or- gane dans lequel on trouve plus de variétés pour le volume, le poids, la densité, les proportions respec- tives que dans l'organe encéphalique ^ Â-t-on bien diÂlingué ce qui est le produit des maladie^ concomi- tantes ou des maladies auxquelles succombent les alié- nés, d^avec ce qui appartient à l'aliénation mentale. Les lésions organiques du cerveau se révèlent par des signes qui ne sont pas la folie. Ainsi l'inflammation chronique des méninges produit la compression qui se révèle par la paralysie, le sang épanché de l'hémorragie céré- brale est manifesté par la paralysie. Les tubercules , les cancers, les ramollissemens ont des caractères pro- pres qu'on ne peut confondre avec l'aliénation mentale. A-ton réOéchi aux guérisons subites, instantanées de la folie : c'est pour avoir négligé ces considérations , qu'on a tant déraisonné sur le siège de la cette maladie • La description minutieuse et détaillée des altéra- tions , et des lésions organiques observées sur les ca- * Mjiposision sommaire de U strudure tildes diffktnêêi parties de ^Ptmi pksdenVniB, cSo^y^ln-S, fig. lia DE LA FOLIE. davres des aliénés seraient trop longue, et d^autant plus superflue 9 qu'elles n'offre rien de positif. En traitant de la manie 9 de la monomanie , etc., je parlerai des ou- vertures faites sur les. individus qui ont succombé at« teints de ces divers genres de folie. Je me contenterai ici de donner les conclusions qu'on peut tirer de toutes les ouvertures faites jusqu'à ce jour. Je ne prétends pas que ces corollaires soient d'une rigueur mathématique; mais ils sont vrais dans la généralité des faits observés : 1^ Les vices de conformation du crâne ne se ren- contrent que chez les imbécilles, les idiots, les crétins; Q? Les lésions organiques de l'encéphale et de ses enveloppes n'ont été observées que sur des aliénés dont la folie était compliquée de paralysie , de convulsions , d'épilepsie, ou bien ces lésions appartenaient à la ma* ladie à laquelle ces aliénés ont succombé; 3"* Les épanchemens sanguins ou séreux; les injec- tions ou les infiltrations qu'on rencontre dans la cavité crânienne; l'épaississement des méninges, leur adhé- rence entre elles, avec le crâne, avec la substance grise; le ramollissement partiel ou général du cerveau, la densité de cet organe, les tumeurs fibreuses, tubé- reuses^ cancéreuses, etc., observées dans le crâne; toutes ces altérations indiquent les causes ou les effets de la folie, ou mieux les effets d'une complication de la maladie à laquelle succombent les aliénés; 4"* Les altérations du thorax , de l'abdomen , de la cavité pelvienne , sont évidemment indépendantes de la folie. Ces altérations peuvent néanmoins quelquefob indiquer le premier point de départ de l'aliénatioii DE LA FOUE. * " llZ mentale, en montrant l'organe primitivement malade qui a réagi sur le cerveau ; 5"* Toutes les lésions organiques observées chez les aliénés, se retrouvent dans les cadavres d'individus qui n'ont jamais eu de délire chronique; 6"* Beaucoup d'ouvertures de corps d'aliénés n'ont présenté aucune altération, quoique la folie eût per- sisté pendant un grand nombre d'années; 7^ L'anatomie pathologique nous montre chaque partie de l'organe encéphalique altérée, suppurée, dé- truite, sans lésion clironique de l'entendement; 8' De toutes ces données, on peut conclure qu'il est des folies dont la cause immédiate échappe à nos moyens d'investigation , que la folie dépend d'une mo- dification inconnue du cerveau , qu'elle n'a pas toujours son point de départ dans le cerveau,' mais bien dans les foyers de sensibilité, placés dans les diverses ré- gions du <|ÉÉ|; ^^ même que les désordres de la circulation H^épendent pas toujours des lésions du cœur, mais de celles de toute autre portion du système sanguin. Cette conclusion contrariera ceux qui pré- tendent, par le caractère du délire, pouvoir assigner la portion du cerveau qui est lésée; elle contrariera ceux qui veulent qu'il y ait des foUes idéales; j avoue que je n'entends rien à cette dénomination ; je ne com- prends pas davantage ce qu'on veut dire ^x folies in- tellectuelles ^ folies mentales; je ne suis pas plus heureux pour l'intelligence de tous les systèmes qu'on a ima* ^nés pour expliquer le délire et les symptômes de l'alié- nation mentale. Heureusement, cette connaissance n'est 1. s 134 ^' ^^ FOUI. pas iedispensabie pour la guénaon des aUéoés. Etadions les causes, les caractères , la marcbe, les termioaiscMQs de la folie ; tâchons de bien apprécier Tinfluenee que les agens physiques ^ intellectuels et moraux, «xeroeot sur cette maladie, et sK>tts trouveroos les moyens pro- pices à la coiubattre. Pour guérir la folie , il n'est pas plus nécessaire d'en connaître la nature , qu'il n'est né- cessaire de connaître la nature de la douleur, pour employer avec succès les calmais et les sédatifs. § rV. Pronostic de la folie. Pour établir le pronostic de la foUe^ il fallut oe pas perdre de vue Tacception que je donne aun: dénonsi- nations imposées aux cinq genres de cette maladie : sans cela on me trouverait en contradiction avec des auteurs dont je partage la manière de v|||L L'imbécillité, Tidiotisme ne guérissenflpbais. La monomanie et la lypémanie guérissent lors- qu'elles sont récentes , accidentelles , et qu'elles n^ dé- pendent pas d'une lésion organique. La manie guérit plus souvent que la monomaBie et la lypémanie. La démence aiguë guérit quelquefois, la démence chronique très rarement', la démence ^énile jamais. La folie héréditaire guérit; mais les rechutes sont plus à cnaindre que. pour la folie accidentelle. La folie chronique guérit difficilement, surtout npràs la deuuàiae année, eue nuérit avec d'auttut ;plMi 4e StE LA FOLK. Il5 • difEculté, que les causes prédisposantes ont agi long- temps avant l'explosion du délire. - Quelque ancienne que soit l'aliénation mentale , ou peut en /espérer la guérison tant qu'il existe iles dérange- mcos notables dans les foniîtîoas de la vie à» nutri- tion. Les causes morales qui agissent promptement sont une circonstance favorable de gu^isoo ; mais si leur action a été lente, Qn guérit difficilement. Les excès detude qui jettent daos k folie doivent faire craindre qu'on ne guérisse pas, surtout lorsque avec ces excès, il y a *eu des écarts de régime. Les folies causées ou entretenues par des idées reli- gieuses , par rpvgueil , guérissent rarement. Les folies entretenues par des halluciiiatioas sont très difficiles à guérir. Les folies dans lesquelles les malades jugent très bien leur état, offrent beaucoup de. difficultés, si elles ne guérissent promptement. Lorsque les aliénés ont recouvré l'intégrité des fonc- tions assimilatrices^^ l'appétit, le sommeil, l'embon- point, etc., sans diminution du délire, ou doit peu compter sur la guérison. IfOrsque la sensibilité des aliénés est tellement af- faiblie qu'ils peuvent fixer le soleil, qu'ils ont perdu le goût et l'odorat, et qu'ils restent impassibles à toutes les iut^œpéries, ils ne guérissent paa. I^ folie est inpurable lorsqu elle 08t la suite du scor- but, dq l'épilepsi^î la oomplÛES^tioa avec ces maladies et avec la pai^lysie conduit iaiévitablen^ent k la aaart. 8. I I|6 DE LA FOLIE. § V. Traitement de la folie. Il est sans doute plus facile de bâtir des systèmes , d'imaginer des hypothèses brillantes sur Taliëuation mentale 9 que d'observer les fous, que de dévorer les dégoûts de toute sorte auxquels sont exposés ceux qui veulent, par l'observation, étudier l'histoire de cette grande infirmité. La difficulté de saisir les formes variées et fugitives de la folie, la rudesse sauvage de quelques monomaniaques, le silence obstiné des uns 9 les dédains et les injures des autres, les menaces et les coups des maniaques, la malpropreté dégoûtante des imbécilles, les préjugés qui aggravent le sort de ces infortunés, ont découragé ceux qui voulaient cultiver cette branche de l'art de guérir. On évite les maniaques, ils effraient; on Ses laisse dans leurs chaîi\es : on né- glige un peu moins les monomaniaques; ils se prêtent mieux à l'observation ; leur délire se ploie plus facile- ment aux théories et aux explications. Cependant il faut vivre avec les fous pour avoir des notions exactes sur les causes, les symptômes, la marche, les crises, les terminaisons de leur ipaladie : il faut vivre avec eux pour apprécier les soins infinis, les détails sans nombre qu'exige leur traitement. Quel bien ne retirent point ces malades d'une communication amicale et fréquente avec le médecin qui les traite! Que de leçons précieuses celui-ci ne recueille-t-il point relativement à l'influence de l'homme physique sur l'homme moral, et réciproquement! Dans les gestes, DE LA. FOLIE. ll'J daus les moiivemenSy daus les regards, dsuïs le faciès, dans les propos, dans les actions^ dans des nuances imperceptibles à tout autre , le médecin puise souvent la première pensée du traitement qui convient à chaque aliéné confié à ses soins. L'aliénation mentale nous offre trois ordres de phé- nomènes, soit qu'on étudie les causes qui la produisent, soit qu'on étudie les symptômes qui la caractérisent. Nous avons vu des causes physiques, des causes intellec- tuelles et morales agissant sur le cerveau pour produire là folie, quelquefois isolément, quelquefois simultanément : ces causes ont une action tantôt générale, tantôt locale, tantôt primitive, immédiate, tantôt secondaire, sym- pathique. Leur action varie suivant les individus et leurs effets sont divers et même très opposés : nous avons vu des désordres physiques, des désordres moraux et intel- lectuels signalant toutes les périodes de la maladie à des degrés plus ou moins intenses : nous avons vu quel- quefois la nature faire seule tous les frais de la guéri* son , et ramener les malades à la santé par des routes qui échappent à l'œil le plus exercé. Plus souvent l'a- liénation mentale se juge par des crises sensibles. Il n'est pas rare de voir des guérisons qui semblent tenir du prodige, et qui s'opèrent par l'influence morale , soit accidentelle, soit provoquée. Ainsi, dans les vues générales du traitement des alié- nés, on se proposera de faire cesser les désordres physi- ques, les aberrations de l'entendement et le trouble des passions. C'est donc à manier habilement l'intel- ligence, les passions et à user convenablement des Tl8 m l^JL FOLR. moyens physiques, que doit tendre le traitement des fous. Il ne faut jamais perdre de vue les causes qui ont préparé la folie et qui Font provoquée; on ne perdra pas de vue surtout les habitudes , les maladies anciennes ^ antérieures à Taliénation mentale , et qui ont cessé peu avant où à Tinstant que le délire a éclaté* Les anciens faisaient consister le traitement de l'alié- nation mentale dans l'usage de rt'Hébore \ Un accident servit d'occasion pour proposer le bain de surprise. La découverte de la circulation du sang fit prodiguer la saignée; les humoristes revinrent aux purgatifs; les Anglais mirent en vigueur les préceptes dont Arétée et Cœiius avaient posé les bases, et dont Erasistrale et Galien avaient fait une si heureuse application : ils en firent un secret; Pinel trahit ce secret et changea le sort des aliénés. Les chaînes se brisèrent '; on soigna les fous avec plus d'humanité; l'espérance gagna les cœurs, une thérapeutique plus rationnelle dirigea le traitement. Souvent il faudra varier, combiner, modifier les moyens; car il n'y a point de traitement spécifique de la folie. De même que celte maladie n'est pas identique chez tous les individus; de même qu'elle a chez chacun des causes, des caractères difïerens, de même elle exige de nouvelles combinaisons , un noà^ veau problème à résoudre, pour chaque aliéné qu'en doit traiter. Je me bornerai à des considératicms gêné- * Article 'ELLÛBOfiiSMZfEncyclop, méthod,', parPh. Pînel. ' Bkitrt en 1791 , eut de VtdpoliHon des ch«(nes (Méraoirttâe VAeidlale royale de Médecine. Pari» , 1 8 36 , t« v^ pag. 3 1 . IMT lA, fous. tfg raies qui contiennent à tous, et j'apprécierai quelques médicamens indiqués comme héroïques. Dans Tétude des symptômes , nous avons vu que la lésion des sensations , celle de l'association des idées ^ delà volonté 9 causée par le défaut d'attention, pro- duisait et entretenait le délire aussi bien que la perver- ^on des passions. Tout ce qui pourra agir sur le cer- veau 'directement ou indirectement et modifier notre é(re pensant, tout ce qui pourra dominer et diriger les passions, sera l'objet du traitement moral. La première question qui se présente est relative à l'isolement : tout aliéné doit-il être soustrait à ses habi- tudes, à sa manière de vivre, séparé des personnes avec lesquelles il vit habituellement , pour être placé dans des lieux qui lui sont inconnus, et confié à des soins étrangers? Les médecins anglais, français, allemands, sont d'accord sur la nécessité et l'utilité de l'isolement. Willis , qu'on alla si long-temps et si chèrement trouver en Angleterre, pour guérir les aliénés, avait remarqué que les étrangers guérissaient plus sûrement que les An- glais. On en peut dire autant en France. T^es guérisont sont plus fréquentes parmi les malades qui viennent à Pa- ris pour y être traités, que parmi ceux qui habitent la capitale: ceux-ci ne sont point assez complètement isolés. Le premier effet de l'isolement est de produire des sensations nouvelles^ de changer et de rompre la série d'idées dont l'aliéné ne pouvait sortir : des impres- sions inattendues et nouvelles frappent, arrêtent, ex- dtent son attention, et le rendent plus accessible avtt conseils qui doivent le ramener à la raison. Aussi dès laO DE LA FOLIE. le premier moment qu'un aliéné est isolé , surpris, étonné y déconcerté, il éprouve toujours une rémission précieuse pour le médecin, qui, alors, trouvant le ma- lade sans prévention, peut plus facilement acquérir^ confiance. L'isolement n'est pas moins utile pour combattre le désordre des affections morales des aliénés. Le trouble survenu dans le système nerveux change la nature des sensations et les rend souvent douloureuses; les rapports naturels avec le monde extérieur ne sont plus les mêmes; au-dehors, tout semble bouleversé. Le malade qui ne croit pas que la cause de ces phénomènes soit en lui, est en désaccord avec tout ce qu'il voit et tout ce qu il entend, ce qui exalte ses idées et le met en contradiction avec les autres et avec lui-même. Il se persuade qu'on veut le contrarier, puisqu'on désapprouve ses excès et ses écarts. Ne comprenant pas ce qu'où lui dit, il s'impa- tiente, le plus souvent il interprète mal les paroles qu'on lui adresse; les témoignages de l'affection la plus tendre sont pris pour des injures , ou pour des énigmes qu^il ne peut deviner ; les soins les plus empressés sont des vexations ; son cœur ne se nourrit bientôt plus que de défiance. L'aliéné devient timide, ombrageux; il craint tout ce qui l'approche ; ses soupçons s'étendent aux per- sonnes qui lui étaient les plus chères. La conviction que chacun s'attache à le tourmenter, à le diffamer, à le ren- dre malheureux, à le perdre, à le ruiner, vient mettre le comble à cette perversion morale. De là ce soupçon symptomatique qui s'accroît souvent sans motif, quelquefois par des contrariétés inévitables , qui aug- DE LA FOLIE. 121 meote en raison de Taltëration des facultés intellec- tuelles, et qui se peint si bien sur la 'physionomie des aliénés. Avec de semblables dispositions morales, laissez un aliéné au sein de sa famille, bientôt ce tendre fils, dont le bonheur consistait à vivre auprès de son père, d^rtera la maison paternelle. Cet amant désespéré croit, par ses conseils, ramener la raison égarée de celle qu'il adore; rinfortuné rend la plaie plus profonde ! Celle qui l'a tant aimé, bientôt ne verra plus en lui qu'un perfide, un infi- dèle qui affecte des dehors empressés pour mieux la trahir. Cet ami, le cœur gros de douleur et de soupirs , espère , par des soins affectueux, rendre à son ami cette sensi- bilité, cette raison y source de leur attachement et de leur bonheur. Bientôt, malheureux ami, tu seras com- pris dans la proscription générale, et tes soins seront, pour ton ami malade, des preuves que tu t'es laissé corrompre par ses ennemis. Qu'espérer, si l'on ne change la situation morale d'infortunés aussi . forte- ment prévenus ? qui de nous n'a pas éprouvé la diffé- rence qu'il y a d'être trompé, contrarié, trahi par ses proches, ses amis, ou de l'être par des individus qui nous sont étrangers ou indifférens? Ce malheureux devenu tout-à-coup le maître de la terre, dicte des ordres souverains à tout ce qui l'envi- ronne; il prétend être obéi aveuglément par ceux qui toujours avaient cédé à ses volontés, par respect ou par affection. Sa femme, ses enfans, ses amis, ses domesti- ques, sont des sujets; ils ont toujours obéi, comment osent-ils être désobéissans ? Il est dans ses états; il com- mande en despote ^ il est prêt à punir atec la dernière sëvéritë quiconque osera faire la moindre remontrance; ce qu'il exige est impossible ; n'importe; il veut; les vo- lontés des grands doivent-'elles rencontrer des obstacles invincibles? L'affliction de sa famille , le chagrin de ses amis, l'empressement de tous, leur déférence pour ses volontés et ses caprices / la répugnance de chacun pour le contrarier, dans la crainte d'exaspérer ses fu- reurs; tout ne contribue^t-il point à confirmer cet aliéné didisses idées de puissance et de domination. Enlevez-le a ses prétentions, en le transportant hors de chez lui: hors de son empire , éloigné de ses sujets, il recueillera ses idées , dirigera son attention pour se reconnaître dans ce monde nouveau et pour se mettre en rapport avec ceux qui l'entourent. . Souvent la cause de l'aliénation mentale existe au sein de la famille; la maladie prend sa source dans des cha- grins, des dissensions domestiques, des revers de for- tune, des privations, etc., et la présence des parens, des amis de l'aliéné irrite le mal. Quelquefois un excès de tendresse entretient la maladie : un mari se per- suade qu'il ne peut faire le bonheur de sa fenîme^ 2 prend la résolution de la fuir ou de terminer son existence, puisque c'est le seul moyen de la rendre heu- reuse. Les pleurs de sa femme, sa contenance triste, sont autant de nouveaux motifs qui |)ersuadent à cet infor- tuné qu'il n'a rien à faire de mieux qu'à se détruire., ÏA première commotion donnée aux facultés intellectuelles et morales a-t-elle eu lieu dans la propre maison de l'aliéné, au milieu de ses proches? La vue de ceOe mttson et des personnes qui l'habîtefit rappellera saos cesse au malade ses idées et ses sensfiitioM dëiii^aates:» Le seul moyen de détruire cette funeste ateociadon BQtre une impression reçue et les symptôme» du délire, consiste à empêcher que cette impression se se re^on^ v^lle^ et, pour cela, il faut soustraire le iiNilade aux causes qui la produisent. On remarque généralement que les àliëc^s |>renMnt en haine, en aversion, certains individus, sans le moindre motif, et sans que rien puisse leSr faire ira^* venir à cet égard. L'objet de leur haine est presque tou- jours la personne qui, avant la maladie, avait toute leur tendresse; c'est ce qui rend ces malades ordinairement m' indiflerens, quelquefois si dangereux pour leurs pa- rens, tandis que les étrangers leur sont agréables, sus^ pendent leur délire, soit que la nouveauté des per*^ sonnes et des choses leur soient toujours utiles, soit parce qu'ils n'ont aucun souvenir, aucune arrière-pen* sée fâcheuse à rattacher à la personne de cet étran- ger, soit que, par un sentiment secret d'amour-propre, ils veuillent cacher leur état. J'ai vu des malades paraître Irès calmes devant leur médecin et les étrangers, ea Eitéme temps qu'ils injuriaient à voix basse leurs pareDS ou leuRS amis , et qu'ils se cachaient pour les pincer, le» piquer , les déchirer, etc. Telà sont les obstacles et les incotiv^niens que prë«> sente le séjour des aliénés dans leurs familles^ lorsqu'on vent les traiter. Voici les avantages que ces malades doivent retrouver dans une maison côn$ai!arée h leur trnieBenti oii placés dans des ciroonstanties inaecoula^ I2l4 DE LA FOLIE. mées, et confiés à des étrangers, ils recevront des im- pressions nouvelles. Dans quel lieu se fera Tisolement ? Nous l'avons déjà dit, l'aliéné sera placé dans une maison consacrée au traitement des maladies mentales. Nous préférons une pareille maison à une maison particulière, où, à grands fixais, l'aliéné est isolé. Les isolemens partiels ont rare* ment réussi; ils offrent beaucoup des inconvéniens qu'on veut éviter, en retirant les aliénés de leurs demeures habituelles, et ils présentent très peu des avantages d'une maison dans laquelle plusieurs malades sont réunis. L'objection la plus forte contre Tisolement dans une maison disposée pour ce genre de traitement, porte sur les effets fâcheux qui peuvent résulter pour un aliéné, de vivre avec des compagnons d'infortune* Je ré- ponds que, généralement, cette cohabitation ne nuit point, qu'elle n'est point un obstacle à la guérison, qu'elle est un moyen de traitement, parce qu'elle oblige les aliénés à réfléchir sur leur état; parce que les objets or- dinaires ne faisant plus d'impression sur eux, ils sont distraits par les extravagances de leurs commensaux ; ib sont forcés à vivre en dehors, à s'occuper de ce qui A passe autour d'eux, à s'oublier, en quelque sorte , eux* mêmes , ce qui est un acheminement vers la santé. Le désir d'être libre, le besoin de voir ses parens, ses amis, naissent de la privation de ces biens et remplacent des désirs, des besoins imaginaires et déraisonnables. L'en- nui exerce, à sa manière, une influence favorable sur les idées, sur les affections des aliénés. La présence, h conduite de leurs commensaux, sert de texte au oié- DE LA FOLIE. ia5 dcciu qui veut parler à l'imagination. Cependant il est des cas dans lesquels l'isolement, comme toutes les choses les plus utiles , peut être nuisible, lorsqu'il n'est pas modifié d'après la susceptibilité des malades, le ca- ractère du délire, d'après leurs passions , leurs habitu- des, leur manière de vivre. Il ne faut jamais être ab- solu dans la pratique; l'art consisté à bien démêler les indications qui doivent modifier les principes, quelque force qu'ils tirent de Texpérience. Dans une maison consacrée au traitement des aliénés, les locaux sont plus convenablement disposés que dans une maison particulière : avec moins de gêne, le malade est mieux surveillé. Que fera-t-on d'un fu- rieux dans un appartement, dans une maison, quelque vaste qu'elle soit ? Les soins de sa conservation obli- geront à le lier, à le garrotter dans son lit; état de gêne qui augmente le délire et la fureur, tandis que, dans une maison convenable, laliéné pourra se livrer à ses divagations, avec moins de danger pour lui et pour ses serviteurs. Dans une pareille maison, les soins sont ipieux entendus, les domestiques mieux exercés. La distribution des bâtimens permet de placer et de dépla- cer le malade d*UDe habitation à une autre, relativement a sou état, aux efforts qu'il fait sur lui-même, et à ses progrès vers la raison. Ces vérités utiles pour les alié- nés riches, sont d'une rigoureuse application au traite- ment dès pauvres* Une maison, ou un hospice consacré aux aliéàés, doit avoir un règlement auquel tout le monde soit sou- mis^ qui serve de réponse à toutes les objections, qui aide à surmoDter toutes les répugnances , en même temps qu'il fournit à robéissancey des motifs qui répugnent moins que la volonté ou le caprice d'un chef. Il y a dans une maison semblable un mouvement, une activité, un tourbillon dans lequel entre peu-a-peu chaque commen- sal; le lypémaoiaque le plu^ entêté , le plus défiant, se trouve à son insu forcé de vivre hors de lui , emporté par le mouvement général, par l'exemple , par les im- pressions, souvent bizarres, qui frappent perpétuelle- ment ses sens; le maniaque, lui-même, retei^u par l'harmonie, l'ordre et la règle de la maison, se défend mieux contre ses impulsions et s'abandonne moins à ses actions exice^triques. Dans une maison d'aliénés, il doit y avoir un chef et rien qu'un chef de qui tout doit ressortir. Jlcil, et omx qui, après lui , ont voulu qu'une maison d'aliénés fut di- rigée par UQ médecin, un psychologisle et un moraliste, n'avaient nuUe expérience pratique, et n'avaient point apprécié les inconvéniens de la division des pouvoirs. Y a-t-il plusieurs chefs qui ordonnent, l'esprit des aliénés ne sait sur qui se reposer , il s'égare dans le vfigue; la confiance ne s'établit point: or, sans con* fiance, point de guérison. L'esprit d'indépendance trouve des faux«fuyans contre l'c^éissance, lorsque l'autorité est divisée. C'est pour prévenir ces deux in- convéniens qu on n'admet qu'avec réservé , auprès des aliénés, leurs parens et leurs amis. Les aliénés sont de grands enfans, et des enûms qui déjà ont reçu de ^Misses idées et de mauvaises directions; ils ofifi^ent tant dft poiats de oootact avec les eu&ns et. les jeunes gen^^ ^'on I» DE Uk JOUM, %%'J rie sera pa$ surpris si les uns et les autres doivent être* conduits d'après des principes semblables. Le médecin qui donne l'impulsion à tout , dans un pareil établissement , auquel se réfère tout ce qui inté- resse chaque individu | voit ses malades plus souvent , est plus souvent informé de tout ce qui les touche, in- tervient dans leurs dissensions , dans leurs querelles ; il les conduit par des principes plus éclairés et plus posi- tifs ; il dirige leurs actions , il les fait surveiller par des gens qui en ont l'habitude. XE LA FOLIE. dans cet asile pour y favoriser le succès du traitement, parce que tout doit y être prëvu pour que les malades ne puissent nuire ni à eux-mêmes, ni à leurs compa- gnons d'infirmitës, ni à ceux qui les servent. Le calme dont jouissent les aliénés , loin du tumulte et du bruit; le repos moral que leur procure l'éloigne- ment de leurs habitudes , de leurs affaires, des soins do- mestiques, sont très favorables à leur rétablissement Soumis à une vie régulière, à une discipline, à un ré- gime bien ordonnes, ils sont contraints de réQéchir sur le changement de leur situation. La nécessité de se con- tenir, de se composer avec des étrangers , la cohabita- tion avec des compagnons d'infortune, sont de puissans auxiliaires pour faire retrouver la raison perdue. Les soins qu'un aliéné reçoit au sein de sa famille sont comptés pour rien; chacun fait son devoir en s'^em- pressaut autour de lui : hors de chez lui, les soins qu'on lui prodigue, sont appréciés, parce qu'ils sont nouveaux, parce qu'ils ne sont pas rigoureusement dus. Les pré- venances, les attentions, la douceur agiront sur lui, parce qu'il a moins le droit de les attendre de la part de gens qu'il ne connaît pas. Qu'un homme exercé et habile profite de cette disposition , qu'il commande la con- fiance et l'estime, bientôt l'aliéné trouvera dans' cet inconnu un homme qu'il faut ménager, ou à la bonté duquel il faut s'abandonner. La nécessité d'une dépett« dance à laquelle on ne peut se soustraire, l'espérance, la crainte, l'ennui même commenceront à lui faire soupçonner qu'il est malade. S'il acquiert cette convic- tion , la guérison n'est pas éloignée. DE LA FOLIE. ISQ Quel({ue8 aliénés transportés dans un lieu nouveau, se croient abandonnés de leurs parens j de leurs amis ; qu'on leur prodigue des consola tions^ des égards; qu'on leur promette de les aider à renouer le fil qui les altal- cfaait à l'existence morale, ils passent de l'excès du dé- sespoir à l'espérance : ce contraste de sentimens né de l'abandon présumé et des soins tendres et bienveillans donnés par des inconnus^ provoque une lutte intérieure de laquelle la raison sort quelquefois victorieuse. D'autres aliénés s'imaginent qu'ils n'ont été conduits dans leur nouvelle habitation, que pour être livrés à leurs ennemis ou au supplice. Si ces craintes sont vain- cues par la conduite prévenante, affable, de ceux qui les entourent, la guérison ne se fera pas long-temps attendre. Ainsi le raisonnement vient à l'appui de l'expérience, pour fortifier le précepte de l'isolement , comme condition préliminaire à tout traitement rationnel de l'aliénation mentale. Mais de la cohabitation des aliénés , il peut résulter qu'ils se nuisent les unsles autres; l'homme le plus rai- sonnable deviendrait fou , s'il était arraché à toutes ses habitudes et contraint de vivre avec des fous ? mais, après la guérison , comment dissimuler au convalescent l'état dans lequel il a été? Mais comment arracher à toutes nés affections un malheureux que le chagrin dévore? Mais comment renfermer un homme qui craitf qu'on ne le xàètte en prison ?-. Mais.... que d'objections ne £ûl-on pas? Combien n'eu peut- on pas faire encore? Ces objections ne détruisent pas les inconvéniens et les I. l3o nS LA. FOLIE. MWttiges qœ nous avon» âgnalës plus haat, et l*expé- rience répond à toutes.*.^. Mais il est des ahéaiê^ qui goërisseat an sein de leurs familles»... Cela est vrai, ees gaéfliAOQSsoBtnireS; elles ne peuvent détruire la règle générale y elles prouvent que Tisolement « comme tons les moyens curatifs , ne doit être prescrit que par des praticiens. Je dirai plus : l'isolement a été funeste à quelques aliénés. Que conclure? Qu'il faut être réservé (^nd on l'ordonne y surtout quand on le prolonge. Qu'il est de la nature des choses les meilleures et les plus utiles de n'être pas toujours exemptes d'inconvé- niens : c'est au médecin sage, judicieux et expérimenté qu'il appartient de les prévoir et de les prévenir. L'époque à laquelle l'isolement doit cesser n'est pas facile à déterminer; il faut un tact bien exercé pour ne pas se laisser abuser. Ici l'expérience est lente à se pro- noncer, etje ne sais rien de positif à cet égard, sinon que;, lorsque Tisolemefit a été sans effet, il faut provoquer les visites des parens, des amis, en mettant un sage dis- cernement dans le choix des prenûères personnes ad- mises auprès du malade. Les visites, dans ce cas, seront iostaniaaées et inattendues , afin de provoquer une vive impression sur le malade ; tandis qu'il faudra mettre beaucoup de prudence et de précautkMis , pour les vi« sîles à admettre auprès, des convalescens. Il est d'eipé- riemce que la prolongation de risoiement a des eomé^ quene^hnoinsdangereuses que sa cessation prématorée. U faut biea savoir qu'au début de la folie, le délire de cette affection ressemble beaucoup au délire fébrile. Que l'erreur est facile, que l'isolement à contretemps peut comprofloettre la guërison du malade ei la^spomabUiié morale du médecin. Il faut, dans les cas^louteu^ et dif- ficiles, laisser passer quelques jours avant de se luronon- cer, et attendre que les caractères de l'aUénation mea<- tale soient évideos. Dans la démence etlidiotie, risoiement n'est indique que pour prévenir des accideus qui peuvent être graves et pour le maintien de l'ordre et de la sûreté. Quelques lypémaniaques se trouvent mal de l'isolement , à cause de l'excès de leur susceptibilité. Les monooiania- ques, les maniaques y doivent nécessairement être, isolés. L'isolement est inévitable pour les- aiiénés pauvres , parce qu'ils manquent de secours suffisant en restant dans leurs familles, et parce qu'ils peuvent j par mille moyens 9 compromettre leur existence et celle de leurs parens. L'isolenent ne s'exécute pas de la même manière^ poiu* tous les aliénés. Il est partiel, lorsque le malade reste chez lui et qu'il est isolé seulement des membres "de sa famille et des personnes avec lesquelles il vit liabi* .tuellemeat. On isole un aliéné, en le faisant voyager avec ses proches parens, ses amis, ou des «étrangerfi^ Ob isole UH aliéné, en .le plaçant seul dans orne habita- lion^ lui est inconnue, ainsi que les personaasqui le servent. Enfin, on isole l'aliéné dans une maison ppbh- que 4>u privée, consacrée à recevoir plusieurs individus atteints d'aliénation mentale. ^ L'isolement agit directement sur le cerveau et force ' yoyer, tome ii, Mémoire sur l'Isolement, l3a DE LA FOLIE. cet organe au repos, en soustrayant Faliéné aux impres^ sions irritantes, en réprimant la vivacité et la mobilité des impressions y en modérant Texaltation des idées et des affections. En réduisant le maniaque au plus petit nombre possible de sensations, on fixe son attention par des impressions inattendues et souvent répétées. Il faut, au contraire, arracher le monomaniaque et le lypé- maniaque à leurs idées concentrées , et les forcer à détourner leur attention sur des objets étrangers à leurs méditations , à leurs inquiétudes , à leurs pré- tentions délirantes ; il faut exciter lattention af- faiblie de celui ^ui est en démence ; mais les heu- reux effets qu'on se propose ne s'obtiennent que par des secousses , des commotions , des évène- mens imprévus, des conversations vives, animées et courtes, car ce n'est point par de longs argumeos qu'on peut espérer d'être utile aux aliénés. Il faut toujours parler avec vérité, sincérité à ces malades, n'em- ployer que le langage de la raison et de bienveillance ; mais vouloir guérir les aliénés par des syllogismes et des raisonnemens , c'est mal connaître Thistoire clini- que de l'aliénation mentale. Je vous entends très bien , me disait un jeune lypémaniaque , je comprends vos raisonnemens : si fêtais convaincuje serais guéri. — Je sais tout cela^ me disait un autre ,ye sais ce que je dois faire , je voudrais le faire ^ mais donnez-moi la force , la puissance dont je manque^ et vous m'aurez guéri. C'est ici le cas d'appliquer la méthode perturbatrice , de briser le spasme par le spasme, en provoquant des secousses morales qui dissipent les nuages dont l'intel- DE LA FOLI£« l33 ligencc est couverte , qui déchirent le voile interposé entre le monde extérieur et Thomnie, qui brisent la cliaine vicieuse des idées, qui fassent cesser l'habitude des mauvaises associations , qui détruisent leur fixité désespérante , qui rompent le charme qui retient dans l'inaction toutes les puissances actives de l'aliéné. On atteint ce but en agissant sur l'attention des malades, tantôt en leur présentant des objets nouveaux, tantôt en faisant naître autour d'eux des phénomènes qui les étonnent, tantôt en les mettant en contradiction avec eux-mêmes^ quelquefois on doit abonder dans leurs idées , les caresser et les flatter. En se prêtant à leur de- sirs, on entre dans leur confiance , ce qui est le gage as- suré d'une guérison prochaine : il faut subjuguer le caractère entier de quelques malades, vaincre leurs prétentions, dompter leurs emportemens, briser leur orgueil, tandis qu'il faut exciter, encourager les autres. On réprime l'élan fougueux du maniaque; et l'on sou- tient l'esprit abattu du lypémaniaque; on oppose les passions les unes aux autres, et de cette lutte la raison sort quelquefois victorieuse. La crainte est une passion débilitante qui exerce une telle infiueuce sur l'éco- nomie, qu'elle peut suspendre l'action de la vie , et même l'éteindre. Qu'espérer pour la guérison, si l'on ne rassure les aliénés que la frayeur poursuit et dévore? plusieurs d'entre eux ne dorment point, éveillés par des terreurs paniques; rassurez-les en faisant coucher quel- qu'un dans leur chambre, en leur laissant delà lumière pen* dant la nuit. Il importe surtout de substituer à une pas- sion imaginaire , une passion réelle. Ce monomaniaque t34 ^E Z.A FOLIE. s^ennuie partout quoi qiiHl use de tout avec profusion : s^are2*Ie de ses habitudes, imposez-lui des privations r^eHes, abrs Fennui raisonnablement motivé sera un moyen ptdssant de guërison. Un Ijpémaniaque croit qu'il est abandonne de ses amis; privez-le des témoigna- ges d'affection qu'il méconnaît , alors il les regrette , les désire , et cette inquiétude fondée, ces désirs raisonna- bles sont un acheminement à la raison. Pour combattre Famovr- propre, la vanité de quelques aliénés , quel- ques avertissemens sur la supériorité des autres, sur les embarras de leur propre position , quelque dé^ plaisir , suscités à propos , ont été utiles ; mais il faut une grande habitude pour manier ces passions. Les passions eiccitantes , l'amour, l'ambition, ont été appelés au secours des aliénés. Un mélancolique se d^ sespère : on Jui suppose un procès; le désir de défen- dre ses intérêts lui rend son énergie intellectuelle. Un militaire devient maniaque; après quelques mois, on lui dit que la campagne va commencer; il demande la permission de rejoindre son général, il se rend à l'ar** mée, et y arrive très bien portant. Pinel donne des observations bien remarquables sur l'art de diriger l'intelligence et les passions des aliénés} j'en ai rapporté plusieurs dans ma dissertation sur les passions , et j'ai prouvé par des faits , combien le traitement moral est précieux , soit qu'on veuille préve- nir l'explosion d'un accès de folie, soit qu'on ait à trai- ter la maladie, soit qu'on se propose de confirmer la convalescence. Ce traitement, au reste, n'est pa^ exclusif aux ma^ DE Là FOLIE. l35 ladies mentales ; il s applique à toutes les autres. Il ne suffit pas de dire aux malades , courage^ cela ira mieux; l'accent du cœur doit animer ces paroles con- solantesy pour cp'elles arrivent jusqu'à l'âme et au cœur de celui qui souffre. G)mment se fait-il que, dans un siècle où l'on a prouvé si victorieusement l'influence du moral sur le physique, comment, dis-je, n'a-t-on pas étendu ces recherches sur l'homme malade ? Gauhius se plaint % de la négligence des médecins à cet égard. Les anciens attachaient une grande importance à la thérapeutique morale, si négligée par les modernes. Dès la plus haute antiquité, l'art de guérir fut confié aux ministres des autels; il y eut des temples célèbres par les guérisons qui s'y opéraient. Un long voyage, un nouveau climat, la salubrité des lieux sacrés , le changement d'habitudes et de manière de vivre, les purifications , led marches processionnelles, l'usage des eaux thermales, la diète, préparaient à l'influence morale que les cérémonies et les pratiques mystérieuses devaient exercer sur le malade. Les Egyptiens , les Grecs , les Romains , eurent leurs Esculapes dont les prêtres conservaient la liturgie médicale, et auprès desquels on venait chercher la santé. Les modernes eurent leurs pèlerinages auprès des restes révérés de quelque saint. Dans quelques villes , on célébrait des fêtes , auxquelles étaient conduits avec pompe , les épileptiques , les aliénés, qui guérissaient quelquefois *. De nos jours, on va trouver un grand mé- decin ; son nom , ses consolations, ses conseils sont plus ^ T«yet tome it , Note tvr le village de Gheei. l36 DE LA FOLIE. Utiles souvent que ses remèdes , parce que sa réputation commande la confiance et ne permet pas le doute sur la guérison. Les moyens, les ressources propres au traitement mo7 rai, Topportunitë de son application, sont indiqués par les circonstances; les exemples de cette application se trouvent dans tous les livres; j'en ai publié un grand nombre qu'on peut lire dans les divers mémoires dont se compose ce recueil. Les anciens ont vanté les efTets admirables de la mu- sique. Hérodote et Pausanias assurent que la plupart des législateurs furent musiciens ; qu'ils se servaient de la musique pour civiliser les hommes. I^ mode phry- gien excitait la fureur; le lydien portait à la mélancolie; Téolien était consacré aux passions amoureuses. Cha- que passion avait un rhythme qui lui était propre, tandis que les modernes ont tout sacrifié à l'harmonie. Les Juifs, les Grecs, les Romains ont également connu l'influence de la musique. Tout le monde con- naît TcfFet que produit sur les Suisses le ranz des i;a- ches. La musique agit sur le physique, en déterminant des secousses nerveuses, en activant la circulation, comme l'avait observé Grétry sur lui-même; elle agit sur le moral, en fixant l'attention par des impressions douces, par des souvenirs agréables en excitant Tima- gination et même les passions : si l'on veut obtenir quelques succès sur les aliénés, on fera choix d'an petit nombra d'instrumcns , on placera les musiciens hors de la vue du malade, on exécutera des airs familiers à son enfance, ou qui lui étaient agréables avant sa maladie. DE LA FOLIF. iSy J'ai souvent employé la musique; j'ai très rarement obtenu quelques succès de ce moyen : il calme, il re- pose l'esprit y mais il ne guérit pas. J'ai vu des aliénés que la musique rendait furieux; l'un, parce que tous les tons lui paraissaient faux; l'autre, parce qu'il trouvait affreux qu'on s'amusât auprès d'un infortuné comme lui. En me résumaut, je crois que les anciens ont exa- géré les effets de la musique , comme ils ont exagéré tant d'autres choses. Les faits rapportés par les mo- dernes ne sont pas assez nombreux pour servir à dé- terminer les circonstances dans lesquelles la musique peut être utile ; cependant ce moyen est précieux par- ticulièrement dans la convalescence, il ne doit pas être négligé, quelque indéterminés que soient les principes de son application et quelque incertaine que soit son efficacité. * I^s moyens de distraction sont toutefois, après le travail, les agens les plus efficaces pour guérir les alié- nés ; mais qu'on ne compte pas sur le succès des dis- tractions qui exaltent l'imagination et les passions. I^e lypémaniaque , toujours défiant, s'approprie ce qui frappe ses sens et le fait servir d'aliment à son dé- lire; Je maniaque s'exalte par la peinture des pas- sion», par la vivacité du dialogue, par le jeu des ac- teurs, s'il assiste au spectacle. On s'est appuyé de l'exemple des Egyptiens et des Grecs ; mais leurs spec- tacles avaient un caractère religieux, propre à calmer les passions , à imposer à l'imagination , en même temps * , Voyet t. Il* , Mémoire statistique sur la maison royale de Charenton, l38 DE LA FOLIB. que Fesprit ëtait distrait par la pompe des cérëmonîes. L'homme le moins réfléchi s'étonne qu'on ait autre- fois permis l'établissement d'un spectacle à Charenton | et un auteur allemand regarde la multiplication des théâtres comme une des causes d'un grand nombre de folies 9 en Allemagne. Les maniaques ne pouvaient assister aux représentations théâtrales de Charenton; les monomaniaques rarement; les imbécilles n'en re« tiraient aucun profit Les fous à qui le spectacle pou- vait être utile étaient guéris, et il leur eût été plus profitable d'être rendus à la liberté, plutôt que d'être renfermés pendant trois heures dans un lieu clos, échauffé, bruyant, où tout portait à la céphalalgie. Aussi, il y avait peu de représentations qui ne fus- sent signalées par quelque explosion violente de délire ou par quelque rechute. Ce moyen avec lequel on abusa le public, en débitant que les fous eux-mêmes jouaient la comédie, n'obtint jamais l'assentiment du médecin en chef de cette maison , et Royer-Collard s'éleva avec énergie contre cet abus, qu'il était parvenu à faire cesser. J'ai conduit un jeune convalescent à TOpéra-Comique. Il voyait partout sa femme causant avec des hommes. Un autre',- après un quart d'heure, sentit la chaleur lui gagner la tête : Sortons^ me dit-il, ou je vais retomber* Une demoiselle étant à l'Opéra, voyant les acteurs armés de sabres, crut qu'ils allaient se battre; il fallut sortir pour prévenir un éclat; et cependant jWais choisi, et les individus que je conduisais, et les pièces qu'on devait jouer. Le spectacle ne saurait convenir aux aliénés , je le crains même pour les convalescens. DE LA FOLIB. iSg Scnèque dit que les voyages sont très peu utiles dans les affections morales; il cite, à ce tujet^ la réponse de Socrate à un mélancolique qui se plaignait d'avoir retiré peu de profit de ses voyages: Je rien suis pas surpris, ne voyagiez-vous pas a^ec vous. Cependant les anciens prcsmvaient les voyages , ils envoyaient leurs malades prendre l'ellébore à Anticyre, ou faire le saut de Leucate. Les Anglais envoient leurs mé- lancoliques dans les provinces méridionales de la France y en Italie, et même dans les colonies. J'ai con- stamment observé que les aliénés sont soulagés après un long voyage, surtout s'ils ont visité des paya éloignés , dont le site et l'aspect aient saisi leur imagination^ s'ils ont éprouvé les difficultés, les tracasseries , les contre-* temps , les fatigues ordinaires aux voyageurs. Lea voyages agissent encore, en excitant toutes les fonC" tions assimilatrices ; ils provoquent le sommeil , l'appé* tit , et les sécrétions. Les convalescens qui craignent de rentrer dans le monde, où ils redoutent d'avoir à par- ler de leur maladie, sont moins inquiets après un voyage qui est le sujet de leurs conversations avec leurs amis et leurs parens. Tels sont les agens de traitement qui exercent une influence directe sur le cerveau et par conséquent sur les désordres intellectuelles et moraux des aliénés y telles sont les vues générales d'application que je devais indiquer. Ils ont pour but de contraindre le maniaque à vivre en lui-même , et de forcer le monomaniaque à vivre en dehors. Les principes du traitement physique ne peuvent étrq .* l4o DK LA FOLTE. ramenés à des propositions caussi générales; nul doute qu'il ne faille agir sur le cerveau , en combattant les causes qui ont produit et qui entretiennent la folie, mais la nature de ces causes nous échappe souvent. liC cerveau n'est pas toujours le siège primitif de leur ac- tion, et cette action n'a pas les mêmes résultats sur tpus les individus; les moyens physiques propres à détruire les funestes effets de ces causes doivent être très va« I • ries ; ils sont hygiéniques ou pharmaceutiques. La constitution des aliénés s'affaiblit promptcment; ces malades contractent des affections de la peau, des engorgemens lymphatiques et le scorbut, ce qui prouve Timportance du site et du système de construction, pour leur habitation. On doit faire choix , pour une maison d'aliénés, d'un site bien exposé, au sud-est chez nous, à l'est dans les pays chauds, au midi dans le nord. Le sol doit être sec, bien aéré. Les logemens seront garantis de l'humidité, du froid, et favorable- ment disposés pour la ventilation. C'est une erreur grave de croire que les aliénés soient insensibles aux influences atmosphériques; la plupart évitent le froid, recherchent la chaleur. Les anciens voulaient qu'on plaçât les maniaques dans un lieu frais et obscur, ce précepte est excellent dans la période d'acuité, mais lorsque la folie est passée à l'état chronique, Pinel veut qu'on les laisse se livrer à toute l'activité de leurs mouvemens, et en plein air. Les sites bien éclairés, gais, pittoresques conviendront aux ly- pémaniaques. Ceux qui sont tombés malades dans les pays chauds^ auront beaucoup de chances pour recou- JDE LA I?6LIE. i4i vrer la raisoa en retournant dans les climats froids et réciproquement ; les nostalgiques iie se rétablissent qu'en revoyant leur pays , les lieux qui les ont vus naî« tre, et qui ont été les témoins de leur première en- fance. Les vêtemens , surtout ceux des lypémaniaques doi- vent être chauds; on se trouve bien de l'usage d'un vêtement de laine sur la peau j et des frictions sèches. Que la literie se compose d'un matelas , d'un som- mier, d'un traversin , d'un oreiller en crin. Que le corps repose sur du crin. Que les couvertures soient légères, la tête nue ordinairement. L'alimentation sera variée suivant la nature et la période de la maladie, suivant les circonstances indivi' duelles et les complications: au début on prescrit la diète à laquelle d'ailleurs se condamnent la plupart des malades; plus tard la quantité et la qualité des alimens seront modifiées; les alimens seront toujours ^simples , préparés sans épices et de facile digestion. Pendant la convalescence, l'alimentation sera plus substantielle , sans être jamais excitante , dans quelques cas exception- nels très rares, la nourriture sera plus abondante. Les alimens seront distribués avec discernement : on évi* tera de les donner tout à-la- fois, comme on fait dans beaucoup d'hospices, où ils sont distribués le matin pour toute la journée. Il en résulte que les malades ou dévorent ou détruisentleurs alimens pour la journée, dès qu'il les ont reçus; tourmentés par la faim le reste du jour, ilsdeviennent plqsfurieuxouplustiîstes, persuadés qu'on leur refuse ce dont ils ont besoin , ou qu'on veut les l4^ M LA FOUS. frire mourir de fiiiiii. La plupart des mamaqtiefi et de$ tnomaniaques sont tounâeotés par la soif; il frut 6a>- * tisfaire ce besoin, par des boissons appropriées mises à leurportéei ott distribuées à plusieurs Iicures du jour. Les alimens et les boissons qui excitent, seront proscrits dans toutes les périodes de la maladie : néanmoins, ils peuvent convenir dans quelques démences, dans quel- ques monomanies et dans la convalescence , comme je viens de le dire. Les sécrétions ^ les excrétions seront favorisées par tous les moyens possibles. On aura soin de surveiller la liberté du ventre; car la constipation est un symptôme fréquent et qui exasp re le délire. Les exercices du corps, Téquitation, la paume, Ve»- crime, la natation, la gymnastique, les voyages , surtout dans la mélancolie , doivent concourir avec \^s autres moyens de traitement. La culture de la terre poiur une certaine classe d'aliénés , remplace avec avantage tous les autres exei*eiôes. On connaît le parti qt\*a retiré du travail, un fermier d'Ecosse, qui s'est rendu célèbre par la guérison de quelques aliénés qu'il contraignait à travailler ses champs. Bourgoin , dans sou Voya^ en Espagne^ fait remarquer que les fous riches de rhôpital de Sar- ragosse, ne guérissaient pas, parce qu'on ne pouTsit les obliger à travailler la terre , tandis que les pauvres guérissaient. Pinel veut qu'un établissement d'aliënës ait une ferme pour faire travailler ces malades. La culture du jardin m'a réussi che» quelques aliénés. A la Salpétrière, on retire les meilleurs effets du travail manuel auquel sont soumises les femmes aliénées de BB Ul foui. 143 cet hospice. Ces femmes sont réunies dans un grand atelier où elles se livrent à la eouture ^ ou bien elles tri- cotent, quelques-unes font le service de la maison^ quel- ques autres cultivent le jardin. Cette précieuse ressource ) du travail manque au traitement des hommes et des fem- [ mes riches. L'on n'y supplée qu'avec désavantage par les ; promenades, la musique, la lecture, les réunions, etc. Il y a cher les hommes et chez les femmes riches, une habi- tude de désœuvrement qui contre-balance les avantages que cette classe offre pour la guérison. Pour étabUr la base d'une thérapeutique sure dans le traitement de l'aliénation mentale , il faudrait connaître toutes les causes «rénérales et individuelles de cette ma- ladie; distinguer, par des signes certains, le foyer d'oîi partent tous les désordres, déterminer si c'est le physique qui réagit sur le moral, ou lemoralsur le physique; fixer les espèces qui guérissent spontanément, celles qtft ré- clament les secours moraux, cellesqni exigent desmédica- mens, enfincellesqui necèdent qu'à un traitement mixte. Que d'accideos , que d'obstacles ont dû rencontrer les pra- ticiens qui n'ont voulu voir qu'une même maladie dans tonlesies folies qu ils ont eu à traiter ! Ils n'ignoraient point que le délireétant symptomatique depresque toutes les maladies à l'approche de leur terminaison fatale, la foljg^ aussi, pouvait bien_étre^sYmptomatique; ils n'i- gnoraient pas qu'il y a des folies évidemment sympa- thiques, ik savaient que mille causes prédisposantes et excitantes conduisant à la folie, mais n'ayant égard qu'aux symptômes les plus apparens, ils se sont laissés imposer par Timpéttiosité, la violence, la mobilité des l44 DE LA FOLIE. symptômes, ils ont négligé l'étude des causes de la folie, et celle des rapports de ces causes avec les symptômes. Sutraiués par des théories, les uns n'ont vu que l'inflammation , ont accusé le sang et ont abusé de la saignée, les autres ont cru que la bile irritait , compri- mait les organes et nuisait à leurs fonctions. Ils ont prodigué les vomitifs et les drastiques, quelques-uns n'ont tenu compte que. de l'influence nerveuse, ils ont donné avec excès les antispasmodiques ; les uns et les autres ont oublié que si le praticien doit avoir toujours présentes à Icsprit les grandes vues générales , les no- tions systématiques qui prédominent, qui constituent la science médicale , l'art doit surtout s'attacher à bien connaître les circonstances et les symptômes qui peu- vent faire connaître les causes, le siège, en un mot la nature de la maladie qu'il doit combattre. Lorsqu'on est appelé auprès d'un aliéné, après avoir acquis la connaissance des commémoratifs, des prédis- positions, des causes existantes , on doit examiner s'il n'y a pas d'indications urgentes à remplir. C'est princi- palement la cause de la maladie qui mettra sur la voie du meilleur mode de traitement. Rappeler les menS' trues quand elles sont supprimées, rétablir des ulcères anciens, provoquer des maladies cutanées, placer des exutoires si le malade en avait eus auparavant. S'il y a excitation vive et pléthore, il faudra combat- tre ces symptômes par des évacuations sanguines, des bains tièdes, émoliens, long- temps prolongés; des bois- sons rafraîchissantes, des laxatifs; quelquefois, il faudra appliquer sur la peau des dérivatifs rubéfians : en même DE LA FOLIE. l45 temps , le malade sera mis à la diète ou à une alimen- tation très légère. Ainsi traitée comme une maladie aiguë y presque toujours au bout de 8, iS, ai, 3^0 jours y il y a une rémission, et quelquefois une internais- sion très marquée. Alors, tout en fais^t concourir les moyens moraux appropriés au caractère du délire, il faut s'attacher à combattre les causes matérielles, hy- giéniques ou pathologiques, qui ont précédé, préparé la maladie, il faut suivre les indications individuelles. Qu'il me suffise d'examiner quelques-unes de ces indi* cations : un homme devient aliéné , il était sujet à des hémorrhagies qui n'ont plus coulé : le médecin s'efForce de rétablir cette évacuation. Des dartres disparaissent ^ un ulcère se dessèche, la manie ou la monomanie éclate; en rappelant les dartres à la peau, en rouvrant l'ul- cère, il est presque certain que la folie cessera; Lorsqu'on aura combattu et surmonté les disposi- tions générales, les funestes effets des causes particu- lières, si la folie ne guérit point, alors on pourra avoir recours à un traitement empyrique. Jusque-là, Tariez et Tariez sans cessé les moyens consacrés par l'expérience* Nous indiquerons ces moyens en parlant des différentes espèces de folie; nous nous contenterons , quant à pré- sent, d'exposer notre opinion sur la manière d'agir de quelques médicamens regardés comme héroïques^ dans le traitement de cette maladie. L*eau a été administrée aux aliénés de toutes les ma- nières et à toute température; les bains tiède^i de vingt à TÎngt-cinq degrés sont les plus utiles , on peut même les prolonger pendant plusieurs heures de Suite, chez I. 10 l46 PB JJL FOUE. les sujets maigres I nerveux, et très irritables* Lorsqu'il y a une grande impulsion du sang vers la tAte, on se troqve bien d'appliquer des vessies pleines d'eau tris froide, des linges trempés sur la tête, pendant la durée du bain. Le bain firoid convient aux sujets jeunes, fort% robustes et qui sont dévores par la chaleur ; le froid agit en soutirant, en quelque sorte, l'excès de calorique ou en excitant l'action tonique de la peau. Quelque! - auteurs ont prescrit les bains chauds ; Prosper Alpin' ^ les conseille , peut-être les nëgligeons-nous trop. On a rendu les bains plus actifs , en mêlant à l'eau diverses substances plus ou moins médicamenteuses. Le bain d'immersion consiste à plonger le malade dans l'eau fixûde et à le retirer aussitôt ; cette immer* sion peut être réitérée 3, 4, 5, 6 fois. Le bain d'aflusion, suivant la méthode de Currie , s'administre en plaçant le malade dans une baignoire vide et en versant sur sa tête, de l'eau fraîche dont on baisse là température à chaqua bain. Les bains d'immiersion et les affusions sont utiles aux sujets affaiblis particulièrement par la masturba- tion, ou par de longs chagrins et chez lesquels on veat solliciter une réaction^ en décentralisant Tinnervation, et la ramenant à la périphérie. Ces bains difRirent du bain de surprise : celui«ci consiste à plonger l'aliéné dansFean 1 alors qu'il s'y attend le moins ; on l'administre en pré« ■ cipitant le malade dans un réservoir, ou dans une ri» ; vière, ou dans la mer. C'est la frayeur qui rend ce moyen efficace en bouleversant la sensibilité : on con* çoit l'impression vive que doit ressentir un malade qui tombe viopinëment dans l'eau, avec la crainte d'être noy^. DB hk POUB. l47 • ■ Van Helmont veut qu -on laisse le malade sous l'eau , jusqu'à oe qu'il perde l'usage de ses sens; Yan Swiëten , commentant Boerhaavc, insiste sur ce moyen qui fut presque le seul avec la saignée, employé dans le dernier •iècle. Cependant nous n'avons aucun fait qui puisse éclai- rer la pratique à cet égard. Pinel proscrit le bain de surprise, je n'en ai jamais fait usage; je sais qu'il a élé . (uQQite, Ix)rsquc je l'entends prescrire, j'aimerais au- "^lanl qu'on donnât le conseil de précipiter les aliénés d'un troisième étage , parce qu'on a vu quelques foug guérir après avoir fait une chute sur la tête. La douche consiste à verser de l'eau sur la tâte , en la faisant tomber de plus ou moins haut. Elle était con*^ nue des ancicds : elle s'administre de différentes manié-* rcs. A Avignon, le tuyau de la douche, terminé en bec de flûte, est placé à un pied au-dessus de la tête du ma*- lade. A Jtordeaux, il est terminé en pomme d'arrosoir. A la Salpêtrière » les douches se terminent par un tube de quatre^ six, douxe ligues de diamètre, et l'eau tombe de différentes hauteurs (i). L'eau est ordinairement h 1a température x place les vomitifs au premier rang des mëdica- mens, dans toutes les périodes de la folie. Rush croit les vomitifs plus utiles dans la mélancolie hypocondriaque. On les répète plusieurs jours de suite : outre les évacua- tions sensibles qu'ils provoquent, ils excitent la transpi- ration, et causent des secousses utiles en brisant le spasme des viscères abdominaux; on a vanté aussi les purgatifs. Le choix des purgatifs n'est pas indiflerent. Dans quelques cas, on préfère ceux qui ont tine ac- tion spéciale sur le système hépatique, les vaissoBÙx hémorrhoîdaux , contre les vers intestinaux , etc. Les purgatifs causent souvent de l'irritation^ ils suspen- dent l'activité de la peau : pour prévenir ces acci- dens ou ces effets consécutifs , on alterne les pur- gatifs avec les bains tièdes. Beaucoup d'aUénés se . croient très bien portans, se refusent à toute mé- dication; on triomphé de cette répugnance en leur D£ Là F0LI£. l5t ffiisant prendi*e à leur insu quelque substance qui ^ en irritant Testomac ou les intestins, provoque des dou« leurs ; et même des évacuations. Ces accidens , en in- quiétant les malades sur leur santé, les rendent dociles. L'ellébore, la gomme gulte, la bryone, Paloès, le mu- riate de mercure, et surtout le tartrile antimonié de po- tasse, les eaux minérales purgatives sont des agens théra- peutiques dont on peut, alors, se servir avec avantage. M. Chrestien , célèbre praticien de Montpellier , pro- pose la coloquinte comme un purgatif sûr, administré en friction sur le ventre ; il va jusqu'à conseiller cette substance comme un spécifique contre la folie. J'ai ré- pété les expériences de M. Chrestien sur une vingtaine d'aliénés , et je n'ai point été aussi heureux que ce mé- decia. [Non-seulement la coloquinte n'a pas guéri, mais elle n'a pas purgé, administré en friction , excepté deux fois à la suite de couches. Lorsque la circulation du sang fut démontrée, on crut avoir trouvé la cause de toutes les maladie^ , et le remède à tous les maux; on répandit le sang & grands flots. Le sang des aliénés fut d'autant moins épargné , qu*en les saignant jusqu'à défaillance, on crut les avoir guéris. On ne s'aperçut pas de l'erreur, parce que réellement ceux que l'on jugulait par la sai- gnée, tombant dans la démence la plus profonde, passaient pour guéris. On étendit ce traitement à tous les aliénés; on établit dans chaque hospice ce qu*on appelait le traitement des fous, d'après ce principe que le sang trop abondant ou trop chaud, devait être évacué et rafraîchi. Aussi , dans les hos- l5a DE LA FOLIE. * pices de France, où. Ton accordait quelques soins aux aliénés, au printemps et à Taulomne, on les saignait une ou deux fois, on les baignait à Tcau froide, ou les je- tait pieds et poings liés , dans une rivière ou dans un réservoir. Si quelques victimes de tant d'aveuglement échappaient, on criait au miracle. Le préjugé en fa- veur de la saignée était tel , il n'y a pas long-temps même à Paris, que nous recevions des femmes enceintes qui , devant êti^e conduites à la Salpêtrière , étaient sai- gnées par précaution , avant d'être envoyées dans une maison où \on proscrwait la saignée. L'excès à cet égard a quelquefois été si grand , que j'ai donné des soins à un aliéné qui avait été saigné treize fois , en quarante-huit heures. Pinel s'élève con. tre cet abus, et il cite des exemples qui devraient être présens à l'esprit de tous les praticiens. Je puis ajou- ter que j'ai vu plusieurs fois la folie augmenter après des règles abondantes, après des hémorrhagies, après une, deux et même trois saignées; j'ai vu l'état de tris- tesse passer à la manie , à la fureur , aussitôt après la saignée , et réciproquement la démence remplacer la manie. Je ne crois pas qu'il faille proscrire la saignée dans le traitement des aliénés ; elle est indispensable aux sujets pléthoriques, lorsque la tête est fortement congestionée , lorsque des hémorrhagies ou des éva- cuations sanguines habituelles ont été supprimées. Au début de la folie, s'il y a pléthore, si le sang se porte violemment à la tête, si quelque hémorrhagie habi- tuelle est supprimée, on saigne largement, une deux, trois fois; on applique des sangsues aux jugulaires, aux . * DE LA FOUE. l53 temporales; on pose, à la base du crâne, des ventouses scarifiées^ plus tai^d^les évacuations sanguines sont lo- cales et employées comme révulsives ou comme sup- plémentaires des évacuations supprimées, etc. L'usage des toniques énergiques, des antispasmodi- ques, doit aussi être apprécié. On a employé souvent, à des doses très élevées, le camphre, le musc, le fer, le quinquina, Tantimoine, comme spécifiques pour combattre la folie. Ces médicamens sont utiles, mais d'une utilité individuelle; ils réussissent merveilleuse- ment lorsqu'on est assez heureux pour sabir l'indica- tion que présente la n^aladie; mais ils sont dangereux et nuisibles, si on les applique à tous les malades. Quelques aliénés dorment peu , ils passent des semai- nes, des mois sans, dormir; ou a cherché à leur rendre le sommeil par les narcotiques; ces médicamens sont plus nuisibles que salutaires, surtout lorsqu'il y a pléthore ou congestion vers la tête. Depuis long-temps, Yalsava et Morgagni avaient proscrit les opiacés, et la pratique journalière confirme le jugement de ces grands maîtres. Le régime, le travail, l'exercice sont les vrais i^mèdes contre l'insomnie ; les bains tièdes ou frais provoquent le sommeil^ sont vraiment efficaces et n'offrent aticun danger. Les sétons, les moxas, le cautère actuel, les ventouses, les vésicatoires, les frictions irritantes, les frictions mer- curielles ont été employés; ces moyens sont d'excellens auxiliaires pour provoquer une révulsion , remplacer une affection cutanée qui est supprimée , réveiller la sensibilité de la peau qui est souvent dans l'atonie, exciter / l54 DE LA FOLIE. une réaction générale, etc., etc. OU a proposé d'envelop- per la t£te d'emplâtres épispas^iues, ou de toute autre composition irritante; de faire sur la t^te des lotions atec l'eau saturée de tartrite antimonié de potasse. Je dois avouer que je n'ai point vu réussir tous ces moyens qui augmentent l'éréthisme, qui tourmentent les malades^ qui les irritent , qui leur persuadent qu'on veut les supplicier; c'est presque toujours aux monomanîaques ou aux individus en démence, qu'on a prescrit une médication aussi active et aussi perturbatrice. Je ne nie point que, dans quelques cas, on n'ait pu obtenir dû succès; mais je crois ces cas très rares et les indica^ lions très difficiles à apprécier. Je ne puis omettre de faire quelques remarques sur Tusage du feu, du moxa, appliqués sur le sommet de la tête, sur roccipital ou sur la nuque, même dans la manie. Le docteur L. Yalentin a publié quelques observations précieuses de manie guérie par l'apl^Uca- tion du feu ^ J'ai plusieurs fois appliqué le fer rouge à la nuque, dans la manie compliquée de fureur , queU quefois avec succès. J'ai fait un grand nombre de teq- tatives toujours infructueuses , lorsque je m'adressaik à des sujets qui présentaient des symptômes de paraly^ sic. Le séton à la nuque m'a mieux néussi, mais lorsque je l'ai l'appliqué à des individus qui ne ressentaient pas la même complication, et qui étaient dans ce degré de démence qu*on a confondue avec l'idiotisme. Gmelin et Pérfect disent avoir guéri par l'électricité. * ^ Ménoif ci O^crpùikmt eoncêrnant Ut bons ^êU du cautètt ëêÊmU â^ pVtqué tur ta tête, dont plutUuri maladies, Ntncy , i8i5, in-S. DE LA. POLIB. l55 A- la Salpétrière^ pendant deux êtes, idsiS et i8a4y j'ai soumiî à rdlectricilë un grand nombre de nos fcmmei aliénées. Une seule a guéri pendant le cours de mes expérimentations. C'était une jeune fille, très Sorte, devenue maniaque à la suite d'une frayeur qui sup- prima les règles. £ile était aliénée depuis un mois , fut ëlectrisée pendant quinze jours; à l'époque menstruelle, l*écoulement parut et la^ guérison eut lieu aussitôt. Wennolt a essayé le galvanisme; je l'ai employé aussi, de concert avec le professeur Aldini, en i8ia; deux (bis les règles furent rétablies , mais le délire persista. Le magnétisme a été expérimenté, surtout en Alle- magne; les &its rapportés en France, h cet égard, ne sont ni exacts, ni bien observés. En i8i3 et 1816, j'ai fait des expériences avec feu M. Faria sur onze femmes aliénées, maniaques ou monomaniaques. Une feule^ éminemment hystérique, a cédé à l'influence magûétique ; mais son délire n'a éprouvé aucun chan- gement, khe magnétisme ne produisit aucun effet sur les dix autres aUénées. Ces expériences furent faites en présence de M. Desportes , administrateur des hôpi- taux , d'autres personnes et de plusieurs médecins. J'ai répété plusieurs fois avec di^rs magnétiseurs, les mêmes essais , sans avoir obtenu plus de succès* ^ ' Georget a rapporté les expériences qu'ila fiiites à lajSalpétrière, sur le magnétisme , dans son outrage intitulé : De la Physiologie du tjtûme net^ nuxj Paris, 1811, tome 1*', p. 1S7, et tome a, p. 404. M. Dechambre qui a répété les expériences dont il s*agît , s'est coofainou ([ue Georyet «mit été dupe de la fourberie de sa prétendue somnambule. Yoy. Gazette médicale^ année iS35, la très spirituelle relation dos e&périenœt fiûtes par M. De* chambre. l56 DE LA FOLrtE. Je dois dire un mot de la machine de Dai^win. Cette machine qui ressemble assez dMJeu de baguêyh passé des arts.à la médecine ; Mason Cox en a fait un grand usage; Jlufélahd et'Horn remploient à Berlin; il en existe une à Genève qui a fourni à Odier l'occasion d'observer ses effets. Le docteur Martin , médecin de l'hospice de l'An- tiquaille^ où sont aujourd'hui traités les aliénés de Lyon, m'a dit avoir été effrayé desaccidens qu'avaient éprou- vés les aliénés qu'il avait soumis à l'action de cette machine. Ces personnes étaient tombées en syncope; elles avaient eu par haut et par bas, des évacuations très abondantes et qui les avaient jetées dans «une faiblesse .extrême. Ce .moyen employé, avec prudence, peut être .utile aux aliénés qui refusent toute sorte de médica- ment, et qui offrent des signes de gastricité. ^ ' Nous ne compléterions pas ce qui est relatif au trai- tement, des.' aliénés, si nous négligions de parler des moyens préservatifs de la folie. Les moyens prophylac- tiques ont pour but de prévenir la maladie, ou d'em- pêcher le retour des accès. Ces moyens. sont généraux ou individuels ; ils sont indiqués d'avance par l'expost- tion des causes de la folie. • • On évitera les mariages entre individus issus de pa^ rens aliénés. L'éducation de l'homme commence au berceau ; on se gardera de faire aux enfans des contes, des fables qui ébranlent le cerveau, effraient l'imagina- tion. En cultivant l'esprit de l'enfance, on doit en même temps former le cœur, et ne pas perdre de vue que Të- * Depuis la première impression de cet article , ta machiae rotatoir* a été alNuidonnée partout. Ml LA FOLIE. î57 ducation consiste moins dans ce qu'on apprend, que dans les bonnes habitudes de Tesprit, du cœur, et des actes de la vie. Si l'éducation n'est ni religieuse, ni mo- rale ; si l'enfant ne rencontre aucun obstacle à 4ses vo- lontés, à ses caprices, si. tout cède à ses désirs, comment se façônnera-t-il aux contrariétés dont la vie est semée ? on ne forcera pas les ressorts de la sensibilité et de l'iu' teUlgence, en fatiguant de bonne heure le cerveau par des leçons trop fortes; on évitera les écarts de ré- gime, qui souvent^ dès Tâge le plus tendre, disposent à la folie; on réprimera ^ on dirigera les passions des jeunes gens, etc. . Pour ceux qui sont nés de parens affectés de cette maladie, l'éducation doit être moins intellectuelle, que physique et gymnastique. L'instituteur, prévenu d'avance des dispositions intellectuelles des parens, des égaremens de leurs passions, dirigera son élève d'après cette connaissance, modérera ses dispositions vicieu- ses ou exaltées, et le fortîGera contre l'entraînement des passions; tandis que le médecin , informé des causes physiques qui ont provoqué la maladie des ascendans, empêchera le développement de ces causes, en atténuera les déplorables effets, par le régime et par quelques mé* dicamens convenables. Comment assurer la convalescence , et prévenir les rechutes , si le convalescent n'est pas soumis pendant un temps plus ou moins long, à une manière de vivre appropriée à sa constitution, aux causes et aux carac- tères de la maladie dont il vient de guérir ? s'il n'évite l'înBuence des causes physiques et morales prédispo- l58 Al ta FOLII. aantct^ s*il n'est en garde contre les écarts de régime, contre les excès d'étude, contre l'emportoment des pas- sions? L'expérience a montré que les rechutes ont lieu souvent par le développement simultané de causes pliy^ siques et morales. Il faut combattre avec énergie ces causes dès (qu'elles se manifestent, sans attendre i'explo* sion du délire. Un émétique , des pltirgatifs donnés à propos, font avorter un accès de folie. Des sangsues, des saignées au moindre désordre ipenstruél,^ prévien» nent l'accès qui eût éclaté. La disparition d'une dartro, de la goutte, d'un rhumatisme, d^une évacuation habi^ tuelle, a précédé un premier accès dé folie; il faut être averti contre ces métastases, contre ces suppressions. Ce que je dis pour les précautions que réclame l'état physique de ceux qui ont été aliénés, est également vrai pour l'état moral. Un homme est colère , il retombera - s'il n'use de toute sa raison pour vaincre cette passion f un autre a perdu la raison après des chagrins domcsti-* quesy on doit les lui épargner; celui-ci reste dans un état imminent de rechute, s'il ne réforme pas sa conduite et s'il s'abandonne aux excès qui ont précédé son premier accès. C'est pour avoir manqué de prévoyance que k folie est si souvent héréditaire; c'est pour être impriH dentés que les personnes qui ont eu un accès do folie, sont sujettes au retour de la même maladie. OBt HAixucuriiTiom. 1^9 A, jk^^balkuoutatiovs. • ^ 1 ^ (t817,) Ua homme qui a la conviction intime d'une scnsa* lion actuellemeni perçue, alors que nql objet extérieur propre à exciter oette sensation n'est à portée de ses sens y est dans un état d'hallucination : c'est un vision^ mûre. Sauvages a donné le nom d'hallucination aux erreurs d^un homme qui, ayant* une lésion des sens, no per* çoit plus les sensations comme il les percevait avant cette lésion. La berlue^ la bévue^ la tintoin^sont rangés, ptr œ nosologiste, dans le premier ordre de la classe des foties} mais les" autres sens, mais le raisonnement, pou* vanl rectifier ces illusions, ces erreurs , les phénomènes dont il s'agit ne doivent pas être confondus avec le délire. Sagar appelle hallucinations les fausses perceptions qui forment le premier ordre des vésaniea de sa Noso- logie, linnœus les fait entrer dans l'ordre des maladies dé l'imagination (imaginarii). Cullen les range parmi les maladies locales. Darwin, et depuis les médecins anglais ^ ont donné le nom d'hallucination au déUre partiel qui n'affecte l6o DBS HALLUCmATIOM. qy'un sens, et ils remploient néanmoins indifféremment comme synonyme de délire. Ce symptôme du délire a été confondu par tous les auteurs, avec des lésions locales des sens, avec l'associa- tion vicieuse des idées, enfin avec les effets de l'imagi- nation. Il n'a été étudié que lorsqu'il a pour objet les idées qui semblent appartenir à la vue, et nullement lorsqu'il reproduit des idées appartenant aux autres sens. Néanmoins considéré dans toutes ses variétés à quelque sens qu'il paraisse appartenir, ce symptôme est très fréquent; il est un des élémens de la folie et peut se rencontrer dajfs toutes les variétés de cette maladie. Les livres ascétiques de tous les peuples, l'histoire de la magie, de la sorcellerie de tous les âges, les fastes de la médecine mentale, fournissent des faits nom- breux d'hallucination; j'en ai moi-même recueilli et publié un grand nombre. Les observations suivantes montrent les hallucinations, aussi isolées que possible, des autres symptômes de la folie. .. M. N., âgé de 5i ans, d'un tempérament bilioso- sanguin, ayant la tête grosse, le cou court et la fiaice colorée, était préfet, en i8ia, d'une grande ville d'Allemagne; qui s'insurgea contre l'arrière-garde de l'armée française en retraite. Le désordre qui résulta de ces évènemens, la responsabilité qui pesait sur le préfet, bouleversèrent la tête de celui-ci; il se crut ac- cusé de haute trahison , et , par conséquent, déshonoré, Danslet état, il se coupe la gorge avec un rasoir; dès qu'il a repris ses sens, il entend des voix qui l'accusent; guéri de sa blessure, il entend les mêmes voix, se persuade qu'il HALLUCINATIOirS. l6l est entouré d'espions, se croit dénoncé par ses do- mestiques. Ces voix lui répètent nuit et jour qu'il a trahi son devoir, qu'il est déshonoré, qu'il n'a rien de mieux à faire qu'à se tuer : elles se servent tour-à- tour de toutes les langues de l'Europe, qui sont fami- lières au malade : une seule de ces voix est entendue moins distinctement, parce qu'elle emprunte l'idiome russe, que M, N. parle moins facilement nue les au- tres. Au travers de ces différentes voix, le malade dis- tingue très bien celle d'une dame qui lui répète de prendre courage et d'avoir confiance. Souvent M. N. se met à l'écart pour mieux écouter et pour mieux en- tendre; il questionne^ il répond, il provoque, il défie, il se met en colère, s'adressant aux personnes qu'il croit lui parler : il est convaincu que ses ennemis, à l'aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus in- times pensées, et faire arriver jusqu'à lui les reproches, les menaces, les avb sinistres dont ils l'accablent; du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facul- tés intellectuelles sont d'une intégrité parfaite. Il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit , le même savoir, la même facilité qu'avant sa maladie. Rentré dans son pays, M. N. passe Télé de 1812 dans un château, il y reçoit beaucoup de monde; si ^la conversation l'intéresse, il n'entend plus les [voix; si elle languit, il les entend imparfaitement^ et quitte la société, se met à l'écart pour mieux entendre ce que disent ces perfides voix; il devient alors inquiet et soucieux. L'automne suivant, il vient à Paris, les mêmes symptômes l'obsèdent pendant sa route, et s'exas- l6a VM HALLUClNATIOm. pèrent après 9oq arrivée. Les voix lui rcpèteot : « Tue- toi, tu ne peux survivre à ton désbouoeur Mon, non! repond le malade, je saurai terminer mon exis- tence lorsque j'aurai été justifié; je ne léguerai pas une mémoire déshonorée à ma tille ». Il se rend clicz le ministre de la police (Real), qui Taccueille avec bien- veillance, et cherche à le rassurer; mais à peine dans la rue , les voix Tobsèdent de nouveau. Je suis invité à me rendre auprès du malade : je le trouve se promenant dans la cour de Thotel oii il était logé avec sa fille unique. Sa figure était colorée, le teint jaune , le maintien inquiet , les yeux étaient hagards. Je fus reçu avec politesse; je n'obtins à toutes mes questions d'autre réponse que celle-ci :Oui, sans doute, mais avec leurs machines, je les entendais très distinctement. Les nouvelles politiques, l'approche des armées ctran* gères sur Paris , lui paraissent des fables inventées pour durpreodre ses opinim^ j tant-à-coupi m miieu d'im àe IX. l64 DES HALLUCmA^TIOWS* nos entretiens, il 'me dit en élevant la voix et d'un ton solennel : «Puisque vous voulez les avoir, voici ma pro- fession de foi. L'empereur m'a comblé de bienfaits, je l'ai servi avec zèle et dévoûment, je n'ai manqué ni au devoir ni à Thonneur, je le jure; qu'on fasse de moi ce qu'on voudra.» Vers la fin de mars i8i4> après un long entre- tien, j'engage M. N. à me faire une visite, afin de s*as^ surer, par l'inspection de ma bibliothèque, si je suis médecin; il me refuse; mais trois jours après, croyant me prendre au dépourvu , il me propose de venii* aussi- tôt dans mon cabinet, j'accepte; après avoir long- temps parcouru mes livres : « Si ces livres, dit-il, ne sont point mis ici exprès pour moi, cette bibliothèque est celle d'un médecin. Quelques jours plus tard, le siège de Paris a lieu , le malade reste convaincu que ce n'est point une bataille, mais bien un exercice à feu. Le roi est proclamé, je remets à M. N. des journaux aux armes de France, il les lit et me les rend en ajoutant : « On a imprimé ces journaux pour moi. » Je lui objecte que ce serait un moyen non-seulement très dispendieux, mais très dangereux; cet argument ne le dissuade pas. Je l'engage, pour se convaincre, d'aller se promener dans Paris, il s'v refuse. Le 1 5 avril : « Sortons-nous?» me dit-il brusquement et sans être provoqué : à l'instant nous nous rendons au Jardin des Plantes, où se trou- vait un grand nombre de soldats, portant l'uniforme de toutes les nations. A peine avions-nous fait cent pas, que M. N. me serre vivement le bras en me disant : Rentrons, j-'en ai assez vu, vous ne m'avez point trompé; j'étais malade, je suis guéri. Dès ce moment DES HALLUCINATIONS. l65 les bavardes se taisent, on ne se font plus entendre que le matin , aussitôt après le lever. Mon convalescent s'en distrait par le plus court entretien , par la plus courte lecture y par la promenade; mais alors il juge ce symptôme comme je le jugeais moi-même. Il le regarde comme un phénomène nerveux , et exprime sa surprise d'en avoir été dupe aussi long-temps. Il consent à Tap* pUcation de quelques sangsues , à prendre des pédilu* veS) àloirë quelques verres d'eaux minérales purgatives. Au mois de mai , il habite la campagne, où il jouitd'une santé parfaite , malgré les chagrins qu'il éprouve el quoiqu'il aft le malheur d'y perdre sa fille unique. M. N» retourne dans son pays en i8i5 , où il est appelé au ministère. Cette observation offre l'exemple d'hallucination de 1 ouïe la plus simple que j'aie observée. Seule , l'halluci'^ nation caractérisait l'affection cérébrale de ce malade; ses inquiétudes y ses défiances, ses craintes n'étaient que la conséquence de ce phénomène, qui a pei^islé peu* dant plus de deux mois, quoique le convalescent eût recouvré entièrement le libre exercice de l'entendement. L'habitude était-elle la cause de cette persistance? ^ M. P... âgé de soixante ans, appartient à une Êimille distinguée dans les sciences, il était un officier de marine très remarquable, il a la taille moyenne, le front saillant et Foccipital développé, les cheveux châtains ^ les yeux noirs, le teint pâle, l'intelligeoce très cultivée ^ ^ n est déjà fait mention de cette observation à la page 7, mais les détaill qA*Qii mot de lire m'ayant paru d'un grand intérêt , j'ai cm ne pas deYOÎr !•! tous silence. té& DÈS HALttJCmATÎONS. le caractère très doux, il s'est livft? à Tonanisme dans sa jeunesse; un de ses frères s'est tue. M. P..., à l'âge de 3o ans, fit en Prusse, la campagne de 1807, en qualité d'officier de marine. Il resta long- temps dans un cantonnement très humide et fut pris de fièvre intermittente avec délire. A 3i ans, pen- dant un congé de convalescence, M. P... se maria avec une femme charmante, et entra dans une famille qtû le traita comme son propre fils ; peu après , délire, ten- tative de suicide. Le malade confié à mes soins, se rétablit en trois mois. Rentré dans sa famille , il est le plus heureux des hommes. Il retourne à l'armée avec l6 grade de lieutenant de marine de la garde et fait les cam- pagnes de i8ioà i8ic.£n juillet de cette dernière an- née, âgé de 34 ans, à la suite d'une contrariété qui est prise pour une injustice, retour de délire, qui cesse à la fin de l'année. Dans la campagne de t8i4, M. P... est nommé chef d'escadron des marins de la garHe; peu après, nouvel accès provoqué par l'abdication de Bona- parle. En 181 5, âgé de 38 ans, il reprend du service pendant les cent jours, contre l'opinion de la famille de sa femme. Après la seconde abdication , M. P..» atteint de nouveau, prend sa femme et la famille de celle*ci, qu'il chérissait tant avant, dans une aversion affreuse ^e rien n'a pu détruire. Il déserte sa famille adoptitC^ et fait seul à pied le voyage de Rome , dominé qu*il est par des idées religieuses. A jpeine il a mis îe pied stilr te sol de l'Italie, qu'un jour harassé de fatigue, il s'asseoit sur une roche, éprouve quelque chose d'extraordinAÎrO^ Dieu lui apparaît, il a une première vision. Dès-lom^ 0t IMSB HALLUCIVATIOm. l€j pendant toute la route , ii se croit suivi par son beau- père qui oppose sans cesse tous les (ditacles possibles à Taccomplisaient du voyage; il le voit, il l'entend, il lutte avec lui , néanmoins il termine le voyage. Rentré en France^ il est placé dans Tliospice d'Avignon oii if laisse croître sa barbe , néglige les soins les plus ordi-- naires de la propreté, s'impose des jeunes , pavle rare-^ ment, ne s'occupe de rien , ne se prête à aucune dis-' traction. Je visitecet hospice en iSai , M. P... me re- connaît, ni*aborde avec bonté et me fait plusieurs ques- tions sur ma santé, sur «quelques personnes qu'il a connues lorsque je lui donnais des soins, onze ans auparavant. Ramené à Parts, M. P. eaCre àCfaaroaton^ en i8ii5. Son délire est religieux et mystique. Mille l^allucina- tîons, mille illusions des sens se jaDent de sa raison, M. P. croit avoir des communications immédiates avec .Dieu, r^e fils de I>ieu loi apparaît quelepsefois , il le voit porté sur des nuages, eottioré de ses anges , une croÎK à la maîn^ ilmlime ses ordres à son hu/nible serviteur P..^ non par des pavoles , mais par des sigmes qui parais-^ Bsnt Âcms les §àrs. M. P. n'exécute pas ki rcbose la plus simple sans oonsnluer le Dieu du del. il répète des pas- sages de la Bilble , sies évangiies «qn'il optpese auK olascr- vatiôDS qui.lui sont faites sor «œ qv'U racoade ide ises liai* titcinatioiDs et de ses illusions; Jiàm s'ég^pnmeMfui par iofSéuntes Ecritures^ et il elle itewei»et. A^eant exagéré k joftoe pendant le^iâne lée a6ft7 , M. P. fut onalade; }e loi epdepnai de yremb». «des alimens, il n'^ihéit que 9pïè$ avEêir iobiem i4e wondltpeien soMPiteiBplaÉioB^ afin * • l68 DES HALLUCINATIONS. de consulter Dieu et de recevoir l'ordre d'en haut. Il me répète souvent, dans nos entretiens: autrefois je ne croyais pas à Dieu , fêtais dans les ténèbres ; mais depuis que /'ai la fbip Dieu m'éclaire. M. P. est toujours dans les jardins, contemplant le ciel, les nuages, un cahier de papier et un crayon à la main ; il trace les figures symboliques qu'il voit dans l'air : ce sont tantôt des figures géométriques, tantôt des animaux, des us- tensiles de ménage, des fleurs, des instrumens de musi- que, d'agriculture; tantôt des figures bizarres qui ne ressemblent à rien; ce sont autant de signes pour l'en- seignement des hommes, car V Ecriture a dit : il y aura des signes dans le ciel; il a vu tout créer, il comprend la création et les signes qu'il voit, il veut les expliquer, et dans ses explications la religion , la politique se mè* lent sans cesse; il dessine toutes ses visions et écrit leurs explications. Dans la vie ordinaire, M. P. est calme, poli, aimable; s'il parle de ses visions, le sourire est sur ses lèvres, son langage est doux, il s'exprime sans exaltation, ses termes sont très bien choisis; si on insiste, en le contrariant , ses yeux s'animent , son regard s'élève et se fixe sur les nuages, sa face se colore, mais jamais il n'a de fureur. M. P. a l'extérieur de la meilleure société , il a prîs« de l'embonpoint, ses cheveux ont blanchis, son appâitf* bon ainsi que son sommeil, il vit à l'écart et se tkat habituellement au grand air; il parle peu, jamais n'a de dispute; je lui ai souvent parlé de sa femme ^ de sa fiimille , pour le ramener à ses anciennes affec* tiens; ils ont voulu, dit-il, me faire renier la foi, œ DES HALLUCINATIONS. 169 sont les ennemis de Dieu, je les renie; son costume est bizarre par l'assortiment des couleurs. On ne lira pas sans intérêt les étranger hallucinations d'un officier de marine très distingue , qui est à Cha- renton depuis 1 1 à 1 a ans. Sa monomanie religieuse est portée à l'excès. Agé de 5o ans, ce malade est presque toujours dominé par des idées de mysticité et de péni« tence. Il veut jeûner , il se met nu-pieds , il quitte ses vêtemens et s'étend nu sur le carreau de sa chambre* Tranquille habituellement, il a eu plusieurs accès de fu- reur, qui ont eu pour cause le refus de le laisser aller à Brest, reprendre son service. Au priQiemps de cette année, i836 , M. H... m'a remis plusieurs feuillets dé- tachés , sur lesquelles il a écrit ses hallucinations : en voici quelques passages : Premier feuillet. « Au nom du Père , du Fils et du Saint-Esprit ; Madame de S...... âgée de 4? ^^^9 d'une taille mojenne, ayant l'habitude du corps maigre, les che« yeux châtains, les yeux bleus, est douée d'une grande susceptibilité y d'un caractère vif et très doux, elle a été menstruée pour la première fois à 14 ans. M*à S. a toujours été d'une santé délicate, maisexempte de maladies graves ; mariée à 2 f ans > elle devint en?» ceinte à ii3 , et accoucha heureusement. Elle ne noup^ rit point; trois mois après la couche ^ elle eut une I^a . DES HALLUCINA.TIOKS. afTection intestinale, qui persista malgré 1 écoulement des hémorrhoïdes. A 3i ans, seconde grossesse, pen- dant laquelle le caractère de AP. S. devint difficile et capricieux; elle accoucha à terme et sans accident; nourrit son enfant et revint à son premier caractère de bonté. L'allaitement fatigua M^ S. , et raffectioa ab- dominale prit plus de gravité. A 38 ans, elle fut d'une dévotion exagérée, elle eut des idées mystiques, se per- suada qu'elle devait vivre avec son mari, dans la vue seu- lement de faire des enfans selon Dieu, accusant son mari d'avoir des idées trop terrestres. Néanmoins, elle fut en- ceinte pour la troisième fois ;raccouchement fut heureux. L'enfant mourut âpres quelques mois, et M^.S. lui avait prodigué des soins d'une tendresse excessive, parce que, disait-elle , cet enfant était né d'après des vues saintes. A une très grande douleur succéda le calme et la tran- quillité; les idées de mysticité se dissipèrent, et depuis râgede4o ans, IVr. S. jouissait d'une santé par&ite, lorsqu'à Tâge de /|6, elle perdit sa fille ainée, ma« riée depuis peu. Quoique au désespoir de cette perte , elle affecta beaucoup de résignation pour soutenir le courage de son mari , qui était accablé. Elle revint à ses lectures religieuses avec plus d'ardeur que jamais; elle lut plusieurs de ces prétendues prophéties politiqnei qui couraient le monde; ces diverses lectures la préoccu* pèrent fortement. Elle perdit le sommeil et l'appétit, et dès le mois de janvier 1 8 1 7 , elle parlait souvent des évènemens prédits à la France. Enfin , au commence» ment de mars suivant, elle assista au service pour ian« niversaire de la mort de sa fille : elle resta triste» DFS HALLUCINATIOirS. I73 morose , silencieuse, sans appétit, sans sommeil. Tout- à>coup, le 5 mars : cris, plaintes, convulsions, lo- quacité, M*. S. parle sans cesse de Dieu, qui lui an- nonce de grands évènemens. Le ciel lui a été ouvert, elle y a vu sa fille , qui lui a dit que la France allait passer sous le règne de la grâce et de la justice; qu'un messie allait paraître, pour se mettre à la tête de sa nouvelle église et du gouvernement; que tout le monde serait heureux à Tavenir. Cet état persista pendant sept heures, et lorsque M*. S. fut rendue à elle-même, on lut proposa de venir à Paris pour soigner sa santé ; elle s'y refusa avec obstination. Dès qu'on lui eut dit que Dieu l'ordonnait , elle descendit aussitôt de son ap- partement , les chevaux étaient à sa voiture, elle y monta sans difficulté , et arriva le 6 à Paris. Le 7 mars, nouvelle crise, convulsions, cris, hal- lucinations, efforts pour se débarrasser de son mari et de sa femme de chambre. Elle les repousse par ses menaces et ses paroles , elle les bat l'un et l'autre , les prenant pour des diables. L'isolement la rendit pltt9' tranquille mais pas plus raisonnable. M". S... se désespère de ce que le diable a pris la figure de son mari, qui est la personne qu'elle aime le plus au monde. £lle se rend facilement chez M. Pinel, parce que cet homme célèbre doit être aussi instruit qu'elle-même de tout ce qui doit arriver. Elle est confiée à mes soins. Dès le premier jour, la nouvelle habitation, les personnes étrangères qui entourent la pialade, lui en imposent à tel point , qu'elle ne trahit jamais les pensées qui préoccu- pent son esprit. Elle ne témoigne aucun souci de Fab- 174 OfiS BALLUCIJSTATIOm. sence de soa mari ^ ni aucune inquiétude de se trouver avec des inconnus. Ce changement de situation est Tac- compUssemcnt des ordres de Dieu. Le lendemain 8 ^ M^. S... me témoigne quelque con- iiance; je tache de lui faire comprendre combien ses convictions sont contraires à la vérité, et de la bien pé' nélrer des vrais motifs de son séjour à Paris. £Ue &e rit de mon erreur , m'invite avec bienveillance à me préparer à de grands évènemens ; d'ailleurs, elle est tran- quille, cause peu , ne déraisonne jamais, rit quelquefois sans sujet et joue une partie de cartes le soir. Refus de tous médicamens. Le jo, après une longue conversation, dans laquelle M*, S... raconte, pour la première fois, tout ce qu'elle a vu, tout ce qu'elle a entendu, tout ce qu'cllea découvert dans les livres saints ; après une assez longue discussion, elle consent à faire avec moi le traité suivant que j'écris, et que nous signons l'un et l'autre. D'après ce traité, il est convenu que si le messie u'est point arrivé le 2$ mars , si de grands évènemens n ont pas eu lieu k cette époque, la malade consent à passer pour folle, et ge sou- mettra au traitement qui lui sera prescrit. Depuis ce joufi elle est non-seulement calme, mais elle est gaie, cause yo» lontiers, ne parle à personne de ce qui passe dans is tête, soutient la conversation avec esprit et sur toutes sortes de sujets. Seulement avec moi , W. S. basante quelques mots sur ses prophéties , et uniquemeot par intérêt pour mon bonheur à venir. Le a 5 mars se passe; dès le lendemain, j'exige l'exécution du traité. M*. & s'y prâte de U meilleure grâce , et témoigne uo grand DES HAIXUCUI4TIOIS. I75 désir de revoir son mari. £Ue le voit le jo«r sutraBl, et noas partit à tous » raisonnable que, dès le jour même, elle repart pour sa pix>vince. Les convictions decettedame n'étaient point entièrement détruites, mais elles étaient très afiaiblies. Rendue chez elle, elle reprit son ancienne manière de vivre , soit dans son intérieur, soit dans le monde. Personne ne s'est douté qu'elle ait été malade, et en très peu de temps, les dernières traces de sa mala- die se sont entièrement ef&cées. M^ R. , couturière, âgée de 44 ^0^9 d'uqe taille élevée, ayant Thabitude du corps maigre, bs che- veux châtaius, les yeux bruns et vifs, la face colo- rée , le tempérament sanguin , jouissant d'une très bonne santé , d'un caractère gai , mais entêté et colère. 19 ans : menstruation, précédée de coliques atroces. 23 ans, mariée, sept grossesses, trois fausses«oou- ches. 3o ans: étant nourrice, M. R. se prend de dis- pute , a un accès de colère, ie lait se supprime, délire tranquille qui persiste pendant 18 mois; ^ min et d'oranger, sur les parois de cette cellule il a fait pendre des paysages et des lointains, et l'éclairé tous les soirs par les plus brillantes étoiles; notre malade seule à le droit de voir ou d'entendre ces belles choses. Mademoiselle C... , d'une taille élevée, ayant l'habi* tude du corps grèle, les cheveux noirs, les yeux noirs et grands, la peau brune et bise , le tempérament bilioso» nerveux , la poitrine délicate , est douée d'un caractère vif, d'une imagination ardente. A l'âge d'un an, M"*^ C... eut la petite-vérole ; à i a ans, menstruation, précédée de chlorose pendant trois mois; depuis, menstruation peu régulière et peu abondante; à 1 4 ans, M*ll<^ C... devint amoureuse d'un jeune hoiçme avec lequel elle avait été élevée, il mourut; M^^^ C. avait 16 ans, elle tombe dans la mélancolie , refuse de man^ ger et passe plusieurs jours, à divers intervalles, sans prendre la moindre nourriture. Depuis lors, elle est sujette à la céphalalgie, à des maux d'estomac, elle dort peu et est souvent éveillée par le cauchemar. Elle a des convulsions et des syncopes, pour la plus légère contrariété, surtout après les repas. A 17 anSy nouvelle inclination, la mélancolie et tous les accidens nerveux disparaissent , la santé parait très bonne. A 18 ans, M«i>e C. perd ses parens, reste sans re^ X. la %jS BU HALLUCnrATIORS. iom^e et sans guidm : inappfteBce , menstrues phn irrëgulières ; méUacoitey desir de la mort, joie à FUëe que bientôt elle rejotudra ses psreas. Enfin délire pen» daiit cinq h sept heures tous les jours ; dans les inter* valles de calme, refus de manger, amaigrissement^ ca* tarrhe pulmonaire, leucorrliëe, fièvre intermittente d'abord tierce ^ puis quarte, puis quotidienne avec espoir. Quelques amis, dans Tespërance de la conso- ler, donnent à M^^^ C. des conseils puisés dans la religion, qu'elle se met à pratiquer. Mnisiainns^ contrariée dans ses inclinations, elle retombe dans la tristesse et le découragement, elle se sent accablée par la perte de ses parens et par sa grande misère. C'est alors qu'étant à Téglise , la sainte-vierge apparaît à notre malade, assise auprès de Dieu , la consolant et lui assurant £S HALLUCIlSTATiONS. choses si belles qu elle ne saurait les raconter^ et dont le souvenir la ravit encore; cet état de ravissement dure plus de neuf heures. Dieu lui apparaît encore plu* sieurs fois , Jésus-Christ vient la visiter plus souvent , lui donne des conseils ^ lui ordonne de parler au peuple ; elle passe plusieurs jours sans manger , parce qu'étant en communication avec Dieu, elle croit pouvoir s'en passer , elle veut travailler , elle ne peut en venir à bout, malgré son grand besoin. M^^^® C. a les mêmes visions pendant trois semaines; le a8 avril, elle est très agitée; le 3o, elle chante par la croisée de sa chambre, le soir elle déclame, an- nonçant de grands malheurs au peuple, parlant tour- à-tour du désordre de sa conduite, de sa vertu, de sa pénitence; elles'arme de ce qui tombe soys sa main, Idenaçant d'exterminer ceux qui s'approchent et qu'elle traite de profanes; révoltée contre les personnes de sa connaissance qui s'empressent pour lui donner des soins, elle les repousse avec horreur; sa sœur elle- même est chassée avec mépris et fureur. Le 1^' mai, un médecin étant venu auprès de la ma- lade, elle lui ordonne d'annoncer au nom de Dieu les maux qui menacent la France.... etc.. L'agitation et la perversion des idées sont à leur comble. Le 3 mai, M®**«C. est envoyée à l'Hôtel «Dieu, d'où elle est trans- férée à la Salpêtrière; à son arrivée^ le 5 mai, elle chante, parle sans cesse, tient des propos religieux mêlés de quelques obscénités; elle est maigre, son teint est jaune, sa peau est brûlante, sa langue est rouge; elle veut faire des miracles et guérir tous nos malades ; DXS HàLLTTCINÀTIOVS. l8l bains tièdes, boisson délayante, bains de pieds , etc. Le 1 5^ délire général, agitation, loquacité, cris, chants; le 17, exaspération de tous les symptômes, apparition des menstrues qui coulent abondaiiiment ; le 3o mai, alternatives de calme et d'agitation : Dieu lui a ordonné d'avertir l'empereur, elle connaît ceux qui le trahissent, * elle les dénoncera , elle connaît adssi les dépenses de rétat et ceux qui le ruinent, elle parle avec hauteur, fierté et menaces; elle est très rouge, très agitée, elle marche à grands pas, elle crache souvent, constipation, insomnie; fin de juin, retour des menstrues; juillet, idem, Continuation^es bains tièdes, des lotions froides sur la tête, des boissons rafraîchissantes; août: calme, la malade répond juste aux questions qu'on lui adr'esse ; septembre : sommeil, retour à la raison , convalescence,^ céphalalgie; décembre : santé parfaite, M^W* C. rencï compte de son délire : Dieu lui est apparu très souvent pendant ce dernier accès, lui a parlé, lui a révélé l'ave- nir; il avait la forme d'un vieillard vénérable, vêtu d'une longue robe blanche. Pendant l'hiver suivant , la santé s'est maintenue parfaite; M^''^ C. sort de l'hos- pice le i3 avril 181 5. A peine sortie de l'hospice, se trouvant dans le même abandon et le même dénuement , les mêmes chagrins sont revenus, ainsi que les mêmes idées. Notre malade est possédée du désir d'annoncer à Napoléon ce que Dieu lui a ordonné de lui dire; elle essaie souvent de péné- trer jusque dans l'intérieur des Tuileries; ne pouvant y réussir, elle écrit une lettre qu'elle adresse à l'empe- reur, en écrit une seconde à l'archi-chancelier, pour ]8a BBS HAix0CULiTiBS HALLUCINATIOVS. ..Vers la fin da mois^ U est furieux et menace de tueip^ tous ceux qui Tapprocfaent. « • , 4o ans (octobre i8a6) : M.D* croit voir un malade de la maison insulter et violer sa femme; furieux , il se précipite sur lui et le blesse grièvement. 4i ans (avril 1 827) : Il a plusieurs accès de fièvre in- termittente qui paraissent le calmer sans diminuer son délire. Lorsque je fus chargé du service médical de la piaison royale de Charenton, Tétat de M. D. n'était , point changé. Son extérieur physique était en très bon état. En me voyant pour la première fois, il me parut con- sent et me témoigna beaucoup de confiance; mais quoi- qu'il m'ait toujours exprimé les mêmes sentimens et qu'il prétendît avoir beaucoup de déférence pour moi, je n'ai pu le déterminer à suivre un régime et à faire quelques remèdes appropriés à son état. Je desirais vive- ment contribuer à sa guérison, et je lui donnais une at- tention toute particulière. Bien ne put le faire revenir de ses hallucinations ^ rien ne put vaincre ses exagéra- tions médicales. Il me demandait souvent de lui faire iaire une saignée; mes refus, dont je tâchais de lui exprimer les motifs , ne le décourageaient pas. Ses in- stances furent plus vives pendant l'été de 1827; en&n^ après plusieurs réponses évasives, je cédai, espérant fortifier la confiance du malade et me rendre maître de sa raison. Il fut convenu entre nous deux, qu'on lui ferait une petite saignée explorative. La saignée est pratiquée un des jours du mois d'oc- tobre; à peine l'élève qui avait fait l'opération s'est-il DES HALLtrcmATIOllS. i85 '.'*■'■■" . • ■ ... ' retiré, que notre enthousiaste enlève Tappareil et rem- plit de sang un pot de' auît^ une cuvette d'étain, en répand une grande quantité sur le carreau de sa cham» bre; se sentant àffiiiblir, il s'étend sur son lit , sur lequel le sang coule encore. Attiré par quelques légers bruits plaintifs, l'infirmier accourt et trouve le malade presque sans vie, étendu sur son lit. Les élà^s avertis trouvent à leur tour le malade sans pouls, sans respiration , la face décolo/*ée, les yeux ternes, les membres flasques, et le croient mort. Néanmoins l'on pratique des frictions d'abord sèches, puis aromatiques et alcoolisées, Ton fait des frictions irritantes sur les diverses régions du corps; le malade est enveloppé dans de la laine. Après de longs et pénibles efforts, la respiration est sensible, le pouls est perceptible, quelques gouttes de liquide tombent dans l'estomac. Après quelques heures de soins, le malade semble revivre, prononce quelques mots, mais il est aphone; peu-à-peu, les forces se rétablis- sent, la voix se fait entendre, les sens reprennent leurs fonctions, excepté les yeux : le malade reste aveugle. Dès que M. D. peut rendre compte de ce qu'il éprouve ( il avait fallu plusieurs jours pour cela), il déclare se bien porter , à un peu de faiblesse près. Il ne témoigne aucun regret de la perte de la vue, assurant qu'elle se rétablira. Malgré l'état d'anémie qui a persisté pen- dant plusieurs mois, malgré la privation de la vue, le délire n'a éprouvé aucune modification. Les halluci- nations ont la même énergie, la même continuité, le même caractère, et M. D. est sans cesse excité par ces bailucinations de la vue et de l'ouïe. l86 D9S UAXJJaCXSàXîOMS. Le malade est perpétueUement en eonversatiou avee des personnes qu'il voit et quil CBteiid; habituette» méat content et heureux , il rit souvent aux éclats , ap* plaudit en frappant des mains.... etc... Il ne se plaint jamais de sa situation. Il est resté très irritable; prêt à se mettre en colère à la moindre contrariété; toutes les fonctions de nutrition se font bien , néanmoins il dort peu, et fait peu d'exercice, sans doute à cause de sa nouvelle infirmité; cet état persiste avec très peu de variété, pendant 7 ans. /^ql ans (i8a8) : catarrhe intestinal; évacuation de mucosités très abondantes qui affaiblit beaucoup le malade. 49 ans (juin i835) : pendant la nuit congestion cé- rébrale; à la visite du lendemain, les lèvres sont dé* viées à gauche , la sensibilité est obtuse ; il faut pincar fortement la peau pour provoquer la douleur. Toute est très affaiblie; on remarque quelques lacunes dans la pro- nonciation des mots; la face est décolorée, les yeux lar- moyans ; le pouls est fort^ fréquent et régulier; la peaa est chaude; le malade a de la somnolence; il rend des cra* chats abondans; il a de la constipation : cet état n'est pas de longue durée. Depuis cette époque, Tintelligenceest affaiblie, le malade est moins gai, sa gaité est moins bruyante; il entend et comprend avec plus de diffi* culte; il ne reconnaît pas aussi bien à la voix, les personnes qui rapprochent; il reste presque toujonn couché sur son lit, et n'a aucun soin de propreté. Il a peu d'appélil; reûisc quelquefois des alimcnsy les di« gestions se font mal; le malade est amai^^îLa db BBS ukLLvemAnam» 187 déroiement, mais l» Kahocîiiatioiiii et le dâire per- sbtenL 5o ans (16 mars i836) : après phisieurs jours de prostration des forces , de dé voîenient ^ les déjections deviennent involontaires. M. D. reste pelotonne dans son lit, on ne l'entend plus parler seul, aphonie, mort. (17 mars i83G) : autopsie cadavérique, crâne di* ploiquc, écoulement de sérosité après l'ouverture de rarachnoïde. A quelques lignes de Tapophyse crisia^ gain se ti*ouve une ossification de forme conoîde, ovale^ ayant deux lignes d'épaisseur, un pouce et demi de circonférence, adhérente par sa base à la dure-mère qui forme le rupli de la grande faux. Arachnoïde infil- trée, épaisse, opaque en quelques points, adhérences entre la pie-mère et la substance corticale. Ces adhé* renées, très nombreuses à la base du cerveau, ont une plus grande étendue à la région supérieure des hémi- sphères, surtout en avant; en enlevant ces adhérences, la substance corticale a un aspect ulcéré; cette sub- stance est rouge. Dans les portions où la dure-mère n'a point contracté d'adhérences , la substance corticale reflète uoe teinte grise argentine; si on la racle avec le dos du scalpel, elle s'arrache en fragmens nombreux , et la portion de substance qui reste adhérente à la sub« stance grise semble Itre ulcérée , comme je Fai dit plus haut. L'origine de la septième paille de» iierfe n'offre rien de particulier. Les nerfs opiiqucs, grisâtres, offrent la couleur et h traB^reBcc du parchemin mouillé; ils sont aplatis el l88 DES HALLUCINATIONS. atrophies; dépouilles du névrilemme , ils sont fermes, coDsistaas et grisâtres; cette couleur, cette consistance se poursuivent jusqu'à leur implantation dans les cou- ches optiques; celles-ci incisées ^ n'ont rien de remar- quable. La substance blanche du cerveau laisse apercevoir une grande quantité de vaisseaux d'où s'échappent des gouttelettes de sang séreux. La coloration de cet organe est terne, légèrement nuancée, violacée, en quel- ques portions, sa consistance est généralement plus ferme que dans l'état normal. La substance grise de l'intérieur du cerveau est rosée. Le cervelet, les pédoncules cérébraux, la protubé- rance annulaire, la moelle allongée et rachidienne pa- raissent dans l'état normal. De ces faits, de tous ceux qu'on peut recueillir dans les annales des infirmités et des maladies de l'esprit hamain, on peut conclure qu'il existe une certaine forme de délire dans lequel les individus croient tantôt par un sens, tantôt par un autre, tantôt par plusieurs à-la-fois» percevoir des sensations, tandis que nul objet extérieur n'est présent pour exciter des sensations quelconques. Ainsi un homme en délire entend parler, interroge, ré* pond, tient une conversation suivie, distingue très in- telligiblement les reproches, les injures, les menaces, les ordres qu'on lui adresse; discute, se fâche, se met en colère; entend les harmonies célestes, le chant des oiseaux, un concert, et personne ne lui parle, et cepen- dant nulle voix n'est à sa portée, tout, autour de loi. DES HALLUGlNATIOirS. 189 est dans le plus profond silence. Ua autre voit les ta- bleaux les plus varies, les plus anminâtfy le ciel ouvert; il contemple Dieu face à face, assiste au sabbat, se réjouit de la vue d'un beau tableau, d*un beau spec- tacle, de la présence d'un ami ; il s'effraie à la vue d'un précipice, de flammes [prêtes à le consumer, d'enne* mis armés pour l'assassiner, de serpens qui vont le dévorer ; ce malheureux est dans l'obscurité la plus profonde; il est privé de la vue. Un aliéné croit voir un char lumineux qui va l'emporter au ciel ; il ouvre sa croisée, s'avance gravement pour monter sur le char , el se précipite. Dar^vin raconte qu'un étudiant de Berlin, qui jusque-là avait joui d'une bonne santé, rentre chez lui tout effrayé, la face pâle, le regard égaré , en assurant à ses camarades qu'il mourra dans 36 heures. Il se couche, fait appeler un ministre pour se réconcilier avec Dieu, fait son testament; des symp- tômes graves en apparence alarment ses camarades. Hufeland est auprès du malade, ses conseils ne per- suadent pas. Ce célèbre médecin ordonne une dose d'opium , qui* provoque un profond sommeil prolongé et bien au-delà de trente -six heures« Au réveil, on parvient à prouver au malade qu'il a été le jouet de son imagination; lorsqà'il est bien convaincu, le calme renaît dans son esprit, les craintes se dissipent entiè' lement, la gaîté ordinaire renaît, et ce jeune homme avoue qu'étant sorti la veille à la chute du jour, il a vu une tête de mort et entendu une voix qui lui a dit : £S ILLUSIONS prend souvent les montagnes pour des nuages ; l'atten* tion ne tarde pas à corriger cette erreur. Pour celui qui est dans un bateau, le rivage paraît fuir; la réflexion détruit bientôt cette illusion. Les hypocondriaques ont des illusions qui naissent des sens internes. Ces malades se trompent, se font il- lusion sur l'intensité de leurs souffrances , sur le danger de perdre la vie ; mais jamais ils n'attribuent leurs maux à des causes qui répugnent à la raison ; ils ne déraisonnent pas, à moins que la lypémanie (mélan-' colie) ne complique l'hypocondrie. Alors il y a délire , les lypémaniaques hypocondriaques ont des illusions et déraisonnent sur la nature , les causes et les symptô- mes de leur maladie. Les illusions, si fréquentes chez les aliénés, trom* peut ces malades sur les qualités, les rapports et les causes des impressions actuellement reçues , et leur font porter des jugemens faux sur leurs sensations internes et externes; la raison ne rectifie pas Ter* reur. Trois conditions sont nécessaires pour la perception d'une sensation. L'intégrité de l'organe qui reçoit rim- pression , l'intégrité du nerf qui transmet l'impressioDi et l'intégrité de l'instrument qui réagit sur cette même impression. Les illusions des sens reconnaissent aussi trois eau* ses : l'altération des sens, la lésion des nerfs de trans* mission ou l'état anormal du cerveau. Si la sensibilité et l'activité des sens sont troublées^ il est évident que l'impression faite sur les sens par les CHEZ LES AUÉNiS. HoS objets extérieurs est modifiée; si les nerfs de transmis-* sien sont lésés, et si, en même temps le cerveau est dans un élat pathologique, celui-ci ne peut rectifier Terreur des sens : de 1^ les illusions. Si l'attention trop fugitive, trop mobile des mania«- ques ne peut permettre aux sens de s'arrêter assez long-temps sur les objets extérieurs , la perception est incomplète, et les maniaques perçoivent mal les qualités et les rapports des objets qui les impressionnent. Dans la mouomanie, au contraire, l'attention étant trop con- centrée, ne peut se porter successivement sur les ob- jets extérieurs et étrangers aux préoccupations intel- lectuelles ou affectives, qui dominent le malade : de là des illusions que la raison ne détruit pas. Les passions, source de tant d'illusions chez l'homme sain d'esprit, modifiant aussi les impressions des alié- nés^ donnant une direction vicieuse à la réaction de leur cerveau , les passions sont la cause de mille illu- sions^ chez les aliénés. L'intelligence et les passions concourent donc avec les sens, aux illusions des aliénés; et les extrémités sentan- tes sont les véritables points de départ des illusions. Il y a toujours impression actuelle des objets exté- rieurs, impression des sens. Voyons maintenant ce que disent les faits. Ils nous apprennent que les illusions naissent des sensations in- ternes et des sensations externes. Je voudrais les dis- tinguer en illusions ganglionnaires et en illusions des sens. 5 L Les perturbations de la sensibilité organique, les 206 DES ILLUSIOBTS sensations internes provoquent souvent les illusions des aliénés. La peau de quelques aliénés est sèche, aride, terreuse, brûlante et fait mal ses fonctions. Ces malades sont in- différens aux températures les plus extrêmes. Pinel parle d'un maniaque qui ramassait de la neige à pleines mains, et en frottait sa poitrine avec délices. Quelques antres aliénés ressentent une telle irritation de la peau, qu'ils croient être frappés et menrtris par le plus léger con- tact; quils se persuadent qu'on leur jette, des snb* stances ou des poisons qui les brûlent, qui les déchi- rent, etc. Nous avons à Charenton une aliénée qnt pousse les hauts cris dès qu'on la touche du boutdoiçt: Vou.s me faites du mail Ne me frappez pas ^ ne me frap* pezpasl s'ccrie-t-ellc. Un officier d'ordonnance, âgé de vingt-sept ans, d'un tempérament sanguin , d'une force et d'une taille athlétiques, fut pris de fièvre intermittente, pendant la campagne de Prusse. On lui fit avaler un grand verre d'eau-de-vie, dans laquelle on avait fait infu- ser la poudre de deux cartouches. M*** devint aus- sitôt maniaque; délire général, loquacité, cris, fureur; il déchirait tout ce qui tombait sous ses mains, lia- ge, vêtement, literie; force avait été de le laisser coo- cher sur la paille. Se sentant piqué , M... disposait la paille en rond, laissant au centre un espace vide, dans lequel il se plaçait; il agitait sa tête dans toutes lesdirec* tions, soufflant sans cesse sur la paille qui l'entourait, et poussant de temps en temps des cris, comme pour repousser des objets menaçans. Ce symptôme persista CHXZ UE6 ALliHES. BOf nuit €t jour, pendant plus de trois semaines. L'on sut ^ue le malade prenait diaque brin de paille, pour autant de becs d'oiseaux de piK^ie qui le blessaient. H soufflait dessus, et poussait des cris pour épouvanter et éloigner ces animaux malfaisans. Plus lard, ce même malade eut des illusious nouvelles. A peine était-il couché, qii'il détruisait toutes les pièces de son lit et passait par poignées, la paille de sa paillasse, au ti^vers de la croisée de sa chambre , fermée par des persiennes, et parlait de temps en temps, comme s*il se fit adressé à des chevaux. Le bruit des pas des personnes qu'il entendait marcher, était pris par lui, pour les pas de ses chevaux qui ve" naient à la croisée comme à un râtelier. Le soin qu'on avait d'enlever la paille au fur et à mesure qu'il la je- tait, entretenait son illusion. 11 croyait que les chevaux l'avaient mangée. Souvent ce malade prenait les nuages pour des corps d'armée , et supposait que cette armée allait en Allemagne lorsque les nuages étaient poussés vers le nord , et marchait verà rAugleterri* loi'squ'ils couraient vers l'ouest. Les douleurs que les aUénés éprouvent dans les dif- férentes régions du corps , sout pour eux autant de causes d'illusion. Mademoiselle âgée de dix-huit ans, jouissait d'une bonne santé, quoique encore mal réglée. £Ue éprouve, à la suite des évènemensdc i8j5, une dou- leiu* fixe au sommet de la tête. Bientôt elle se per- suade [qu'elle a, dans le crâne, un ver qui dévore son cerveau. La vue du cuivre la fait presque défaillir, et ses parens sont obligés de faire enlever toutes lei^ 3o8 DES nxusioirs dorures des appartemens. Elle ne consent à se prome* ner qu'avec la plus grande répugnance, pardè cpèla poussière soulevée par les promeneurs, est chargée d'oxide de cuivre. Rien ne peut la décider à toucher à un objet en cuivre, à un flambeau doré, ni à un robi- net de fontaine. Plusieurs mois de traitement ayant été infructueux , je fus appelé auprès de cette jeune personne. Elle était maigre, un peu décolorée, très irritable, elle se refusait quelquefois à manger, dormait mal et avait de la constipation; elle parlaitde ses répugnances, tantôt avec vivacité^ tantôt avec colère, tantôt avec larmes. Je m'ef- forçai de gagner la confiance de la jeune malade, je flat- tai d'abord ses idées, et je lui donnai l'assurance que je détruirais le ver, cause de ses maux, si elle avait le cou- rage de se laisser faire une opération peu douloureuse. J'avais si bien réussi à la persuader, qu'après une de mes visites, pendant laquelle je lui avais parlé de guérisons obtenues par un moyen que je lui indiquai, sa tête se monta et mademoiselle se fit avec un canif, une inci* sion au cuir chevelu. A peine vit-elle son sang couler, qu'elle se trouva mal. Je fus aussitôt prévenu; je me rendis auprès de la malade, elle avait recouvré la con- naissance et était très décidée à laisser faire l'opération dont je l'entretenais depuis quelque temps. Son courage soutint celui de ses parens qui consentirent à l'emploi du moyen que j'avais proposé. M. Bigot , médecin or- dinaire delà Êimille, fit une incision cruciale^ de plut de deux pouces d'étendue, sur le point douloureux; on laissa couler le sang. Nous montrâmes à la malade on fragment de fibrine que nous assurâmes, M. Bigot et CHEZ LES ALUÊmfS. aOQ moiy être le ver qui la faisait souffrir depuis si long- temps. Un cautère fut établi au centre de l'incision et maintenu pendant trois mois ; la douleur fixe , les illu- sions et les craintes du vert^de^gris ^ disparurent après ce temps* Quelques années plus tard, pendant que je faisais, à la Salpétrière, mes leçons cliniques sur les maladies mentales , un cas semblable se présenta ^ chez une femme de la campagne , entrée dans la division des aliénées. Cette femme se plaignait dq douleurs fixes et très aiguës au sommet de la tête, douleurs qu'elle attribuait à la présence d'un animal ; ce qui l'avait jetée dans la lypémanie avec penchant au suicide. Je pratiquai une incision cruciale, sur le point doulou- reux ; j*eus soin de montrer à la malade un fi*agment de lombric de terre, lui assurant que c'était la cause de ses maux. Après Topération, cette femme montra à ses compagnes l'animal dont on l'avait délivrée, expri- mant sa joie d*£tre guérie. Mais trente-six heures après,' les compagnes de cette malheureuse se moquèrent d'elle, lui dirent que je m'étais joué de sa crédulité : elle arracha aussitôt le cautère qui avait été établi ; les dou- leurs anciennes se réveillèrent, et avec elles les illu- sions. Un général de division , âgé de cinquante et quel- ques années, avait contracté des rhumatismes pendant la gnore, et fut pris de manie avec fureur, à la suite d'une affection morale. Ses dents étaient mauvaises, il en souffrait souvent , il accusait le soleil d'être la cause des maux qu'il éprouvait, et lorsque ses dou- ^lO DES ILLUSIONS leurs ëtaient trop vives, ce général poussait des cris affreux, adressait des injures au soleil et le mena- çait d'aller l'exterminer avec sa brave division. Quel- quefois les douleurs se portaient sur un genou ; alors le malade saisissait avec une main la partie dou- loureuse et avec l'autre main fermée il frappait, à grands coups, son genou, en répétant : trière, une femme qui, depuis un grand nombre d'an* nées, éprouve des douleurs abdominales. Elle assure qu'elle a , dans le ventre, tout un régiment; lorsque les douleurs s'exaspèrent, elle s'irrite, crie et répète qu'elle jent les coups que se portent les militaires en se bat- tant et qu'ils la blessent avec leurs armes. Une femme , âgée de 58 ans environ , d'une consti- tuUoa £octe et d'un tempérament sanguin, avait eu un en&ot de M. R... , chez qui elle était portière. Ce qui fut pour elle une source de vifs cliagrias; elle éprouva depuis et fréquemment des affections gastro- intestinales, elle devint dévote. Les évènemens de la ^révolution concoururent avec la cessation des règles, à la rendre maniaque. Elle fut conduite à la Salpê- trière, où elle a vécu un grand nombre d'années. Cette &nmie avait la taille petite, le cou gros et court, la tête £>rte et beaucoup d embonpoint. Sa physionomie avait quelque chose de mystique. Elle se plaignait de dour leurs à l'épigastrc, qui était sensible au toucher. Elle ren- dait beaucoup de gaz par la bouche, et était souvent af- fectée de dysménorrhée. Habituellement calme, elle travaillait à la couture. On l'appelait dans l'hospice la Mère de l'Eglise^ parce qu'elle parlait .nans cesse de x4. 212 I>£S ILLUSIONS sujets religieux. Elle attribuait ses soufifi^ances à la mé- chanceté de Ponce-Pilale (c'est le père de son enfant). Cet infâme s'est l^tabli dans son ventre , elle Ty voit, et chaque fois qu'elle me rencontre, elle me prie de le chasser. Elle croit aussi avoir, dans le ventre, tous les personnages du Nouveau -Testament, quelquefois même ceux de la Bible. Elle me dit souvent : le rCy puis plus tenir j quand ferait-on la paix de r Eglise? Si les douleurs s'exaspèrent , elle me répète avec un. sang - froid imperturbable : Aujourd'hui Ton fait le crucifiement de Jésus^Christ , f entends les coups de marteau qùon donne pour enfoncer les clous. EUe croit que les papes tiennent concile dans son ventre. Bien n'a pu dissiper des illusions aussi bizarres. A l'ouverture du cadavre de cette femme, qui est morte le 6 mars 1 8 1 6, le corps avait de Tembonpoint. Je trou- vai à la partie moyenne et supérieure de l'occipital, un enfoncement qui permettait d'y loger l'extrémité du pe- tit doigt, qui ne s'étendait pas jusqu'à la table interne. Le cerveau était légèrement injecté, les ventricules con- tenaient une petite quantité de sérosité. Les ventricules du cœur étaient pleins de sang coagulé. Les viscères ab- dominaux adhéraient entre eux et avec les parois abdo- minales, par la membrane péritonéale qui était trèt, épaissie; il fut impossible de séparer les intestins les uns des autres, tant les adhérences étaient fortes, ils for- maient une masse solide, inextricable. Le foie était très volumineux, s'étendant à l'hypocondre gauche où il adhérait avec la rate. J'ai retrouvé la même altération, quoique l'adhé- ;^ CHEZ LES AIJÉSrÈS. 2l3 rence fût moins forte et moins générale, chez une démonoroaniaque , qui croyait atoir dans le centre plusieurs diables qui la déchiraient et la portaient sans cesse à se détruire. Cette femme était dans un état de maigreur excessive; sa peau était devenue très brune, comme tannée, et privée de toute sensibilité. J'ai quel- quefois traversé sa peau avec de grosses épingles , sans provoquer la moindre douleur. Se voyant aussi insensible , cette lypémaniaque s'était persuadée que sa peau était changée en celle du diable. Les irritations, les douleurs, les lésions des orga- nes de la génération sont pour les aliénés , et parti- culièrement pour les femmes , des causes fréquentes d'illusions; elles ont quelquefois porté les aliénés à se mutiler. ' Les femmes monotn^niaques erotiques éprouvent tous les phénomènes . de l'union des sexes; elles se croient dans les bras d'iin amant ou d'un ravisseur. Une femme démonomaniàque hystérique croyait que le diable, des serpens, des animaux s'introduisaient dans son corps, par les organes extérieurs de la reproduc- tion. Les cancers, les ulcères de l'utérus ne sont pas rares chez ces malades. Les aliénées hystériques sont dispasées à attribuer, et attribuent quelquefois à des en- nemis, à des jaloux, au diable, les douleurs, les con- strictions de la gorge qui les suffoquent. Les douleurs vagues que les aliénés sentent dans les membres, donnent lieu aux illusions les plus pé- nibles. Kous avons à Charenton un monomaniaque, âgé de ai 4 VBB ILLUSIOJfS trente ans, qui est persuadé que, toutes les nuits, on le conduit dans léft souterrains de l'Opéra ; là et même quelquefois sans être sorti de sa chambre, on lui enfonce des couteaux, des poignards dans le dos, dans la poitrine; on lui enlève tantôt un bras, tantôt une cuisse; on lui coupe même la tête. Lorsqu^on hit observer à ce malheureux que sa tête est sur ses épaules, qu'il conserve ses membres, que son corps n'offreaucune plaie, aucune cicatrice, il' répond alors avec vivacité: a Ce sont des scélérats j des magnétiseurs, desfrancS" maçons , qui ont le secret de raccommoder les membres sans qu'il y paraisse, » 5i l'on insiste : « Vous vous entendez y rcplique-t-il , «t^^c ces monstres ^ ces bri^ gands. Tuez-moi^ tuez-moil Je ne peux résister aux souffrances qu'ils me font endurer^ nia leur cruauté,» Le père de ce monomaniaque et son ancien patron sont' particulièrement accusés par lui, comme les chefs de tous les scélérats qui le martyrisent chaque nuit. § II. Après les faits qui indiquent la part que les sensations intérieures prennent aux illusions , passons aux illusions qui naissent des sens externes. Les perturbations de la sensibilité animale^ les im* pressions qui viennent du dehors , les sensations exter* nés sont, avons-nous dit en commençant, des causes nombreuses d'illusions. Les illusions des sens externes ne sont pas rares chez l'homme en santé ; elles sont firé- quentes chez Faliéné : la raison rectifie bientôt rerreiir des premiers, elle ne peut rien contre les illusions des fous. CHEZ LES ALi^nEs. ir5 Le maniaque entend du bruit, il croit qu'on lui parle et il répond , comme si des questions lui avaient été adressées. Entend-il plusieurs personnes parler ? il croit que ce sont des amis qui accourent pour le déli- vrer, ou des sujets qui viennent l'élever sur le pavois et le prodamer roi. Le panophobe croit, au contraire , qu'on lui adresse des reproches ou des menaces : une phrase insiguifiante, il la prend pour l'expression d'un complot tramé contre lui; il croit entendre des enne* mis, des agens de police, des meurtriers se concerter pour Tarreler, et le conduire à la prison ou à Técha- faud. Une porte s'ouvre-t-elle? il se croit perdu et prêt à devenir la proie de gens qui lui en veulent. Un employé, âgé de trente-el-un ans', avait perdu son emploi qui lui servait à nourrir sa famille, et était tombé dans Tinfortune. Il se rendait à Paris; tout-à-coup il s'élance hors de la diligence et pro-^ voque ses compagnons de voyage qui ont, dit- il ^ tenu des propos contre lui et applaudi à sa destitution. Tous les voyageurs, au reste, lui étaient inconnus. Ar- rivé à Paris, M... se loge rue de Bourgogne, mais il n'ose sortir de chez lui, voyant, dans toutes les per- sonnes qu'il rencontre, des espions et des agens de police prêts à l'arrêter. Ce jeune homme d'ailleurs était très calme et très raisonnable , sur tout autre sujet. Un jour , il entend le pas de plusieurs personnes qui montent Tes- calier de la maison qu'il habite. Convaincu que ces personnes Viennent pour l'arrêter, il se saisit d'un de seg rasoirs, et se fait au cou , plusieurs blessures peu profondes. Sa sœur qui était dans la charobrej se préei^ ai 8 DES nxiTsioirs des beautés qu'offrait ses compositions. Dans les sis dernières années de sa vie, elle n'écrivait plus, mait elle ramassait des cailloux, en remplissait ses meil* bles; de temps en temps , elle me confiait un ou plusieun de ces cailloux, me vantait leur grosseur et leur prix^ me recommandait de les faire remettre au roi , afin de rétablir les finances de l'état. Les effets de la lumière réfléchie sur les parois des appartemens qu'habitent les aliénés, ou modifiée par des objets d'ameublement, sont encore des occasions fréquentes d'illusion. Un M. ***, attaqué de lypémanie-hypocondriaque, frappait continuellement, avec sa canne, sur les meil*' bles de son appartement et même d'un salon oîi il y avait plusieurs personnes; et plus il marchait vite^ plus il frappait ; j'ai fini par savoir que l'ombre pro- jetée sur le parquet par les meubles, était, par lui^ prise pour des rats. L'ombre produite par le malade passant entre les meubles et la lumière, lui faisait croire que les rats étaient en grand nombre^ et alors il frappait pour les effrayer; plus il marchait vite, plus les jeux de la lumière étaient rapides, plus le malade croyait que le nombre de rats avait augmenté. J'ai donné des soins à une jeune dame qui s'ëlait occupée beaucoup d'art et de littérature : son ima- gination était très active. Cette dame était maniaque ^ elle passait la nuit dans l'insomnie, ravie des beaux tableaux qu'elle voyait dessinés sur les rideaux de son lit et de ses croisées. Elle exprimait tout haat sa joie et son ravissement. Je lui ai rendu le som- GH£Z LES ALliirÉS. 2I9 meil , en la privant de lumière , pendant la nuit. Une jeune dame atteinte d^un second accès de manie, refusait très souvent les alimens qui lui étaient servis. Lui en demandant la raison , elle me répondit que ses alimens étaient quelquefois hérissa, d'aiguilles et d'épingles. Les aliénés ne peuvent souvent ni lire ni écrire ; il ne faut pas toujours en accuser Fimpuissance du cerveau, et raffaiblissemenl de la raison. Il arrive à quelques-uns de ces malades que lorsqu'ils lisent ou écrivent , les lettres chevauchent les unes sur les autres, ou bien qu'elles se meuvent , comme si elles s'élançaient du papier. Ce qui évidemment les empêche de lire ou d'écrire. Mais ces illusions de la vue sont-elles bien le résultat de l'action anormale des yeux, action que ne rectifie pas la réaction cérébrale? Les deux faits suivans ré* pondent suflisamment à cette question. Reil rapporte qu'une dame aliénée avait des ac- cès d'agitation et même de fureur : la femmô de chambre de cette dame, voulant un jour contenir la malade, posa les mains sur ses yeux. Aussitôt la ma<- lade revenue à elle, fut parfaitement calme, en di* sant qu'elle ne voyait plus rien. Le médecin, instruit de ce phénomène , le constata lui-même , et acquit la conyiction que l'agitation clé cette malade était pro- dnile par le trouble de la yvte qui lui représentait de» objets efiàyans. Tai donné des soins à un jeune militaire allié à la fimtUle de Bonaparte. Après beaucoup d'écarts de aaO DES ILLUSIONS régime et des mécomptes de fortune , il deviat ma- niaque, et me fut confié. Il voyait , dans toutes les personnes qui rentouraiént , des membres de la fa- mille impériale; il s'irritait et s'emportait dès qu'il voyait les domestiques remplir quelque devoir servile; il se prosternait aux pieds de Tun d'eux qu'il pre- nait pour l'empereur; il demandait grâce et protection. Je m'avisai, un jour, de lui bander les yeux avec un mouchoir. Dès ce moment le malade fut calme et tran- quille et parla raisonnablement lui-même de ses illusions. J'ai répété plusieurs fois la même expérience , avec le même succès. Une fois entre autres^ j'ai conservé pen- dant douze heures, le bandeau sur les yeux du malade qui n'a point déraisonné pendant tout ce temps ; mais aussitôt qu'il put voir, le délire recommença. L'odorat, comme les autres sens, trompe les aliénés. Ces malades sont très défians , et refusent les alimens parce qu'ils les trouvent d'une odeur désagréable; aussi la plupart flairent-ils les alimens solides ou les boissons qu'on leur offre, avant d'y goûter, et ils les repoussent quelquefois avec fureur, croyant sentir la présence du poison. Plusieurs aliénés sentant des gaz répandus dans l'air, les croient malfaisans et propres à les empoisonner. Un de nos malades , qui a par moment de la djsp» née , me répète souvent : Je ne sais pas ce qu'û f a dans VaiTy mais Je ne peux respirer. Il contient du méphitisme qui m'ote la respiration ; je maigris horrir blementj et/en mourrai. J'ai vu des aliénés très agités , très inquiets ^ calmés CHEZ LES ALlilCES. 221 par des odeurs agréables répandues dans leur appar- tement. Presque toujours au début et quelquefois dans le cours des maladies mentales, les fonctions digestives sont primitivement ou secondairement troublées, les aliénés trouvent un mauvais goût à tous les alimens qu'on leur présente, d'où ils concluent que ces alimens sont em- poisonnés; ils les rejettent avec fureur ou avec effroi. Ce phénomène provoque encore, chez ces malades, laver- sion pour les personnes qui les soignent, et cette aver- sion est d^autant plus énergique, que ces personnes leur étaient plus chères et plus dévouées : qu'y a-t-il de plus aflreus que la crainte d'être empoisonné par ceux qu'on aime? Cette crainte et la répulsion des alimens cessent après peu de jours^ soit par la diète, soit après quelques évacuations, lorsque l'embarras gastrique ou l'irrita- tion de l'estomac ^ont dissipés. Ce symptôme, si inquié** tant pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'observer les aliénés, n'a rien de gi*ave. Il n'est point alarmant comme le refusobstiné de quelques monomaniaques qui ne man- gent point, soit pour obéir à une idée fixe qui les do- mine, telle qu'une expiation, la crainte de manquer à un précepte reUgieux ou à l'honneur , soit pour termi- ner leur existence. II arrive aussi que la sécheresse et l'aridité de la mem- brane muqueuse de la langue et de la bouche, persuaden t à cjaelques aliénés qu'on mêle de la terre dans leurs ali- mens, qu'on veut leur Êiire manger de la viande gâtée, tandis que dans d'autres cas , particulièrement dans la démence, le goût étant détruit, ces malades man- 323 DES .ILLUSIONS gent les substances les plus dégoûtantes et les plus fé- tides. Le tact, appelé si souvent par la raison, pour dissi- per les erreurs des autres sens, trompe quelquefois les aliénés. J'ai déjà cité plusieurs faits qui démontrent que la perversion de la sensibilité de la peau, cause de nombreuses illusions sur les qualités des corps ambians ou mis en contact avec l'organe cutané. ^ Tjorsque l'inflammation ou quelque autre lésion a lieu dans les méninges ou dans le cerveau, alors les membres des aliénés sont quelquefois tremblans : les extrémités de é leurs doigts ont perdu la sensibilité normale. L'atteatiou ■'jj ne dirige plus l'application des organes du toucher, la mémoire est infidèle. De là naissent des îilusioos sur les impressions tactiles des corps. Ces malades sont maladroits, saisissent mal, et ne retiennent pas ee qu'ils prennent. Ils cassent ou laissent tomber Ie84>bjets qu'ils ont saisis. Il jugent mal, de la forme, de Téten* due, de la solidité , de la pesanteur des corps, Tëtat pa- thologique du cerveau ne permettant point de rectifier ces illusions. Une dame très affaiblie par une couche et fft des évacuations sanguines faites pour comb^ltiie ui accès de manie , éprouvait une constipation eyî* niâtre. Je prescrivis des lavemens;- malgré son l^* tation, madame *** voulut les prendre elle^aêlllep -  peine lui eut-on remis la seringue entre les 'Mp*»^! qu'elle la rejeta avec horreur. Le même fait s'est f$sàoih vêlé plusieurs fois. Cette dame m'a assuré, depuisp:^pie la seringue lui avait paru si pesante, qu'elle l'avait crue CHEZ LES AMEUTÉS. aa3 remplie de mercure , et s'ëtMt persuadée qu'on voulait fiiire de son corps, un baromètre. CoircLUSioK. — De ce qui précède, je crois pouvoir condure : I* Que les illusions sont provoquées par les sensa- tions internes et externes. 2** Que les illusions sont le résultat de l'action des extrémités sentantes et de la réaction du centre ner- veux. 3* Que les illusions sont aussi souvent provoquées .. 'par rcxcitation des sens internes que par celle des sens externes. 4* Que les illusions ne peuvent être confondues avec les hallucinations (visions), puisque dans celles-ci le cerveau seul est excite. - 5*Qao lesillusions égarent le jugement sur la nature et la cause des impressions actuellement reçues, et poussent les aliénés à des actes dangereux pour eux et pour les autres. - 6^ Que le sexe , Féducation , la profession , les habi« tndès* en modifiant la réaction cérébrale , modifient It-canctèredes iHnsiona. ^ Que les illusions prennent le caractère des pas« iions et des idées qui dominent l'aliéné. * 8" Que la raison dissipe les illusions de l'homme sain jf esprit, tandis qu'elle est impuissante pour détruire ke Slusions de Taliéné. Ce mémoire ne sera pas sans intérêt, si, par l'obser* litioD, j'ai constaté un phénomène psychologique mal apprécié, quoique fréquent, dans le délire; si les faits asi^4 '^^ ILLUSIONS CHEZ LES AXJÉHÉS. que j'ai rapportés , jettent quelque lumière sur l'his- toire encore si obscure des aberrations de l'entende- ment; si ces mêmes faits fournissent des vues théra- peutiques applicables au traitement des maladies mentales. DE LA FUREUR. ^ 2^5 IV. !••••••• SS LA FU&EIJR. (1816.) / La fureur est un emportement violent, cause par l'égarement de 1 esprit ou du cœur : on appelle furieux, rhomme qui , transporté hors de lui par le délire ou par quelque passion , s'exhale en propos , en menaces , sn actions, et chercher nuire aux autres et à lui-même. La fureur exprime le plus haut degré d'exaltation des passions véhémentes. On aime ou l'on hait avec Tureur. On appelle fureur un violent accès de colère. Le fanatisme religieux , politique et l'enthousiasme se Donvertissent quelquefois en véritable fureur. Cet état extrême des passions, qui prive l'homme de la rai- son y ^ui le porte aux déterminations les plus funestes , cbfl^t assez souvent à l'aliénation mentale; il cause Jesnémorrhagies, des convulsions, l'apoplexie, la mort. i)ans la fureur , la face est colorée, ou très pâle, toujours convulsive, l'œil est en feu, le regard fa- rouche , la voix haute et saccadée , le ton menaçant , tout le corps est convulsivement agité. La fureur est expansive dans la plupart des cas ; elle est quelquefois iQorne, concentrée; elle est toujours suivie de lassi-^ tude, de brisement des forces. 0^6 0»E LA. FUREUa. La fureur est un accident, un symptôme, c'est la colère du délire. Elle a été confondue avec la manie par les anciens et par plusieurs modernes; de même qu ou a confondu avec Thydrophobie la rage , qui est un degré extrême de fureur. La manie consiste dans un délire général chronique sans fièvre, avec exaltation de la sensibilité et des forces motrices, par opposition avec la démence, qui est un délire général, chronique sans fièvre avec diminution des forces. Mais tous les maniaques ne sont pas furieux, comme tous les hy- drophobes ne sont pas enragés; mais la fureur éclate dans tous les délires, même dans le délire fébrile; la fureur éclate dans toutes les aliénations mentales, même dans la démence; elle éclate dans plusieurs maladies qu'on ne peut confondre avec la manie, telles que les méningites, l'hystérie, l'hydrophobie; elle éclate dans l'ivresse, après l'usage de certains poisons, etc. Donc la fureur est un symptôme très distinct de la manie, elle peut bien appartenir à une variété de manie, mais non lui fournir un caractère spécifique, puisqu'on l'observe dans [plusieurs variétés de mono- manie, de iypémanie, de démence et d'idiotie. Le tempérament sanguin et surtout le tempérament bilioso-nerveux , très irritables l'un et l'autre, prédispo- sent à la fureur. La chaleur brûlante de l'air, certaines constitutions atmosphériques, certains vents rendent plus imminentes les explosions de fureur, ainsi q[ae toutes les circonstances qui augmentent Timpulsion du sang vers la tête , ou excitent le système nerveux ce' rébral. lia fureur est causée par^l'usage , ou mieux par l'abus 4le plusieurs substances introduites dans Testomac ; le vin, hs liqueurs alcooliques , Fojnum, etc., jettent cUns h fureur. Il en est de même de U méningite , de rhy4ropbobie et de l'hystérie. Dans tous ces cas, des ii^Uuci nations, des illusions des sens, la perversion *d€^ affections morales qui bouleversent la raison , rea- dwt furieux. Si les maniaques sont plus souvent fu- lieux que les autres aliénés, il faut en accuser leur tçQp|>érament, leur extrême susceptibilité, l'exaltation fde toutes leurs facultés, ce qui les rend excessivement îqapi^s^îonables , pur conséquent très irritables, très colères. L'bomme en démence est rarement furieux^ parce que l'innervation , chez lui, est sans force, la seBi3ibUité est presque éteinte, les impressions sont presqjU0 nulles. Cas plus que toutes les autres déter- minaticHis du délire, la fureur n'est automatique, dans ce sens que les furieux ne se livrent point sans motif à leurs emportemeus. C'est pour ^éviter quelque danger dont ils se croient menacés, pour résister 'à des contra- .riélés vraies ou imaginaires, ou enfin pour se venger de ceux qu'ils prennent pour leurs ennemis , que les alijaés se mettent en fureur. J'aurai cependant à si- gnaler quelques exceptions en parlant de la monoma* lue homicide. ^ La fui^eur est rarement continue; elle est intermit- tente, cosune l'action des causes qui la provoquent; si eUe est continue, elle ne peut être de longue durée. '^ Wof. note swU Bionomanic homicide. x5. aa8 DE LA FUREUR. Elle est toujours un symptôme fâcheux dans la fièvre ou dans les phlegmasies. Il n'en est pas de même dans Taliénation mentale; la fureur est critique dans la dé- mence consécutive. Lorsque après un traitement trop débilitant, les aliénés sont tombés dans la démence, s'ils reprennent des forces, la manie et souvent la fu- reur, mettent fin au délire. C'est ce qui avait été observé par Pinel sur les aliénés qui , après avoir subi un trai- tement à l'Hôtel-Dieu , étaient envoyés à Bicêtre dans une défiience profonde. L'on voit aussi la fureur se terminer par la démence incurable, et quelquefois il sufHt d'un seul jour de fureur pour cela. La fureur qui cause tant d'effroi et tant d'inquiétude à ceux qui ne sont pas familiarisés avec les aliénés , loin d'aggrayer le pronostic de l'aliénation mentale, laisse plus d'espoir de guérison. Les maniaques et les monomaniaques Af- rieux guérissent plus souvent que les aliénés calmes et faciles. Chez ceux-ci, il y a moins de force, moins d'é- nergie, moins de réaction; les guérisons sont plus dif- ficiles. 11 n'est pas rare qu'après un accès de fureur., les aliénés deviennent plus calmes et plus raisonnables. Mais si la fureur est continue, si le délire est génénd et tellement intense -qu'il ôte au furieux jusqu'au sentiment de sa propre existence, on peut craindre que le malade ne résiste pas à cet excès d'excitation , et que la mort ne survienne promptement. Si les aliénés dans leur fureur, commettent quelque acte d'atrocité, il est à craindre qu'ils ne guérissent point, le n'ai point vu guérir d'aliéné ayant tué ses enfans, ses parens ou ses amis; mais ils ne sont pas inoi* DE L/L FURÉCa/ 339 rables lorsqu'ils n'ont connprorois que leur propre existence. La fureur étant un des symptômes les plus alarmans de la folie, doit attirer une attention particulière , mais elle n'exige point un traitement spécial : son traitement doit rentrer dans celui des maladies dont elle est le symptôme, il réclame néanmoins des soins hygiéniques spéciaux. C'est pour avoir pris ia fureur pour la folie elle-même I pour avoir donné à ce symptôme une grande importance thérapeutique, qu'on a commis tant d'erreurs très graves dans le traitement des aliénés furieux. On saignait, avec excès, les furieux, dans rintcntion d'abattre leurs forces et l'on ne s'apercevait pas que la perte du sang augmentait le mal ; qu'elle nccalmait les malades qu'en les privant de la puissance de réac- tion nécessaire à la solution de la maladie. Ce symptôme a été la cause d'erreurs d'une consé- quence plus générale, et non moins funeste aux aliénés. Ne voyant dans les fous que des furieux, on a logé, traité tous les aliénés comme des êtres dangereux et inaUaisans, prêts à tout détruire, à tout exterminer, dont il fallait garantir la société : de là les cachots, les Joges, les grilles y les chaînes, les coups, moyens qui, en exaspérant le délire, étaient un des principaux obsta* des à la guérison des aliénés. Depuis que ces infortu* nés sont traités avec bienveillance, le nombre des fu- rîeitx a diminué au point que , dans les hospices bien leous et convenablement distribués , sur plusieurs cen- Uiiiei d'aliénés, on n'en rencontre quelquefois pas un senA fDÎ soit en fureur. d3o DE Z^tttSk'SlOtl mcMTAXB V. BS li'AXJDlNATXOBr BCBmCALS BSS WOVVXUUBl AGCOUCHiSS XT BSS BTOUBaXGZS; (1819.) Quoiqu'on ait beaucoup écrit sur les maladies aux- quelles sont exposées les nouvelles accouchées, et sur les ravages du lait détourné de ses organes sécréteurs, les accoucheurs etles médecins qui ont traité des maladies de femmes, parlent peu des aliénations mentales qui écla- tent après Taccouchement, pcudan t ou après Tallaitement. C'est ce qui m'a déterminé pour le choix de ce sujet, dans l'espoir de répandre quelques lumières sur un point de pratique d'autant plus important qu'il intéresse un grand nombre de femmes. Ce niémoire se divise en deux parties : Tune rcïnferttie des considérations puisées dans ma pratique particulière et dans la division des aliénées de la Salpêtrière; Tatilfe contient des observations qui servent de base aux ùùàr sidérations générales énoncées dans là première paffie. j^avais d'abord distribué les observations dans œttt première partie y mais il m^a paru qu'elles détourdalttit trop ratiétitidil et qu'elles brisaietit rencbaînement ébs idées géiiët*ates que je me suis efforcé de rendrf^ le pllis brièvement qu'il m'a été possible. DV nOBfSLLBS ACeCMJCHiBS. x|& VKE^ltBM PAATIE. Je ne parlerai point du délire passager qui se mani- feste après le travail de raccoucbement , et quelquefois pendant la yîèi^rg de lait. Ce délire se dissipe prompte- ment, soit par Técoulement des lochies, soit par leur diminution lorsqu'elles sont trop abondâmes, soit parla sécrétion lai teuse, soit par lacesisation delafièvre, soit par le retour des forces. Mauriceau et les accoucheurs ont Yu le délire se mapifesler le deuxième jour de l'accou- chement j et disparaître le quatrième. Je ne parlerai pas non plus du délire de ces femmes qui y dans leur frénésie, tuent l'enfant qu'elles viennent de mettre au jour. La fausse lionte, l'embarras, la crainte, la misère, le crime, ne dirigent pas toujours les infan- ticides; le délire, en troublant la raison des nouvelles accouchées, conduit aussi quelquefois leurs mains sa- crilèges. Une fille est enceinte, elle ne cache point sa grossesse, elle fait faire une layette; la veille de l'ac- coucbement elle se montre à tout le monde. Elle accouche peadant la nuit; le lendemain, on la trouve dans son lit el Tenfant dans les latrines , mutilé de v^ngt^t-un €Oupsd*un instrument qu'on juge être des ciseaux. Cette fille est arrêtée quelques heures après, elle est portée sur un brancard à deux lieues de la maison où elle est «ecouchée; elle s'oppose à ce qu'on la dérobe aux regards de ses compatriotes indignés. Pendant la route , se SQU- levMt avec peine, dUe répète souvent à ceux qui la portent et qui la cenduiseot : Ils ne me firent pc^ de ..''■ a3a DE l'au^atioic mehtale -. mal; ils ne me feront rien, n^est-ce pas? Je n*ai pas fait de mal; ils ne peuvent me rien faire. Quelques jours après on riaterroge, elle avoue son crime ^ ne s*en défend point, ne témoigne pas le moindre i«gret, mais elle refuse de manger. Cette fille n'avait-elle pas eu un accès de délire? Au reste, ce fait et des faits semblables appartiennent à la médecine légale et ne doivent pas m'occuper ici. Le nombre des femmes qui deviennent aliénées après Taccouchement , pendant ou après l'allaitement, est beaucoup plus considérable qu'on ne le croit commu- nément. £n effet, à l'hospice de la Salpêtrière, nous recevons à-peu-près un douzième de femmes devenues aliénées dans ces circonstances. Il est des années où cette proportion est d'un dixième; ainsi , sur onze cent dix-neuf femmes , admises dans la division des aliénées, pendant les années 1811, 1812, i8i3 et 1814, quatre- vingt-douze sont devenues folles après l'accouchement, pendant ou immédiatement après l'allaitement; et de ces quatre-vingt-douze femmes, soixante appartiennent aux années 1812 et 181 3, pendant lesquelles il y a eu six cents admissioqs. £t si du nombre total des femmes aliénées reçues pendant ces quatre années, on en soustrait lé tiers au moins qui ont passé l'âge de 5o ans, au-delà du- quel les femmes ne sont plus exposées aux influences de Faccouchement et de la lactation , l'on sera porté à con- clure que les aliénations mentales, à la suite des couches, pendant et après la lactation , sont plus fréquentes que je ne l'ai indiqué d'abord ; cela est vrai, surtout dans la clasie riche : le nombre, dans cette classe, est à-peu-près dte DES KOHVBLLES ACCOUCHÉES. ^33 septième, d après le résultat de ma pratique particulière. Aussi Astruc avait-il observé que les dépôts et les engor- gemens laiteux sont plus fréquens dans les classes éle- vées de la société que dans les classes inférieures. Mais il est certain aussi que les aliénations mentales , après le sevrage, sont rares chez les femmes riches, tandis qu'elles sont fréquentes chez les pauvres qui sèvreul vo- lontairement ou qui sont forcées de sevrer. Les pré- cautions que prennent et que peuvent prendre les femmes riches, après le sevrage, rendent raison de cette diffé- rence; rien ne peut les mettre à l'abri de leur extrême susceptibilité, lorsqu'elles viennent d'accoucher ou lors- qu'elles sont nourrices. L'époque de l'invasion de la maladie, relativement au temps de la couche et de la lactation , n'est pas indiffé- rente à déterminer, puisqu'elle fournit des indications utiles à la pratique. Hippocrate, dans le troisième livre des Épidémies j rapporte plusieurs observations d'affections graves avec délire, survenues aux femmes accouchées pendant l'épi- démie dont il donne la description : ce sont pour la plupart des fièvres. Peut-être l'observation xiv est-elle une manie aiguë. Il s'agit de la femme d'Epicrate qui , ayant accouché de deux jumeaux, délira dès le même jour de l'accouchement, et mourut fî*énétique le vingt*- et-unième. livret avertit que la folie est à craindre après l'ac- eoaçhement, si les lochies coulent mal ou se suppri-* ment, surtout si les seins , ne se remplissent pas ou se flârissent. Zimmermann ^ rapporte quelques exemples ' TrtùU de rexpénenct^ ^36 DE L^UJÊlfiLTION MEirTAXE prolonge et persiste pendant plusieurs semaines, plu- sieurs mois et au-delà. Les aliénations mentales qui se manifestent pendant et après raliaitcment offrent peu de différence , quant à leur caractère etieur marche, avec les aliénations qui écla- tent dans toute autre circonstance : cependant le faciès a quelque chose de particulier qui les fait reconnaître, lorsqu'on a quelque habitude de soigner les aliénées. En comparant les différentes espèces d'aliénations dans les 912 femmes qui font le sujet de ce mémoire, j'ai trouvé les quantités suivantes : Démence 8 Lypémanies (mélancolies) et monomanies. 35 Manies 49 On demandera peut-être si les accouchées et les nour- rices ne tombent jamais dans l'idiotie? Non sans doute, puisque l'idiotie est une altération cérébrale appartenant à la première enfance. Avant de passer aux causes qui produisent la folie chez les nouvelles accouchées et les nourrices, je dois déterminer l'âge pendant lequel elles sont plus expo- sées à cette maladie. De nos ^n femmes : 2!2 sont âgées de ao à a5 ans. 4i de . • . • aS à 3o ans. 16 de . . • • 3o à 35 ans. 1 1 de . • . . 35 à 4^ ^^^' a de • 4^ AQS* L'âge auquel les nourrices, ainsi que les noavdfes DES NOUVELLES éLCGOUCHÉES. a3^ accouchées, sont plus sujettes à raliénation mentale, est de a5 à 3o ans : c'est aussi l'âge de la plus grande fé- conditë. Les causes qui prëdisposeot plus particulièrement les nouvelles accouchées et les nourrices à celte maladie sont : l'hérédité, une susceptibilité extrême , les accès de folie antérieurs à toute grossesse , les accès à la suite des couches précédentes ou pendant la lactation. Dans quelques cas, les causes prédisposantes suffisent, non- seulement pour produire un délire passager, mais en- core pour exciter un véritable accès de folie : tels sont le travail laborieux de l'accouchement, le retour seul de l'accouchement ou de la lactation ; les mêmes circon- stances physiques ramènent les mêmes . altérations fonctionnelles du cerveau , les mêmes désordres intel- lecfuels et moraux» Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'on a vu deâ femmes devenir aliénées après avoir accouché d'un enfant miile, et rester exemptes d'accident après l'accouchement d'une fille. On a vu des femmes dont le délire ne se manifestait qu'après chaque deux couches ; on en a vu qui retombaient dans le même état au troi- sième ot) au cinquième mois de chaque allaitement, sans cause excitante assignable. Les causes excitantes qui provoquent la folie des nouvelles accouchées et des nourrices sont les écarts de régime et les affections morales. Le refroidissement , l'impression du froid, de quelque manière qu'ils aient lieu, sont de tous les écarts, les plus à redouter; l'exposition à lair frais, l'application de l'eau froide , soit que l'accouchée s'expose à des a 38 DE L'AXJoÉsrjiTiojr mertalx couraos d'air froid ou qu'elle marche en plein air, soit que l*accouchéc ou la nourrice plonge ses membres dans l'eau froide^ la coupe des cheveux , Tabus des médica- meus chauds, en supprimant: les lochies, provoquent la folie. Chez nos 92 aliénées , quatorze fois ralîénation mentale a été provoquée par des causes physiques , et dans ces quatorze cas, dix fois l'impression du froid a causé la maladie. Le sevrage brusque, volontaire ou forcé , devient )a cause de la folie, lorsque les nourrices, en sevrant , né- gligent les précautions que la prudence et r^expérience commandent. Aussi avons^nous déjà vu que 19 femmes sur 92 sont deveuues folles peu de jours ou immédiate- ment après le sevrage, à la suite d'imprudences ou de négligences. Mous avons déjà fait remarquer que It folie, après le sevrage, est rare dans les classes élevées de la société, parce que les femmes appartenant à ces classes se soignent bien. Les affections morales sont le plus souvent cause deTa- liénation mentale des nouvelles accouchées et des nour^ rices ; elles sont aux influences physiques , quant à la fréquence , comme un est à quatre. L'influence funeflle et générale de ces causes a été appréciée de tout temps. A Rome, on suspendait une couronne sur la porte de la maison des nouvelles accouchées, pour avertir que leur maison était un asile sacré. Il existe à Harlem, wm loi qui ordonne de mettre un signe sur la maison des accou* chées. Ce signe sert de sauve-garde contre les hnîl- siers et les agens de police qui pourraient se présenter pour leur office. Van-^Smeten assure que ks fianmes^Vi DBS IVOUVEIXES ACCOUCHJÉES. !kSg couche ont souvent des manies incurables pour avoir dévoré et concentré quelque chagrin. Ce qui arrive à la suite des couches arrive aussi pendant et après Tallaite- ment, mais avec beaucoup moins de danger. De nos 9a femmes, 4^ sont devenues aliénées après des afTec* lions morales. La crainte de retomber malades après avoir eu un premier accès de folie, le désespoir causé parla perte de l'enfant ou par l'abandon du père, la colère, la frayeur, le chagrin, les dissensions domesti- ques, sont autant de causes excitantes. Les effets de la frayeur ont été remarquables, en 18149 puisque, de j3 femmes aliénées à la suite de couches après des af- fections morales, admises dans notre hospice pendant cette année i8i4, onze sont devenues folles à la suite de la frayeur t j'ai fait la même observation, en 181 5. Les causes prédisposantes préparent, en quelque sorte, les nouvelles accouchées et les nourrices à l'ac- tion des eauses excitantes; les unes et les autres ont d'autant plus d'énergie, que l'accouchement et la lac- tation exaltant davantage la susceptibilité et la mobilité des accouchées et des nourrices , les rendent plus ac- cessibles aux influences accidentelles. Celles-ci, et parmi elles surtout les affections morales, sont d'au- tant plus funestes, qu'elles agissent plus brusquement* Une femme accouche heureusement; le lendemain , elle arrose son lit avec des liqueurs odoriférantes : les lochies se suppriment, le lait ne monte pas, la manie éclate dès le même jour ; elle ne guérit qu'au bout de dix mois, après une fièvre muqueuse. Un mari jette un seau d'eau froide sur sa femme accouchée de la veilk * a4o DE l'aliénation mentais cette infortunée devient aussitôt maniaque et ne guérit point. Une fille de 1 8 ans trompe la vigilance de ses parcns^ dissimule sa grossesse, accouche dans un gre* nier par un temps très froid , parcourt le^ escaliers afin de regagner sa chambre; les menstrues se suppriment, la manie éclate et ne guérit qu'après un au , lorsque les menstrues sont rétablies. Une nourrice est surprise par un orage; elle s^échauffe en précipitant sa marchei traverse un ruisseau ayant de l'eau jusqu'aux genoux: le lait disparaît; elle est lypémaniaque. Une nourrice est effrayée par un coup de tonnerre : le lait se suppri- me; elle perd la raison. Lorsque les causes physiques ou morales isolées ou réunies exercent leur action sur une nouvelle accou- chée, les lochies diminuent ou disparaissent, le lait ne monte pas aux mamelles ou les seins se flétrissent, l'alié- nation mentale éclate. Les choses ne se passent pas tou- jours ainsi ; il arrive que la folie se manifeste, quoiqu'il n'y ait pas de suppression; mais les lochies coulent mal et sont peu abondantes. Il est des cas , très rares à la vé- rité, dans lesquels les lochies coulent bien, et elles ont même un caractère hémorrhagique (observation pre- mière) , et cepeudant la raison des accouchées s'égare. Il en est de même pour le lait : tantôt il se supprime en totalité, tantôt il n'y a pas de suppression^maîs le lait est moins abondant, il n'a pas ses qualités nutri- tives, le nourrisson refuse le sein; bien plus, l'aliénation mentale éclate, quoiqu'il n'y ait ni diminution , ni sup- pression , alors que la lactation se continue avec avan* toge pour l'enfant. ras KouvELUBS AGCoucHiis. a4t . Ici se présentent tout naturellement deux questions intéressantes et long-temps débattues : i* la suppres» sien ou la diminution du lait est-elle cause ou efTet de Taliénation mentale? On peut répondre que les folies se uumifestent plus ordinairement chez les femmes qui ne nourrissent pas. De nos 911 aliénées, ^9 étaient filles ^ 63 mariées : or, les filles rarement nourrissent. Le plus grand nombre de faits prouve que le lait diminue, se supprime ou perd de ses qualités , avant l'explosion du délire; mais il est des observations qui constatent aussi que la suppression ou la diminution du lait n'a lieu qu'après l'explosion de la folie. ^^ Le lait agit-il comme corps étranger dans Ie& ac- cidens qui suivent l'accouchement ou l'allaitement ? Les anciens croyaient que le lait se porte sur le cerveau, de même qu'ils pensaient qu'il peut se jeter sur les au- tres orgaues, et ils attribuaient à la métastase, tous les accideus consécutifs à sa diminution ou à sa suppres- sion. Senuert croyait que le délire, dans ces circonstan* ces, est l'effet des vapeurs qui, de l'utérus^ se portent h la tête. Levret assure qu'on a trouvé du lait dans le crâne. Boerhaavene veut pas qu'on traite les divers phé- nomènes pathologiques qui se manifestent après les cou- ches, comme des maladies différentes , mais bien comme une même maladie appartenant à la même cause, par conséquent identique, mais se manifestant sous des forâ- mes variées. Presque tous les accoucheurs ont attribué les divers accidens qui surviennent aux nouvelles accou* chées et aux nourrices , à la métastase laiteuse : cette opinion est restée populaire; elle console quelques in* »6 i4tt M Vàtxi»xVûn msÊtàiM fifftûném dm mâuit dont dies fie petifent se dâinerr N ëanmoidé , les expériences des moderne^, {Mlticoliè^ rement celles de Chatissier et de Bichftt^ dëuiOAiml fp^on ne troute point de lait ëpanchë idans TabdoineA des nouTelles accouchées mortes de përitouite. Il nVn existe pas davantage dans la cavité crânienne diei ie$ accouchées mortes aliénées. Les modernes pensent, itiec raison, ti|tt'api*ès Taccouchement, pendant Ift laGtatiMy il existe une diathèse laiteuse qui modifie toutes les Èéoti»' lions de la femnie et leur imprime son caractère; qne l'extrême susceptibilité des nouvelles accouchées €1 lies nourrices les rend plus dépendantes des influences Ctté* rieures ; que ces influences agissant sur tel on tel or* gane, provoquent le développement des accMens qni caractérisent les maladies propres à ces organes, neei* dens qui sont modifiés par la diathèse générale, cW-à- dire par la diethèsc laiteuse. Hippocrate^ Uv. v, aj^ t^o^ dit que les femmes cheft lesquelles le sang s'échappe par les mamelles , sont ntO' nacées de manie. Cependant on voit des femmes qui ont une déviation de menstrues, par les mamelles, sansépnoPu* ver d'autres accidens» t^nchon assure que le docteur Piéters de Louvain avait vu Une nourrice qui rendait, par les mamelles, du sang au lieu de lait , et qui u'était point devenue folle. Doublet a observé plusieurs fWs, à lliospice de Yaugirard , des nourrices dont les IWM engorgés répandaient du sang, sans qu'il en ï^nitit rien de fâcheux. Lies aliànatîons mentales, j^ la suite des couches ^ goé* Tissent généralement , s'il n'y a pas de prédtspositîoiBi trop énergiques , il en gméril plus èe la moitfë. Detios quatre-^ngt^fouse femmes , einquante-cia^^ ont été goë- ries , ce qui est tin septième des gaérisons totales obte- nues à la SalpAtrière, pendant les quatre années iudi* ipiécs plus haut. Ces aliénations mentales se jugent par le rétablisse- ment des lochies ^ par la sécrétion et ^évacuation du laity par la leucorrhée abondante, par des déjections alvincs muqueuses, quelquefois sanguinolentes j par le retour des menstrues supprimées «depuis la grossesse, par des suppurations sous-cutanées ^ très rarement par la grossesse. La durée des accès est variable : de cinquante-cinq gnérisons, 4 ont eu lieu dans le i'** mois; y dans le* • • • • . 2*; 6 dans le 3'; n dans le 4'} 5 dans le. 5^; 9 dans le 6*; 1 5 dans les mois suivans; 2 a^jrès deux ans. Donc, trente-huit guérisovs, on bien les detrx tiers dt guérisons, ont en lieu dans les six premiers mois depuis i^invasion de l'aliénation mentale. Si les guérisons ées novf elles aceonchées sont fré- «pientes, nons devons arvouer qne ces malades sont disposées a«K rechutes, lorsque des prédispositions ^]ieff;iq«ies ont préeéâéle pi^eniier accès. On peut pré- 244 ^^ L'ALlÉNATIOIf HEITTALE venir cette disposition à la périodicité, en évitant les circonstances qui, ayant provoqué le premier accèsy peu- vent déterminer le retour de nouvelles attaques de folle. On prévient les accès en évitant la grossesse. Je n'ai pas été peu surpris, en rédigeant les notes recueillies sur nos quatre-vingt-douze aliénées, de ne trouver que six morts, 1 après six mois depuis l'accouchement ; I après un an; n après dix»huit mois ; 1 après trois ans; I après cinq ans. Donc, la mortalité n'est que d'un dix-huitième parmi les femmes aliénées, à la suite des couches, pendant ou après la lactation. Elle n'est que d'un cinquante-troi- sième relativement à la mortalité de toute la division des aliénées de notre hospice. Comment se fait-il que les afiections abdominales, après les couches, soient si souvent mortelles, tandis que les maladies cérébrales après les couches, ne le sont presque point ? Cet aperçu nVst peut-être pas indiffé- rent pour la physiologie du cerveau et pour l'apprécia- tion de l'influence de cet organe sur la vie organique. L'ouverture des corps des accouchées ou des nour- rices qui ont succombé, après avoir été aliénées plus ou moins long-temps, n'ofiTre rigoureusement rien de particulier, rien qui puisse faire reconnaître la cause matérielle de cette aliénation ni en découvrir le siège. Selle, dans son recueil d'observations, rapporte qu'il a DES. irOUVELUS ACCOUGHiES. ^45 trouvé une grande quantité de pus épanché dans le cer- veau, chez une femme qui avait succombé après une seconde couche, ayant eu un accès de manie à la suite d'un précédent accouchement. J'ai trouvé de la sérosité entre les feuillets de l'arachnoïde comme dans des autres cas de folie; mais jamais rien qui ressemblât au lait. Ce sont ces épanchemens albumineux qui ont dû en imposer à quelques auteurs. Au reste, il serait aussi étrange de trou- ver du lait dans le crâne après l'accouchement ou la lac- tation, lorsqu'il y a suppression de lait, que de trouver du sang menstruel dans le crâne de femmes aliénées après la suppression des menstrues. Lorsqu'il y a complication de folie avec la péritonite puerpérale, Ton trouve des épanchemens , des pseudo-membranes , dans la cavité péritonéale. Le traitement des aliénations mentales à la suite de couches, pendant ou après l'allaitement, a subi beau- coup de variations. La plupart des auteurs, effrayés sans doute par la violence des symptômes, ont regardé ces folies comme incurables. Puzos avoue qu'il parta- geait cette erreur après plusieurs essais infructueux. Cependant il finit par se persuader qu en évacuant for- tement et par les saignées et par les purgatifs, on pou- vait changer cette disposition maladive du cerveau, mais qu'il fallait continuer long-temps les plus grands efforts de l'art. Trompés par la gravité des accidens, les praticiens ont presque toujours porté à l'excès les moyens qu'ils mettaient en usage. On saignait à outrance : la sup- pression des lochies dut fortifier cette pratique. Cepen- dant Tëcoulement des lochies trop abondant , cause la Il46 INI h*kUS«AIJO¥ MSVXAUB folie. Haller rapporte qu'une femme fut privée de la faculté de penser pour avoir eu des lochies trop abcm* dantes. Je rapporte , dans la deuxième partie de ce mémoire, Tobservatioa d'uae manie chez une nouvelle accouchée, qui avait eu une hémorrhagie utéviae pen- dant huit jours» Boerhaave et Van-Svîcten ^ avortissent que les saignées ne doivent être employées que dans la plus grande nécessité , lors même que les lochies sont supprimées. En débilitant , disent ces auteurs, les sai- gnées nuisent plus qu'elles ne sont utiles. Sans doufe, c'est bieu ici le cas de la force indirecte : la lassitude, 1 épuisement qui suivent raccouchemcnt auraient du mettre en garde contre les apparences. On prescrivit pendant un temps les purgatifs les plus énergiques 9 les drastiques, les sels neutres, plus tard on préféra les purgatifs doux. Dans les cas de suppression de lait, on a essayé de le faire revenir aux mamelles par l'application des ven- touses, par la succion, ou bien on a purgé. Si la maladie est rebelle, on conseille une nouvelle grossesse et l'al- laitement; et parce qu'il est arrivé quelquefois que ce conseil a été couronné du succès, on en a fait un pré» cepte général. Je peux assurer qu'on ne réussit que lorsque l'aliénation est accidentelle et ne tient à aucune cause antérieure ou prédisposante grave. Les saignées doivent être employées avec ménages ment, dans la {première période. Les sangsues à la vulve, aux cuisses, lorsqu'il y a des signes de pléthore , ou d^ coQgestioa vam h tête, lor^w le tempéraneat swguÎA pi^édomiue, sont uiile». Les vmtousQs, le» vésicatoires , les siiupismes appli^p quéS| Uotôt aux: jambes ou aux cuisses, tantôt à la nucjiie, avec uae tisane lëgèremeot sudorifique ou purgative, suivant la tendance de la nature, seront préférés aux moyens dits héroïques^ Quelques nouvelles accouchées ont été guéries après remploi des lavemens purgatifs; j^ai prescrit avec suc« ceSj immédiatement après raccoucliement, des lavemens préparés avec quatre onces de sucre et du lait en suffi- sante quantité , j'en prescris trois par jour; les malades observent alors un régime sévère et mangent peu. L'émétiquCi répété plusieurs fois de suite, a aussi qblenu des succès chez les sujets éminemment lympha-' tiquesi, U arrive quelquefois que les vésicatoires, qui n'ont pas réussi au début de la maladie, dans sa période d'irritation, produisent les meilleurs effets, renouvelés quelque temps après l'invasion de la maladie. Les bains tièdes, surtout les bains de siège, quelque- fois les bains chauds, secondent merveilleusement las autres moyens curatifs, lorsque la maladie a passéà l'état chronique. Les bains frais ou ftoidj sont dangereux. Lorsque la maladie a persisté , particulièremeot chez les nourrices, si les menstrues ne se sont pas rétablies après l'usage des évacuans, on se trouve bien ded *v^g^}^ k la vulvoy d«s ventouses promaooei sur J^ ruiiif», des enusénagogues et des autres tmièààeê pffCH pnii à jpiiavoquer lo flux meaat^^ si48 Dx l'auénation vehtale Il est inutile de faire remarquer que les femmes aliénées , à la suite des couches et de raliaitement, doî* vent être soumises, comme les autres aliénées, aux mêmes principes généraux de traitement; que Tisole- ment, les secours de Thygiène, les moyens moraux ne doivent pas être négligés , et qu'ils ont seuls suffi pour guérir, quoique plus rarement que dans les autres alié- nations mentales. SECOITDE PARTIE. i'* observation. — P.-Y. E , âgée de 53 ans, ap- partient à une famille qui compte plusieurs aliénés; une de ses cousines est devenue folle à la suite de cou- ches. £ fut menstruée à l'âge de 16 ans et sans ac- cident; peu après elle grandit beaucoup; à chaqiie épo- que menstruelle elle éprouve des coliques ; son carac-^ 1ère est doux, facile et timide; elle vit à la campagne. Mariée à 20 ans, £ devient mère de cinq enfiins; au quatrième nvois de la cinquième grossesse, elle est effrayée par un homme qui courait dans les rues bran- dissant un sabre nu : dès-lors elle a des pressentimens; elle craint que son accouchement ne soit malheureux, elle est persuadée qu'elle deviendra folle. Trente ans: accouchement heureux le î5 avril 181 1. Trois jours après, hémorrhagie utérine qui fait craindre pour sa vie , et qui ne cesse qu'après huit jours. Alors E est active, agitée, mais sans délire. On prescrit an régime analeptique; le lait monte aux mamelles. Cette femme allaite son enfant ; mais au vingt-neuvième jour, DBS NOUVELLES AGGOUGHÉBS. ^49 eUe délire, fait mille extravagances , veut se détruire; elle frappe, injurie; pendant quinze jours elle refuse obstinément de boire et de manger. Au quarante-quatrième jour depuis l'accouchement , on prescrit des vésicatoires aux jambes et une nourri- ture abondante. E..... continue à donner a téter^ quoi- qu'elle ait peu de lait« Soixantième jour. Le lait est devenu abondant; la malade mange beaucoup; néanmoins manie. Quelques jours après, £ est conduite à la Salpêtrière le a 5 juillet i8i I ; elle est triste, ne parle pas; l'abdomen est volumineux; on retire le nourrisson; le lendemain fureur. a^ juillet. Boisson laxative , vésicatoire à la nuque, Uniment camphré souvent renouvelé sur les mamelles, qui sont distendues par le lait ; écoulement muqueux blanchâtre par la vulve; le vésicatoire coule très abon- damment; selles faciles. ao aoiil. Cessation du vésicatoire; la malade parle et marche plus volontiers; elle mange un peu; les diges- tions sont faciles, les seins ne contiennent plus de lait. 6 septembre. Cette femme est mieux quoique triste ; elle répond juste; elle travaille: on la croit convalescente. i^ octobre. Mélancolie profonde, refus de parler, de prendre des alimens et de faire de l'exercice. 3 octobre. Vésicatoire entre les épaules , qui est suivi d'uQ mouvement fébrile, lequel persiste pendant quinze jours. jg. Cessation des symptômes fébriles. Pendant la du- rée de la fièvre , le retour de la raison a été progressif. as. Santé meilleure , appréciée par la malade, qui parle sans répugnance et rend compte de ce qu'elle • éprouvé. ( Boisson laxaim.) lo novembre. £ a vu ses parens et a été trie Ineii avec eux; retour des forces et de remboopoîiit {Bains tièdes^ boissons awniaiiques). Les menstrues coiiIeot« Décembre. Cessation du vcsicatoirei convaieieenoe confirmée. lo décembre. Cette femme est sortie huit mois après sa couche, sept mois après l'invasioa du dé- Ure;et quatre mois et demi après sou entrée dans Thoepioe* li" observation. — T.-J. M y âgée de 5i ans, en- trée à la Salpétrière le 3o juin 1812, a une sœur qui, après une couche, est devenue aliénée et qui est reliée sourde. La taille de notre malade est élevée, âes die- veux sont châtains, mêlés de cheveux blaac(5; ses jeiK grands y bruns; la face est colorée < la peau bnine, b physionomie mobile, l'abdomen volumineux. Petite-vérole à un au. 10 ans : maladie très grave, pendant laquelle ior- vient une hémorrhagie utérine. 1 1 ans : menstruation abondante et suivie de CO^ liqucs après chaque période meustruelle. Daoa la jeu- nesse, santé faible, douleur hémicrâuienne du coté gauche, qui persiste pendant vingt-quatre heuree. Epi- gastralgie. ^5 ans : M*^*^ se marie, se porte mieux depotf ion mariage, au moins en apparence. 26 ans : première couche; maniè^ fureur qui {Mf^ siste jusqua une deuxième grossewe. La ieoMde couche a été heureuse. Depuis lora^ ayant Tunrwirlrf dou^e loi», les couches Ml été Jabooeaicaf et efffès DSS SOCYELLES ACGOVGHlitt. a^X chacuac , cotte femine a été aliéaée p^n^ant un ouûs ou six semaines. 39 ans : apoplexie suivie d'hémiplégie. 47 ans : après une fièvre grave , manie, fureur qui ne cesse qu'après cinq mois; dcpnis, anomalies de la menstruation y céphalalgie: suppression de;^ menstrues à 49 ans 9 sans accidens. 50 ans : (ièvrc grave, apparition des' menstrues, qui ont coulé régulièrement les mois suivant pendant un an. 5 1 ans : M*** perd son mari , elle est mise en prison : aussitôt elle est prise de manie. Conduite à Thospice le 3ojuin 1812, elle est dans un état de manie : dé- lire général , agitation , et par intervalles, teneurs pa- niques, pleurs , constipation , etc. 12 août iSfa : M"^** est calme, connaît son état, pleure sur sa position et sur la perte de son mari; rai* sonne juste, mais sa tôte est faible. Décembre. M*** est bien; les menstrues, qui avaient cessé dès !e mois précédent, n'ont plus reparu. Cette femme est sortie de l'hospice conservant quelques dis- positions à s'effrayer pour les moindres causes , mais jouissant de toute sa raison. 3' observation. — S. 1*"^% 4g^ ^ 4^ ^^'^^ ^^ entrée à le, Salpétrière le 2a avril iflia* Sa tailla est élevée, sa face bourgeonnée, ses cheveux sont châtains, ses yeux châtains et vifs , sa peau est Uanche* Elle a de TembonpoinU la ans: oéphaialgie^ hémorrha^ ies nasalea. i3 ans : première éruption des menstrues^ cessa* a5a DE l'auénation mektale tion des hémorrhagies : depuis ^ menstrues régulières , mais peu abondantes. 1 8 ans : le bienfaiteur de cette femme est guillo- tiné : aussitôt elle a un tremblement général ; sa tête s^égare pendant quelques jours. ^ 26 ans : J^* se marie; devient mère elle a trois en- fanS| qu'elle nourrit. 3o ans : J^** accouche d'un quatrième enfant, le nour- rit, le sèvre sans précaution. Deux jours après, délire général avec prédominance d'idées religieuses. Elle est conduite à Thospice, d'où elle sort guérie après quatre mois de traitement. 36 ans : nouvel accès causé par l'absence de son mari. Seconde entrée à l'hospice le 28 mai 1810, d'oiïelle est sortie le ai juin 181 1 , au bout de treize mois, 39 ans : cinquième couche. Sept mois après, J^^^sèvre; le surlendemain du sevrage, délire avec des frayeurs ima- gin$iires; elle est conduite dans une maison de santé; il se manifeste une éruption générale sur tout le corps , qui, peu-à-peu, n'occupe que la face. Après vingt mois, cette malade est conduite à l'hospice le 22 avril 181 si. Elle est triste, mélancolique, se désespère; elle a des terreurs religieuses. a4 mai 1812. Écoulement par l'oreille gauche. De- puis J*"^^ est plus raisonnable; elle juge bien de son mal, elle mange et dort bien. Juin. Bains tièdes, boutons à la face, paupières rouges, vésicatoire au bras. Dès-lors convalescence. Cette femme est sortie le 1 1 aoUl 18 ra, jouissant de sa raison. DES NOUVELLES ACCOUGHisS. 2 53 Tous les accès s'annonçaient par de la tristesse , de Teunui, de l'inaptitude pour les occupations ordinaires ; peu-à-peu la tête se perdait : pendant l'accès cette femme sentait sa tête brûlante et embarrassée. 4* observation. — D.-S. D**% âge'e de 4i ans, est entrée à la Salpétrière le 19 juin i8ia. Sa taille est moyenne, ses cheveux sont châtains, ses yeux bleus, sa peau est blanche , sa physionomie mobile , son em- bonpoint médiocre. Cette femme a un oncle et une tante aliénés. Elle a fait une chute sur le front à 9 ans : les traces de la cica- trice sont encore marquées. 1 4 ans : elle a la gale. j 6 ans : les menstrues précédées de céphalalgie : sont irrégulières et peu abondantes. !i6 ans : D^^^.se marie ,: les menstrues dès-lors sont plus abondantes, ainsi que la leucorrhée; la céphalal- gie est plus forte. A 1 âge de ay ans^ pendant la pre- mière grossesse, chagrins domestiques. Le mari de cette femme s'étant fait faire une opéra- tion à sou insu, elle s'en effraie; sa tête s'égare, elle devient furieuse: elle a 33 ans. Elle est traitée à Gha- reaton, l'accès dure cinq mois, mais l'intelligence reste un peu affaiblie. ^Nouvel accouchement à 35 ans. . A l'âge de 37 ans , au troisième jour de la troisième couche I contrariété légère, suivie de délire, fureur. Six jours après, entrée à l'hospice, d'oîi madame D.... est sortie au bout de dix mois, l'accès. ayant duré six mois. 4i ans : chagrins domestiques , légère contrariété, nouvel accès de fureur, qui dure peu de jours. Conduite S54 ^^ x'ALTâf ATION MSNTALB le iqjutn 1812 à l'hospice, après quelques jours, D^** est cahne, mais dëraisonnable. A(nU 1 8 1 a. D*** cause beaucoup et longuement; elk raconte tout ce qu'elle a su , vu, entendu, et cela avec beaucoup d'incohérence dans les idées, dans le langarge; mais ^t a de longs intervalles de raison. Octobre. \f^* est calme, travaille, mais déreisonne par momens. Décembre. Même état. Ce troisième accès se termine par la démence. 5* observation. — L**', née d'une mère aliénée (n fille est folle et sa petite-fille est morte maniaque), ot d'une taille moyenne ; ses cheveux sont châtains, ses yeux bruns, sa peau brune, sa physionomie mobile. A Tâge de 1 4 à 1 5 ans, les menstrues ne font que paraî- tre , se supprin^ent pendant un an , avec chlorose et fièvre. A 16 ans, retour des menstrues, dqniis ma« dame L*** a eu treize enfans. a3 ans : elle est mère pour la première fois; dès-lors, les menstrues coulent irrégulièrement et sont peu abon- dantci» 29 ans : quelques jours après la quatrième couche, rcnfaut étant mort, le chagrin rend maniaque madiiBt L***; eJle est traitée à rHôteUDieu; les règles restentsop- primées pendant un an; guérison après dix-huic mois. Depuis, à chaque couche, aussitôt après que le lait est monté aux mamelles , niadame L*** est reprise de manie, tantôt avec suppression des lochies et des mens- troes, tantôt sans suppression : l'accès éhre ordinaht- ment une année. M8 wovvflLun koamcaÊÊs. i»55 Chaque actes È%ntixmeè par des dotilMrs abdomi- nales qui s'ëtendont à rutënn , avec le sentiment d'un corps ëtnager qui pèse sur ie rectum. Uaccès éclate par dips criardes convukiona. Enfin la crainte de deve- nir folle la iait délirer; L**^ s^agite, ne peut s'empêd^r de parler, de marcher ; mille hallucinations exaspèrent aon délire: «lie entend parler des personnes qu*eile ne voit pas; elle voit des objets bizarres qui Tefiraient. Elle a de l'insomnie, des palpitations et de la constipation. Pendant Taccès, elle n'a pins de leucorrh^, et l'osènc M se fait pas sentir. 45 ans : dernier accouchement : Taccès est plus violent que les prccëdens. 49 ans : ilatuositës qui distendent douloureusement Tabdomen , qui gênent la respiration , surtotit lors- que cette femme a mangé : alors elle est plus souf- frante. Yen l'Age de 5o ans , ^ssation des menstrues saus explosion de déline. 53 ans : départ de son mari pour Tarmée : nouvel accès; elle sent des "venls qui l'étouffent , gui remontent à h iéie$ alors sa raison s'égare, elle a mille halluci- nations de l''ouie et de la vue ; elle a des convulsions. Les paroxysmes se renouvellent ordinairement tous les deux jours; ils s'annoncent , comme les acc%s, par des cris. Cet état persiste pendant six mois. Depuis cet accès, madame L... jouit de toute sa rai- 00»; mais à 1 automne et au printemps , elle éprouve , pendant quelques jours, un tremblement convulsif des membres. 356 PE l'auiînatiok xehtalb A l'âge de 5g ans, décembre 1811 , L..... est Tive* ment effrayée. Neuf jours après et tout-à-coup, dou- leurs abdominales s'étendant à l'utérus, convulsions; terreur, délire , besoin de marcher, de courir; halluci- nations. Elle juge de son état, demande qu'oa la con- duise à la Salpêtrière. Entrée à l'Hôtel-Dieu , tout lui paraît changé^ bou- leversé; elle entend crier; voyant un chirurgien qui, exerce le toucher sur une femme et montre sa main tachée de sang. L*** croit voir partout des intestins qui flottent et du sang qui fume; elle est dans le pkis grand effroi; elle ne peut dissiper ces fantômes, quoi- qu'elle reconnabse qu'elle se trompe. On lui donne des bains de pieds, on la saigne du bras : tous les accidens s*aggravent, le délire ne lui permet plus de rien recon- naître , l'intelligence est bouleversée , elle n'a plus le sentiment de son délire. Après deux mois, L*** est conduite à la Salpétrière, le ql5 mars 1&12. Abdomen volumineux, embonpoint médiocre, peau brune, physionomie mobile exprimant la frayeur; délire, besoin continuel de marcher, con- stipatiou , quelquefois convulsions, particulièremeat pendant la nuit. On baigne la malade, on lui donne une boisson rafraîchissante. Peu-à-peu elle est calme. £11 juillet St août, elle devient tranquille, elle marche moins, et elle travaille par momens. Septembre. La malade juge de son état, et se sent assez forte pour dissiper ses hallucinations et ses vaines frayeurs : d'ailleurs, elle est très calme et raisonne juste. 1X18 VOUTBLLSS ACCOUCHiBS. ^Sj Le la septembre i8ia, cette femme sort bien por* tante, goérie du onzième accès de manie. Depuis , elle est tombée dans la démence , avec trembl^nent des membres» 6* observation. — R., âgée de 34 ans, fut admise à l'hospice le lo novembre i8i3. Elle est d'un caractère doux, mab très vif; sa taille est élevée, ses cheveu^ sont châtains, ses yeux grands et bruns, sa peau est brune, sa physionomie mobile, elle a de Tembon* point. i6 ans : les menstrues s'établirent spontanément. 24 ^u:^- B.... se marie. a6 ans: le troisième jour de sa première couche, une dame portant du musc monte chez elle : aussitôt délire, cependant le malade continue d'allaiter son en- £int, qui est mort à 3 ans. Ce premier accès a été ca- ractérisé par la manie avec fureur, et n'a duré que deux mois; il a cessé tout-à-coup, après une vive frayeur. Depuis ce premier accès , cette femme est restée très susceptible. Tous les printemps elle a de l'exaltation sans délire, cette exaltation se dissipe par l'usage des anti-spasmodiques. 3oans: pendant que R. sèvre son enfant. Agé d'un an^ elle descend dans la boutique de son mari, où il y avait de la peinture; l'odeur provoque aussitôt le délii*e, qui augmente pendant cinq jours, et qui est suivi de manie avec fureur. Le 4 août i8og, admission i la Sal- pdtrière. Septembre. Rémission très marquée. R. est calme et parait raisonnable. Son mari sollicite sa sortie , 958 tm îléLtiMAttOÉf jmotjos «t robtient le lit octobre suivant. Dàft le deuxième jour de sa sortie, retour du délire, de la fureur, suppression des menstrues abdomen volumineux. Reutrëo à l^os« pice, la malade sVst calmée à l'approche de Thiver. En décembre, les menstrues s'établissent, et R... sort de rhosptcc, le a4juin 1811. 34 ans: i*' novembre i8i3. Fausse couche de deux mois; colique, perte utérine^ dès le lendemain, lo« quacité. 3 noçembre. Manie, fureur [bains de pieds, sangsues aux malléoles) sans rémission. La malade est reconduite à l'hospice; à son arrivée, les yeux tont hagards, la face est pâle, les traits sont affaissés; délire général, manie, fureur. Trois jours après, elle est calme, reconnaît qu'elle est dans l'hospice. i6. Les menstrues manquent, as. I^a malade voit son mari avec intérêt; elle est triste; mais ses rqx>nse5 sont justes. {Bains tiedes.) a8. Fièvre, embarras gastrique {émétique répki deux fois). Déjections abondantes; depuis, les idées sont suivies, R... est calme, travaille : retour progressif à la raison. a I décembre. R... sort de l'hospice parfaitement rai- sonnable, quoique les menstrues ne soient pas réta- blies. 7* observation.-^ M...., entrée à la Salpêtrière le 29 avril 18149 à l'âge de 24 ans, est née d'une mère qui est morte aliénée. Sa taille est élevée ; ses cheveux sont châtains, ses yeux vifs, son teint jaune,» peau brune, sa physionomie mobile, son caractère gai; M*., a des accès de colère qui se dissipent par des i DES irOVVELLES '^▲CCOlTGHâiS. '^^^9 larmes, elle est paresseuse et cVaae trè^; grande suscpp- tibilitéy elle est sujette dès rcnfance, k rophthalmie; pendant toute sa vie elle a eu de la céphalalgie. 6 ans: gale , hémorrhagies nasales fréqui'sntes. i i.ans, petite-vérole très grave. M. est atteinte de [.Hiaaîsievl^s héuiorrhagies nasales ont cessé. i5 ans: menstrues spontanées; depuis bonne santé f la punaisie disparaît. A chaque époque menstruelle, tantôt avant, tantôt' après, céphalalgie qui se dissipa par le vomissement. Cette femme se marie à Tâge de a3 ans. a4 dns : étant grosse, elle fait une chute, se donne une eiitorsc à un pied. Au cinquième mois de la grossesse, les évè- nemcus causés par Tapproche des alliés lui donnent d'autant plus d'inquiétude que, ne pouvant marcher, elle reste seule chez elle. Au neuvième mois de la gros- sesse, un Cosaque lui porte un pistolet à la gorge : elle perd Tappclit, elle a des tiraillemens nerveux. 521 avril, veille de sa couche, M.... est ef^fayée de nouveau, aa. Lcf lendemain, elle accouche^.; elle a des convulsions pendant vingt-quatre heures^ a3. Continuation des convulsions, A leur cessation rire continuel, délire. a4- Délire général, agitation, fureur, refus de prendre des alimens; la malade ne veut boire que de Teau froide; exaspération pendant la nuit; cependant les lochies coulent, mais le lait ne monte ^tks (^sinapismes aux pieds ). La douleur causée par les sinapismes fait croire à la malade qu'on veut lui brûler les pieds. Pendant 1 8 convulsions y elle mord sa langue , et les douleurs «7. a66 hb l'au^natioit mestale qui en rësultent lui semblent être causées par du feu. M est conduite à l'hospice le 29 anîl. A son ar- rivée^ teint jaune, décoloré; les yeux sont très mo- biles, langue blanche, mamelles flétries, délire gai; la malade ne reconnaît ni les objets ni les personnes qui l'entourent; elle se croit impératrice ; elle répète que son mari est Louis XYIII ; que tous les meubles sont d'ar* gent ou d'un métal précieux ; elle accorde des grâces à tout le monde. Sa démarche est hautaine , son ton est impérieux, ses idées de grandeur sont dominantes, malgré l'incohérence la plus complète ; ses actions of* frent le même désordre et la même exagération. Ap- pétit vorace. 3o. ( F'ésicatiHres aux deux jambes^ boissons laxa- tii^es )• Lochies mêlées dé mucosités blanchâtres. 8 mai. Dévoiement de matières d'abord blanches. H y a plus de calme , le délire conserve le même caractère. 12. Continuation des lochies ( /Ti^/Tze^ médicamens). Le (vésicatoire coule beaucoup; déjections brunâtres, mêlées^de mucosités; moins de désordre dans les idées. i5. M voit son mari, le reconnaît; il lui a sem- blé un -^instant se reconnaître elle-même et comme sortir 'd'un rêve : cet instant est très court, le dé- lire continue; mais il n'y a plus des idées de gran- deur. 22. Cessation des lochies; le vésicatoire sèche; il y a plus d'ordre dans les idées; le calme est parfiiit; la vue de son mari fait plaisir à notre malade. 24« Convalescence. M rend par&itement compte DES NOUVELLES AGGOUCHiBS. a6l de son état, des motifi de ses actions pendant son dé- lire. Le vésicatoire est séché. a5. M..... a de rétonnement dans la tête, qu'elle sent faible, ainsi que le corps : d'ailleurs elle est très raison-^ nable, et obtient sa sortie. 8^ observation. — L,.., âgée de 4i ans, est entrée à l'hospice le 28 novembre 181 1. A l'âge de 18 an»^ une frayeur supprime ses règles, elle reste mélanco- lique pendant dix-huit mois : après quoi elle s'est assez bien portée, les menstrues s'étant rétablies. L... accouche à 36 ans. Après le quatrième jour, la sage-femme l'ayant quittée, L s'effraie, se fait beau- coup de chagrin ; le lait se supprime ; elle ne veut pas manger, devient furieuse-, elle est paralysée de la langue. Lies menstrues reparaissent après deux mois; la malade tombe dans une mélancolie profonde; elle veut être toujours couchée : si elle se lève, elle reste en chemise, sans vêtement; elle ne veut presque pas manger; quel- quefois elle crie , se met en colère sans sujet ; et lors- qu'on veut la faire changer de linge ou manger, la coucher ou lui faire quitter son lit , alors elle s'emporte et frappe. Rien ne peut la faire parler quand elle ne veut pas; elle a parfois la connaissance de son état et gémit de ses extravagances. Les menstrues n'ont ja- mais cessé d'être régulières et abondantes , la constipa* tion est opiniâtre. La maladie persistait depuis cinq ans, en arrivant dans l'hospice, L..... avait le teint pâle; les traits tirés, les cheveux et les yeux noirs , le regard louche. Elle est couchée; elle ne veut pas bouger du lit, et passe plu- sieurs jours sans -manger. Ses cheveux , qui n'avaient point éié peignés depuis cinq mois , ëtaieat mêlés , comme feutrés , pliquésy ils n'offraient nulle trace de poux ni d'œufs; ils étaient très propres et pesaient quinze onces . furent coupes. On eut soin de couvrir la (été avec de la laine. Le lendemain, 5 décembre, symptômes apoplecti- formes. [Sinapisme^ vésicatoire^ potion fonifiarUe^ 6. L a dit quelques mots à voix basse, prostra- tion des forces , paralysie des membres gauches avec diminution de la sensibilité. 8. {Fésicatoires aux cuisses.) Déjection qui ont persisté pendant plusieurs jours , la maladie offre quel- que apparence de raison. {Arnica^ 2/|. Mt'me état; refus obstiné de manger, la janvier i8ia» Cessation du dévoiomeut. Sefiis dés alimens pendant près de huit jours, ou bien la ma- lade ne prend que quelques cuillerées de vin sucré. Les forces se sont progressivement éteintes, et L..,. est morte le 9(Q jàa^er 1 8i a. Autopsie cadavérique, vingt-quatre heures après hk mort. — Cheveux noirs; crâne éburné, inégalement épais; ligne médiane déjetée; vaisseaux de la pic-mère injectés; cerveau mou; substance blanche injectée; dépression des circonvolutions du cerveau correspon* danles à la suture du coronal avec le pariétal du c6té droit, près de la ligne médiane; en cet endroit la pie- mère était très épaissie et contenait de la sérosité. Les ventricules latéraux sont rétrécis dans tous les seiis , letir membrane adhère postérieurement dans une Dn V09VEUM 4Ccopeaiis. a63 grande él^odue , contient dtf la ftéroAité, elle est in- jectée, ainsi que la toile choroidienne. Le cœur est gros, flasque et plein de sang noir, le foie est granulé, brun; la vésicule est distendue par de la bile, très brune, très épaisse ; Textrémité gaucbe du colon trausversc est précipitée jusque dans la cavité pelvienne ; épiploon gras; estomac très rétréci avec de^ rides profondes. Les intestins offrent quelques portions rétrécics ; la muqueuse est rouge, brune, spkacélce; on observe queU ques points fibro-cartilagineui^ de la membrane propre de Tutérus; la vessie est contractée , très é|)aissie, et sa membrane muqueuse très rouge. 9" observation. — I^s élèves qui ont suivi mes le* çons (le clinique sur Taliénation mentale, ont vu à la Salpétrière une jeune femme accoucbée le a 5 septem- bre 1818, qui éprouva tant de chagrin de n'avoir pas eu un garçon , qu'elle délira dès le premier jour de l'accouchement et fut maniaque le troisième. Le délire et la fureur persistèrent pendant sise semaines, après quoi il y eut des alternatives de calme et d'agitation^ Celfei femme fut conduite à l'hospice, le 7 décembre. Le 1 1 , il se forma un dépôt énorme à l'aine droite; le délire persista; mais le calme fut parfiut. L'abcès s'oti^ vrit spontanément vers la Gn du mois. Le délire dimi' jDua aussitôt; la malade entra en convalescence le l5 janvier, et fut rendue à sa famille le 8 février suivant^ quatre mois et demi après l'accouchen^ent. lo* observation. — Z..., âgée de 19 an^ , accoudie Jbuuveu%euient le 97 janvier 1819; ellç ^'ei^ppse i Vdif a64 i^> liàJjiaAnov wanàix froid et délire dès le premier jour. L'eofiint ne peut téter parce que le mamelon n'est point formé , œpen- dant le lait est très abondant. Le délire augmente; la malade se frappe les seins et ne veut point rester velue. Le troisième jour , les lochies se suppriment ; le len- demain, on applique des sangsues à la vulve. Z.,., dé- vorée de chaleur, sort de son lit, lave ses mains , et boit de Peau fraîche. Le délire est violent ; les mamelles sont très distendues. On applique des sangsues der- rière les ordlles, des sinapismes aux pieds, et Fou pras- crit une potion éthérée. Un mois après l'accouchemeiit, cette femme est conduite à la Charité, d'oii^ quatre jours plus tard, elle est transférée à la Salpêtrière^ le i*' mars 1819. A son arrivée, la malade présente les symptômes suivans : (ace colorée^ traits tirés, mamelles très volu- mineuses et rénitentes, douloureuses, délire général, refus de se vêtir, sentiment de frayeur, cris, injures, agitation. Le iS mars, la mamelle droite est énorme, la peau est livide, violacée; on sent de la fluctuation; il est impossible d'y conserver le moindre appa* reil. Quelques jours après , le chirurgien en dief de rhospice ouvre Tabcès : depuis ce moment, la malade souffre plus volontiers l'appareil du pansement; elle est plus calme , plus attentive à ce qui se passe antoor d'elle ; mais le délire persiste. La suppuration est très abondante. Au commencement du mois de mai, une potion laxative, continuée pendant quelques jours, pro- voque des déjections copieuses. Le la, quoiqu'il y eut encore du délire, la malade voit son mari : dès-lors pnh DBS KOUTEIXBS iLGOOUCHilS. a65 grès sensible vers la raison; cicatrisation des plaies , qui se sont successivement formées sur le sein droit. On put regarder la convalescence confirmée dès le ao du mois de mai; et le 27 , Z... fut rendue à sa fa* mille , jouissant de toute sa raison , quatre mois après l'accoucbement. 1 Inobservation. —Madame ..., d'une taille moyenne, d*un tempérament nerveux, ayant les yeux noirs et la peau brune, était encore dans Tâge où une jeune per- sonne ne connaît de l'amour que ce qu'elle en a lu dans les romans; elle est conduite par sa mère à un bal, elle y est saluée par un jeune homme qu'elle ne connaît point, elle éprouve aussitôt un bouleversement intérieur sin- gulier et pénible : quelques jours après, même im- pression. Cependant ce jeune homme est bien , et réunit toutes les qualités qui peuvent flatter une jeune per- sonne dont le cœur n'est point prévenu. On parle de mariage, elle éprouve un éloignement insurmontable à cette proposition, sans pouvoir rendre compte de cette répugnance; ses parens insistent, elle consent; mais chaque fois qu'elle voit celui à qui elle doit s'unir, elle ressent un trouble intérieur douloureux, tandis que, pendant son absence, elle croit qu'elle aime celui dont la présence produit sur elle un effet si étrange. Enfin M... se marie; les premiers mois du mariage ont été très pénibles, sans que son mari ait pu s'en douter : eUe l'aime, et sa présence lui &it mal; elle devient mère de deux enfans qu'elle allaite et soigne avec une exaltation de tendresse infinie. Elle sevrait le second , lorsqne son mari &it un voyage* Elle s'inquiète de cette ^66 m L'AuiKAifOv imrvAui absence ; elle sèvre son enfant sans aucune sorte de pvé^ caution. De l'inquiétude elle passe à k Biëtancolie , à la tristesse; des amis Teulent la tranquilliser^ dirîgei£ SCS idées Ters les consolations religieusee. Cette imt sensible et ardente s'impose des privations , fiiit des prières qu'elle prolonge dans la nuit. Elle abandonne ses occupations ordinaires, se refuse à toute sorte d*cur« cice, ne mange point; enfin il y a délire. Elle ne toit pas ses enfans avec plaisir; souvent elle est tentée ds les détruire , a/in de les préserver de l'excès du mal» heur dans lequel elle se croii tombée , par l'abandam de son mari. Elle maigrit beaucoup, son teint devient jaune; insomnie, constipation; néanmoins les mens- trues coulent régulièrement. Après six mois d'absenoe^ M... accueille froidement son mari; la lypémanîe aug- mente; plusieurs fois elle recommande qu'on retire aea enfans, qu'on ne les lui amène pas, sans donner aucun motif. La voix de ses enfans, leur bruit dans une pièce voisine, produisent sur elle un état de souffrance, d'an- goisse qui se manifeste sur son visage. Un jour son mari lui amène ses enfans; elle devient pâle, frissonney et est prête à tomber en syncope. Une autre fois, els fait semblant de les caresser avec l'intention de ks étouffer. Après un an, M... est confiée à mes soins relie est très maigre, elle a le teint jaune, les yeux fixas on comrulsifs, ainsi que les traits de la £ice, la petttt sèche, aride, d'une chaleur brûlante, le pouli &ifal0f fréquent; elle refuse les alimens, la respiration est opiniâtre. Elle est triste, se refiise à toiis exerdoeSt à toute distiraotkm ; •elle ne parle points .pleoce DES BOUYBLLES AGGODCHÉES» I167 coup; souTeat elle a de l'impatieoce kiyrsqu'on Fea* tretîeDt de soo état^ et surtout lorsqu'on lui doaoa quelque espoir de guerisoo,

'elle regarde comme impossible; elle demande à ttre enfermée dans un ho^ picc^ elle prend tCHis les remèdes qu'on lai ordonne. Après huit mors d'isolement, pendant lequel rien ne peut distraire la malade de son désespoir, oi faire naître dans son cœur une pensée pour son mari et ses enfans, «près avoir épuise des moyens les plus variés sans suc* • ■ces, je fais appliquer un vésicaloire sur le bras gauche. Jusque-là j'y avais répugné à cause de la maigreur et de l'irritabilité de U malade. Dès le lendemain le vésicatoirc prend un aspect érysipclatcnx, le bras se gonfle, il en coule un fluide épais, blaïuhâtre, très abondant, très fétide. Après un mois, M est moius triste, elle repousse moins les consolations et les distractions ; elle voit son mari d'abord avec indiflérence, bientôt avec plaisir, enfin elle est rendue a sa famille, après deux ans de maladie; elle entend parler do ses enfans sans effroi, mais ne veut pas encore les voir, se défiant, dit-elle, d'elle-même. Mais elle surveille son ménage, va dans le monde , s'occupe et se sent mieux portante. Ce n'est qu'après six mois encore qu'elle désire avoir ses enfans auprès d'elle , pour diriger leur éducation , ce dont elle s'ac* quitte avec toute la tendresse qu'elle leur avait prodigué jusqu'à sa maladie. i^* observation. — C..., née à la campagne, travail- lait aux champs; elle est mariée à un homme très bru* ta! ; à a6 ans elle devient enceinte; elle prend la gale^ a68 BB l'au^natiov mehtalb son mari lui cause toutes sortes de chagrins; oéannidliis elle accouche, mais deux heures après elle est battue ^ maltraitée par son mari, qui lui jette un seau d'ean froide sur le corps ; le jour même éclate une muiie atee fureur. Les lochies se suppriment, les menstrues ne reparaissent plus; tous les moyens mis en usage pour guérir cette malheureuse ont été infructueux. Han^ipe et furieuse pendant quatre ans, elle est aujourdrbip.fia démence. i3« observation. — Madame B., âgée deûS^fÊâ^ issue d'un père sujet à la céphalalgie, qu'il duiijiiait en mettant de la glace sur sa tête, est douée d'mi tempérament éminemment nerveux, d'une imagina- tion ardente, d'un caractère vif et sensible. La eut ture des lettres et des arts qui fut la base de l'éducation de cette dame, en justifiant ses dispositions natifes,^ contribua à l'égarement de ses passions. A l'âge de si4 ans, madame B. fait un mariage de raison. Son mari se rend à l'armée. Madame B. &dl quelques imprudences; elle est blâmée avec aigreur par ses parens et ses amis : un jeune homme, d'un extérieur agréable , lui prodigne des soins; elle devient amoureuse, et, après une lutte de quelques semaines , elle déserte Thabitation conjugale et se retire chez son amant , où elle éprouve des chagrins de plusieurs sortes. Elle est enceinte. Sa grossesse est troublée par des inquiétudes, par la jalousie, par k de- sir de plaire à son amant , par la crainte de fidre une forte maladie, enfin, par les remords; néanmoins elle accouche sans accident. Le deuxième jour après la cou- che, elle arrose son lit et sa chambre avec des odeon; nés voimBLLES ACCoucaiBs. 269 cdie quitte son lit, et marche nu-pieds maigre le firoid* Dès le troisième jour , ses actions sont déraisonnables. Lie huitième, elle a des rapports intimes avec son amant. liC neuvième, elle bouleverse tout chez elle, joue avec son amant, comme si c'était un enfant; elle donne peu de lait à son nourrisson. Le quatorzième jour, madame B. est conduite dans un boyce, ce qui fait sur elle une très vive impression : la mifoa se perd tout-à-fait; elle déchire tout, et devient lomiise. Les soins continuels qu'elle donne à son enfont séat plus funestes qu'utiles à l'un et à l'autre, elle passe vingt-quatre heures toute nue, cachée sous un escalier. Le vingtième jour de sa maladie, 1 1 mars 1800, la ma- lade m'est confiée. Le visage est pâle, les yeux sont hagards, le ton de la voix est rauque et élevé, Thàleine est fétide, les seins sont flasques, l'agitation est continuelle, désirs bizarres, loquacité, propos obscènes, besoin irrésistible de dé- diirer , peau chaude, halitueuse, nulle inquiétude pour l'enfant. Le vingt-et-unième jour de l'accouchement et de la maladie^ bain, lavement purgatif , boisson calmante. Le vingt-deuxième, frisson, agitation, haine pour certaines personnes, cris, plaintes, état habituel de contrariété, rêve pénible, frayeur, terreur panique, crainte de la mort et du poison ; nulle idée suivie. Le vingt-troisième, mort de Fenfant, sans que la malade s'en afflige ; les lochies n'ont pas cessée de couler. Le vingt-huitième , apparition des règles jusqu'au trente-troisième; de- puis, calme et sommeil, mais délire. Le trente-neuvième, retour de la raison : visite de Tamant; agilatioa dèa fe* méine jour. 'r Le quarante-huitième jour de Tinvasioa de la MÉih die y calme : nouvelle visite : agitation, insomnie; h malade éprouve la plus grande agitation; le délire est à son comble : madame B. cause avec son amani, quoHfd'il soit absent; elle le croit dans les murs, dans sa cbaqlire, et même dans son lit. Souvent pendant le jour, dk prend les nuages pour des ballons , appelle à hauta «rit- l'acronaute Gamerin , pour faire avec lui im ^Ofife* dans la lune. Elle appelle son mari, son père, aaflière^ J elle déchire tout, et reste souvent nue : loquacité , rirr" bruyant, insonmie. Pendant [ce temps, petit-lait 4e Yeiss tous les jours , suivi d'évacuations peu afaondaih tes. Le soixauto^et*unième , retour des règles qui ces- sent le lendemain. Le soixante-septième, baîn fit»d et douche; violens efforts pour sortir du bain; au sortir du bain, faiblesse extrême; tremblement général; toix affaiblie; une demi-heure après, la malade a voulu qoit- son lit et manger. Même traitement jusqu'au 3 mai, on suspend les bains, k cause de l'apparition des menstrues. Le soixante-quatorEième jour, lo mai, les règles cet* senjt. Le soixante-quinzième, calme, gestes insignifiaoSi tacitiirnilé. Le soixante-seizième, bain tiède et douche. I^ soixante-dix-septième , calme et sommeil. Le quatre» vingtième, nouvelle douche j refus opiniâtre de se vêtir. Le quatre-vingt-deuxième, quelques heures déraison. Le quatre-vingt-troisième, quelques taches de flux hé- raorroidal. Du quatre-vingt-quatrième au quatre-vingt- quatorzième^ calmer mais peu de sommeil. DS9 VOUYBLLBS ▲GGOUCHSES. 27 « Le quatre-vingt-seizième jour de la maladie^ !2 juia, lux hémorroïdal. 3. Agitation ^ mobilité extrême, pro« pos obfioànes> cris, déclamation. 5. Nouvelle douche. )• Appétit vorace. 1 1. Apparition des règles, pendant lesquelles la malade est extrêmement agitée; s'em^ porte et se contrarie pour rien. 16. Cessation des rè- gles, calme. 19. Pleui's, madame B. à la conscience de ion état, le désir d^étre guérie. 3o. Calme, pleurs, lommeil. lie cent-vingt*cioquième jour, i'' juillet, syncope hys- térique. 4* Calme, raisou; néanmoins ia malade dé- chire tout, et dit des injures à ceux qui la servent. 6. ELetour progressif de la raison, syncopes hystériques. Visite de sou amant. 8. Syncope; mouvement fébrile, précédé de frissons. 13. Continuité de la fièvre, présen- tant les symptômes de la fièvre muqueuse, avec paroxys- me le soir, et fréqueutes syncopes hystériques; retour progressif de la raison. 1 3. Apparition des menstrues, qui coulent abondamment et cessent le i5; continuité de la fièvre : cependant la malade ne déraisonne plus , ne déchire rien, mange modérément. On l'entretient de ses affaires et de sa position, relativement à son mari» ai. Retour chez son amant; elle a une colique violente; syncope; ^4* Urine abondante, déposant un sédiment blanchâtre. Depuis le 8, époque de l'invasion de la fièvre , on a recours à un régime fortifiant, aux légers toniques, à lexercioe. 26. La fièvre, qui a pré- senté tous les caractères d'une fièvre muqueuse conti- nue, est devenue intermitteate-tiercc; a persisté tout l'automne et une partie de l'hiver. Au printemps sui« a7a 3DS L'AUiNATlOV.MEHTALB vanty la fièvre oesae; la malade pread beaucoup d'eiii« bonpoint, et revient à sa gaité et à sa vivaôlé or» dioaires. Depuis, elle divorce, se marie avec sonamaal, est mère de deux enfans qu'elle nourrit et âève avec le plus grand soin. Madame B. est tombée plus tard dans la plus grande infortune, elle a éprouvé des du^^ius domestiques , sans que rien ait pu altâ:«r sa raisoD. i4* observation. -^ N...., âgée de 3i ans, ayant toujours joui d'une bonne santé, était accoudiée de- puis deux mois, lorsqu'à la suite d'un violenl dba- grin , la folie éclata. Au moment de l'admissioa de N.... à la Salpétrière, la face est animée, les jeooi brillans, la peau halitueuse. La malade passe alter- nativement des cris, des vociférations, d'ane agi* tation et d'une loquacité extrêmes , au repos et an silence les plus obstinés. Elle marche à grands pas, vomit des injures, tout-à-coup elle s'arrête, immobile, les yeux fixes , absorbé et impassible pour les objets , environnans, ainsi se passent les jours et les nuits, sans sommeil, sans repos: ce délire dure pendant cinq mois, N.... parle seule, à voix basse, fait des signes mystérieux, tout-à-coup, elle pousse un cri perçant, croyant reconnaître les personnes qui l'environni^i elle devient fijrieuse contre elles. Vers le milieu du cinquième mois, la feoe devient jaune, bise, puis terreuse. La mort a lieu le 6 oc- tobre 1 8 1 5 , six mois après l'accouchement. • autopsie» — Crâne épais, ébuné, cerveau et méninges sains. Viscères thoraciques à letat normal. Liquide séropurulent dans la cavité péritonéale , péritoine BIS irOUYSLLES ACCOTTGHlfES. a'jZ épaissi^ grisâtre dans toute son étendue, recouvert d'un enduit albumineux, jaunâtre. Muqueuse du con- duit alimentaire saine, enduite de mucus jaunâtre. Foie mou, facile à déchirer. i5* obsefvation. — M. J. B. , âgée de 28 ans, est née dfiine mère ^ui, à 48 ^ns, avait eu une attaque d'apo- plexie I^ère. A 9 ans, B... a la petite*vérole; de 17 a 18 ans, elle est wjette à des retours de céphalalgie violente qui dis- paraissent après la première apparition des menstrues. A 28 ans,B... accouche heureusement; elle éprouve beaucoup de contrariétés, son amant Vabandonne. Sixième jour après la couche , le délire éclate. I^euvième jour, B... est admise à la Salpétrière; à son arrivée, elle est très agitée, elle à des hallucina- tions de Tottie, elle entend des voix qui lui répètent de faire du mal aux personnes qui l'entourent, elle se croit en société; jamais, dit que des fripons ont fait passer, et que des gens simples ^ont prises pour des inspirations des démons. Les vaisseaux de la tête sont tellement gonflés, les carotides battent avec tant de force, qu'ils semblent prêts à se rompre. La tête entière exécute des mouve- meD^ de rotation, ou se porte à droite, 'à gauche, i8. 976 DB L'iiPILEPSIE. d'avant en arrière, quelquefois elle est fixe dans Tune ou Fautre de ces attitudes ou est rejetée en arrière; le cocrest raide : cette fixité, celte raideur ne sauraient être surmontées par les plus grands efforts. Le tronc renversé brusquement, tantôt sur le dos, tantôt sur l'abdomen , se soulève pour retomber encore; il se tord en divers sens, se courbe, se roule sur le sol, oU bien reste dans un véritable état tétanique. Les bras, les mains, les doigts , les cuisses , les jambes, les pieds, les orteils participent à cet état. La flexion du pouce est si fréquente qu'on l'a regardée comme un signe d'épilepsie. Les muscles de la vie organique ne sont pas étnsh gers à cette scène de douleur et d effroi. Le pouls, d'à* boni petit, se développe, devient fréquent^ dur^ iné- gal , quelquefois il s'efface. La respiration est raleolie ou précipitée^ convulsive, stertoreuse. Les éructations, les borborygmes, le vomissement; l'émission involon- taire de l'urine, du sperme, des/eces; la sueur qoi inonde le malade; le sang qui coule du nez, des jeax, des oreilles ; tout exprime l'état violent de l'organisme. La sensibilité semble éteinte, tant il est impossible de la réveiller, quelque moyen qu'on emploie pour cela. Mais alors que l'existence de l'épileptique semble suc- comber par tant de violence , alors que le malade est près de suffoquer , les muscles se relâchent, la respiration de- vient plus facile , le pouls se ralentit ou se développe, la sensibilité se rétablit, les convulsions diminuent, la phy- sionomie reprend son ton ordinaire, la tête est lourde, les yeux appesantis s'ouvrent, le regard est étonné; les DE l'ÉPILEPSIE. ^77 membres fetigués, endoloris ^ ont besoin de repos; quel- ques ëpileptiquesy après un sommeil plus ou moins pro- longe^ reprennent leurs forces; d'autres , après un long sommeil comateux , s'ëveillent et restent pâles , languis- sans , faibles pendant quelques heures et même pendant quelques jours; immédiatement après l'accès, avant de recouvrer les sens, les uns et les autres ont de la car- phologie. L'exercice de la pensée se rétablit aussitôt chez les uns ; chez les autres il ne redevient libre qu'a- près quelques heures et après quelques jours. Aucun épileptique ne conserve le souvenir de ce qu'il vient d'éprouver, aucun n'en a eu sans doute le sentiment. Tous, après l'accès, sont tristes, comme hon- teux et d'une très grande susceptibilité. Les accès épileptiques ne sont pas toujours aussi épou- vantables; les convulsions ne sont pas toujours générales; il est des malades qui n'ont que les avant-coureurs de l'ac- cès ; d'autres n'éprouvent que le commencement de l'accès qui cesse brusquement. Quelquefois ce n'est qu'un étour- dissement, un frissonnement général, suivis de raideur, ou bien un simple mouvement convulsif d'un membre, de^ la tête, des lèvres, avec privation instantanée du sentie ment. J'ai été consulté pour une jeune dame, dont le père est épileptique , qui est prise de ses accès au milieu d'un cercle, à la promenade, à cheval; elle n'est point renversée, les yeux sont convulsifs, le regard est fixe; l'accès ne dure que peu de secondes, et la malade re- prend la conversation , la phrase où elle les a laissées, sans se douter nullement de ce qui vient de lui arriver et à moins qu'elle ne pousse un cri, personne ne s aper- 278 DE LBPILEPSIE. çoit de ce qui s'est passé : avec les progrès de Tàge, les accès sont devenus plus complets. Poupart ^ cite un fiiit semblable. Quelques ëpileptiques ne fout que secouer b tête, les bras, les jambes; d'autres ferment seulement la 9iain^ quelques-uns courent, d'autres tournait sur eux-mêmes. Le docteur Esparron a reconnu un accès d'épilepsie à un simple mouvement convulsif des lèvres. Les seules convulsions des yeux et du thorax avaient fait porter le même jugement à Pechlin. Ces accès ^ qui peuvent être méconnus , servent de prélude à des aœès qui peu-à-peu , ou avec l'âge , deviennent complets, ou bien ils s'intercalent avec des accès complets qui oc laissent aucune incertitude sur la nature des uns et àa autres : cVst le vertige cpileptiquc. Chez les enfaus, l'accès est moins violent et peut lire confondu avec les convulsions ordinaires* Lm oiftiis ont des vertiges, leurs jambes sont vacillanlM; do sueurs leur montent à la face, qui devient roog^i bleuâtre; les yeux convergent et se fixent vers la ncM du nez; les convulsions sont générales ou partidki|^ les mâchoires se serrent ou les lèvres se couvrent d^i* * cumo. Lors même que l'accès a été léger, les en&nB co» servent le regard hébété , ils ont de la somnolence, ik se plaignent de la tête, y portent la main ; ils ne lent pas téter. Si l'accès a été fort, ils tombent dm profond sommeil d'où ils sortent slupides. Il est des accès qui éclatent brusquement sans phénomène qui les précède, particulièrement dans Tir * Mémoirfi de l'JcmJêmie roynù des sciences / 1705. DE l'ÉPILEPSIE* I I t pUepsie essentielle. Il en est d'autres qui s annoncent par divers accidens , surtout dans l'épilepsie sympathi- que ; ils sont presque toujours prévus avant la perte de la connaissance. Les ëpileptiques éprouvent dea mouvemens oonvulsifs, des douleurs aiguës } ils sen* tent un froid ^ une vapeur {aura epileptica) à la tête, à la iacCi à Tun des bras, aux mains , aux cuisses, aux jambes 9 aux orteils , à la poitrine, à l'estomac , à l'abdomen, à l'utérus; ces diverses affections se pro- pagent comme une vapeur le long des membres, du tronc, du cou, vers la tête, et lorsque cette vapeur est arrivée au cerveau , l'accès éclate. Les épileptiques proQtent de ces pressentimens pour se garantir des ac* cidens graves qui sont l'effet de la chute : c'est alors qu on applique les ligatures, que quelques praticiens ont conseillé l'extension des membres, la marche, l'inspira* tion de quelque substance fortement aromatique ou ex- citante, etc. La rougeur de la racine du nez, le gonfle- ment des veines du cou, le battement des temporales, la coloration de la face, les vertiges, l'assoupissement, le tintement d'oreilles, les rêves affreux, les palpitations, le larmoiement des yeux sont les signes précurseurs de l'épilepsie angioténique ou pléthorique. Quelques épi- leptiques sentent avant l'accès des odeurs désagréables; d'autres ont de la répugnance pour les alimeos; les vo- missemens, les borborygmes, les déjections involon- taires présagent l'épilepsie gastrique. Quelques-uns sont plus irritables, plus colères; quelques autres ont les acuités intellectuelles plus exaltées, la veille et le jour de Tes^plosioa de l'accèsu Immédiatement avant laccèa. a8o i>£ l'épilepsie. dit Arétëe j les épileptiques croient voir une lumière éclatante, pourprée, noirâtre; d'autres entendent du bruit comme si on les frappait à coups de pierre ou de bâton. Il en est qui ont des hallucinations^ Nous avons, à la Salpêtrière, une épilcptique qui tourne sur elle* même pendant quelques minutes ; une autre qui court à toutes jambes jusqu'à ce qu'elle tombe : rien ne peut les arrêter. L'état d'un cpileptique averti, par des phénomènes internes, d'un accès plus ou moins prochain, est si pénible, si douloureux pour plusieurs épileptiques, qu'ils désirent vivement que l'accès éclate, recherchant les circonstances que l'expérience leur a appris £tre &• Yorables à l'invasion des accès. Il est des épU^tiqnes qui, dans ce but, boivent du vin, des liqueurs; il en est d'autres qui s'excitent à la colère en cherchaiit que- relle au premier venu. La durée des accès est très variable, il en est qm ne durent que quelques secondes; plusieurs ont U dorée de quelques minutes , la durée moyenne est de ônq t quinze minutes. La fréquence des accès n'est pas non plus déterminée; ils reviennent tous les ans, tous les six mois, tous lei mois, tous les quinze jours, tous les huit jours, tous les deux jours, tous les jours, plusieurs fois le jour. Il est des épil^tlques qui ont des accès complets très forts avec des intervalles très longs; pendant ces intear- vales, il y a des vertiges. Les accès des uns ont des temps fixes de retour; ils reviennent à des époques bien dé* terminées. H en est qui reviennent à jours fixes, p«^ DE LÉPILEPSIE. 2l8l ticulièrement chez les femmes; quelquefois les accès alternent pour Tiotensité : il y en a de forts et de faibles; c'est ce qu'on appelle dans les hospices le grand et le petit mal. Plus rarement, les accès reparaissent à des périodes indéterminées , les épileptiques ont alors plu- sieurs accès successifs et rapprochés. Il est des accès qui éclatent pendant le jour, d'autres pendant la nuit, d'autres enfin pendant le sommeil. J'ai donné des soins à un jeune homme qui n'était instruit de ses accès que par la fatigue et l'engourdissement qu'il éprouvait au réveil. Plusieurs fois on a pu lui cacher qu'il avait eu des accès. Je soigne un homme âgé de 3ti ans , dont l'épilepsie est compliquée de fureur et de démence. Il n'est pris de ses accès que pendant le sommeil. S'il ar- rive, ce qui est très rare, qu'il ait des accès pendant le jour, il s'endort immédiatement avant; si on s'oppose au sommeil, ou si on l'éveill^ à temps, l'accès est pré- venu. J'ai conseillé au malade de ne pas se coucher, et de combattre le sommeil par la distraction : l'accès a manqué , mais le sommeil du lendemain a rappelé les accès. Il n'est point de maladie qu'on ait regardée comme plus dépendante du cours de la lune, à cause de sa périodi- cité, et cependant la coïncidence des accès avec les phases lunaires n'est pas aussi constante ni aussi régulière qu'on pourrait le croire. Dans les grandes réunions d'épilepti- ques, je n'ai point observé que les accès fussent plus fré- quens à certaines phases de la lune que dans d'autres. Les auteurs rapportent que l'épilepsie a cessé après le rétablissement des hémorrhagies supprimées, des éruptions Cutanées déplacées, après des. douleurs aux %^2 1>E I.'iPXL£PSI£. cuisses y après des ulcères à la gorge, à la jambe ^ après l'engorgement des seins , des testicules^ après la cécité : cette dernière crise n'est pas 1res rare. L'épilepsie n'est pas seulement une maladie épouvan- table par la violence de ses symptômes, désespérante par son incurabilité y elle Test encore par ses funestes efièts sur le physique et le moral de ceux qui en sont atldnts; les uns sont les conséquences nécessaires de la répétv tien des accès ; les autres sont accidentels et peuvent être prévenus. Les effets accidentels de l'épilepsie , que j'appelle lo- caux, qui peuvent être prévus, dépendent de la chute qui a lieu au début de l'accès. Un épileptique peut tomber dans le feu , dans l'eau , se précipiter par une croisée, etc.; eu tombant^ il peut se blesser , se brû* 1er, se meurtrir le visage, se fracturer jun membre | se noyer. Ces accidens sont assez fréquens ^ assez graves pour fournir des indications importantes dans la dis- tribution d'un local , d'un hospice destiné à râinir ue grand nombre d'épileptiques. Les perturbations violentes et souvent répétées du système nerveux produisent nécessairement, à laloogae, des lésions dans les organes de la vie de nutrition, aussi bien que des altérations du cerveau et de ses fonc- tions. Les traits de la face grossissent; les paupières inférioires se gonflent; les lèvres deviennent épaisses; les plus jolis visages enlaidissent. Il y a dans le regard quelque chose d'incertain; les yeux sont vacillans, les pupilles dilatées. On observe des mouvemens convul- sif» de quel(|ues muscles de la face. Les épileptique$ OJBt DE L EPllEPSIB. ^83 une démarche particulière. Leurs bras et leurs jambes grêles ne sont pas en rapport avec l'épaisseur du reste du corps. Ces malades deviennent difformes, pa- ralytiques ^ Une épiieptique de la Salpetrière, après un violent accès , conserve les jambes fléchies sous les cuisses, et ne peut marcher. Un an après, pendant l'accès, les jambes s'étendent et se fléchissent alternative» ment. La personne qui était auprès de la malade, main* lient avec effort l'extention des membres, et par cet heu- reux secours, Tépileptique recouvre la faculté de marcher. Les fonctions de la vie organique s'altèrent, languis- sent. Les épileptiques sont sujets à la cardialgie, aux flatuosités, aux lassitudes spontanées, au tremblement; ils font peu d'exercice; ils tombent dans l'obésité ou Tamaigrissement ; ils sont très enclins aux plaisirs de l'amour y à l'onanisme. Peut-être les excès aux- quels ils se livrent produisent-ils les lésions (Hrgani* ques f et les désordres qui se manifestent lorsque Tépi- lepsie a persisté pendant longtemps. En général , les épileptiques ne parviennent pas à une longue vieillesse. Les fonctions cérébrales , les facultés intellectuelles se dégradent peu-à-peu. Ai*étée qui a si bien décrit les symptômes de l'épilep- sie n'a pas négligé de parler de l'influence de cette maladie sur les fonctions du cerveau. Yan-Àwieten, dans ses Commentaires sur Boerhaave, dit avoir vu * La planche qui csl jointe à ce chapitre domiera une idée de la dégrada- tion phjiique dans laquelle jette Tépilepsie; le dessin en a été fait, d'après nafnre, par M. Desmaisons, jeune êltve en mèdëeiiie, qui s'occupe avec suc- cès de félude des maladies mentales. -*.' a84 ^^ LEPILEPSIE. plusieurs infortunés qui étaient fous dès leur en&noe| et que tous ceux dont il avait pu connaître l'histoire , avaient eu des accès d'épilepsie. L'intelligence s^altère , s'affaiblit peu-a-peu ; les sensa- tions n'ont plus la même vivacité y la mémoire se perd, l'imagination s'éteint ; les épileptiques tombant dans la démence incurable. Ces funestes effets sont d'autant plus à craindre que les accès sont plus violens et plus firéquens. Aidé de M. Calmeil , médecin surveillant de l'hospice de Charenton , et alors élève de l'hospice de la Salpé- trière, j'ai recueilli avec le plus grand soin l'histoire des femmes qui habitent le quartier des épileptiques , au nombre de trois cent quatre-vingt-cinq. Sur ce nombre, quarante-six femmes sont hystéri- ques; l'hystérie présentant quelquefois des sjmpiônM tels, qu'on a souvent confondu les hystériques avec les épileptiques. Il est des hystériques qui sont en même temps épileptiques, et chez lesquelles, avec un peu d'habitude, on distingue très bien à laquelle des deux maladies appartiennent les convulsions àuxqndki ces malades sont actuellement en proie. Les hystëriqnei ont des accès de manie , presque toutes sont hypoooa- driaques; mais elles ne tombent pas dans la démence. Je n'ai plus à rendre compte que de trois cent trente- neuf épileptiques , par la soustraction des quarante-six hystériques. De ce nombre, douze sont monomaniaques. Trente sont maniaques, parmi elles quelques*unei^ ont du penchant au suicide, et ont fait plusieurs tenta- tives pour se détruire. .i. DE l'spixjbpsis. a85 Trente-quatre sont furieuses; chez trois^ k foreur n*éclate qu'après l'accès. Cent quarante-cinq sont en démence; seize sont con-* stamment dans cet état; les autres ne le sont qu'après Taccèsy deux ont des paroxysmes de fureur. Huit sont idiotes; Tune d'elles n'est épileptique que depuis sept à huit mois, et n'a eu que cinq accès. Cinquante sont habituellement raisonnables, mais elles ont des absences de mémoire plus ou moins fré- quentes, ou bien des idées exaltées; quelques-unes ont un délire fugace ; toutes ont de la tendance vers la dé- mence. Soixante n'ont aucune aberration de l'intelligence , mais elles sont d'une très grande susceptibilité ^ irasci- bles ^ entêtées 9 difficiles à vivre , capricieuses, bizaiTes; toutes ont quelque chose de singulier dans le caractère. Donc deux cent soixante-neuf de nos trois cent trente-neuf épileptiques , c'est-à-dire le^ quatre cin- quièmes y sont plus ou .moins aliénées ; un cinquième seulement conserve l'usage de la raison j et quelle raison ! Quelques épileptiques éprouvent des sensations in- ternes, desquelles naissent des pressentimens qui les avertissent qu'un accès va éclater, et que, quoiqu'ils viennent d'en avoir un , ils en auront bientôt un second. Plusieurs , avant la suspension de toute sensibilité , ont les hallucinations les plus variées; ils croient voir des corps lumineux , qui leur font craindre d'être em- brasés; ils croient voir des corps noirs qui s'éten- 8ent , deviennent immenses , et les menacent d'être en- veloppés dans d'épaisses ténèbres. Ils entendent des â86 1» L'irajBPsiBé braiui •émblablet aux ëcials de la foudre^ an roole- ment des tambours , au cliquetis des armes, au tamulta des combats ; ils sentent les odeurs les plus fétides; il leur semble qu'on les frappe, qu'on les roue de coups. Toutes ces hallucinations leur inspirent la plus grande terreur. Peut-être est-ce ce sentiment qui imprime sur la physionomie de la plupart des épileptiques^ œ carac« tère d'effroi ou d'indignation qui est propre à ces ma- lades pendant l'accès. Presque tous les épileptiques, en sortant de la idifl» nolence qui suit l'accès complet, ou après le ^rertige, sont dans un état de démence qui se dissipe peii-a*pea; le rétablissement dé la sensibilité organique préeàde toujours celui de la raison ; plusieurs épBqptiqm sont pris d'une sorte de carphoiogie, et font des pih quets avec du linge ou d'autres objets qui se rançon» trent sous leurs mains , ou bien ils agitent taguement leurs mains comme pour chercher à ramasser et à rén» nir des effets, alors qu'ils n'ont rien à leur portée. La fureur des épileptiques éclate après raooèSf rars* ment avant, elle est dangereuse, elle est aveugle, eica quelque sorte automatique; rien ne peut la domplar, ni l'appareil de la force , ni l'ascendant moral , qui réussissent si bien à l'égard des autres maniaques fo- rieux. Cette fureur est si redoutable et si redoutée, que j'ai vu dans un hospice du midi tous les épikptiquei enchaînés chaque soir sur leur lit, par la crainte qu'ils inspiraient. Je ne puis déterminer si la manie chez les épilepit ques a quelque rapport avec la fréquence des accès, fiÊ L'iPttfiPStt. ^tj oti wec lès vertiges; elle ëclate ches des^ épîlepiMjues déjà en démence, et même chez des sujets qui jouissent habituellement de leur raison. La démence est l'espèce d'aliénation mentale qui menace le plus ordinairement les épileptiques. tin jeune homme, âgé de !26 ans, devenu épîleptique pour s'être livré à la masturbation, était très irritable après ces accès ; la plus légère contrariété le mettait en fureur : il avait pris tous ses parens en aversion. A ces accideUs, *:'^è8t jointe une sombre mélancolie avec penchant au suicide; les toniques, les bains froids, rien ne peut Tempêcher de tomber dans la démence , doot il se ma- nifeste déjà quelques symptômes. Une dame , aujour- d'hui âgée de 34 ans , était épîleptique dès l'enfance. Son esprit était très faible ; à l'âge de la puberté , elle devient maniaque; on la marie ; elle a un enfant ; quel- ques chagrins domestiques l'ont jetée dans la fureur ; l'accès a duré près d'un an. Depuis cette époque , c'est- à-dire depuis l'âge de vingt-quatre ans , cette dame a souvent du délire , et quelquefois de la fureur. Les accès d'épilepsie ont lieu pendant la nuit : c'est avant l'accès que la fureur éclate. La démence est imminente. Relativement à la durée, Taliénation mentale des épileptiques tantôt est éphémère, n'a lieu qu'après les accès, particulièrement la manie avec fureur et pen- diant au suicide; néanmoins sa durée s'étend depuis quelques instans, quelques heures, jusqu'à plusieurs jours. Tantôt l'aliénation mentale est permanente, par- ticulièrement la démence ; elle est indépendante du re* tour des accès et persiste d'un accès à l'autre. a88 B£ l'epilepsie. Quelles que soient la forme et la durée de Taliâia- tion mentale des ëpileptiques , elle a lieu quelqueCcns dès le premier ou les premiers accès , particulièrement dans l'enfance. Chez quelques en fans ëpileptiques, la raison ne se développe point , ils sont idiots ; chez d'a«i> très y elle se développe, mais elle se perd de bonne heure. Lorsque l'épilepsie éclate après la puberté, et surtout dans l'âge consistant j la raison se perd plus len- tement; mais chaque accès ajoute à l'afTaiblissement de l'intelUgence avant que la démence soit complète. Les progrès vers la démence sont en rapport avec le nombre des années depuis l'invasion du premier ac- cès; ces progrès sont plus à craindre et plui rapides lorsque les accès se rapprochent, tandis que la raison se conserve lorsque les accès sont rares, lorsque ne se répètent pas plusieurs fois dans le même jour^ et lors- qu'il n'y a pas de vertiges. Cette tendance vers la démence est plus directement liée à la fréquence des vertiges qu'à celle des accès ^i- leptiques; les vertiges ont une influence plus active, plus énergique sur le cerveau, que ce qu'on appelle le grand mal y ou l'accès complet. Les vertiges tuent l'intelligence et plus vite et plus certainement que les accès, quoiqu'ils n'aient qu'une durée presque inappréciable ; puisqu'il est des individus qui ont des vertiges en présence de personnes qui ne peuvent s'en apercevoir, à moins d'être prévenues. Lorsque l'épilepsie cesse, lorsqu'elle est suspendue pendant plus ou moins long-temps ( et elle cesse qud- quefois pendant des années), lorsque les accès s'éloi- DE LÉPILEPSIE. 289 gnent sans que la maladie ait cessé, alors riatelligence se rétablit progressivement, le caractère de ces indi- vidus s'améliore, ils sont moins irritables, plus dociles, plus sociables ; mais je n'en ai vu aucun qui ne con- servit une susceptibilité physique et morale très pro* noBcée. Gomment se fait-il que le vertige, dont la durée est si courte , dont les convulsions sont à peine aperceva- blés, ait une action plus funeste sur le cerveau, tue plus promptement l'intelligence que les accès complets d'é- pilepsie, dont les convulsions sont plus violentes et plus durables ? Gomment se fait-il que les convulsions hystériques, qui sont si intenses , qui persistent pendant plusieurs heures et même pendant plusieurs jours, ne jettent pas dans la démence, comme les accès épileptiques et surtout comme les vertiges ? Cette dernière observation ne tendrait-elle pas à in- firmer l'opinion de ceux qui prétendent que l'hystérie et l'épilépsie ont l'une et l'autre le cerveau pour siège primitif? Telle est la marche générale de cette terrible maladie. A travers tant de symptômes si variés, quels signes nous feront reconnaître l'épilépsie? Le renversement , la chute au début ou pendant l'accès a lieu dans la syncope, l'asphyxie, et l'apoplexie. Les convulsions, qui tantôt sont générales , tantôt partielles , tantôt très vio- lentes, tantôt à peine sensibles, ne sont pas constantes et appartiennent à d'autres névroses. Il en est de même de l'écume à la bouche qui se montre quelquefois dans I. 19 ago nE l'iêpilepsie. l'apoplexie , Tasphyxie , l'hystérie. L'émission inwloQ- taire de l'urine , du sperme n'est pas un symptôme ex- clusif de l'épilepsiè. La forte contraction du pouce , $aa occlusion n'est pas plus constante. Le caractère pathognomonique de l'épilepsiè consiste dans les convulsions, la suspension de toute sensibî* lité et la perte de connaissance. L'épilepsiè est donc une maladie compulsive ^ ou do- nique , ai^ec perle de connaissance. L'épilepsiè diffère de l'apoplexie : dans oeila-ciy la respiration est stertoreuse ; il y a peu ou point de con- vulsions, le pouls est à peine altéré; il est rare qu'elle se soit pas funeste au deuxième ou au troisième accès. On ne peut confondre l'épilepsiè avec la syncope, de laquelle elle est suffisamment distinguée par la coloration de la face, la liberté du pouls, le relâchement des muscles et le souvenir de 1 état auquel échappe celui qui élait en syncope. On a souvent pris l'hystérie pour Tépilep- sie, et réciproquement; cependant Thystérie ne se ma* nifeste qu'à la puberté ou après. L'accès n'écble pas brusquement; il est précédé ou accompagné du globe hystérique , ou de constriclion de la gorge. Dana Tépi- lepsic, les convulsions se concentrent et semblent se rapprocher de l'axe du tronc , elles sont plus fortes d'ua côté du corps , ou dans un membre ; dans l'hyslàie , les convulsions sont, pour ainsi dire, expansivei, les membres s'étendent, se projettent au loin, se dévelop- pent davantage, les convulsions^ sont plus uniformes; les traits sont moins altérés, la face est moins hideuse et moins injecté. Dans l'hystérie, l'abdomen est voiu- DE l'bPILBPSIE. ^91 tnineux, il y a des borborygmes, les malades ne perdeot pas la connaissance , ils ne tombent pas dans l'ëtat co- maleux après les convulsions, ils conservent le souvenir de ce qu'ils viennent d'éprouver, il y a moins d'aflfais- semeut après l'accès. Dans les intervalles, toujours quelque symptôme hystérique trahit la nature de la maladie. L'hystérie même prolongée ne détruit pas les facultés intellectuelles. Les causes de Tépilepsie sont générales ou indivi- duelles, éloignées ou prochaines. Quelques auteurs assurent que l'épilepsie est endé- mique dans quelques contrées. IS 'est-elle pas plus fré- quente dans les pays montagneux? Hippocrate la classe parmi les maladies du printemps. L'épilepsie est-elle contagieuse ? Oui , par l'cfTroi qu'inspire la vue d'un ac- cès. Les impressions morales et fortes, reçues par la mère pendant la grossesse , se communiquent au fœtus ; celles que reçoit la nourrice, en altérant les qua- lités du lait, ont aussi causé l'épilepsie. Les enfans qui ont été conçus dans les temps des menstrues, sont-ils plus exposés à cette maladie? L'épilepsie attaque tous les âges ; cependant elle est si fréquente dans l'enfance, si rare dans l'âge consis- tant, surtout dans la vieillesse, qu'on lui a donné le nom de mal des enfans. La facilité pour la contrac- ter est en raison inverse de l'âge, mais il faut ajouter que si cette maladie est plus commune dans les pre- mières périodes de la vie, elle est aussi plus facile à guérir. L'extrême délicatesse du système nerveux, la pré- 19. ■JL> ag% o£ l'^pilepsuz. sence.du méconium, les vers intestinaux, le travail de la dentition , les mauvaises qualités du lait des nour- rices qui se livrent à des écarts de régime , ou à leurs passions, sont autant de circonstances qui exposent plus particulièrement les enfans à Tépilepsie; les chutes, les ligatures trop fortes dont on étreint les enfans, dont on ceint leur tête, ont souvent causé cette -sia- ladie. Les femmes et les enfans étant plus faibles-, plus susceptibles, plus impressionnables que les hommes, sont plus sujets à Tépilepsic. Cette prédispositioa , relativement au sexe, n'est point apercevable deptm la naissance jusqu'à l'âge de 7 ans; mais alors que les caractères de chaque sexe se dessinent, se pronoiiceiit, se différencient; alors seulement le nombre des femmes épileptiques prédomine. En comparant le nombre des épileptiques de l'hospice de laSalpêtrière, à ceLai des honunes reçus à Bicetrc, on trouve plus du tiers de femmes épileptiques. II y a à Bicétre cent soixante-deux épileptiques , et trois cent quatre-vingt«neuf à la Sal- pêtrière (3i décembre 181 3). Les tempéramens mélancoliques, les constitutions scrofuleuses af&iblies, cachectiques, prédisposent à Té- pilepsie, ainsi que le scorbut, le rachitis, la syphilis. Les écarts de régime, l'onanisme, l'insolation, les coups et les chutes sur la tête, l'abus des boissons al- cooliques, les poisons, sont des causes excitantes de Té- pilepsie. M. C..., né à Boston, âgé de 19 ans, fait la traver- sée pour la France* Pendant la navigation sous la ligne, M. G... se couche sur le tillac et s'endort. Peu après, il est éveillé par un horrible ma) de tête et par une inflam- mation de la face et du cuir chevelu. Toute la tête de- vient énorme, le malade a du délire, on le croit perdu. Cependant il est saigné plusieurs fois et copieusement , finflammation diminue et cesse au neuvième jour; mais aussitôt des accès d'épilepsie se manifestent. Le jeune malade est débarqué à Lorient, où il est traité pen- dant six mois , après lesquels il est envoyé à Paris et confié à mes soins. Voici l'état dans lequel j'observai le malade pour la première fois. La taille est moyenne, les cheveux sont blonds , les yeux bleus , très vifs , la physionomie est mobile, l'embonpoint médiocre. Cé- phalalgie habituelle, constipation opiniâtre; accès épi- leptiques renouvelés tous les sept à huit jours. L'accès débute par un état maniaque ; tout-à-coup le malade se promène dans sa chambre; bientôt après , il marche par saccades et renverse tout ce qui se rencontre devant lui; il se jette avec une sorte de fureur sur les personnes qui l'entourent , et après quelques instans de lutte ^ il pousse un cri; les convulsions de la face, des yeux, des mem- bres, et la perte de connaissance complètent l'accès qui dure six à sept minutes et qui est suivi d'un état co- mateux pendant une demi -heure, d'où le malade sort avec la plénitude de la connaissance et un mal de tête très aigu. Tous les remèdes conseillés contre Fépilepsie avaient échoués à Lorient. Ayant égard à la céphalalgie, qui se renouvelait très souvent dans le cours de la joiu*- néc, et à la constipation opiniâtre qui annonçait tou- jours le retour des accès; après avoir prescrit un rc- ^94 r ^^ LEPILEPSIE. gimc alimentaire approprié, et beaucoup d'exercice , jo mift le malade à l'usage de pilules préparées avec l'ex- trait de coloquinte, d'assa-fœtida et de muriate de ma> cure doux. En même temps, le jeune malade allait ex- poser sa tête au robinet d'une douche d'eau froide. Celte impression du froid, répétée plusieurs fois par jour, en diminuant la céphalalgie, rendit d'abord les accès moins violens, et finit, dans Tespace de trois mois, par faire disparaître la céphalalgie et les «ccès. déjeune homme passa encore quelques mois i Arîs, et partit pour Boston, où il est arrivé très bien por- tant, et doit j'ai su qu'il continuait à jouir d'une bonne santé. La métastase d'une éruption cutanée chronique , la suppression d'un ulcère , la cessation d'une ëvacuatiao habituelle, sont autani de causes d'épilepsie. Les mode» cins militaires ont eu occasion d'observer que la sup* pression de la transpiration rend quelquefois les soldats épileptiqucs. Une femme âgée de 70 ans^ dit Zacntus, avait, depuis dix-huit ans, un ulcère sur l'aile dn nei; un charlatan guérit l'ulcère par une application ex- terne; vingt-quatre heures après, elle eut un premier accès, et plusieurs ensuite, jusqu'à ce qu'on eût établi deux cautères aux jambes. Un homme, âgé de 3o ans, reçoit un coup sur la tête; un an après, la plaie se cica- trice, lepilcpsie éclate; la plaie est roiiverle avec le cautère, Tépilepsie cesse. Un chirurgien malavisé pro- voque la cicatriscition, les accès se renouvellent, et disparaissent de nouveau par l'applicatiou d'un caus- tique. DE l'^pilepsie. agS Le docteur Maisonneuve ^ parle d'un jeune homme âge de 19 ans, qui, à l'âge de 8 ans, s'étant lavé la tête plusieurs fois avec de Teau froide , pour se guérir de la teigne, parvint à la faire disparaître; quelques jours après, il fut épileptique; les accès étaient plus rares pendant l'été. Garthcuser avait remarqué que le mauvais usage établi en Suède de répercuter la teigne avec des lotions froides, y rendait Tépilepsie fré» quente. L'épilepsie est causée par la syphilis : Omobon Pison, Scardona, en rapportent des exemples. CuUerier a fait insérer dans le Journal général de Médecine (t. XIV, p. 271) deux, observations d'épilepsic, causée parla syphilis, et guérie par le traitement anti-véhéricn. Dans ces deux observations , et dans une troisième rap- portée par M. Maisonneuve, les intervalles des accès étaient marqués par des souffrances qui trahissaient la présence d'une cause morbide toujours agissante. Tissot assure que Tépilepsie a été causée par la suppression brus- que de la salivation provoquée par l'usage du mercure. Hoffmann parle du mercure comme pouvant causer l'é- pilepsîe chez les personnes faibles. M. I^ndré-Beau- vais l'a souvent observée à la suite du traitement mer^ curieU L'épilcpsie est symptomatique et passagère chez les enfans atteints de petite-vérole, de rougeole, de scarla- tine , elle a lieu lorsque ces éruptions ne se font pas dans les temps convenables , ou lorsqu'elles sont brus- quement supprimées. Les accoucheurs ont regardé * tUcherckes ei 4>htervti€m sur Vépikpùél Pftrif» i8o3 » Ûh8. ^^ DE l'ÉPILEPSIE. comme épileptiqucs les convulsions qui compliquent le travail de l'accouchement. Les violentes commotions morales, les passions for- tes, telles que le chagrin, la colère et surtout la frayeur sont les causes les plus fréquentes de l'épilcpsic. Cette maladie est causée aussi par de fortes contentions d'es- prit, associées a un mauvais régime ; la vue d'an accès cpileptique , Thabitude de simuler Tépilepsie ont pro- voque cette maladie Un maçon , âgé de !2 1 ans , fort et robuste^ est effrayé pendant un songe; il devient ifpi- leptique. Une servante déliant une courroie nonëe de trois nœuds, s'imagine que ces nœuds sont rouTnge d'une sorcière; elle s'épouvante et est prise d'un acoès d'épilepsie. ^Une femme est effrayée par un aliéné, die devient épileptique. Une fille âgée de 9 ans s'a^ muse à fixer le soleil; après quelques miaules , elle croit voir au milieu du soleil une grosse têle noire; elle s'effraie, et le soir même, en racontant à sa mère ce qu'elle a vu , elle est saisie d'un premier accès. Les mêmes phénomènes physiques et moraux, qoi ont déterminé le premier accès d'épilepsie^ deviennent cause des accès suivans, quoique ces phénomènes aient moins d'intensité. Une femme a un violent chagrin, elle devient épileptique; le plus léger chagrin provoque les accès. Un enfant est effrayé par un chien, et devient épîfep- tique; il a un accès diaque fois qu'il entend aboyer un chien. Un autre devient épileptique après un accès de colère; la plus légère contrariété provoque les accès. Une petite fille âgée de 10 ans joue avec ses compagnes, qui lui chatouillent la plante des pieds , elle devient ^i- JOE l'epiLepsie. ^97 Icp tique ; Taccès éclate chaque fois qu'on la menace d'ê- tre chatouillée. Les impressions faites sur les sens , un bruit imprévu, certaines couleurs , certaines odeurs, ramènent les accès. La chaleur d'un appartement, le mouvement d'un grand nombre de personnes réunies, le plus léger écart de régime, les vicissitudes atmosphé- riques, les veilles, etc.; en un nlot, tout ce qui a pro- voqué le premier accès devient cause des accès suivans. Un soldat monte à l'assaut , une bombe éclate auprès de lui , il est frappé d'épilepsie , et guéri au bout d'un an : vingt ans après , la vue des mêmes remparts lui rend les accès. De cette facilité qu'ont les accès à se reproduire, pour la plus légère cause excitante, il semble démontré qu'il reste après les premiers accès dans l'organisme , dans le système nerveux , une disposition spéciale qui , à la moindre cause, est mise en action, et détermine de nouveaux accès. Cette disposition, que Tissot ap- pelle proégumèney mérite la plus grande attention dans le traitement prophylactique; mais elle n'est pas plus facile à expliquer que la périodicité de Tépilepsie; on n'en retrouve pas plus de traces dans l'organisme, que nous ne trouvons dans les organes les lésions propres à £iire connaître le siège de l'épilepsie. Après avoir signalé les causes de Tépilepsie, j'indi- querai les organes sur lesqueb ces mêmes causes sem- blent s'exercer et agir primitivement pour produire cette maladie : tantôt les causes agissent sur quelque organe plus ou moins éloigné du cerveau, et produisent l'cpilepsie sympathique; tantôt elles agissent directement 398 BE L'iPILEPSIE. sav le cerveau pour produire l'ëpilepsic idiopathiqne. Dans Tëpilepsie sympathique , les causes agissent primitiveaient sur les organes de la vie de nutrition ^ ou bien sur les organes de la vie de relation. L'appareil digestif est-il le siège de Tépilepsie; les accès éclatent lorsqu'il existe une vive irritation gastrî» que, ou lorsqu'il s'est accumulé dans l'estomac ou dans les intestins, particulièrement chez les enfiins, des matières muqueuses, acides ou autres, ou bien lors- qu'on a introduit dans ce viscère des substances irriUa- tes, délétères. Ces malades éprouvent des douleurs à Teslomac, de la tension à la région épigastrique, avec tous les signes de l'embarras gastrique, ils sont dégoû- tés; peu avant l'accès, ils ont des défaillances , desnuutf iie cœurj des nausées, des vomissemens^ qui se renou- vellent pendant l'accès. Lorsque l'épilepsie est causée par les vers, les malades offrent tous les signes qui an- noncent leur présence; l'épilepsie que j'appellerais in- testinale s'annonce par des signes certains. Les en&ns qui, sans chute, sans frayeur, deviennent épileptiques, qui en même temps ont le teint pâle , les joues bouffieSj les yeux ternes, les pupilles dilatées, les déjections gcî- sàtres, l'abdomen volumineux , la démarche triste, abalr tue , dont l'accès s'annonce par des borborygme», ne laissent aucun doute sur le vrai siège du mal. Lorsque le foie est primitivement affecté, la respi- ration est entrecoupée , le diaphragme est douloureuse- ment tiraillé , les muscles abdominaux se meuvent con- vulsivement, le malade perd connaissance, et, quel- ques instans après , viennent les éructations et les bor- DE LEPIUPSIE^ ^99 borygmes. La jaunisse, qui se manifeste avant ou après l'accès , se dissipe lentement ; le malade se plaint d'une douleur à la région du foie, et vomit des matières jaunes. Hippocrate a signalé la bile comme cause de l'épilepsie; Fabricius l'a attribuée à des concrétions biliaires. C'est d'après un grand nombre de faits , qu'Hippo- crate, et tous les observateurs qui lont suivi, ont re- gardé la pléthore sanguine comme une des causes de l'épilepsie, surtout dans la jeunesse. Le tempérament sanguin, l'approche de la puberté, le retard ou la sup- pression des menstrues , la cessation de quelque hé- morrbagie habituelle , telle que saignement du nez , hémorrholdes ; tout ce qui peut porter le sang à la tête; l'insolation, les exercices violens, l'abus des boissons alcooliques, sont les circonstances qui provoquent l'é- pilepsie sanguine ou pléthorique. Le malade perd tout-à-coup connaissance; le visage se gonfle, est très rouge, se couvre de sueur; les yeux sont brillans, la respiration bruyante , les convulsions ne sont pas très fortes et durent peu. Après l'accès, le malade passe des heures et quelquefois des jours dans un état coma- teux, dont il ne revient que lentement, auquel suc* cède le délire, quelquefois la foreur, ou la paralysie de quelque membre. Los accès sont moins rapprochés que dans les autres espèces; ils ne reviennent ordinaire- ment que tous les mois. Dans l'intervalle d'un accès à l'autre, les malades ont des vertiges, des étourdisse- meus. Après l'ouverture des corps , on trouve les vais- seaux de la tête dilatés , gorgés de sang ; la substance SOO DE l'ÉPILEPSIE. cérébrale fortement injectée. La suppression des mens- trues cause plus souvent l'épilepsie que celle des hé> morrhoïdes; parce que les menstrues sont un phéno* mène physiologique , tandis que les hémorrhoîdes sont un signe de dérangement de la santé. Les organes de la reproduction sont aussi le siège sur lequel agit primitivement la cause épileptique, et d'où y comme par irradiation, partent les premio^ phé- nomènes de l'accès. Cette variété , qu'on peut appeler génitale f est plus fréquente chez les femmes ^ difl^re, comme nous l'avons déjà dit plus haut, de rhystërie. Il y a tant d'analogie entre un léger accès épilqitique et l'orgasme spasmodique qui accomplit Facto de la Te» production, que les anciens ont défini le ooit, ejrir lepsia brevis. Cet acte est quelquefois suivi d'épile/)8ie. Sauvages parle d'une personne chez qui le ooît était constamment suivi d'un accès. 6. Cole cite l'exemple d'une femme qui , trois jours après son mariage , devint , épileptique. L'onanisme prédispose à cette terrible mala* die, en devient la cause excitante, même dans Ven- fance. Zimmermann a connu un jeune homme qm avaût un accès chaque fois qu'il s'était livré à ronanisme. Un jeune homme, âgé de la à i3 ans, se livre à la masturbation; quoique fort et robuste, il devient d'une susceptibiUté extrême, et à l'âge de 1 5 ans, il est pris d'accès d'épilepsie. Les accès coïncident avec le premier quartier et le plein de la lune et écla- tent tout-à*coup; le malade est renversé, pousse un cri, les convulsions sont générales, les yeux ouverts et fixes sont injectés, les pupilles sont très dilatées; DE L'iPILËPSIE. 3of après l'accès, qui dure trois à quatre minutes , le ma- lade reste très fatigué pendant toute la journée; il a des vertiges rares d'un accès à l'autre , il est habituelle- ment d'une susceptibilité extrême, se chagrinant et se fachaot pour le plus léger prétexte. Les toniques, le quinquina, la valériane, les bains de rivière, la nata- tion^ les exercices du corps, une vie très active, con- tribuent, après six mois, à diminuer ses accès. Après un an, les accès ne se renouvellent plus; on croit M... guéri. Le plaisir de revoir sa mère, dont M... était sé- paré depuis deux ans, rappellent les accès, ils sont plus faibles. Enfin, après six mois encore du même trai- tement, ce jeune homme est rendu à la santé par- faite. Depuis, il s'est livré au commerce, a beaucoup voyagé; sa santé s'est fortifiée; il s'est marié à 27 ans, et se porte à merveille. Je ne fais qu'analyser cette observation qui, soit dit en passât, prouve mieux que tous les raisonnemens l'efiScacité du régime et des exer- cices du corps, poiur triomphier d'une maladie aussi grave et aussi rebelle. La continence a quelquefois produit l'é- pilepsie ; mais ici l'excès est moins à redouter que l'abus contraire. Relativement à l'état du mariage, je dois à l'amitié du docteur Hébreard, médecin à Bicêtre, la note suivante : sur cent soixante-deux hommes épilep- tiques existans à Bicêtre, le 3i décembre 181 3, cent dix-neuf sont garçons , trcnte*trois mariés, sept veufs , un divorcé. Le retard, la suppression, le dérangement des men- strues, la grossesse, le travail de Taccouchement ont causé Fépilepsie. M; Maisonneuve parle d'une fille de 2 a 3oa OB ïJiPTLBPsn. ^ ans qui devint ëpileptique par le dërangement des men- strues, et qui fut guërie par leur rétablissement Une autre fille, Agée de ^3 ans, avait des accès à chaque ëpoque menstruelle , à moins que Técoulement fût abon» dant. Le même auteur cite l'exemple d'une veuve, âgée de 3i ans, dont les règles furent supprimées par une impression vive, et qui devint ëpileptique. Femel et Schenckius ont vu des femmes dont les accès ne se n- nouvelaient que pendant la grossesse. Horstius parle d'une femme de 32 ans dont les menstrues coulaient peu, et qui devint ëpileptique. Les accès revenaient tous les quinze jours : s'ëtant mariée neuf mois après , elle devint enceinte et fut guérie. J'ai vu quelques ëpileptiques deve- nir enceintes sans avoir remarqué la moindre modificatioa dans l'intensitë^et la fréquence des accès. Lamotte parie d'une femme qui avait eu , en huit grossesses , cinq fiUes et trois garçons; elle avait plusieurs accès d'ëpilepne chaque fois qu'elle était grosse des garçons , et janak pendant la grossesse des filles. Mauriceau a vnPëpîlep- sie éclater après l'accouchement. Si Tëpilepsie a son siège dans l'appareil digestif, daM le système de la circulation , dans les organes reprodue- leurs , il est des causes qui agissent primitivement sor les organes placés à l'extérieur. Résumerai-je ce qui a été observé à cet égard. Femel a vu les symptômes précur- seurs , les premiers symptômes de l'accès , se fiûre sentir au sommet de la tête, et se renouveler chaque fois qu^on pressait la tête. Le docteur Vigne, médecin distingué de Rouen, fut consulté par un jeune homme, âgé de i8 ans , devenu ëpileptique par la rétrocession d'un vîee DS l'iîpilbpsib. 3o3 psorique : le malade ressentait un froid glacial au milieu du front , par lequel il était averti de l'invasion de Tac* ces. Pendant trois ans, le docteur Yignë s'applique à rap- peler Fëruption à la peau, il réussit, et le malade fut guéri. Brunner a guéri en appliquant un moxa à la nuque, sur le point où se manifestaient les premiers accidena. Fabrice a eu le même succès en extrayant un globe de verre dont l'introduction dans l'oreille avait causé l'épi* lepsie. Donat soignait une religieuse , qui sentait , au début des accès , une douleur au sein droit , d'où ïaura montait au cerveau; si le sein s'ulcérait , l'accès était prévenu. HoUier dit que , chez un jeune homme , l'accès commençait par l'épaule , le bras était saisi de tremble- ment, les mâchoires se serraient , l'accès éclatait. Chez un autre y l'engourdissement de la main droite était le premier symptôme, les trois premiers doigts se tordaient fortement , le bras se tordait aussi , le corps se courbait | et le malade tombait. L'accès d'un autre commençait par le petit doigt de la main gauche. Tissot rapporte l'exem* pie d'un homme qui faisait avorter l'accès en appliquant au braa nn tourniquet, qu'il serrait dès qu'il sentait le mal à la main gauche. M. Maisonneuve a connu un homme chez lequel l'accès éclatait par les convulsions du bras et des paupières du côté droit. Si au début de ces con* valsions on tirait fortement le bras, Taccès était pré* venu : il en était de même si le malade se mettait à courir. Ceci rappelle cet autre malade qui prévenait les accès en renversant fortement la tête en arrière. Le professeur Alibert , raconte qu'un épileptique diminuait la gravité des accès et conservait le sentiment, en faisant 3o4 i>^ l'épilepsib. tirer autour de lui plusieurs coups de fusils y le jour où les accès devaient avoir lieu. Dans d'autres cas, Taccès commence par la jambe, d'où s'ëlève une vapeur, comme un vent froid, le long de la cuisse, du dos, de la nuque jusquà la tête, Vacok alors éclate , ou bien l'accès s'annonce par une douleur au dos du pied, d'où s'élève un vent froid vers la tète. Un homme, porteur d'un ulcère à la jambe , le fait dcatri- ser; l'épilepsie se déclare , chaque accès commence par un vent froid , qui s'élève de la cicatrice : une ligature, au-dessus des genoux , arrête l'accès. Une dame ayant fait beaucoup de remèdes est guérie par l'amputation de la première phalange du gros orteil, d'où parlait Vaura epileptica. Un enfant de onze ans avait deux oa trois accès par semaine dès l'âge de deux ans; l'accès s'annonçait par un sentiment de malaise et de firoid qui partait du côté droit. Le docteur Carron découvrit , au pouce d'un épileptique, une petite tumeur indolente: il pratiqua, sur la tumeur, une incision^ en retira des petits corps durs de la grosseur chacun d'un grain de mil , de nature sébacée; l'enfant fut guéri. Le dodenr Pontier a guéri un épileptique par la cautérisaticm dit nerf saphène de chaque jambe. Ces deux dernières flk servalions se trouvent dans le Journal général M médecine de Paris j tom. xiii, pag. ^4^, et IqdlxvIi pag. a6i. Il faut donc reconnaître des causes d'épilepne qn agissent d'abord sur les organes intérieurs ou sur les or- ganes situés à l'extérieur, avant d'exercer leur acdoi sur le cerveau. Quelque inexplicables que soient ces DB l'^piupsie. So5 phënomènes i quelque peu de rapports qu'il y ait entre ces impressions locales et un accès complet d'ëpilepsie , on ne peut nier que la première cause du mal agisse primitivement ailleurs que sur le cerveau. Willis, Pison, Demoore prétendent que Tépilepsie a toujours son siège primitif dans le cerveau. Le contraire n'est*il pas démon- tré par les observations d'épilepsie sympathiques re- cueillies par tous les auteurs ; n'est-il pas démontré par les guérisons qui arrivent après ^évacuation du méco- nium, des matières muqueuses^ acides, jaunes ^ noires, des vers, des concrétions biliaires dans les épilepsies gastriques? Les guérisons qni ont lieu après la pre- mière éruption menstruelle , après le rétablissement des règles, après le mariage, après la grossesse dans les épilepsies utérines; la guérisou par les saignées, les évacuations sanguines dans les épilepsies pléthoriques; la guérison par l'extraction des corps étrangers, par la cautérisation, par l'amputation, par le rétablissement d*un ulcère, l'avortement des accès par la ligature du inembre d'où s'élève Yaura epUepticaj par l'extension des membres, ne sont-ce pas des preuves nombreuses et incontestables que Tépilepsie n'a pas toujours son siège primitif ou son premier point de départ, dans le cerveau? L*^ilepsie idiopathique commence presque avec la 'vie y elle a des caractères qui lui sont propres, elle est le désespoir des médecins. La première invasion a lieu dès la prmière enfance , ces accès sont d'abord incomplets ; ilt éclatent sans signes précurseurs , les conyulsions sont peu fortes, elles sont plus prononcées à la face; leur ^urée est courte , leur retour est irrégulicr, mais rap- I. ao 9o6 DB l'épilsfsis. pMchë) qucdcpiefoii les accès oeBsent pendant èm IflML, infiervAlled pour reparaître après plasieurs aunéw, YaDt Hippocfate, ils disparaissent k la puberté; ils peuvent persister jusqu'à la vieillesse^ ils ne .[ missent pas abréger la yie. Ld cessation des manslnM^', tantôt augmente, tantôt diminue la fréquence «t la gttm vite des accès. La disposition héréditaire, les fortes impressions de kl mère pendant la grossesse, des accès d'épilep^ie peft« dant Taccouchement^ de vives commotions monHêê de la nourrice f sont les causes prédisposantes les pldi ordinaires dans l'épilepsie idiopathique , quoique niées par quelques auteurs. Tissot , dans son TraUé de Vé^ pilepsie^ admet d'abord l'influence héréditaire; pkifl tard^ il la rejette. Doussin Dubi*euil se prononce contre l'hérédité. D'autres observateurs croient qlte TépilepeJe peut être transmise héréditairement, et citent éssfilits à l'appui de leur opinion. Saillant^, MaisonnemrSi Hoff* mann, citent de nombreux exemples aussi imërèBSMS que Gonciuans pour l'hérédité de l'épilepsie. I^âpriS les renseiguemens que j'ai recueillis sur nos fenudSI épileptiques de la Salpétrière, l'épilepsie est |lht souvent transmise par le père que par \n, mtMf k contraire a lieu pour la folie. Lorsque les enfiUS dnl les yeux convulsifs, des tumeurs au cou, la YoitftAle, lorsqu'ils sont tourmentés par une toux sèche Si lipi« niâtre; lorsque, devenns plus grands, ils éproniCOldel douleurs au ventre sans diarrhée; lorsqu'il survient d«9 ■ Mémoires de h société royûh de lUédecIne, t iir, p. 3ai5, et t. ▼, p, |f« ■ 0B l'éMtÈl»StÈ. 907 ^|p>iif)emehs aux testicules; lorsqu'ufaefhÉilitrit(igt4t,^M VKun dés bras est impoteuty ou lorsque les j&tiibes Mhi . -.filîblesy sans cause sensible; lorsque les enfatis sont saisis de frayeur^ sails sujet : lorsqu'ils cHent , {>letli^nt , il bâillent, se frottent habituellement le front; lorsque "«l'ieur sommeil est entrecoupé par des rfives; s'ils ont des convulsions, on doit soupçonner rexistence de Té- pikpsie, surtout si le père et la mère sont afTectcSs de la même maladie. S'il survient des convulsions dans un âgé plus avancé, ces signes commémoratifs aident à recoil- naître l'épilepsie essentielle; ils peuvent servir à appré- cier TinflueDce des accidens qu'on regarde comme la cause prochaine de l'épilepsie, tels qtie les embarras di- gestifs, les vers, la suppression des menstrues, etc. Ces désordres ne sont-ils pas l'effet de l'épilepsie préexis- tante, où celui des circonstances qui ont favorisé le dé- veloppement de la inaladie? Alors quel jugetncnt por- ter sur des médicamens propres à évacuer, à rétablir ka tiKHntrues , à chasser les vers. Aébréard ^ prouvé qtie l'exjpukion des vers ne sufBt pas pour détruire l'épilepsie; leur présence n'étant souvent qu^une com- i9liofltîtm« Les médicamens Ont augmenté, rapproché les aèdb» parce qu'on ne remontait pûi & h trdie sooxoa.dtt mal. ; - A cas causes de l'épilepski eMentiellê, on en a joint lia grand nombre ) la pléthore sanguine est admise pkt tMahy auteurs^ nous ^ avons pftrié plus haut. Hip-* yo^Mm. admet la surttbtMdttnce de là pituite comme Bibliothèque médicah. *^. • ao. 3o8 DE LEPILEPSIE. une des causes de Tëpilepsie idiopathique. Les «ffeo lions morales, en agissant sur le cerveau, produisent Fëpilepsie essentielle; celle qui est causée par la colère est moins durable ; la frayeur et le chagrin font des impressions plus profondes et plus fortes, dont les effets sont plus difficiles à guérir. On range aussi parmi les causes de Tépilepsic idiopathique , les vices de confor* mation du crâne, les lésions des méninges et du cerveau. L'analyse rapide de ce qui a été observé dans l'ouverture des cadavres des épileptiques, sera ie moyen de déterminer, s'il est possible , le siège de l'épilepsie idiopathîque ou essentielle. Leduc avait remarqué que la tête des épileptiques est très grosse, les os du crâne très épais, et les sutures effacées. Lorry a confirmé cette observation. Bontius a vu le crâne déformé , et Morgagni l'a ob- servé de même chez un grand nombre de sujets. Le cé- lèbre Dumas a mesuré l'angle facial de plusieurs épi- leptiques, il conclut de ses recherches, que les enfans sont d'autant plus exposés à devenir épileptiques, qu'ils ont l'angle facial plus rapproché de no degrés. Bontius a trouvé une fois l'os occipital ayant neuf lignes d'épaisseur. Zacchias a rencontré la table inté- rieure de l'occipital dévorée par la carie. Bontius a vu un enfant de six semaines, que la pres- sion des plis du béguin rendait épileptique et qui fiit guéri ^n supprimant le béguin. Le même auteur rap^ porte l'exemple d'un jeune homme qui, ayant reçu dans l'enfance des coups sur la tête, devint épileptique : Bonet cite des faits semblables. DE LEPILEPSIE. SoQ On a souvent reucontré des concrétions osseuses dé« veloppëes sur la dure-mère, sur son repli falciformc; ces concrétions sont tantôt rondes, tantôt allongées , aiguës. En faisant l'ouverture d'une épileptique âgée de a3 ans, morte pendant l'accès, j'ai trouvé adhé- rente à la face interne de la dure -mère, une tu- meur osseuse ovoïde, de huit lignes de diamètre, déprimant les circonvolutions supérieures du cer- veau. Les divers épanchemens observés entre les méninges et le crâne, dans la cavité arachnoïdienne, ne sont-ils pas plutôt les effets que la cause de la maladie? On a rencontré souvent les vaisseaux des méninges dilatés , engorgés , variqueux , contenant des concrétions fi- breuses^ osseuses. Que conclure des altérations du cerveau? Morgagni dit que chez une femme épileptique depuis deux ans , le tiers antérieur du lobe gauche du cerveau très affaissé était réduit à une extrême mollesse; chez un jeune homme les couches de nerfs optiques du côté droit res- semblaient à de la bouillie brunâtre. Le cerveau de huit épileptiques a paru ramolU à Greding^. Morgagni , Greding , Meckel , Boerhaave ont trouvé le cerveau des ëpileptiques dur et même calleux. La capacité des ventricules du cerveau , la présence d'un fluide plus ou moins abondant dans ces ventri- cules^ les kystes séreux développés dans le tissu des ^ Ludwig. Adversaria medico^praeiica, lipNK, 1769-177», 3 ▼ol. in-8. — C'est dans celte collection que J.-C Gre^Snç a publié ses nombreuses observations sur remploi de divers médicamens dans Tépilepsie. Sic ii£ l'i^pilepsis. pleicMs choroïde», offiraut des variétés sans nombre et pe fouraU^ent aucune dôuoée positive. Ou a trouva-dans te crâne d'individus morts épilepp tiques d^ tumeurs squirrbeusesy tuberculeuses, fibreu- ses, osseuses développées dans les ventricules eldans la substance n»êaie du cerveau, Bauhin , Borrichius'ont vu des abcès dans la substance blanche* Bartholui a eitraît upa portion d'épéé restéa dans le cerveau. Didier a retint une balle de fusil de la partie antérieure de cet organes l4l glande pinéale contient si souvent des rôncnftions q#S0uscs, qua catta altération ne prouve rien. Baillie, Scemmerring ont trouvé la glande pinéale très Israiê^ Greding l'a rencontrée molle sur vingt-^cinq épileplU ques 2 oa dernier assure que sur vingt épileptiqi|^,dii avaient la glande pinéale entourée de sérosité. Ia glande pituitaire a été un objet de rflcharfShes particulières pour Wenzel. Cet auteur a signalé pltt* sieurs altérations de la portion osseuse qui forma ki salle turcique et les apophyses qui la courounent. Tan* tôt ca sont des vices de conformation , tantôt des carias. Sur vingt épileptiques, Wenzel a trouvé sept fois b glande pituitaira volumineuse; dix fois il a vu daBS spa intérieur une matière jaune, solide, pulvéruleqte; cinq fois, au lieu de cette substance solide, e-élaît iia (luide trouble , visqueux ; souvent cet organe lui a oflfert des traces d'inflammation, tandis qu'il n'y avait aoôune altération du cerveau ou des méninges; constamment Wenzel a observé quelque altération de la glande pi- néale, mais ces lésions, dit cet auteur, spnt-elles 1^ cause ou l'e^fp^ d^ l'épilppsiiB? DE l'jIpilbpsie. 3ii Les altiratioiis du crâne , les lésions des organes in- tra-erâniens n'apprennent pas quel est le siège de Té* pîlepsie, quelles sont les lésions organiques dont cette maladie est l'expression. Les auteurs ont négligé de mentionner y dans leurs autopsies , l'état des membra- nes et de la moelle rachidienqes : secondé par M. Àmus- aaty alors ilkve de la Salpétrière, et aujourd'hui placé si haut dana l'estime publique , j'ai cherché à réparer cet oubli. Pour découvrir facilement et extraire la moelle ^ M. Amussat inventa Tinstrumenl appelé rachi' iam9, ce qui nous permit de constater l'état de la moelle des épileptiques qui succombaient. 4ur douze cadavres de femmes épileptiques, mortes au nombre de dix, du i*^ février au i*'^ juin, nous trouvâmes les méninges injectées une fois et deux fois d'un aspect grisâtre; neuf fois des concrétions plus ou moins multi- pliées, dissémini^es dans toute l'étendue de la face ex-» terne de l'arachnoïde rachidienne. Ces concrétions , de forme lenticulaire, avaient une à trois lignes de diamè- tre, une ligne d'épaisseur; la plupart étaient cartilagi- neuses, les autres étaient osseuses. Nous k*ouvâmes quatre fois la substance' du prolongement rachidien , altçré, ramolli, particulièrement la portion lombaire, la m/smbrane açachnoïdienne contenait une fois un getnd nombre d'hydatides. Ainsi, dix ouvertures de .^adgvres d'épileptiques faites sans choix, ont présenté jieuf fois des lésions de la moelle rachidienne ou de ses membranes. Dans le même temps , M. Mitivié , élève à l'hôpital des Sn&ns , tro^m les i|iémes concrétions sur deux enfans morts épileptiquM. Qui n'eût été tenté de 3ia DE l'épilepsie. conclure que les organes contenus dans le canal yerté- bral étaient le siège de 1 epilepsie , puisque douze ca- davres d'épileptiques avaient présenté quelque lësion de ces organes? Une fcmme^ âgée de 53 ans, est efïrayée; elle a des convulsions, et reste épileptiquc. Les accès reviennent tous les deux à trois jours et sont très violens. Depuis quelques mois les accès se rapprochent; cette femme meurt à 56 ans , après un accès qui Ta laissée |pendant cinq jours dans un état comateux. A VauLopsie du cadavre. — Hydatides de dhrers volumes que nous trouvâmes groupées autour du bulbe du cerveau , d'oîi elles se propagaient en grand nombre jusqu'à l'extrémité coxale du canal rachidien, contenues dans le sac formé par l'arachnoïde; ramollissement de la portion lombaire de la substance médullaire. Tja glande pituitaire contenait un kyste rempli d'un fluide d'un brun-rougeâtrc. Un enfant a eu des convulsions lors de la première dentition. Elles dégénèrent en accès épileptiques; à 4 ans , les accès sont plus fréquens ; à 5 ans et demi, il a quatre ou cinq accès par jour, devient paralytique. Cet enfant est mort à 6 ans et demi. A VaiUopsie. — Arachnoïde rachidienue injectée, ramollissement de la substance médullaire vers la sixième et la douzième vertèbres dorsales. La substance ramol- lie paraît un peu jaunâtre. Muscl disséquant deux épileptiques , a trouvé les ¥ais« seaux rachidiens variqueux, gorgés de sang. Bonet a vu le canal rachidien plein de sérosité. DE L£PILEPSIE. 3l3 De toutes ces recherches ^ particolièrement de celles de Bouet, de Morgagni, Bailhe, Greding, Meckel, Wenzel, que conclure? Rien. Wepfer, Lorry ont tiré cette triste conclusion. Avouons franchement que Ta- natomie pathologique a jusqu'ici répandu peu de lu- mière sur le siège immédiat de l'épilepsie. Cependant il ne faut pas se décourager la nature ne sera pas tou- jours rebelle aux efiforts de ses investigateurs. Que dirai - je des rêveries sans nombre qu'on a débitées sur la cause immédiate de l'épilepsie? Les anciens l'attribuaient à l'influence de la lune, à la vengeance céleste , à des enchantemens. Les mo- dernes ont-ils mieux rencontré, avec leurs systèmes? Où est cette matière qui irrite les nerfs? Qui a vu les esprits animaux ; qui a mesuré la force de leur élas- ticité? on a attribué l'épilepsie à l'archée, à un mouvement tumultueux et confus du principe vital ou de l'âme rationnelle. Hoffmann accuse le dérangement du cours des humeurs qui s'oppose à la distribution de leur partie spiritueuse. Quelques-uns veulent que la contraction de la dure-mère, des enveloppes du cerveau et des nerfs, cause l'épilepsie , etc., etc. C'est trop s'arrê- ter à ces rêves de l'imagination. Passons au diagnostic. De l'analyse des symptômes qui caractérisent l'épi- lepsie, de la connaissance des causes qui la produisent , de la lésion des organes sur lesquels ces causes sont présumées agir primitivement , on peut établir les es- pèces suivantes. Nous n'attachons du reste à cette clas* sification d'autre importanee que odle d'offrir, dans un cadre rétréci, des indications théitepeutiques. ^4 ^ i,'^ii«is?sni» ï^'épHepi^ê «9 divisQ oa ^tentiellQ) sympathique et symptoinatiqve. (i'épilepsifi essentielle idiopetbique a soo inège daas le cerveau ou êe$ dépeadance»« £Ue peut être divisée eo trois variâtes. 1^ JLf'épilepsie idiopathique , produite par des eaiises extérieures, telles que la compressioa trop forte eierae sur le crâoe p les contusions , les fractures, TiiisolatioD. a"* L'épilep^ie idiopatbique , qui dépend d'un vice d'organisation du «^rane , d une lésion des méninges oo du perveau 9 ou des épancbemens séreux ou saognins dans la éavité du orâne. â"" 14'épilepsie idiopathique , qu on pourrait appeler nerveuse , est produite par les affections morales , aoit de la mèrei soit de la nourrice, soit du malade lui* m^me; parmi ces causes morales, la colère, la firajeur, l'inritatioa 9ont les plus à craindre. I^'épilepsie sympathique présente cinq variétés bien tranchées ; l^' JLiepilepsie sympathique dont le siège ei* daHi* l'appareil digestif; elle est causée par le méconium 9 to mâtièrei accumulées dans Testomac ou dans les intet^ tinsi par les vers intestinaux, par Tingestion d'alîmeai ou de substances de nature irritante. a"" Ij'épilepsie sympathique, angiotéoiquo, qui a son siège dans le système sanguin < epilepsim pîeihfmca de ^n^\çpUepsia polyposa de F. Hoffmann* La supprei* sion des menstrues, des hémorrhoïdes, deshémonrhagiai habituellcai k^ écard de régimei labus des liqueurs Is provoquent. DB l'épilepsib. 3iS 3*^ L'éptiepfiie sympathique , qui a son siège dans lé système des vaisseaux blancs ; epilepsia humoraliSj mé* Ufsiaêka^ des auteurs; epilepsia oachectka de F. Hoff- mann ; epSepsia serosa de Charles Pison ; epilepsia scorbutica, syphilitica de Bonet. Les sujets pâles > «hIorotiques,rachi tiques, scrofuleux y sont prédisposés; la rétropession de la teigne, delà gale, d'uh uleère, de 4a syptiiliB, de la goutte causent eette espèce. t\ L'épilepsie sympathique, qui a son siège dans les 4N*ganes de la reproduction : epilepsia geniialis; epilep- sia uterina de Sennert ; epilepsia ab utero de Jonston. L'abus des plaisirs vénériens, l'onanisme, la eonti- nence, la grossesse, raccouchement, en sont les causes éloignées ou prochaines. 5"* L'épilepsie sym^pathique, qui a son siège dans les organes extérieurs : epilepsia sjrmpathica, des auteurs. Toute cause apparente ou cachée, qui irrite quelquVme des parties extérieures et dont refFet secondaire s'irradie vers le cerveau, produit cette variété d'épilepsie. L'épilepsie est symptomatique des phlegraasies cuta- nées, du retard de la dentition , de l'éruption , de la petite-vérole, de la rougeole, (le la scarlatine, etc. ^ ou de la disparition subite de ces éruptions. Quant à l'épilepsie simulée ou feinte ^ elle peut être causée par plusieurs motifs , celui d'obtenir |ine chose «rdemment désirée , comme chez cette filb qui , ayant su qu'on ronscillait le mariage aux épileptiques, feignit * Pépilepsio pour obtenir le ren^àdc. Oi| simule l'épilepsie pour éviter une chose qui répugne; nos jeunes conscrits onl tq recours à œ moyeyi; j'ai connu un vieil ofB- 3l6 DE LEPILEPSIE. cier qui avait été traduit devant le tribunal révolution- naire, qui simula un accès d'épilepsie et fut sauvé; des écoliers , pour ne pas aller à l'école, ont aussi trompé leurs parens; mais un médecin ne saurait s'y mépren- dre pour peu qu'il soit attentif. J'ai parlé plus haut des crises de l'épilepsîe; il nous feut dire quelque chose du pronostic qui n'est pas tout-à*fait aussi désespérant qu'on le croit généra- lement. L'épilepsie est une maladie longue, dangereuse; ra- rement est-elle funeste au premier accès. Quand elle est héréditaire et connée , elle ne guérit pas. L'épilepsie sympathique guérit plus fadlement que l'épilepsie essentielle, quoique celle-ci ne soit pas tou- jours incurable, . L'épilepsie atteint rarement les enfans qui ont des gourmes à la tête. Quelquefois l'épilepsie disparaît pendant plusieurs années pour reparaître après , sans nouvelle cause appré- ciable. Ceux qui sont attaqués peu après la naissance, guérissent rarement; s'ils ne guérissent pas à la po« berté, ils restent incurables. Ceux qui deviennent épileptiqucs vers l'âge de trois à quatre ans, jusqu'à celui de dix, guérissent s'ils sont traités à temps. Ceux qui sont pris d'épilepsie peu avant la puberté , guérissent lorsque cette crise est finie. Ceux qui deviennent épileptiques après la puberté DE l'jSpilepsie. 3i7 guérissent quelquefois , quoique Hippocrate ait pensé le contraire. Le mariage ne guérit que i'épilepsie génitale ^ il aug- mente les autres espèces. Une femme enceinte, qui devient épileptique^ court de grands dangers. Lorsque les accès se rapprochent et acquièrent de rintensité , on doit craindre la mort. La mort a lieu , non pendant l'horreur des convul- sions, mais pendant la période d'affaissement qui les suit. L'épilepsie compliquée d'aliénation mentale ne guérit jamais. Le médecin , dit Hippocrate , qui saura , par le ré- gime, changer le tempérament, le rendre froid ou chaud, sec ou humide, parviendra à guérir l'épilepsie, Cependant il est peu de maladies pour lesquelles on ait proposé un plus grand nombre de médicamens et de médicamens plus absurdes. Les uns n'ont vu que l'état du conduit alimentaire , et ont prescrit les évacuans ; les autres ont saigné ; ceux-là ont voulu calmer les fureurs de l'accès ; ceux-ci ont tâché de donner de la fixité aux oerfstrop mobiles; enfin les toniques les plus énergi- ques ont été prodigua. Ne pouvant découvrir un traite- ment rationnel, on a cherché des spécifiques qui se sont multipliés à l'infini. Les meilleurs esprits, trahis par les médicamens les plus vantés, ont regardé l'épilepsie comme au-dessus des ressources de la médecine, et l'ont déclarée incurable au grand détriment des malades. Les épilq>tiques sont de* 3l8 0K L'iPUJEPSlK. Tenus la proie des charlatans. Si rE l'épilepsie. par le travail de la puberté, c'est un bon régime qui cou^- vient au malade, l'exercice, la gymnastique, les baios frais ne seront pas négliges ; si c'est la suppression des menstrues ou le désordre menstruel qui a produit répl- lepsie, il faut rétablir ou régulariser cette évacuation, et, dans ce cas, si la constitution de la malade est forte, et qu'on puisse supposer une atonie des organes de la repro- duction , le mariage peut être conseillé : en rétablissant l'équilibre dans la distribution des forces, il fera cesser l'épilepsie. Mais il ne faut pas perdre de vue que, sou- vent, la suppression des menstrues n'est pas la cause de l'épilepsie, que la vraie cause agit quelquefois dès la première enfance, surtout dans l'épilepsie héréditaire ou connéc , et chez les enfans confiés à des nourrices mer- cenaires , ou à des gardes étrangères. Si l'onanisme a jeté dans cette funeste maladie, il faut recourir à tous les moyens qui peuvent, pour ainsi dire, refaire le tempe" rament; le quinquina, la valériane, les martiaux, le lait d'âncsse, la diète blanche , les analeptiques sont convenables; les exercices du corps, du cheval, de Tes* crime, de la danse, les bains froids, les bains de ri- vière, la natation, les affusions , souvent si utiles, se* raient dangereux s'il existait de l'engorgement ou de h suppuration dans les viscères. Les divers exemples que nous avons indiqués précé- demment, fournissent au praticien quelques indications particulières. Si la cause qui s'exerce primitivement sur un organe est facile à enlever ou à détruire, on en fait l'extirpation; on applique le feu, les caustiques, les sé- tons , les ventouses sur la partie d'où s'élève Vaura epi* t BE l'épilepsie. 3a 5 lepiica. On a proposé même de couper les nerfs. Les antispasmodiques internes , le régime^ doivent seconder les moyens locaux. L'épilepsie idiopathique peut-elle guérir, si elle dé- pend d'une lésion organique, d'un vice de conforma- tion? qu'espérer des médicamens? Le médecin, sage- ment 'observateur, en évite l'usage , se borne à régula- riser le régime, et à écarter les circonstances propres à provoquer le retour des accès. L'on a conseillé le cau- tère, le moxa , le trépan , lorsque le commémoratif et une douleur de tête fixe font espérer d'atteindre la cause du mal; lorsque les symptômes indiquent l'in- filtration du cerveau, des méninges, par de la séro- sité, ou de la pituite , comme parlaient les anciens. Le prince de , épileptique depuis sa première jeu- nesse, ne souffrait personne auprès de lui, nialgré les instances de sa famille. Avec les progrès de l'âge , les accès sont plus fréquens; à 67 ans, le prince est pns d'un accès qui le renverse la tête daps le feu. L'ustion^ après avoir "brûlé le cuir chevelu, pénètre jusqu'à la ta- ble externe des pariétaux. Il s'établit une suppuration abondante. La plaie est entretenue par une portion d'os nécrosée. I^ malade, impatienté, réclame les. se- cours d'un chirurgien , qui enlève le fragment osseux, et la cicatrisation marche rapidement ; elle est parfaite après quarante-deux jours. Pendant tout ce temps, le malade n'eut point d'accès , mais aussitôt après la gué- rîson de la plaie , les accès reparaissent. L'un des accès est suivi de manie avec fureur. Deux larges saignées font casser le délire. Dans une consultation nombreuse^ je propmtiéè rMfrir li plaie ntM ié «Mtèi^ aéSMl: les comultans |iréfi£réreDt4*applicfttimi de deux eMflMI à la nuque; ils furent sans efficacité. Tai toejCN^ r»- gretté depuis que incm conseil n*ait poiftt été anm. Yalenlia cite des exemples d'épfleptii|Be8 gaérit par h cautère actud sur la tête. Henricus ab Heen fl^porte Fesemple d'une fille qui, près de ae marier, 1ht é^ firayëe par deux ÎTrognes qui voulaient là violer; du beurre d'antimoine appliqué aux deux grM ortrib jm^ qu'à dénudation des os , fit cesser les aeeèfc Lorsque notre éloquent et savant Pariset, alors méfaili de Bî- cétre, en i8ai, fut envoyé à Cadix pour taiyloMr la fièvre jaune , je fiis chargé du service des àHfbéi^ el des épileptiques de cet hospice. Je trouvai ^VlîaUt ^pilefti* ques soumis aux expérimentations de mon cM&ètVLlks moxas, quelquefois au nombre de deux et «MsMIfibf avaient été brûlés sur la partie la plus élevdi dé Ift tête, Tustion avait pénétré jusqu'à la table tÉÊBtnt des os. Les plaies furent entretenues avec le pins gittad soin. Je ne pus constater aucune guérison. On amena à la Salpêtrière une jeune épileptique dont les accès corn* mençaient par le gros orteil; sur la foi des anlettn, je crus la guérison certaine : l'orteil fiit canfijriaé jw* qu'à l'os. Loin d'avoir guéri ma jeune malade , Ici neekt ne furent plus annoncés par la douleur de Fortli^ il ' n'y eut plus A' aura epûeptkm; les accès inratt'|dM violons et plus firéqnens. Enfin Tépilepsie essentidb dMt exciter toute l'attention du praticien ; c'est eoMr* ur changer l'action générale des organes , pour activer les fonctions du sysUaae lymphatique. 3a8 BE L^ÉPILEPSIE. Tkouret et ÂJidry ^ assurent que Ton a obtenu qud- quefois des heureux effets de Tapplication des aimaus artificiels. En Angleterre^ on a essayé Tinspiration cfua mélange de gaz oxigène avec Tair atmosphérique ; les succès ont été plus qu'incertains; ces divers essais mé- ritent bien l'attention des observateurs , j'hésite a en dire autant de l'électricité et du galvanisme. Donnera*t-on le nom de médicament à ces substances dont l'emploi paraît incroyable à ceux qui ne savent pas jusqu'à quel point de dégradation peut descendre l'homme^ lorsqu'il est livré à Fignorance et aux pfl|iigék Croira-t-on que des médecins ont prescrit des vers de terre , avalés à jeun j de la poudre de pied d'élan, de talon de lièvre , de l'arrière-faix d'un premier né dessé- ché, de la raclure du crâne humain ^ des vertèbres, du cerveau desséché de l'homme et du corbeau ? Ib ont prescrit le sang humain chaudy les osselets de Voule d'un veaUf l'épine du dos d'un lézard rongé parles fourmis f le cœur, le foie de taupe, de grenouille, et tant d'autres substances plus ou moins dégoûtantes , plus ou moins absurdes? Croira-t-on que de nos jours on ait osé proposer l'insertion d'une améthyste sous la peau du bras ou d'un autre membre, comme un spé- cifique infaillible? Sans vouloir ranger dans celte ré- voltante énumération les sels métalliques, je pense qu'ils doivent être proscrits. Leur usage est-il utile? La perturbation qu'ils apportent dans rorganlsme et *■ A. Portai, dans son ouvrage {Observations sur la nature et le traitemaU de Vépilepsie, Paris, 1829 . >n-8), est entré dans de lougs détails sur les Ters médicamens proposés contre Tépilepsie. BE l'^pilepsie. Sâ^ sur laquelle on fonde l'espoir de la guërison, est trop hasardeuse et souvent trop funeste ^ surtout s'ils sont employés par des mains téméraires ou inhabiles. Ainsi uous rejetons comme dangereux les sels de cuivre, le nitrate d'argent, quelques miracles qu'on leur ait at« tribués. On peut en dire autant de la frayeur, conseillée par quelques téméraires; qui peut calculer les effets de la frayeur, et par conséquent, qui oserait en faire usage comme d'un moyen curatif ! C'est essentiellement aux secours de l'hygiène qu'il faut recourir pour combattre Tépilepsie, ils sont d'une application indispensable, pour refaire en quelque sorte le tempérament des malades. Celui-ci se livrera à la cul« ture de la terre, montera à cheval, s'exercera à la gym- nastique, à la danse , à la natation, à l'escrime. Hippo- crate veut qu'en change de pays; Van Swieten a vu plusieurs épileptiques qui n'avaient pas d'accès tout le temps qu'ils étaient restés dans les Grandes - Indes. Marin cite l'exemple d'une demoiselle qui prévenait les accès avec la musique. J'ai connu une demoi- selle qui avait ses accès pendant le premier sommeil, et qui souvent les a prévenus en se couchant très tard; et en se livrant à des distractions douces et agréables avant de se coucher. Ces dernières considérations rappellent ce qu'on a dit pour prévenir les accès. Dans l'épilepsie sympathique^ on prévient quelquefois les accès en faisant marcher à grands pas les malades, dès que les premiers symptômes se manifestent , en tendant fortement le membre d'oîi part le premier sentiment de l'accès ou Xaura epOep* 33o DE L'iPSLEPSIB. tica, en af^lîquant des ligatures au-dessus de la parlie primitivement affectée, en éloignant toutes les causes physiques ou morales qui provoquent le retour des accès. Pinel employait l'inspiration de Tammoniaque, dès que Tépileptique sentait les préludes des accès. Il me reste à dire un mot des {»*écaution8 à prendre pour prévenir les suites de Tépilepsie. L'afiaiblissemeat des forces physiques exige un régime généralement fortifiant; il faut dissiper la fausse honte qui attriste et décourage les épileptiques, et détruire les préjugés qui les font regarder avec une sorte d cflroL La tris- tesse habituelle dans laquelle plusieurs vivent , aggrave leur état. On doit surveiller leurs actions et leur eon- duite : très enclins aux plaisirs de lamour, ils se livrent à des pratiques solitaires, plus nuisibles que le mal Jliû;^ même. On évitera les suites des chutes, en choisissant m habitations au rez-dc-cbaussée, en entouranl ks.fpi* leptiques de personnes qui les retieunent ai\. àianidit de la chute, qui les étendent sur un lit ou si^rlesoi, en garantissant la tète des corps durs contre lesquds ils peuvent se heurter dans les convulsions. Dans les divers mouvemensqui les agitent, il faut avoir Fatien- tion de ne pas contraindre les mouvemcns, en serrant les membres très fortement. Pour éviter ramputation de la langue, le brisement des dents; quelques-uns de œs malades ont l'attention de placer un bourrelet de Unge entre les dents; j'ai connu une dame qui ne se ccmchait pas sans prendre cette préçautioa. Sî l'accès a Uea pendant la nuit^ on peut matelaaser le lit, ouqtMi Dft l'céfilbpsis. 3$â en domse la forme d'une boîte , pour éviter les chutes. Dans les grandes réunions d'épileptiques, on préviendra beaucoup d acddens , en plaçant les épileptiques dans des dortoirs au rez-de-chaussée planchéié, et en faisant usage de lits très bas. Us ne doivent pas habiter pèle- mêle avec les aliénés, comme cela se pratique dans presque tous les hospices où Ton reçoit les épileptiques el les aliénés. La vue d'un accès d'épilepsie sufBt pour Tendre cpileptique une personne bien portante. G)mbien plus grand est le danger pour un aliéné quelquefois si im- pressionnable ! Que penser de l'indifférence avec laquelle on laisse errer ces infortunés qu'on rencontre sur la voie publique, et qui ne manquent jamais d'attirer autour d'eux un grand nombre de curieux, de femmes et d'en- ^fftiis? Cependant la vue d'un accès d'épilepsie suffit pour midre épileptique. Ces malheureux, mutilés, souvent couverts de sang, toujours dans l'indigence, excitent la ,40]QgfSDisération , et obtiennent des secours de toute sorte des^assist^ns; nul doute que des fripons n'aient recours à ce moyen pour surprendre la charité des p^ssans. Il est bon de signaler cet abus , d'autant plus condam» sable, qu'il sert de prétexte à la friponnerie, en com« promettant la santé des citoyens. J'ai dit en commençant cet article, qu'au début des accès, les épileptk{ties sont renversés sur le dos ou sur l'abdomen. Dans ce dernier cas, ils se meurtrissent, se Mesaent la face. On en voit qui sont défigurés par les cicatrices des brûlures qu'ils se sont faites en tombacrt dans le feu. Il arrive bien pis : lorsque les accès ont iiea Li le sommeil de la nuit, quelques épileptiques se ■o. 332 DE L l£PJL£PSIE. retournent la face contre le lit. S^ils ne sont pas seoon- riiS/ lorsque le collapsus a lieu, la Êice porte sur les traversins ouïes oreillers, Tasphyxie termine Texisteoce de ces malades. On ne saurait trop surveiller les épilep* tiques qui ont des accès nocturnes, surtout ceux qui, pendant les convulsions, sont renversés sur la face. L'observation qu'on va lire et par laquelle je finirai ce que j'ai à dire de l'épilepsie, est destinée à donner une idée de Xétat épileptique; hWq a pour sujet un ma-' lade qui a, dans toute Thabitudc de son corps, l'em- preinte de la maladie à laquelle il est en proie. Cette observation a été recueillie par M. Lcuret, médecin de l'hospice de Bicêtre. ce Joseph B..., aujourd'hui épileptique et contrac- ture, était autrefois tambour dans un régiment de ligne. Comme beaucoup de militaires, il s'enivrait chaque fois < qu'il en trouvait l'occasion ; alors il avait des querelles, et c'est à la suite d'une querelle survenue pendant Ti- vressc qu'il a éprouvé sa première attaque. Il ignore si, dans sa famille, quelqu'un a été atteint de la même maladie ou de quelque autre affection nerveuse. Il est âgé de 47 ^ns, il en avait a8 quand il a eu sa première attaque, c'est donc ig ans de maladie. Sans fortune et ne pouvant par son travail ni suffire à ses besoins, ni se faire soigner^ il est entré à Bicétre. Pendant long-temps ses attaques ont été assez faibles et lui ont permis de se rendre utile dans l'hospice; on l'occupait comme vi- trier. Il y a 8 ans que, se trouvant à un cinquième étage et travaillant de son état, la corde, qui soutenait Té* chafaud sur lequel il était, se rompit, le malheurenk DE l'epilepsib. 333 Joseph B... tomba sur le pavé et fut blessé à la tête. Dès ce moment, ses attaques déjà très fréquentes le sont devenues davantage, et il est resté dans un état de contracture générale et permanente. Il est presque toujours couché sur le dos , les pieds raides et ne pou- vant se fléchir, les jambes tirées vers les cuisses, les mains fléchies sur les avant-bras , les avant«bras sur les bras: en un mot, les membres sont tellement raides , surtout ceux du coté droit, qu'ils sont presque cntiè-* rement incapables d'exercer aucun mouvement volon-* taire. a La sensibilité est altérée d'un manière analogue : le côté gaucho sent encore, le tact s'y exerce un peu , il transmet quoique faiblement l'impression du froid et de la chaleur; le côté droit ne sent presque rien : on touche le bras ou la cuisse de ce côté , le malade ne s'en aperçoit pas, on le pince sans produire aucune douleur. En avant, sur le tronc, la démarcation entre les deux côtés est bien tranchée; l'insensibilité cesse h la ligne blanche, pour l'abdomen, à la partie médiane du sternum, pour la poitrine. En arrière, c'est vers le milieu du dos. a Sa tête est ordinairement tirée en arrière, et les muscles de sa figure, lors même qu'ils sont en repos, ce qui arrive rarement, laissent sur les traits l'em- preinte de la convulsion. « Il est incapable de faire aucun mouvement régu- lier et complet : s'il veut saisir quelque chose avec la main gauche , qui est la meilleure de ses mains , il n'y arrive jamais du premier coup, ni sans fatigue; s'il 334 ^^ tipfLfEPsiB. veat parler, la langue bredouille, il prononce une oa deux syllabes et ne pouvant achever, il cherche Ui équivalent au mot que la langue refuse d'articukr. Cette difficulté donne à la parole une grande reasem- blance avec celle d'uu homme ivre. ce Presque jamais ses muscles ne sont dans un com- plet repos ; si leurs contractions sont trop faibles pour faire toujours exéculer quelques mouvemens aux par- ties qu ils sont destinés à faire mouvoir, en appliquant la main sur un endroit quelconque du corps, on les sent agites par une sorte de mouvement vermiculaire, très analogue à celui qui survient dans les fièvres aCaxî- ques et que Ton appelle soubresauts des teadons^ s*îl ferme les paupières, on les voit trembloter. ce Depuis plus de sept ans, c'est-à-dire après la dit» parition des accideus immédiats causés par sa chute, il a chaque jour de trois à six attaques d'épilepûe. Un peu moins d'une minute avant Tattaque, il la sent venir par quelque chose qui se passe dans sa tête^ il pousse un cri, marmotte quelques mots et perd conaaiiaaiice en même temps qu'il éprouve les contractions é|Mleplî- ques : il n'a que rarement de la salive à la bouche. L'at- taque dure peu et le malade revient promplement à lui. a Malgré la longue durée de sa maladie (19 ans) 9 malgré la fréquence des accès , rintelligeuce du mtbde conserve toute son intégrité. Ses paroles ue sont |^ toujours intelligibles , il s'en &ut bien ; ses phiases ne sont jamais complètes, l'expression de ses tiaits n'eH pas oi*diiiairemeiit en rapport avec ce qu'il dit , maïs il est facile de voir qiiA tout cela dapend de Fîntlrumif* DB lefujvshl 935 qui exécute. Ce qu'un mouvement convulsif n'arrête pas dénote une pensée juste ^ un jugement ssdo. Sous le rapport moral, il vaut mieux que la plupart de ses compagnons d'infortune , moins affligés que lui. L'épi- lepsie change le caractère, dispose aux tracasseries, aux emportemens; Joseph B... est fort doux, reconnaissant des soins qu'on lui doi»ne, et quand on l'approche, on voit qu'il est toujours disposé à sourire ou à remercier. ce Les fondions de la vie nutritive s'exécutent bien; l'appctit est bon, les garde-robes ont lieu tous les jours, l'urine est excrétée comme dans l'état de santé. Les pupilles sont contractiles; la respiration et le pouls n'ofErent rien d'anormal. . devient plus quef^ BB LA. VOUS. ^ ^ - 355 iîoBaeur, parle davantage ; ses tnoovemens sont moins faruaquesy set yeux moins y'tk^ son visage est moins coloré; il verse des pleurs; quelquefois il amble re- coAnaitre son état, et témoigne beaucoup de confiance. Il veiA écrire à ses pareas, mais sa lettre n'a pas de sensv Après trois jours de rémission , le malade a un nouveau paroxysme qui dure trois semaines. lo juin. Frisson, céphalalgie, dialeur halitueuse, U Ëice est vultueuse, les yeux sont brillans, le pouls est dur, plein et fort, nausées, langue jaunâtre* I^e ma* lade sent le besoin de rester couché , et âiuse raison- nablement. I f juin. Émétique, qui fait vomir abondamment, el provoque plusieurs selles. Le soir, sueur. iQi juin. Disparition des symptômes gastriques, cé- phalalgie, pouls dur, plein; chaleur halilueose; senti* ment de lassitude général , soif. i3 juin. Saignée du bras; dans la nuit, sueur et urine abondantes, ainsi que les trois jonrs suivaos. i8 juin. Âpyrexicy visage pâle; le malade croit sor- tir d'uD long rêve : nulle lésion de l'entendement; grande Caiblesse de mémoire. oti juin. Convalescence, retour des forces; quoique le malade ait paru avoir perdu la mémoire pendant le délire, il conserve dans la convalescence le souvenir des plus petites circonstances de sa maladie; il me témoigne la confiance la plus absolue; il désire reprendre ses an- ciennes occupations; il revoit ses amis : je multiplie autour de M. B... toutes les occasions de le distraire* fiaîus tièdes tous les deux jours. 65. I 356 TERMINAISONS CRITIQUES 7 juillet. Signes d embarras gastrique. Boissons émétisées pendant trois jours. Raison parfaite. Déjec- tions alvines abondantes. ai juillet. Ce jeune homme rentre dans la société parfaitement guéri, non -seulement de son délire, mais de son amour. Un an après , il assiste au ma- riage de celle qui avait été l'objet de sa passion et la cause de sa maladie. Quatre ans plus tard , il se marie lui-même. Depuis, M. B... est à la tête d'un éta- blissement immense qu'il dirige avec le plus grand succès. J'ai vu la folie jugée par la fièvre gastrique. Un militaire (son frère, vingt ans après, est mort aliéné), âgé de 4i ^ns, commandait une place fron- tière, après avoir supporté toutes les fatigues de la guerre , après avoir échappé aux suites de la rupture de l'artère crurale, devint aliéné, désespéré de n'avoir point obtenu la croix de la Légion-d'Honneur. Après la victoire d'Austerlitz, il prépare un discours à la louange du vainqueur, commande à la garnison de prendre les armes, et la fait mettre à genoux, pour entendre ce discours. Cette conduite du commandant C... suscita des propos qui parvinrent à ses oreilles. Dès le lendemain , il délira et eut des accès de fureur. Son frère vient le chercher, le ramène au sein de sa Ar mille, on le saigne et on le baigne : M. C... est sou- cieux, indifférent pour sa femme et ses enfiiiis;il désire fuir sa famille et sa patrie. Après quelques mois^ il s'échappe et se rend seul à Paris, auprès d*UD autre frère : celui-ci l'accueille avec tendresse. Après DE LA FOLIE*. 357 quelques jours, de nouveaux signes de folie se ma- nifestent, < même jalousie , même défiance ,. même exal- tation, le malade est confié à mes soins le i^^ avril 1806. M. C... a les yeux brillans et très mobiles, la face très colorée, est convulsive. Le malade se prosterne à terre, adore le soleil, qu'il regarde comme le père de la nature. Se promène-t-il dans les jardins, il se croit dans les Champs-Elysées; il prend pour les Néréides un malade et le jardinier occupés à puiser de Feau ; un autre est pris pour Rhadamanthe, moi-même pour Minos, etc. Devenu plui calme après i5 jours, M. C... ne se prosterne plus, cause plus volontiers, mais il se croit grand-prêtre du Soleil, fils de Zoroastre, tantôt défiant le Christ, tantôt se croyant Jésus-Chri«t, des- tiné à réformer la terre, et à rendre les hommes meilleurs. Par momens , il pousse des hurlemens , éprou- vant des douleurs atroces , et s'imaginant qu'un serpent de feu s'échappe du soleil ou de la lune, et s'intro- duit dans son estomac. On pose des sangsues à l'anus , on donne des bains, des douches, des boissons aci- dulées laxatives. A la fin du mois d'août, le malade est pris de fièvre gastrique. Au bout de cinq jours ^ la fièvre prend le caractère tierce intermittent; je ne prescris aucun re- mède, la fièvre est abandonnée aux efforts de la nature, après le septième accès, ce miUtaire avait recouvré toute sa santé. M. L.^ étudiant en chirurgie , d'un tempérament ner* veux, d'une constitution grêle, d'un caractère sombre €t mélancolique , avait éprouvé quelques chagrins do« 358 TERMIITAIBOMS CRITIQUES mestiqiies avunt de se readre à Paris , oii il se Inm à 1 étude de Tauatomie avec la plus grande ardeur, se nourrissant d'alimens très peu substantiels. Depuis le printemps, M. L<.. dort moins , devient querelleur avec ses camarades; il s'imagine quW se moque de lui. A la fin du mois de juin ^ assistant à une leçon du professem* Boyer, M. L... pousse un grand cri, en disant : c Je suif perdu: je suis damné, il faut mourir. j» On le saigne au pied, à la jugulaire; on lui donne des boissons cd- mantes et rafraîchissantes ; les soins les plus empressés lui sont prodigués : M. L... le^ repousse avec violence, jeltc des cris, dit des injures, crache a la figure, ne veut pas boire, et maigrit rapidement en quelques jours. ^^ juillet. Le malade est confiCfà mes soins. U a la face alternativement pâle et rouge, les traits sonttirés^ les yeux sont brillans, fixes; l'haleine est fétide, le pouls est très fréquent; le délire est général, avec prédominance de terreurs religieuses ; M. L...... casse, brise et déchire tout, cherche à se blesser; s on lui ofTre quelque remède ou des alimens, il devient furieux ; plusieurs domestiques ont de la peine à le contenir; sa fureur est quelquefois spoii* tanée; la soif est vive, les déjections sont iovoiott» taires. 3l. Nouveau paroxysme de fureur instantané ytuîvi d'un état afaiateux, que Ton croit simulé ; vers le waktj fiiM trèscdorée, peau brûlante, pupilles dilatées, hns drût très doukmreux , quand on veut Téteodk-e; poili iris firéqueiîl, délire continu. Le soir, uriôe mlÛf di DE LA FOLnS* 3^9 Stries de sang. Boissons acidulées, nitrëes, bain tiède, eau fratche sur la tête, etc. 1** août. Le bras droit est couvert d'une éruption érésypélaleuse; IWine est sanguinolente , !e pouls très fréquent. 2. Même état que la veille. 5. Exaspération de tous les symptômes; pouls très fréquent, soubresauts des tendons. Un gros de camphre et un gros de nitre, pris dans les 34 heures; petit lait vineux; vésicatoires aux jambes. 6. Diminution de la fréquence du pouls; sueurs abondantes. 7. Apyrexic, continuation du dé^ lire. 8. Paix)xysnTe de fureur, apyrexie. 9. Délire et fti- reur. 10. Paroxysme léger, délii^, sentiment général de faiblesse, pâletir de la fece. 12. Le malade se lève; diva- gation. Quinquina camphré. 16. Eruptions sur tout le corps, j 8. Les botdfpns blanchissent; par instans, délire. Eau vineuse pour boisson. 1^. Retour progressif des forces; le malade est inquiet plutôt que délirant. 128. Ck>nvalescence. Le convalescent est mis à Tusage des analeptiques, du lait, il fait de lexercice; voit ses parens avec calme, et enfin, après quelques jours de rêvasserie, il retourne au sein de sa femiile, où, après une convalescence kmgue et pénible, sa santé se rétablit parfaitement. M. L... est plusieurs mois avant de pouvoir reprendre «es études; son cerveau était resté afTaibtt. Après mi an y il revient à Paris, reprend ses études «édicaks «¥ec le plus grand succès. HoQs avions à la Salpètrière mie femme tpk a eu tsa accès de manie trois ans de suite, lequel se jugeait par une iièvK atanqu» adyiuumqiacu' /m ppévcMtl'le 36o TERMINAISONS CRITIQUES quatrième accès qu'elle aurait dû avoir Tannée i8i4, et cette année i8i5, elle n'a même pas eu de pro- dromes. * ♦ Les hémorrbagiesy dont la suppression cause souvent la folie, la jugent. quelquefois. Un jeune homme, âgé de 19 ans, se rendant à Té- colç de Fontainebleau, tombe dans un accès de fureur qui oblige de recourir aux moyens de traitement les plus énergiques; il est saigoé largement. Après i5 jours, l'agitation cesse, et le malade devient comme stupide, se vautrant par terre, dévorant les choses les plus sales, ne parlant point, dispose à frapper pour la plus légère contrariété; se livrant quelquefois a des actes de fureur spontanée. La face est rouge, les yeux sont chassieux, le nez et la bouche sont toujoQit pleins de mucosités qui coulent sur les vêtc^mens : le niaiade tâche souvent de se frapper la tête. Après plusieonmois de soins inutiles, je m'avisai de lui faire prendre des sternutatoires : il saigna du nez plusieurs jours de suite, la raison commença à prendre le dessus; la con- valescence ne se fît pas attendre. Pendant la guerre de la Vendée, M. G... père de fit- mille, âgé de 38 ans environ, grand et fort, ayant l'habi- tude de se faire saigner tous les ans, pour dissiper des maux de gorge qui lui donnaient la crainte d'être suf- foqué, négligea cette précaution. Pendant l'été de 1800, il est souvent obligé , pendant la nuit , de se mettre sur son séant, se sentant près d'étouffer. Vers l'approche de 1 Gallen rapporte la guériioa d'une manie par la fiè?re qoarte. DE LA* FOUS. 36 1 rhiver, ces accidensse dissipent; mais le malade devient inquiet, défiant, timide et soucieux, relativement à quelques affaires d'intérêt. Au commencement d'avril i8ojy on s'aperçoit qu'il est distrait et indifférent pour sa famille et ses affaires : M. G... va et vient sans motifs; s'accuse de ses fautes à tout venant, et eu de- mande pardon. Le lendemain d'une nuit sans sommeil, il a de l'agitation et du délire. On le fait vomir; 17, sang*- sues posées aux pieds le soulagent; M. G... reste dans son lit. Quelques jours après , nouvelle application de sangsues à l'anus; bain tiède. Retour à la santé. Deux mois se passent; mais vers la fin de juin, nouveau pa« Toxysme, accompagné de fièvre avec frisson, refus de faire aucun remède : six hommes ont de la peine à oODtenir le malade dans un bain froid , au sortir duquel il est plus raisonnable. Mêmes bains, les jours suivans, même succès. Ce paroxysme dure huit jours , et depuis s renouvelle presque tous les mois : on a successive* ment saigné, purgé et baigné le malade. Vers la fin de l'automne , les paroxysmes sont irré* guUers : le malade déraisonne , par fois il est turbulent et emporté; il est plutôt ordinairement gai que triste; dans les intervalles lucides, il lui reste un air d'assu* rance, un ton impérieux et une sorte de rire étrangers à son état habituel. Après un an de traitement ^ le malade fut envoyé à Pans y et confié à mes soins, le 25 février 1802. M. G... a les cheveux blonds, les yeux brillans, la face très oobrée^ l'extérieur d'un homme fort, et jouissant d'une très bonne santé ; il n'est soucieiix de rien : il va et 36a TERMOAISONS CSITIQUES Tient , faisant des espiëgierieB à tout le monde , riiHit presque aux ëclats«poar le moindre sujet, et quekjwi- fois pour rien; nulle idée, nnl souvenir ne sauraient fixer un instant son attention; content de lui-même, il eetTami de .tout le monde, nul souvenir pour sa fi^ mille. Tout-à-eoup sa fisice devient plus colorée, ses yeux sont rouges et brtllans; il y a de la chaWnr dans Tabdomen : alors le délire le plus général s'em* pare du malade : il est menaçant et frappe; un grand appareil de force ne lui en impose point. Cet état per- siste pendant sept à huit jours, et se termine par un sen* timent général de lassitude, avec un besoin de sommeil ; il se renouvelle plusieurs fois. Les intervalles d*iUQL paroxysme à l'autre ne laissent point le malade exempt de tout délii*e; il est fier, hautain; il injurie tout le monde, et rit convulsivement à tout instant. Pendant le paroxysme, le malade ressent de la chaleur dans b tê(e, et une ardeur brûlante dans les entrailles et IW toniac. Boissons acidulées, nitrées, bains tièdes, douches, lotions d'oxicrat sur la tête, sangsues à Tanus, pc^- luves; boissons acidulées, iaxatives. Pendant les deux premiers mois, alternatives de calme et d'exaspération. Bains froids, douches demandées par le malade. jdoût. Quinquina, pendant la rémission; sangsues à l'anus lous les ib jours; bains tièdes avec «au firoide sur la tête; exercice, et distraction par la cukaré dm jardin; flux hëmorroidal, qui coule pendant pluâeurs jours avec tant d'abondance que j*ea suis effrayé; le ma* lade alors devient p&le, rêveur, soucieux, timide, de> 08 LA KMUÉS. 36S flire retourner an sein de sa finmile, et raisonne très bien. Septembre. Retour des hénorrhoides , continuation de la santé. Vers la fin du mci^ te malade rit encore quelquefois sans sujet. Le mois suivant, les bemoniioîdes^ reparaissent encore; le calme , la rectitude des idées sont plus marqués. L'ennui s'empare de notre conva- lescent; il retourne chez lui le ai octobre. Le printemps suivant y ses parens et ses amis ci^ignent une rechuté, je conseille l'application de sangsues à l'anus, les bains de pieds, les lotions de vinaigre sur la tête, des bois- sons acidulées, les aloétiques,les hcmorrholdes coulent , et toute inquiétude se dissipe. Cinq ans plus tard, M. G... voit un de ses enfans suspendu à la croisée d'un grenier, prêt à se précipiter, et beaucoup de monde accourir/; imniobile d'efTroi, il court , sauve son fils ; à cette violente émotion succèdent tous les signes d'un nouvel accès. On appli- que plusieurs fois des sangsues ; on administre des bains avec l'eau froide sur la tête, des boissons rafraî- chissantes et laxatives ; cette fois encore , les accidens n'ont feit que paraître. * Je n'ai pas eu occasion d'observer de folie jugée par la rupture des Tarices ; mais je connais un mou- «enr qui a été aliéné , et qui aujourd'hui, avancé en âge, a les jambes variqueuses. ^ ' Zacatas-LuaitaDus rapporte un fait semblable. ■* Decaballis, Phœnomena ntêdica, dit que la manie le jnge par la mp. 364 TERMINAISONS CRITIQUES La suppression des menstrues est une cause de folie fréquente, soit que cette suppression ait cté provoquée par une vive affection morale, ou par quelque écart de régime. Ces folies se jugent par le rétablissement du ilux menstruel. Cependant , lorsqu'une disposition hé- réditaire, un vice de conformation prédisposent à la fo- lie, laquelle éclate par Teffet d'une cause accidentelle, au début de la maladie, les menstrues se suppriment; elles se rétablissent promptement, mais sans soulagement pour la malade. Lorsque les menstrues coulent bien, sans retour vers la santé, alors on doit craindre que la ma- ladie ne devienne incurable; mais tant que les menstrues ne sont point rétablies, il est permis de conserver qucSk- que espoir de guérison , surtout dans la première jeu- nesse. Mad. C..., âgée de 29 ans , mère de deux enfans, ayant eu des parens éloignés atteints d'aliénation men- tale, était (fun caractère extrêmement jaloux. A peine est-elle mariée, que sa jalousie s'exerce sur son mari, qui cependant ne lui eu donne aucun prétexte. Sans qu'on ait pu en connaître la cause , elle éprouve un yîo- lent accès de jalousie, suivi de la suppression des mens* trues et de délire maniaque. Après quelques mois de traitement infructueux au sein de sa famille, Mad. C... est confiée à mes soin» Elle a les cheveux et les sourcils noirs, le front ridé, Fœil brillant, caché sous les sourcils, le regard oblique, la langue blanche, le corps chargé d'embonpoint. La malade croit entendre son mari, et suppose qu'il est auprès d'elle , mais caché et retenu auprès de ses mai* DE %JL FOUB. 365 tresses. Les femmes qui la servent^ou Tentourent exci- tent sa jalousie; on Tentend dire des injucea-d'ane voix basse et mal assuré Tantôt elle reste dès heures en- tières sans bouger, tantôt elle part comme un trait , fait cent pas et s'arrête; elle avait entendu sou mari , qui est absent ; d'autres fois sa démarche est lente et tortueuse; elle fait les jours ^e 4B heures : elle déjeune et dîne le premier jour, ne ^e couche point, le lende- main elle goûte et soupe; la journée est finir, elle se cou- che. Il a fallu plusieurs mois avant de décider Mad;C... à se coucher volontairement le jour intermédiaire^ et avant ^de changer sa manière de mesurer le temps. Mad. C... se persuade que l'on s'occupe toujours d'elle , d'une manière désobligeante, ce qui provoque des acteS' de fureur. Le ventre est volumineux, dur, souvent avec des coliques j la constipation est très opiniâtre et persiste pendant 1 5 et i8 jours. Vainement veut-on donner des laveniens , appliquer des sangsues, Mad. C.. croit que l'on veut la violer, parce que, dit-elle, les hommes doivent avoir plusieurs femmes. Six mois se pas- sent dans cet état, Mad. C... oppose moins de résistance pour prendre des bains. Enfin , on la force à prendre tous les jours des bains de siège , à boire une tisane laxative: la malade paraît un peu plus calme, quoique la face soit très colorée, elle se plaint de coliques, et se prête plus volontiers à faire ce qui lui est prescrit. Cependant ses idées , son entêtement sont les mêmes , Mad. C... ne reconnaît pas l'écriture de son mari, et ne veut pas entendre parler de ses enfans ; quoique son état soit un peu amélioré. Je me décide à la faire 366 TERlUHABiOlfS CUTIQUES « aller ea T«ûture^ les trois jours du carnaval; il fiiut user de la £E>roe pour la lave nonler en voiture ; elle se pro« mène pendant quaire ou cinq heures chaque jour; le soir en rentrant^ elle parait moins sombre , inoios mécontente. Le lundi, les règles paraissent; elles couLent abondamment le mardi : dès-lors toutes les idées sont justes, toutes les prévcnlions se dissi- penet, les hallucinations se taisent, les excrétions se rétablissent, et au boni d'un mois, Mad... C. est en état de retourner chez elle. Mademoiselle £..., âgée de 3o ans, d'un tempénimcnr nerveux, d'une constitution délicate, d'une imagination très exaltée, d'un caractère doux et sensible, est aban- donnée par son amant qui l'avait rendue mère; elle de* vient triste, maigrit beaucoup; les menstrues coulent mal, sont iiTegulières , peu abondantes; constipatioa, coliques. . Quelques mois après, on vole a mademoiselle £... le fruit de son travail et de son économie : les menstrues se suppriment, son enfant meurt : le chagrin est à son comble. Les menstrues ne paraissent point, et la fureur la plus violente éclate après dix jours ; la malade déliiv sur toutes sortes d'objets. Elle est conduite à la Sal- pêlrièrc le i3 octobre 1801. Mademoiselle E... a les cheveux noirs , ht peau brune, les yeux hagards, le vi- sage très coloré, quelquefois pâle, l'haleine fétide, les lèvres noires; l'agitation est extrême, cris, fra^r^ menaces, rire convulsif; mademoiselle E... jure, frappe, méconnaît ses parens et ses amis. Alalgré le désordre de ses idées, elle reste déconceitéc de se trouver dam l'bospke : eUe est phif nime : la niât, Pagîtation reparaît ; la canstipatioo ctt opintâtrew 1 5 et 1 6. Bains tièdes âY€C eaa fimde sur la tête : calme , colique , frissoa fugace , pâleur instantanée de la Êice. i8. La malade écoute lesavis et les conseils, témoigne un peu de confiance , délire moins; les déjections alvines sont douloureuses, le sommeil est léger; apparition des menstrues. 19. Rémission très marquée; mademcMselle £... mar- che nu-pieds , suspension des menstrues j coloration de la face, les yeux sont brillans : malaise général , inquié- tude j défiance, délire fugace. Bains de pieds , boisson aromatique ; sommeil , retour des menstrues , qui coulent abondamment. Les jours suivans, la malade éprouve tous les soirs un peu de chaleur fébrile; suivie de sueur abondante. Le mois suivant, les menstrues pa- laissent sans effort et sans orage, cette personne est rendue a sa famille quelques jours après la période menstruelle, éprouvant des accès hystériques très vio« lens. Les affections de la peau méritent une grande atten^ tioQ, dans Tétude de la folie. Souvent les dartres réper** cutées ont causé cette maladie. Quelquefois la folie pa* raît tellement dépendante du développement du vice psorique, qu'elle se reproduit en même temps que les dartres se manifestent. Un jeune homme, âgé de 17 ans, étant au lycée en province , est pris tout*à-coup d*un accès de manie. Il m'est confié. Je prescris des bains tièdes et une boisson 368 TERHIfiTAISONS CRITIQUES rafraîchissante. Il se manifeste sur le visage, une dartre qui s'éteint peu-à-peu , et en même temps que le dé- lire se dissipe. Un idois après y son père Temmène à Paris pour y passer le carnaval : ce jeune homme se fatigue beaucoup. Le mardi gras , il se grise, et son père le reconduit près de moi plus malade que la pre- mière fois. La dartre couvrait toute la joue; après deux mois de hains tièdes, de tisanes amères et sudoriSqnes, et de beaucoup d'exercice , la dartre disparait avec le délire. L'automne suivant, après une orgie, délire avec apparition de la dartre; il en a été de même pendant deux ans , à Tautomne et au printemps. Depuis quatre ans, ce jeune homme soumis à un bon régime, ayant une vie très active, jouit d'une bonne santé, il fiiitla guerre depuis deux ans. Une jeune Anglaise , étant en pension à Rouen, de- vient furieuse. On me l'amène couverte de boutons dartreux ; elle guérit après quatre mois de fureur, rap- plique un vésicatoire; je conseille un régime doux et les bains : tout est négligé. Au printemps de Tannée suivante , nouvel accès ; le corps est couvert de dartres. Après la guérison de ce second accès , j'ap- plique un vésicatoire; on continue Tusage des bains; Je vésicatoire est remplacé par un cautère : depuis que l'époque du retour de la maladie est passée, il paraît quelques rougeurs sur la figure sans accideus cérébraux; mais des coliques violentes, des syncopes hystériques , des vertiges coiucident avec une plus grande éruption de boutons sur la peau, point de dé- lire : des bains, des boissons dépuratives, une vie active, DE LA. FOLIE. 369 dissipent tous, ces symptômes; cette demoiselle jouît d'une santé parfaite depuis cinq ans , elle est retournée dans son pays natal , oii elle a trouvé de grands sujets de chagrins , où elle a changé de régime et de manière de rivre , sans en être malade. Si les dartres causent la folie, si elles marchent quelque* fois de compagnie avec cette maladie, nul doute qu'elles ne la jugent quelquefois ; j'ai observé cette terminaison* Un jeune homme de ao ans, très fort, très ro- buste y avait eu, à l'âge de 1 7 ans , une dartre qui occu- pait tout le côté droit de la poitrine. Après des re» mèdes appropriés, il guérit, se livre au travail du cabi- net, et surtout à ses plaisirs. Les inquiétudes de la con- scription lui font perdre la tête, il est très agité, et fait mille extravagances. Après un mois il m'est confié : je laisse le malade livré à ses divagations : il se baigne et boit une tisane laxative; un mois est à peine écoulé qu'il se manifeste une dartre sur le pied gauche : aussi- tôt les idées sont plus justes, la conversation est suivie; quelques jours plus tard , ce jeune homme jouit de la plénitude de sa raison, et avant six semaines il est rendu à sa famille. Il en est de la gale, comme des dartres. Pendant la dernière campagne de Prusse, on conduit dans un hopiCal militaire un chasseur à cheval, présentant tous les symptômes d'une fièvre ataxique. Après quelques jours d'observation, le docteur Roux, aujourd'hui médecin principal des armées, croit reconnaître une véritable manie : il prescrit les bains tièdes. Dès le premier bain , il observe des boutons de gale : les bains % I. 24 S^a TERMINAISONS CRITIQUJSS même temps il me dit que sa gale est revenue. En effet, je Texamine, et son corps y et particulièrement les bras, sont couverts de boutons, avec prurit insupportable. Je n'ai pu décider ce jeune homme à soigner cette nouvelle affection, qui l'a tourmenté pendant plus d'un an. De- pub quatre ans l'affection cutanée a disparu; la raison néanmoins n'a point été altérée. M. de X..., général, inspecteur aux revues , âgé de 38 ans, d'un tempérament sanguin, ayant les cheveux noirs,' la taille élevée, l'imagination vive et ardente , se livrait avec excès à la masturbation, quoique très appliqué à l'étude, et menant une vie fort active. Il éprouvait, depuis deux ans , de violens chagrins qui l'avaient rendu triste. Il est envoyé en Italie, prend la gale, et se traite lui-même. Eu huit jours l'éruption dispa- raît. M. de X... éprouve quelques contrariétés sus- citées par la droiture de sa conduite et la sévérité de son inspection : son caractère s'aigrit , il devient diffi- cile et emporte. On le dénonce, il se rend à Paris pour se justifier : on observe quelques nu&nces de délii*edans sa conversation. Un de ses amis a l'imprudence de lui dire qu'on l'a dénoncé, parce qu'il est fou. Il le devient alors réellement , il est furieux , menaçant les jours de tous ceux qui l'environnent, même ceux de sa femme. On le saigne plusieurs fois, on le baigne à l'eau froide, on^lui donne le bain de surprise : il tombe dans la dé- mence [compliquée de paralysie générale. Déjections involontaires, accès de fureur instantanée, frayeur dès qu'on l'approche, voracité, insomnie, cris continuels, M. de X... est confié à mes soins au printemps de i8o5. DE LA FOLIE. 3'J^ Les bains, le petit*lait, les aloëtiques, le quinquina, sont successivement administres, la surteillance la plus sévère est exercée, pour prévenir la masturbation; l'exercice, la promenade au grand air et en voiture, rien ne change l'état du malade : seulement, d'extrê- mement craintif qu'il était, il devient affectueux, ten- dant la main et souriant à tous ceux qui l'approchent. Espérant que si je pouvais lui redonner la gale, je le guérirais, je le mets à l'usage des bains tièdes; on le frictionne matin et soir; il prend des toniques à l'intérieur; il couche avec des chemises de galeux pen- dant quinze jours. Le professeur Âlibert me procure du virus de la gale : je fais, aux environs des articula- tions des membres, plus de quatre-vingts piqûres, sans rien obtenir; je fais coucher de nouveau le malade avec des chemises infectées, sans obtenir plus de succès. ' Les engelures ont aussi quelque influence sur la mar- che de la folie. J'ai donné des soins à un jeune homme âgé de i8 ans , qui , depuis l'âge de 1 3 ans , était tombé dans un état de manie qui alternait avec la démence : le délire diminua, et la raison reprit son empire, pendant plu- sieurs mois qu'il fut tourmenté par des engelures aux talons et aux doigts de ses mains; ses plaies cou- laient abondamment. Plusieurs exutoires ont été établis dçpuis la suppression des engelures : ce jeune homme est resté dans un état de démence et de fureur, qui a ' Gardane assure que la manie peut être guérie par rinocdlatiou. Fis- cher et Riedlin font la même obserration. Decostes rapporte Tobsenralioa à\a» manie guérie par la gale. 3^4 TERAIUrâlIONS CBCnQUÉS puis un caractère erotique depuis 1 époque de ia puberté. Les furoodei ae manifestent souvent chez les aliénés, et deviennent criliqoes dans avait vu périr son frère en Egypte , à la suite d'un tétanos traumatique. De retour ea France , il reste attaché au service militaire. La morf de son père , quelques chagrins domestiques le rendent plus soucieux depuis un au. Vers le mois de mars iSoif faisant l'exercice, M. C... sent quelque chose se déran- ger dans son estomac : depuis , il ne cesse de se plaindre de la région épigastrique; il maigrit, devient Éai- ble : il croit sa poitrine affectée , et fait plusieurs re- mèdes. ' SibberD., £11 CoUeeL soc. med, HavD. z , n* zi. DE LA FOLIE. 38 1 fkn juillet. Etant à l'hôpital militaire^ il reste ^4 heures accroupi dans son lit, sans vouloir bouger. Le lendemain à 6 heures du matin , il trompe la surveil- lance des infirmiers , des sentinelles de l'hospice ; re* vêtu seulement d'une couverture , il court les rues , boit un vare d'eau-de-vie, se rend chez un de ses cousins et y délire beaucoup. Deux jours après, se sentant très altéré, il boit dix bouteilles de vin , dans lequel il fait fondre plusieurs livres -de sucre. Il vomit abondam* ment, boit encore : son domestique veut s'y opposer, ce n'est pas sans danger. Le soir, il tombe dans le plus grand afl&issement ; dans la nuit, convulsions , pendant lesquelles l'urine coule involontairement : la soif est dévorante. Les jours suivans, le délire est continu et général : M. C... crache à la figure de tout le monde; il entre souvent en fureur, et croit que tout ce qu'on lui offre est empoisonné. ao août. Je me rends auprès du malade qui était à Thôpital de la Garde. Je le trouve Hé sur son lit , en- touré de ses camarades , pâle, d'une maigreur extrême, les yeux ternes, les muscles de la face tirés, l'haleine fé- tide. Je le fais délier : M. C... consent à monter eu voi- ture avec moi seul : le grand air achève de le calmer, il est raisonnable. Rendu à sa nouvelle habitation , il dort pendant plusieurs heures. A son réveil, rougeur des pommettes, les yeux sont fixes, la physionomie est triste. Œ Je mourrai pour lui; que je le voie; s'il me voit, tout est sauvé; il est Dieu, mon père; ma mère! il a clioisi ma mère pour femme. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. » Ces phrases sont 384 TERUmAISONS CRITIQUES la suppuration du vésicatoire, le malade va chaque jour de mieux en mieux. 1^3. Ce jeune officier part pour se rendre à la cam- pagne, au sein de sa famille; quelques jours aprèS| sup* pression du vésicatoire : aussitôt sa santé s'altère; on établit un exutoire; M. C... finit par reprendre son service , dont il se retire un an plus tard j à la sol- licitation de ses parens^ et se portant bien. Une femme, âgée de 4o ans, devint maniaque; elle le fut pendant un an.Après une intermiltence, nouvel accès qui persista un an; et ainsi de même pendant vingt ans. Lorsque les menstrues eurent cessé de couler, il survint un cancer au sein droit. A Tâge de 60 ans , on fît l'extirpation de la tumeur; l'accès revint , sans déranger la tendance de la plaie vers la cicatrisation , qui eut lieu six semaines après l'opération. Lorsque Ibl plaie fût cicatrisée, l'accès , qui devait durer un an, cessa tout-à-fait, presque subitement, n'ayant eu que six mois de durée, et n'a plus reparu. Depuis sept ans, cette femme jouit d'un santé parfaite. ^ Marie-Anne-Françoise F..., âgée de 19 ans^ d'un tempérament nerveux, d'une taille moyenne, cheveux blonds, yeux noirs, peau blanche, embonpoint médio- cre, est née d'une mère aliénée. A 7 ans, variole; à j2 ans, la teigne; à i3 ans, la gale; à i4 ans, mens- trues précédées de gounne à la tête; depuis les règles ont été abondantes, il y a eu de fréquentes c^halal- gies. A 16 ans, F... s'est imaginée que tout le monde ' LafoDiaine. DE LA FOLIE. 385 épiait ses démarches , mais céUe inquiétude se dissipa promptement. Mariée à i8 ans, elleeut, à 19 ans, un accouchement heureux ; elle voulut nourrir son enfant ; mais dès les premiers jours de l'allaitement , elle commit des écarts de régime; elle ne voulait pas rester couverte disant, qu'elle avait trop chaud ^ etc. La conformation des ma- melons n'étant pas favorable à l'allaitement, elle éprouva beaucoup de douleurs pendant que l'enfant tétait; les douleurs provoquèrent un grand désordre dans les idées. Le quatrième jour, Mad. F... cesse de nourrir^ les seins sont excessivement gorgés de lait ; le cinquième jour elle boit de l'eau froide, se lave à l'eau froide, les lochies cesse de couler, le délire augmente; Mad. F. se plaint d'une chaleur insupportable; on ne peut la saigner. Elle pince ses seins, les meurtrit sans paraître souf- frir. Le quatorzième jour, sangsues à la vulve, mou- tarde aux cuisses , deux vésicatoires aux jambes ; le seizième jour, sangsues derrière les oreilles, nouveaux sinafHsmes , potions éthérees , etc. Tous ces moyens fu- rent employés chez la malade sans aucun succès. Le a5 février, elle est conduite à la Charité, y reste quatre jours après lesquels on la transfère à la Salpêtrière. A l'arrivée de Mad. F..., le délire est général, les jeiofr sont très durs, la malade refuse de rester cou- verte , elle est tourmentée de frayeur , sans motif, pre- nant les personnes qui l'approchent pour des gens de sa eonnaissance, etc. Le 5 mars , il se forme un dépôt laiteux au sein- droit, qui était auparavant très dur, violacé; lin^ 386 TERHimLiMMrfl CMBQUES ëcotdement aboDcbnl de matière omiente s'établit, le délire continue néanmoins , la malade ne touI soofifrir aucimappamL Le 10 «rrily la plaie du sein tend à la cicatrioatioB, le délire diminue , la malade écoute les conseils qu oa lai donne. Boissons laxatives. Ije i^'mai, retour progressif des forces et de la rassoa. Mad. F... Toitsonmari, sesparens; elle est plu» calne^ plus raisonnable. Le la, pleine convalescence, cicatri- sation complète de l'abcès. Le 1 5 , la raison est par« faitement revenue. Le ^7, notre convalescente sort très bien guérie. Nous avons eu à la Salpétrière une femme , igée de 35 ans 9 qui avait un délire monomaniaque avec mie excessive mobilité. Elle portait un canner ulcéré au sein gauche, le montrait à tout le monde, et ne voulait souffrir aucun appareil. Le chirurgien en chef de l'hos- pice, M. le professeur Lallemand, fit l'extirpation du sein , opération que la malade supporta très courageu- sement. Dès ce moment , elle fut plus calme , se prêta aux pansemens. Quoique énorme, la plaie guérit promptement; la cicatrisation et le rétablissement de h, raison furent simultanés. Une femme, âgée de 45 ans, portait depuis trois ans un ulcère à la jambe. On £iiit cicatriser la plaie; ansR* tôt cette femme tombe dans la manie avec quelque diffi- culté pour articuler : elle est conduite à la Salpteière. L'ulcère est rouvert, et la raison se rétablit. Des faits semblables se sont présentés au n^oins sept à huit fois dans ma pratique. f Hmtt Cfoas daos k drrnion des aliën^ei de b Salpê- irièM, nnelMHiie, àfgie àeifi ansy atlemte d^im accès de mme, saw faneur, profoqtié par im orap de toAmrre ; cet mcèft s'ira! twmmé par fcttgorgemeat des glandes MMHByunUaîrea du eké dvok. La malade est tombée alors dans la stttpciir , avec mpoissaiice d'articuler les •oas. L'iiaa|;e da mercure, à l'inlérieur et en friction sur k imneur, a dissipé Tengorgement. Cette femme a re^ couvre la raison, à mesure que les glandes se sont dégorgées, et s'est bien rétablie. Mais à peilie rendue dMSf elle, elle j a trouvé des chagrins domestiques, la misère, et elle est retombée dans un état de stupeur et de p€n*sdysie. Les glandes se sont engorgées de nou- veau, et depuis qu'elles se dégorgent pour la seconde jfbis^ la malade est mieux. ElisabetbiC».., Âgée de 64 ans, très bien conservée, très active pour son âge , a toujours joui d'une bonne santé. Jamais elle n'a ^irouvé de désordre menstiliel ; elle a eu qnatre couches heureoses. Un de ses fils est allé à la dernière guerre d'Espagne. H^en ayant pas de nouvelles, elle crut un jour le recou- ni^re au milieu d'une compagnie de soldats; elle suivit cette compagnie , depuis le faubourg St-Ântoine, jus* qu'aux environs de la barrière Fontainebleau : on ne sai^ au juste ce qu'elle 6t pendant ce trajet, mais elle fut prise par la police le lendemain , courant toute nue les rues et les places publiques. Transportée à la Salpétrière, elle y arrive dans une agitation extraordinaire pour son âge. Cet état dure environ six semaines sans aucune ré» missioii; enfin, tf se dévekppe une parotide da e6lé ffmi*' j88 TERMITTAISONS CRITIQUES che. Âussilol le délire se calme ; plusieurs applications de sangsues autour de la tumeur en diminuent Tinflanh mation; cependant il se forme un abcès qui est ouvertet se guérit dans Tespace de trois semaines environ. Depuis Tapparition de la parotide, le délire a toujoui*s graduel- lement diminué et a enfin complètement disparu, avant la ^cicatrisation de Touverture de Tabcès. Aujourd'hui, 24 juin, cette femme sort de T hospice parfaitement guérie. La sputation est un symptôme très remarquable chez les aliénés : elle annonce souvent Texplosion de Taccès; quelquefois elle persiste pendant tout le temps de la maladie. Il est des aliénés qui font tous les efforts et tous les mouvemens d'un homme qui a besoin de cm* ^ cher, cependant ils ne le peuvent point; ce besoin paraît tenir à un resserrement de la gorge, ou i la constriction des glandes salivaires. La salivation est quelquefois très abondante, mâme chez des sujets très maigres; quelques auteurs allemands disent que ce symptôme est le signe d'une affection du foie : je n*ai pu constater ce fait. La salivation est l'effet de Falonie, de la paralysie chez les individus qui sont dans la dé- mence , qui laissent couler par la bouche une grande quantité de mucosité sans s'en apercevoir. La salivation abondante juge quelquefois la folie. Si les aliénés sont phthisiques, si les crachats se suppriment, le délire augmente, l'exaspération ou . la . tristesse est pins grande; si les crachats sont abondant, il y a rémission de la folie. La peau fonctionne mal dans la folie, aussi le réta* . B£ LA FOLIE. 889 Jblissement de la transpiration concourt plus souvent qu'on le croit , à la guérison des aliénés. N'est-ce pas à cette cause qu'il faut attribuer plusieurs guérisons du printemps et les bons effets des bains tièdes , des bois- sons mucilagineuses ^ des bains de vapeur? etc. La sueur juge quelquefois la folie : cette terminaison s'observe plus rarement à cause de l'état d'agitation des malades 9 inais elle est fréquente. Les chaleurs de l'été , en provoquant des sueurs abondantes , ne favorisent- elles pas les guérisons de l'automne ; c'est ainsi qu'avec le bain de vapeurs, j'ai guéri quelques aliénés. Les larmes , qui jouent un grand rôle dans les maladies nerveuses des femmes, jugent aussi la folie. Une dame, âgée de 34 ans, d'un tempérament lym- phatique, d'une constitution nerveuse, d'un caractère doux et timide, a toujours jour d'une bonne santé, quoique le flux menstruel soit irrégulier. Depuis quelques mois elle donne des soins à une dame qu'elle chérit beaucoup; elle se fatigue le jour, la nuit, et veille quinze nuits dé suite. Tourmentée par la crainte de voir périr à chaque instant son amie, elle apprend que son amant s'est battu en duel et qu'il a été blessé , après quelques heures de désespoir dissimulé , elle délire et trahit son se- cret; on la saigne, on pre^rlt des bains de pieds et des boissons délayantes. Après quinze jours, la violence et Fagitation se calmd&t. La malade sait que , pendant son délire, elle a dévoilé les secrets de son cœur : dès- lors elle se croit méprisée de tout le monde, détestée de son mari , destîaée à quelque supplice : elle veut mourir. Gnq jours de sollicitations, de prières sont 3^ TBRMnfiiiwiifs camopEi vainerasnt emfioyé^ pour lui faire prendre ijiwimic aliment; en huit jours eUe n'avale que quelques gorgëgf de bouillon. Elle est confiée à mes soins. Le vîattge dek malade est pâle, les lèvres sont brunâtres, les jeux ternes, la physionomie est douloureuse, ks inoui«- mens sont lents, par momens soupks profimds; ha- leine fétide, constipaiion. Dès le lendemaûi jej^oe au- près de cette malade, outre les femmes qui bt aerveat, une jeune dame d'un extérieur agréable , doux et prév^ nan t, qui cause d'abord indifféremment, puis avecl'aco^it de la bienveillance et de l'amitié et qui plus lard hasarde quelques confidences, et invite notre malade à épaja* cher son cœur. Après vingt-quatre heures d'une débcale et adroite persévérance, la malade prend les mains de sa nouvelle amie , verse un torrent de larmes , puis elle déroule tous les replis de son cœur, indique la couse de son délire, le motif qui lui a fait prendre la réso^ lution de ne plus manger, enfin les craintes qui la Umr* mentent ; elle se décide à prendre quelque aliment. Le lendemain, nouvelle lutte, contre ses idées, ses rëso* lutious et ses craintes; nouvelle crise, nouvelle effusîoa de larmes, progrès vers la convalescence. Après trois semaines, la guérison fut complète, lorsque j'eus per* suadé à la malade que tout ce qu'elle avait dit n'avait pas été cru , et avait été attribué au détire. Cette crise, qu'on observe souvent dans les aooàs d'hystérie , est plus fréquente dbe2 les mélanof>%|aes is dans use foreur que rien ne pent calmer, ni la VÈ liA. VOLTS. SÇS Anit, ai le jtMir, M. de F... se livre à la masturbation d'une manière efifrénëe pendant quinze jours. L^ re- prëtentations , les menaces sont sans effet : enfin le ma- lade ^'effraie des dangers qu'il peut courir s'il continue ses mauvaises pratiques ; il est plus tranquille, mais on observe que son linge est sali. La gonorrhée a reparu; je favorise cet écoulement par tous les moyens possi* ^ blés. Peu-à-peu le malade devient plus calme et plus, tranquille, plus accessible aux conseils de la raison; ce n'est que vers le huitième mois que l'on peut le re* garder comme en pleine convalescence ; encore reste-t- il quelques idées disparates , des inquiétudes, des pré- ventions et une apathie difficile à vaincre. Je force M. de F... à se distraire, et à sortir avec un convales- cent comme lui. Bientôt il prend une nouvelle gonor- rhée, qui a coulé plus de trois mois : depuis cette épo- que, ce jeune homme ^ porte bien. Deux ans après, troisième gonorrhée qui se sup- prime, les glandes inguinales s'engorgent : M. de F... .perd la tête, se précipite d'un troisième étage, non pour se détruire, mais entraîné par une illusion. Le tapage que fait le malade attire du monde dans la cour de l'hôtel qu'il habite, alors M.deF... sepersuade que c'est tm corps d'ennemis, il monte à cheval sur le balcon de aa chambre, et s'écrie avec le ton du commandement : chargeons y en apant, il s'élance, tombe sur le pavé, en est quitte pour quelques contusions ; les glandes sup- porent abondamment j après un mois de suppuration, pendant lequel le délh^ diminue progrcssivcmeiit, M. de F... est très raisonnable. 396 TERMINAISONS CRITIQUES IjCS praticiens ont observé que le travail de la der- nière dentition cause la danse de Saint-Witt; ce trayait devient aussi ^ quelquefois chez les jeunes sujets d'un tempérament lymphatique et nerveux , cause de la folie. La sortie des dents fait cesser tous les symptômes : c'est ce que j'ai observé chclz trois jeunes demoiselles. Ces jeunes malades ont des convulsions; la face est bouffie; elles bavent beaucoup , portent souvent leurs mains dans la bouche; elles se plaignent de grandes douleurs de tête et de mâchoire. Je n'ai pu me faire illusion sur la cause de cette maladie, citez la première de ces trois malades. Le délire cessa au bout d'un mois : deuiL dents avaient percé leurs enveloppes» Quinze jours aprës^la manie reparut avec la même intensité; les gencives des dents tardives étaient gonflées et très rouges; l'accès dura plusieurs mois, et ne cessa qu'après l'apparition des dents. Peut-être aurais-je dû faire pratiquer l'inct* sîon j quoique cela n'eût pas été facile , la malade étant très agitée, et croyant qu'on voulait l'assassiner. Je terminerai cet article par l'observation suivante extraite du Giornale deUe Scienze médicale di NapoUy par M. de Renzi. Un maniaque, âgé de 33 anSy d'un tempérament bilieux, d'une forte constitution , eut une énorme tumeur à la fesse gauche, s'éteudant fao^ qu'à l'anus. La tumeur fut ouverte avec l'iDstrumeot tranchant, il s'en écoula une grande quantité de matière très fétide. La plaie fut pansée avec le oérat et un cataplasme émollient, la gangrène se dé- clara; le pansement fut fait avec le styrax. Le malade fut mis à la limonade; pendant la suppuration , les accès DB LA FOLIE. 397 de fureur furent moins fréquens , et on aperçut quel- ques signes de retour à la raisoir. A la chute de l'es-^ chare, on reconnut une fistule stercorale qui fat traitée méthodiquement; à mesure que la plaie tendait à se cicatriser, la raison du malade s'améliorait. La fistule fut cicatrisée quarante-cinq jours après l^opération. La raison fut rétablie le 2 mars i835. Ce malade était en- tré à riiôpital des Aliénés de Palermc le 19 dé- cembre i834- Telle est l'énumération des crises physiques les plus marquantes de la folie. J'aurais pu multiplier les dé- tails, ajouter un plus grand nombre d'exen\ples, hasar- der quelques explications; mais j'ai dû me borner à ex- poser les résultats pratiques justifiés par le témoignage^ des auteurs. On peut classer les crises de la folie dans l'ordre inii^ vaut: les fièvres, les hémorrhagies, les phlegmasies» gastriques, cutanées, celles du système lymphatique. C'est au praticien à distinguer les différentes tendances de la nature, pour la seconder , suivant le précepte d'Hippocrate. On a vu la folie jugée , après une chute sur la tête j par l'empoisonnement , par la coupe des cheveux y par l'opération de la cataracte, par la castra- tion j, le docteur Zûtzin, médecin à Bamberg, a observé trois accès de manie jugés par la plique, et par un trai- tement approprié , il a prévenu depuis sept ans le re- tour des accès, etc. Ce sont des faits plus curieux qu'u- tiles, qui restent isolés , et ne peuvent fournir aucune vue thérapeutique, ni guider le médecin daiis le traite* ment de l'aliénation mentale. 3g8 BE XàA. LTpiliAiriB «••■•••••••••««iMVt^MMW vni. XA IiTVSKAVZS OU (itaa) L^ auteurs, depuis Hippocrate, donnent le nom de mélancolie au délire caractérisé par la morosité, la crainte et la tristesse prolongées. Le nom de méLancoUc a été imposé à cette espèce de folie , parce que , selon Galien , les affections morales tristes dépendent d'uoe dépravation de la bile qui, devenue noire, obscurcie les esprits animaux et fiEiit délirer. Quelques modernes ont donné plus d'extension au mot mélancolie , et ils ont appelé mélancolique tout délire partiel g chronique et sans fièvre. U est certain que le mot mélancolie, même dans l'acception des anciens, offre souvent à l'esprit une idée fausse | car la mélaocolie ne dépend pas toujours de la bile. Cette dénomination ne saurait convenir à la mélancolie , telle que la déCaissent les modernes. Cette double considération m'a &it pfo- poser le mot monomanie ^ formé de povoç, seul, et de fMEvcay manie, terme qui exprime le caractère essentieL de cette espèce de folie daos laquelle le délire est partiel, permanent, gai ou triste. Cette dénominaiicMi généralement accueillie, est adoptée aujourd'hui par on MÉLàXICOUM^ 3g9 le plus graad nombre ife médecins^ ei a ae^uis demi de hoiwi^eoiiie dens noire langue. ^ . :* . * Le mot mëUmeolie^ cooiaeré daot^le ftingtgn ÎMli^îre^ pour exprimer TéUit habituel de tiklesse de qudques iudividua^ doit £tre laissé aux omalistes et aux poètes^ qpû^ dana leurs expremoaSi ne sont pas oUigés à autant de sévérité que les médecins. Cette dénomînatioa peut être conservée au tempérament dans lequel prédomine le système hépatique, et désigner la disfiositioii aux idées fixesy à la tristesse, tandis que le mot monoma- nîe exprime un état anormal de la sensibilité physique ou morale y avec délire circonscriî et fixe. La monomanie est, de toutes lés maladies, celle qui présente à l'observateur les phéncknènes les plus étran* ges et les plus variés, qui offre à Tétude les sujets de méditation les plus nombreux et les plus profonds : elle embrasse toutes les mystérieuses Aomaliésde la sen- sibilité^ tous les phènûniènes de renîtendeon^nl humain , tons les effets de la peryeraÎDtf ""dç nos pfenchâiis ; tous les égaremens de nos passions. Cebi qui veut approfondir l'étude de la raonomanie ne peut être étranger aux connussances relatives aux progrès et à la marche de l'esprit humain ; aiodi c^te maladie est en rapport direct de fréquence avec le développement des facultés kitellectuëlles; plus Hntel- ligence est développée , plus le cerveau est inis en acti- vité, plus la monomanie est à craindre. U n'est point * Ce mot a été admis dans le Dictionnaire de rAcadémw taiçtias, *dîr tiosde iS3S. 2|oO BS JJl LTPteAVlB de progrès dans les sciences, d'invention dans les arts, d*innoYation importante qui n*aient servi de causes à la monomanie y ou qni ne lui aient prêté leur carac- tère. Il en est de même des idées donunantesy des er- reurs générales I des convictions universelles vraies on fausses qui impriment un caractère propre à chaque période de la vie sociale. La moogpianie est essentiellement ta maladie de la sensibili(é| éUe repose tout eolière sur nos afSsctions ; son étud» est inséparable de la connaissance des pas- sions, c'est dan%kL oœur de l'homme qu'elle a son siège, c'est là qu'it ipi^' ^u^Uer pour en ^isir toutes ies nuances. Qiié;^nomanies causées par Vamour contrarié, par k4iWu|iK>t elle l'est encore dans les campagnes et dans les contrées oïl la civilisation et ses excès ont fait peu de progrès; tandis que dans les sociétés avancées, elle a pour cause et pour caractère : l'orgueil, l'abnégation de toute croyance, l'ambition, le jeu, le désespoir , le suicide. Il n'est pas d'époque sociale qui n'ait été remarquable par quelques monomanies empreintes du caractère intellectuel et moral de chaque époque. L'état des sociétés modernes a modifié. les <9iuses et le caractère delà monomanie, et cette maladie ae révèle sous des formes nouvelles. Avec TafTaiblissement des con- viciions religieuses, la démonomàîiiéi Jes folies SU' perstilieuses ont disparu. L'iofluenceâç la. religion sur la conduite des peuples s'étanl ajQ&iblie, les gouverne- mens, pour maintenir les hommes dans l'obéissance, ont eu ré^ours à la police : depuis lors^ c'est la police qui trouble le» imaginations &iUe^, les mitisdhs de fous sont peuplées de œpnoinaBià^éBf qili , craignant cette autorité j délirent sur Paciioi^qii'ciUe exerce ^ et dont ils se croient poursuivis. Tel monomaniaque qui aiitre- fioiseû' déliré sur la magie, sur la sorcellerie, surTen- fisr, délire aujourd'hui se croyant menacé, poursuivi , pvet à être incarcéré par lesagens de la police. Noà'con-; vulsions politiques ont produft beaucoup de monoma» nies en France, provoquées et caractérisées par les évènemens qui ont signalé chaque époque de notre ré- irolution; aux faits rapportés page 5a, j'ajouterai les suivans : en 1791, il y eut à Versailles un nombre prodigieux de suicides. Pinel rapporte qu'un f$nthou- siaste de Danton, l'ayant entendu accuser, deVint fou, I. a6 4«» IHI l'A ETFteAIfXE et fut efayfoyé à Bicétre. A la mori dti roi et (fe son în- fortunée familky il éclata un grand «ombre de» mo- aomanies» Le procès de Moreau, la mort au duc d'Es- ghiea en prodaislrcnt beaucoup. Lorsque \% pafie vist en France |, ce graïul événement réveilla les- idées reU- gieuses, il y eut alors beaucoup de mouonfianies su- perstitieuses qui disparurent bientôt après. A Ifépoqueoù l'empereur peuplait l'Europe de nouveaux roîs^ il y eut en France,, beaucoup de monomaniaques qui se croyaient empereurs ou rois^ impératrices ou reines. La guerre d'Espagne, la conscription, nos, conquêtes, nos re-- vers, produisirent aussi leurs maladies meotal^Sw Combiea d'individus frappés de terreur ^ lors* dfts éRVBL invasions, sont restés monomaniaques! Enfini^ on trouve dans les maisons d'aliénés plusieurs indimlas qui se croient dauphins de France , et destina au tronc. Plusieurs observations qu'on peut lire dans ett ouvrage vieudront encore appuyer cetie vérité g^oe- raie : l'état de la société exerce une grande influesee sur la production ,et le caractère de la jnonomame.. L'étude approfondie de cetle maladie se lie à ht con^ naissance des mœurs, des. liabitudes de chaque* peupk. Les gymoosophistes se tuaient par mépcis. de la mort, les stoïciens par orgueil , les Japonais se tuent pae varia; La roonomanie était superstitieuse cliez l^s Jui£s, conne elle l'est aujpu£d'hui.en< Espagne, et dans quelques OW'- trées de l'Europe , où l'indiflereuce ,. l'inccédulité pour les antiques croyances livi*ent les* esprits à l'exaitatieBr' du. sentiment religieux^ dfoùt naissent les idées les. pkts y\R8 plus absurdes. C'est ce qu'on observe os Angleterre, ei> AJleiDague paraai les adeples des atctcs, qui se miritiplieat à Tinâièi;. cette ofaservatioa a. éné faite [>ar tous les iBedecIiis anglais et aUemamb qui ont écrit SOT les maladies ineatales» La monomaiiie ëtaôt érolique en Grèce, coaime elle l'est aajottrd'hai en i^ alie. L'habitude d'être toujours achevai, rendant les Scythes impuissans , ils se crurent changés en femmes. Dans quelques pays ou craint le diable noir, d»ns d^au- tres le diable blanc. La, les monomaniaqiies se croyaient ensorcelés ou loup^gai:ou; ici, ils craignaîenè le» ma- giciens cl les sorciers^ sur le bord de la mer, ils ont peur des naufrages et des tempêtes. Ces folies s^'obser- vent encore chez quelques peuples c(e Textreme neird. Telles sont les considérations gjénérales <|ut appaor^ tiennent à toutes les nsononandes, à tous les déitees* par- tiels y pcrmaoens et sans fièvre ; maïs «ette mahidie se présente soua deux formes oppeséos-. Lesawiens^qui avaient donné pour caractèBedelft mélancoliey la tristesse et la crainte ^ fqvent forcés de saager parmi Us nbélaK^- colies quelque» délires partiels, entretenus par um^ violenJte. exaltation de rimagînatton ou par des pasâtone vives et gaie». Lorry, qui a si bien décrit la inélaiieolir, quoique sa définition consacre Topinixio écs aMms., admet une vaniété de mékmcolîc eompliqnéer ée ma- nie^ laquelle a pour sigAe le délire ^ttiel avee cudlar tion de l'imagination,, ou avec une passtooi exeitaartfi. Rush ^ divise la mélancolie eu n^ékacolûs lFifite|,c{u'il appelle trislbnaniej et en mélancolie gdîe, à lai|«eU«^ il ' diédical inquiries and observations upon the disetucs of the mind^ Biii* a6. 4o4 ^K ^^ LTPEMANIE donne le nom à^aménomanie^ et constate ainsi les ré- sultats d'une observation que chacun peut fiiire. La monomanie caractérisée par une passion gaie^a triste, excitante ou oppressive, produisant le délire fixe et permanent, des désirs et des déterminations relatif au caractère de la passion dominante, se divise natu- rellement en hionomanie proprement dite, ayant pour signe caractéristique un délire partiel et une passion ex- citante ou gaie; et en monomanie caractérisée par un dé- lire partiel et une passion triste et oppressive. La pre- mière de ces afTeclions correspond à la mélancolie ma- niaque, à la fureur maniaque, à la mélancolie compli- quée 4^ Qianie, enfin à Yaménomanie (Rush). 3e lui coosacre le nom de monomanie. J'en parlerai plus tard. La seconde correspond à la mélancolie des anciens, à la tristimanie de Rush, à la mélancolie avec délire de Pinel. Malgré la crainte d'être accusé de néologisme, îe lui donne le nom de lypémaniey mot formé de Xuircbi tris- titiam inferoj anxium reddo ^ et de fiovca, manie. Nous allons traiter de la lypémanie dans cet article ^ en em- ployant indifféremment les mots mélancolie ou lypé- manie, en attendant que l'usage ait consacré cette der- nière dénomination. Hippocrate donne pour caractères de la mélancolie la tristesse et la crainte prolongées, sans parler du délire. Arélée appelle manie la mélancolie, dès qu'il y a fureur. Galien adopte et développe sur ce point comme sur beaucoup d'autres les idées d'Hippocrate. Cœlius Aure- lianus ne dislingue pas la mélancolie de l'hypocon- drie, et rapporte plusieurs observations très intéres- ou HliLAirCOLlB. 4^5 santés de délires partiels. Presque tous les auteurs qui ont suivi , n'ont fait que copier ou arranger à leur manière les idées de Galien. Rhazès prétend que la bile noire refluant de la raie dans Testomac , pro- duit la mélancolie. Micbaëlis de Héréda et Forestus veulent que les idées tristes et la crainte s'associent au délire partiel, pour former le caractère de la mé- lancolie. Sennert admet une disposition occulte ou ténébreuse des esprits animaux dans la mélancolie. Sy- denham confond l'hystérie avec l'hypocondrie, et celle- ci avec la mélancolie. £ttmullçr distingue le délire de l'affection mélancolique, le délire, selon lui, est secon- daire à Taffection mélancolique. Frédéric Hoffmann et Boerhaavc regardent la mélancolie comme le premier degré de la manie. Sauvages définit la mélancolie un dé- lire exclusif, sans fureur, compliqué de maladie chroni- que. Lorry adopt6 la définition et les théories des an- ciens; mais il divise la mélancolie en trois espèces: l'une avec matière, l'autre sans matière, la troisième mixte. Cullen distingue très bien la mélancolie de l'hypocondrie. Dans celle-ci il y a dyspepsie, et le déUre est relatif à la santé de Tmdividu malade. Pinel carac- térise la mélancolie par la tristesse, la crainte, avec dé- lire partiel concentré sjnr un seul objet ou sur une série particulière d'objets. Moreau de la Sarthe s'en tient à la définition des anciens, et désigne cette vésanie sous le nom de mélancolie avec délire. Mon honorable ami le docteur Louyer-Villermay * a parfaitement décrit les * Traité des maladies nerveuses ou vapeurs» Par 19^ 1816, s vol.* iil-S« I 406 DK CiJl diSéreaceB qui iloivent distin jner à jamais l'hypocon- drîe de la mélaficoUe. La mélancolie consiste dans Tin- tnition permanente et exclusive d'un objet quelconque poursuivi avec ardeur, et presque toujmrrs accompagTiée de crainte^ de défiance, etc. Telle est la définition de la niélancolte qu*on Ht dans le Traité du délire du respec- table professear Fodéré. Ce même auteur donne le nom de manie à la mélancolie, lorsque celle-ci passe à l'état d'excitation ou de fureur. Ce t^apide exposé prouve la fluctuation et l'incerf îtude des opinions smc les caractères et la nature tle cette ma- ladie : nous la croyons bien définie, ea^isant que la miëlattcotie avec délire, ou la lypémanîe, est une mtladie cérébrale caractérisée par le délire partiel, chronique, sans fièvre , entretenu par «ne passion triste, débilitante ou oppressive. La lypémanie ne sau- rait être confondue avec la manie dont le délire est général, avec exaltation de la sensibilité et des facultés intellectuelles, ni avec la mouomanie qui a poor ca- ractère les idées exclusives avec une passion expaasive et gaie ; ni avec la démence dont rincohérence et la confusion des idées sont Teffet de l'afFaiblissemcnt : on ne aanrait la confondre avec l'idiotie, car l'idiot n'a ja- mais pu raisonner. La Ijpémanie a été si souvent pri^ pour lïy- pocondrie, que je ne peuc me défendre de présenter en peu de mo4s les différences qui existent entre ces deux maladies. La ijpémanie es* pins souvent héréditaire; les lypémaniaques naissent avec un tempérament particu- lier, 4e tempérament ittëèttnoo>(tqQe , qui les dispose à la Jjpémame. CeUe ^ûpoâtiea est fortifiée pm* les vices de l'éducatioa et' par des causes qui.agîseeat plus direclemeat sur le cerveau, sur la sensibilité, l'intelligence; les causes qui la produisent sont plus ordinaîremeut morales : tandis que rb}^con- drie est l'effet de causes plus souvent physiques qui modifient l'action de l'estomac , qui troublent les fonctions digestives. Dans la lypémanie, les idées con- traires à la raison sont fixes , entretenues par une pas- sion triste, par une vicieuse association d'idées. Dans l'hypocondrie, au contraire, il n'y a point de délire, mais le malade ex^agère ses souffrances,' il est sans cesse préoccu^, effrayé des dangers qu'il croit mena- cer sa vie, et il y a dyspepsie. Comme pour les autres espèces de folies, je considére- rai dans la lypémanie ou la mélancolie, les causes qui la produisent, les symptômes qui la caractérisent, la marche qui lui est prdpre, ses terminaisons et -son tcailement. § r^ Sjfmptèmeê de la lypémamie :ûu mélancolie^ Le lypémaniaque a le corps maigre et grêle, les ohe- ^ veuxaoirsi, le teint pâle, jaunâtre ; les pommettes {Muibis colorées 9 la peau brune, noirâtre, aride et écailleuse; tandis que le nez est d'un rouge foncé. La physionomie est £xe et immobile , mais les muscles de la face sont dans un état de tension convulsive et expriment la tris* tctac^ la crainte ou la terreur; les yeux sontfixe^ baittés vers la terre ou tendus au loin^ le regard >est oblifue. «V- 4o8 DE LA. LTPiMAiriB inquiet , et soupçonneux. Si les toiaiins nç sont pas des- séchées, brunes, terreuses, elles sont gonflées, vio- lacées. La figure , planche a , rend bien le faciès de la mélancolique , dont voici l'observation : M..., âgée de 23 ans, est conduite à la Salpétrière le 8 juin 1812, la taille de M... est moyenne, ses cheveux et ses yeux sont noirs, les sourcils très épais se rappro- chent vers la racine du nez, le regard est fixé sur la terre, la physionomie exprime la crainte, l'habitude du corps est maigre, la peau est brune ; on observe quel- ques taches scorbutiques sur les membres abdominaux ; les mains et les pieds , toujours très froids , sont d'un rouge violacé , le pouls est lent et très faible , la consti- pation ordinairement très opiniâtre est quelquefois remplacée par le dévoiement, l'urine est rare. M... ne profère pas un mot, se- refuse à toutes sortes de mouvemens, s'obstine à rester couchée dans son lit; on a recours à divers moyenJ pour la déterminer à prendre de la nourriture , les affusions d*eau froide ont triomphé de cette répugnance et M... mange plus volontiers, cependant elle manifeste de temps en temps sa répugnance pour se nourrir, quoique avec moins d'opiniâtreté. Depuis quatre ans que cette fille est dans la maison, elle n'a laissé échapper que quelques mots qui ont laissé comprendre que la frayeur absorbait toutes ses fiicultés. Elle habitait la campagne et avait été très effraya par des soldats. Il faut contraindre M... à quitter son lit; aussitôt qu'elle est habillée, elle va s'asseoir sur uif banc toujours ou MÉLANCOLIE. 4^9 à la même place, restant dans la même attitude, la tête penchée sur le côté gauche de la poitrine, les bras croisés reposent sur ses genoux, les yeux sont fixement tendus vers le sol; M... reste ainsi sans mouvement et sans pa- role toute la journée. A l'heure des repas elle ne va pas prendre ses alimens , il faut les lui apporter et la presser pour qu'elle mange; pour cela elle ne change point de position et ne se sert jamais que du bras et de la main du coté droit. Si l'on s'approche de la malade, si on lui parle, si on l'interroge, si on l'exhorte, etc., son teint se colore légèrement , quelquefois elle dé- tourne les yeux, jamais elle ne répond. Il faut l'avertir pour se coucher ; elle se déshabille, se pelotonne dans son lit , et s'enveloppe entièrement avec les couver- tures. La menstruation est irrégulière et peu abondante , elle se supprime pendant six mois. Jamais^ on n'a pu vaincre le silence ni l'aversion de cette fille pour le mouvement; jamais elle n'a eu de fureur. Elle est morte phthisique à l'âge de 29 ans. L'observation suivante nous montre la lypémanie avec des caractères différens de ceux qui s'observent dans la gravure qui précède ; dans celle-ci la lypéma- niaque semble accablée sous le poids des idées qui Fop^ priment, tandis que la lypémaniaque , dont l'observa- tion suit, révèle par son regard et son attitude, l'activité et la fixité de son intelligence et de ses affections. Ma- demoiselle... , d'une très forte constitution , d'une taille élevée, avait passé son enfance dans le château de Chantilly et avait souvent joué avec le ducd'Enghien^* ^- '■ ' 4l O . D£ UL XYPÉMAKIE • en&Dt Uii-méme. Ïjovs de i'émigi*aU(Mi , iuademaiselle^ fut confiée à une dame chargée 4le veiller à son éduct* tion« Les évènemens politiques devinrent plus graveS| cette jeune .enfant sentit la misère, son éducation fut négligée. A la mort du duc d'£nghein , mademoiselk tombe dans la lypémanie la plus profonde, elle avait iG^à 1 7 ans , ses cheveux devinrent gris presque subite* ment; mademoiselle fut envoyée à la Salpêtrik*e| oïl elle a vécu un grand nombre d'années avaat de succomber. Mademoiselle était d'une haute taille , très maigre, ses clieveux étaient très abondans et gris, ses yeux grands et bleus, fixes; le teint de sa peau était pâle, la malade vêtue seulement de la chemise et la ièie nue était constamment assise sur le traversin de son lit , les cuisses fléchies sur le ventre, et les jambes fléchies sous les cuisses, les coudes appuyés sur les genoux, la tête toujours élevée, droite, était soutenue dans la main droite: pendant la nuit, la position [de cette malade est la même, mais elle s'as- seoit sur les matelas, appuyant son dos contre le tra- versin , en ramassant les couvertures sur fta poitrine. Mademoiselle ne parle jamais, de temps en teiofis elle ^[murmure à voix très basse quelques mcuiosyl- labes qui ont permis de croire qu'elle voit et at- tend quelqu'un. £lle ne répond à aucune question, repousse par im mouvement du tronc, la personne qui l'interroge. £lle mange peu et la oonsdpation est opiniâtre; elle marche sur ses fesses, à la manière des culs-de-jatte, soulevant son corps à l'aide de soi brasu Ses yeux et son regard ne se délouraent jamais tm IKÉLATTCOLtE. ^%*l d'ane croisée qui est à portée de son Kt et au travers de laquelle elle semble voir ou enlendre quelqu^tm qui fixe son attention. Les cuisses et les jambes, par la con- tinuité de cette position , sont contractées, et quelques tentatives qui aient été faites, on n'a pu étendi'e ses membres abdominaux. Yoyez pltmche 3. Ij'unité d'affection et de pensée rend les actions du^ mélancolique uniformes et lentes j il se réfuse à tout mouvement, passe ses jours dans la solitude et l'oisiveté; il eÉt liabituellemeut assis, les mains croisées, on bien debout, inactif, les bras pendans le long du corps; s'il marcbe c'est avec lenteur et appréhension, comme ^\\ avait quelque danger à éviter, ou bien il marche avec précipitation et toujours dans la même directioç^ comme si l'esprit était profondément occupé. Il en est cpii déchirent l«ars mains, î'extrémtté des doigts, et détruisent les ongles. Tourmenté par le chagrin ou la crainte, l'œil et l'oreille incesstn^ment an guet; pour le lypémaniaqne le jour est sans repos, 'la unit sans - sommeil. Les sécrétions ne se font plus. Quelques mélancoliques repoussent £ UW I^WBMAJUR emiemb et des cauaesie leiur souf&ance^ iU racontent cesse et à tout veuaut leurs maux, leurs craimes, leur désespoir. Tantôt la sensibilité concentrée sur uu seul objet semble avoir abaudouné tous les org^- nés; le corps est impassible h toute imprcssiou, tandis que Tesprit ne s'e^^rce plus que sur uu sujet unique qui absorbe toute l'attention et suspend re&ercîce de toutes les fonctions intellectuelles. L'immobilité du corps, la fixité des traits de la face, le silence obstiné trabisscnt la contention douloureuse de Tintelligence et des affections. Ce uest plus une douleur qui s agite, qui se plaint y qui ci*ic, qui pleui*c, c'est une douleur qui se ^ tait, qui n'a pas de larmes, qui est impassible. Pans cet état d'exaltatiou douloui'euse de la sensî* bilité, Qon-seulement les lypémaniaques sont inacces^ sibles à toute impression étrangère à Tobjet de leur délire, mais ils sont hors de la raison, parce qu'ils per- -^oivent mal les impressions; un ablmc les sépare, di- sent-ils, du monde extérieur, y'e/i/e/zt/j, fe vois , je touche, disent plusieurs lypémaniaques, mais je ne suis pas comme autrefois; les objets ne viennent pas à moi, ils ne s'identifient pas auec mon être ; un nuage épais ,. un voile change la teinte et r aspect des mrps. ^ Les corps les mieux polis me paraissent hérissés^ ias* pérités,Qic\ les objets extérieure n'ayant plus leurs np^ ports naturels, les cliagrineifl, ks étout^ut,. Les cffraicot, les épouvantent. Les lypémaniaques ont des illusions des sens , des lialiucinations;^ ils associent les idées les plus disparates y les plus bizarres : de tout cela naissent de convictions plus ou moins couiraires au s&oir camuull^ des préveiTlîioBS injuster, la peor, Tëpouvante, la crainte, Feffroi^ la terreur, etc. 1^8 passions modifient les idlées, les croyances, les déterminations de Tliomme le plus raisonnable. Les passions- triste entraînent anssi la lésion partielle de l'entendement : la vie inteHectuelle dfe celui que maîtrise le délire mélancolique est toute empreinte du caractère de sa passion. Le montagnard ne peut supporter l'ab* sence des lieux qui Font vu naître, ne cesse de gémir, dépérit et meurt s'il ne revoit le toit paternel. Celui qui redoute la police , ou les poursuites des tribunaux , s'alarme, s'épouvante, craignant tfêtre arrêté à tout instant, il voit partout des ageus de police, des sup- pôts des magistrats, il les voit même dans ses amis et ses parens. An lioehus meurt désespéirant d'obtenir de Scleucus, sou père, la femme qu'il adore; OVide, le Tasse, passent les jours et les nuits,ayant l'esprit et leoteur incessamment irri- tés par l'absence de l'objet dte leur amour. La crain te , avec toutes ses nuances, quclleqa'en soit la cause réelle ou ima- ginaire, exerce l'influence la plus générale sur les mé- lancoliques ; l'un, superstitieux , rcdbule la colère du ciel, les vengeances célestes, il est poursuivi par les furies, il se croit au pouvoir du diable, dévoré par les flammes de l'enfer, et voué aux supplices éternels; Tautte épou- vanté de l'injustice des gouvernetnens, appréliende de tomb«r entre les mains des agens de Tautorité, d'être conduit à l'échafaud; il s'accuse d'avoir commis les plu» grands crimes, dont il cherche à se justifier; il préfère la mort aux angoisses die Tmcertitade , tandis /|l6 BE LA LTPÉMÀKIE que dans d'autres iustans , il supplie d'ajourner rexë- cution du supplice auquel rien , seloo lui , ne peut le soustraire. Celui-ci redoute la méchanceté des hommes, croit que des ennemis secrets, des jaloux , des méchans, le menacent dans sa fortune , dans son honneur, dans ses affections, dans sa propre vie; le moindre bruit, |c moindre mouvement, le moindre signe ^ la parole la plus innocente, le font tressaillir d'effroi et lui persua- dent qu'il va succomber sous les efforts de ses ennemis. Si une éducation plus forte et plus éclairée met Tliomme à l'abri des terreurs superstilieuses ou de la crainte de ses semblables, ingénieux à se tourmenter, il trouve des élémens de chagrin et de terrrcur dans son instruc- tion et dans son savoir; ses inquiétudes prennent un caractère scientifique. Le lypémai^aque se croit soumis à l'influence funeste de l'électricité ou du magnétisme; il se persuade qu'avec des agens chimiques on peut l'empoisonner; ou qu'avec quelques instruniiens oc- cullos, la pliYsiquc lui prépare mille maux, entend tout ce qu'il dit, quoique à de très grandes distances, ou même devine toute sa pensée. Les remords qui suivent ({uelques grands crûmes, jettent les coupables dans la mélancolie et caractérisent leur délire. Oreste est pour- suivi par les furies. Pausanias, le Lacédémonien, ayant tué une jeune esclave dont on lui avait fait présent, est tourmente jusqu'à sa luort par un esprit qui le pour- ;>uit on tous lieux et qui ressemble à sa victime. Théo- doric, ayant fait trancher la tête à Symmacus, croit voir la tcte de Symmacus dans celle d'un poisson qu'on lui sert à table. I^ trop fameux Sautorrc se croit à OU miLANGOLIS. 4i7 tout instant surpris par des gendarmes qui doivent le conduire au supplice. Les lypémaniaques sefTraient pour les motifs les plus bizarres , les plus imaginaires. Alexandre de Tralles dit avoir vu une femme qui n'o- sait ployer son pouce, craignant que le monde s'écrou- lât. Montanûs parle d'un homme qui s'imaginait que la terre était couverte d'une croûte de verre, sous la- quelle étaient des serpens, il n'osait marcher crainte de briser la glace et d'être dévore par' les serpens. Un gé- néral, auquel je donnais des soins, n'osait sortir dans la rue, croyant que tous les passans lui adressaient des reproches ou des injures^ ^ Quelques lypémaniaques s'effraient de tout, et leur vie se consume dans des angoisses perpétuellement re- naissantes , tandis que d'autres sont terrifiés par un sen- timent vague qui n'a aucun motif, f ai peur, disent ces malades ^ /m peur ; mais de quoi?ye n^ en .sais rierij mais fai peur. Leur extérieur, leur physionomie, leurs actions, leurs discours, tout exprime en eux la frayeur la plus profonde, la plus poignante, de laquelle ils ne peuvent ni se distraire ni triompher. Le délire prend le caractère de l'affection morale qui préoccupait le malade avant l'explosion de la maladie , ou CQnserve celui de la cause même qui l'a produit, ce qui a lieu surtout lorsque cette cause agit brusquement et avec une grande énergie. Une femme, dans une ^pute, est appelée voleuse : aussitôt elle se persuade que tout le monde l'accuse d'avoir volé, et que tous les suppôts de la justice sont après elle pour la livrer aux tribunaux. Une dame est effrayée par des vo* 4lS BB ZàL LZnfHAaB leurs qui pénàlrent dans sa maifpv; dn^ora cUe ae cesse de crier au voleur l tout les hommes qu'eUt voit, mêiue aon fik^ sont des brigands 901 Ticoneat pour la ^oler et l'assassiner. Au bruit le plus léger, «Ik crie au voleur , croyant qu'on enfonce la porte de sa maison. Un négociant éprouve cfnelques perles légères , il se ci*oit ruiné, réduit à la plus profonde indigence, et refuse de manger, parce qu'il n'a [Jus de quoi pajer mêine sa nourriture. On lui présente l'état de ses af^ fairès , qui sont très brillantes : il l'examine, le discute, semble convenir de son erreur; mais, en définitive, il conclut qu'il est ruiné. Deux, frères ont une discussion d'intérêt, Tun d'eux se persuade que Tantre veut le tuer pour jouir de son bien. Un militaire perd son grads^ devient triste et rêveur; bientôt il se croit déshonoré, et se persuade que ses camarades l'ont déocmcé; il est perpétuellement occupé à justifier sa conduite , qui a toujours été très honorable. Une femme voit son enfimt renvei*sc par un cheval; tous les raisonnemeas, la vue même de cet enfant qui se porle bien , ne peuvent la convaiucre qu'il est vivant. En analysant ainsi toutes lea idées qui tourmentent les lypémaniaquea, on les rapporte facilement à qu^ qucs passions tristes et débilitantes. Ne poumdt-on pas établir une bonne classification de la lypémanie, en prenant pour base les diverses passions qui modifient et subjuguent l'entendement? Quelquefois les sentimens moraux des lypémania* ques, nott-seulement coaservent toute lenr énergie, m» leur exaltatioa e$t portée au plus haut degré, qaoiqoe oo wtLÂJXQOLm. 419 CM wtMiêâm a'ea ilëfinideiit, et quoiqu'ils soient plonges dans la plus profonde tristesse. La pieté ffliale , l'amour, VaoMllié et la reconnaissance sont excessifs et augmen- tent le| inquiétudes , les craintes du mélancolique , et la poussent à des actes de d^espoir. Ainsi une mère se csoit abandonnée par son mari , elle yeut tuer ses en- fuis-pour épargner un se«ibUd)le malheur. Un v^neron tue ses enÊms pour les envoyer au ciel. La lenteur, la répétition monotone des mouvemens ; des actions et des paroles du lypémaniaque, Taccable- ment dans lequel il est plongé en imposeraient, si on jugeait que son esprit est inactif comme le corps. L'at- tention du mélancolique est d'une activité très grande, dirigée sur un objet particulier avec une forcé de ten- sion presque insurmontable ; concentré tout entier sur l'objet qui Pafiiscte, le malade ne peut détourner son at- tention ni la porter siir les autres objets orangers à son affection. L'esprit commeie cerveau est, qu'on me passe cette expression, dan$ un état tétanique; une forte commotion physique ou morale peut seule £iire cesser ce spasme. 14 'ayant la raison lésée que sur un point , il semble que les lypémaniaques met- tent en action toute leur puissance intellectuelle pour se fortifier dans leur détire; il est impossible d'i- maginer toute la force, toute la subtilité de leurs rai- aoDuemens ponr justifier leurs préventions, leurs in- quiétudes, leurs craintes : rarement parvient-on à les convaincre, jamais on ne les persuade : /entends bien \ ce que vous me dites, me disait un mélancolique, vous m»ez raison, mais Je ne puis vous croire. Quelquefois ^ ; 4^0 DE LA. . LTPéKANIE au contraire, l'esprit des mélancoliques est dans une sorte detat cataleptique; ils saisissent avec énergie et con- servent, avec plus ou moins de ténacité, les idées qu'on leur suggère, et Ton peut, dans ce cas, les faire changer pi*esque à volonté, pourvu que les idées nouvelles aient quelque rapport avec la passion do- minante. Une dame croit que son mari veut la tuer d'un coup de fusil , elle s'échappe de son château , elle va se jeter dans un puits ; on lui crie que si Ton voulait la faire périr, te poison est un moyen plus facile, aus* sitôt elle a peur du poison , et refuse toute espèce de nounnture. Un mélancolique se croit déshonoré : après avoir inutilement cherché à le rassurer, on kû donne ^ des consolations prises dans la religion, et bientôt il se persuade qu'il est damné. Quelques lypémaniaques ont le sentiment de leur état, ils ont la conscience de la fausseté, de l'absurdité des craintes dont ils sont tourmentés; ils s'aperçoivent bien qu'ils déraisonnent ; ils en conviennent souvent avec chagrin et même avec désespoir; ils sont sans cesse ramenés par la passion qui les domine aux mêmes idées , aux mêmes craintes, aux mêmes inquiétudes , au même délire ; il leur est impossible de penser , de von* loir, d'agir autrement; plusieurs assurent qu'une puis- sance insurmontable s'est emparée de leur raison , c'est Dieu , c'est le démon , c'est un son ; et qu'ils n'ont pas plus la force de la diriger que celle de maî- triser leur volonté. N'est-ce pas la lypémanie raison- nante ? La volonté de la plupartdes lypémaniaques est inflezi* ou BÉiLAlTGOLIB. 4^1 ble; rieu ne peut la vaincre , ni le raisonnement, ni les sollicitations de la plus vive tendresse, ni les menaces; lien ne peut triompher de leurs erreurs, de leurs allarmes, de leurs craintes, rien ne peut détruire leurs préventions , leurs répugnances, leurs aversions; on ne les distrait de la fixité des préoccupations de leur esprit et de leur cœur, que par des secousses vives, inattendues, propres à détourner leur attention. Quelques lypémaniaques n'ont plus de volonté, s'ils veulent , ils sont impuissans pour exécuter; après avoir lutté, combattu contre un désir qui les presse, ils restent sans action. Un ancien magistrat très distingué par son savoir et par la puis* sance de sa parole, à la suite Me chagrins , est atteint d'un accès de monomanie, avec agitation et même vio- lence. Après quelques mois le délire cesse, mais le ma<«- Jade conserve d'injustes préventions; enfin il recouvre rentier usage de la raison, mais il ne veut pas rentrer dans le monde quoiqu'il reconnaisse qu'il a tort; il ne veut pas s'occuper , ni soigner ses affaires, quoiqu'il sache très bien qu'elles souffrent de ce travers. Sa con- versation est aussi raisonnable que spirituelle. Lui parle- t-on de voyager, de soigner ses affaires, il répond \je sais que je devrais et que je peux le faire, vos conseils sont très bons ^ je voudrais suivre vos avis ^ je suis con^ çaincu^ mais faites que je puisse vouloir^ de ce vouloir qui détermine et exécute. Il est certain^ me disait*il un jour, que je n^ai de volonté que pour ne pas vouloir ^ car fai toute ma raison , je sais ce que je dois faire , ïnais la force m^ abandonne lorsque je devrais agir. Les lypémaniaques ne sont jamais déraisonnables , même dans la iqpbère des idées qui oaraolérisent kvr dé- lire. Ils partent d'une idée fausse , de priocipet fins, mais tous leurs raisonnemens, toutes leurs déductîoos sont conformes à la plus sévère logique. Pour œ qui est étranger à leur délire , ik sont comme tout le monde j appréciant très bien les choses , jugeaol tiès bien desjiersonnes et des faits, raisonnant tout anssî juste qu'avant d'être malades ^ mais le caractère, les affections, les habitudes, la manière de vivre du mé> lancolique ont changé, comme il arrive toujours dans le délire , parce que le délire altère les rapports na- turels entre le moi et le monde extérieur^ celui qui était prodigue devient ^vare; le guerrier est tinnde et même pusillanime; Thomme laborieux ne veut plus travailler; les libertins s'accuaent avec douleur et r^ pentir ; celui qui était le moins exigeant crie à ia tÊ9t- bison; tous sont défians, soupçonneux, en garde oon-* tre tout ce qu'on dit, contre tout ce qu'on feit; ils per^ lent peu; laissent échapper quelques monosyllabet : n'ayant qu'une même pensée, ils répètent wns cesse' les mêmes paroles ; il en est un petit nombre qui sont ba- vards. Le bavardage a pour objet les plaintes, ks récriminations, l'expression de la crainte, du déRS* poir. % IL Bbm ^causée de l& kfpémtmie. Les causes de la mélancolie sont nombreuses; ^Dcs sont ooBftmunes ttux autres espèces de foHes : nous ne fnrleroiis ici -que ëe ceHes qui o!it «he inftnaie^ pins ■mf mtLÈJKcauM. ^tjk immédiate sur la fr^uence et ie caractère de la m6* laucoUe. Saisons et ckmals. — - Les dimats et lea taisons cmt une influence particulière sur la production de la mé* laucolie. Les habitans des montagnes cpii sont peu civi- Jîsés 9 lorsqu'ils quittent leur pays, sont pris de nostalgie, tandis que les habitans des plaines , avancés dans fat civilisation y sont peu disposés au développement de cette maladie. Le voisinage des marais ^ l'air brumeux ^ humide y en relAchant les solides, prédisposent à la lypémanie; les pays chauds et secs^ lorsqu'il règne certains vents, y prédisposent auasi. Tout le monde connaît les effets mélancoliques du sirocoo sur les Italiens; du solauo, sur les Espagnols; du kam- sim, sur les Egyptiens. Dans les négioos où l'atmo- sphère est brûlante et sèche, la sensibilité est plus exaltée, les passions sont plus véhémentes, les mélan- coliques sont plus a<»nbreux^ telles furent la Grèce et l'Egypte, d'après le témoignage d'Arétée, de Bontins, dé 'Prosper Alpin , d'Âviœnoe; confirmé psLV les voya- geurs modernes, qui assurent que les affections mélan- coliques sont fréquentes dans T Asie-Mineure, [dans la Haute-Egypte, au Bengale, sur les cotes d'Afrique. Hippocrate, et tous les auteurs qui l'ont suivi, as- surent que l'automne est la saison qui produit le plus grand nombre de mélancolies; cette saison, suivant la remarque de Cabanis, est d'autant plus fertile en ma- ladies de cette espèce, que l'été s'est montré plus chaud et plus sec. Cette remarque est confirmée par ce que j'ai observé pendant l'automne de 1818. Tous les médecins ont pu voir la mélancolie plus frécpiente celte année-là , pendant les mois d'octobre et de no* vembre , que dans les années précédentes. Nous avons reçu à la Salpétrière, pendant ces deux mois, un beau- coup plus grand nombre de mélancoliques , et particu- lièrement de suicides, que nous n'en recevons ordinai- rement Malgré Topinion générale, je serais porté à croire que le printemps et Tété produisent au moins, dans nos régions tempérées, plus de mélancolies que les autres saisons : peut-être cette différence dépend - elle de la différence des climats. Il est certain que les rdevés iaits pendant quatre ans, à la Salpétrière, justifient cette opinion, qui paraîtra peut-être un paradoxe, mais que je crois digne de fixer Tattention des observateurs, d'autant qu'elle est confirmée par mes observations pos- térieures. C'est dans cette espérance que je hasarde mes doutes sans autre discussion. Le printemps, au reste, est la saison la plus favorable à la guérison des lypéma- niaques, tandis que la lypémanie s'exaspère ordinaire- ment pendant Tautomne et l'hiver. ou MÉLAJrCÔLII. 4a5 TABLEAU DES LTPÉMANIAQUES , RELATIF AUX SAISONS. ï KELBVi DB LA SAIiPéTI^zàaB. MOIS. Janvier Février Mars Avril Mai Juio Juillet.. .\. Août Septembre. . . Octobre Novembre . . ^ Décembre . . . i8xi x8xi 3 $ 5 3 lO 5 4 9 XI 19 7 II 9 i6 8 lO .14 4 6 8 8 8 la 5 x8i3 9 7 9 4 XI lO xa xz za z6 6 20 z8i4 5 4 5 4 4 6 8 i5 9 5 4 7 TOTAUX. ao 19 «9 az 46 34 45 44 39 35 a6 34 D'après le tableau qui précède , il est certain que pendant quatre ans , les admissions des lypëmaniaques ont été plus nombreuses à la Salpétrière , pendant les mois de mai, juin, juillet et août, que pendant les au- tres mois. ^ge. — La mobilité du premier âge mettant l'en- fant à labri des impressions fortes et durables , le pré- serverait absolument de la lypémanie , si Tenfance était exempte de toute passion; mais la jalousie empoisonne quelquefois les douces jouissances du premier âge, et produit une vraie mélancolie avec délire. Quelques en- fuis jaloux de la tendresse et des caresses de leur mère, deviennent pâles, maigrissent, tombent dans le marasme et meurent. Les enfans sont aussi exposés, mais plus rarement, à la nostalgie. ^ 4a8 DE LA. LYPÉMAlflE TABLEAU DES AGES. ^^H 5HH ^^ n AGES. II AViriu. - '— 1 mmm^ 1 1 r— — ao a5 3o 35 40 i3 45 5o 55 fo 1811 7 «9 16 i3 zo 9 I 6 z8ia 8 a3 16 9 i5 9 za 3 « i8(3 8 14 18 i5 17 aa ZI 3 9 x8i4 4 07 8 la zo 7 7 6 38 4 8 TOTAUX : 64 62 47 5a 48 rz a9 56;re. — Les femmes , par la mollesse de leur consti- tution , par la mobilité de leurs sensations et de leurs désirs, par le peu d*application qu'elles apportent à tout , semblent devoir être moins sujettes que les hom- mes à la mélancolie. Telle était l'opinion d'Arétée j de Cœlius Aurélianus et des anciens ; mais Textrême suscep* tibilité , la vie sédentaire de nos femmes , leurs qualités mêmes j ne sont-elles pas des causes prédisposantes à cette maladie ? Les femmes ne sont-elles pas sous l'em- pire d'influences étrangères à l'homme : telles que U menstruation, la grossesse , Faccouchement^ Tallaite* ment? Les passions amoureuses qui, chez elles, sont si actives ; la religion qui est une véritable passion pour plusieurs lorsque l'amour n'occupe pas exclusivement leur cœur et leur esprit; la jalousie, la crainte, n agis- sent-elles pas plus énergiquement sur les femmes que sur les hommes ? aussi la mélancolie religieuse est très fréquente chez elles, surtout dans la classe ou UÉLkHfCOLnU 4^9 inférieure de la sociëté , et dans les contrées livrées à l'ignorance. Les jeunes filles, les veuves, et quelquefois les femmes, au temps critique, sont en proie à la mé- lancolie erotique; les hommes, dit Zimmermann, sont fous par orgueil , les filles par amour , les femmes par jalousie. Les tempéramens. — Le tempérament mélancolique ^ des anciens, bilioso-nerveux de Halle, prédispose à la lypémanie. Les individus doués de ce tempérament ont la taille haute, le coifis grêle, les muscles minces maïs fortement dessinés; la poitrine est étroite et serrée; la peau brune ou jaunâtre; les cheveux sont noirs, les yeux caves, pleins de feu; la physionomie est triste, inquiète; 14^ regard timide ou fixe; la sensibilité est exquise; toutes les passions sont extrêmes; ces indi- vidus aiment ou haïssent avec emportement et opiniâ- treté ;^éveurs, taciturnes, défians, ombrageux, ils con- centrent leurs affections; la société les importune; ils la fuient , préférant la solitude , dans laquelle leur ima- gination et leurs affections peuvent s'exalter sans im- portunitë. Ils sont très propres à la culture des arts et des sciences; iU ont peu de mémoire, mais leurs idées sont fortes, leurs conceptions vastes; ils sont ca- pables de profondes méditations; souvent exclusifs pour les objets de leurs études , il semble qu'ils n'aient d'in- telligence et d'attraits que pour un objet déterminé, au- quel ils se livrent avec la plus grande ardeur; ces indi- vidus sont essentiellement prédisposés à la lypémanie :^ ce qui a fait dire à Aristote que les hommes de génie, les grands législateurs sont ordinairement mélancoli-» ques. Mahomet, Luther, Le Tasse, CaK», ¥êscbA^ GbmU tertoB, J. -J. Housseau, Gilbert, Âlfim, Zimmcfw mann, etc., oonfirment Topinion d'Aristote qall avait justifiée par sou propre exemple. Ce tempéra- ment n'est pas exclusivement le partage du génie qoi s'exerce à bien penser et à bien dire, à bien agir; c'est aussi le tempérament de quelques grands élirais , et de grands coupables. Ces génies du mal , envoyés dans le monde pour être l'effroi et les tyrans de leurs conci- toyens, ne sont pas toujours exempts des tonrmens de la plus noire mélancolie ; leur physioumnie dure et re- poussante porte l'empreinte de leurs passions haineuses et malfaisantes; leur aversion pour les hommes Wfor fait rechercher la soUtude et fuir la présAe de leurs semblables. Les constitutions ou les tempéramens acquis, dans lesquels prédomine le système hépatique et hémdkhoi- daire , prédisposent aussi à la lypémanie. Professions et manière de vivre, — Le travail du corps entretient les forces physiques en même temps qnll les répartit uniformément dans tous les organes. C'est le frein le mieux éprouvé contre les passions (piH modère^ en même temps qu'il empêche l'imagination de se mêkr de nos plaisirs et de les corrompre. La vie oisive et in- occupée, le passage d'une vie très active à une vie oisive , molle et trop abondante ; les veilles excessî* ves en épuisant les forces ; le sommeil trop prolongé , en appesantissant le corps et l'esprit, jettent dans Va mo- rosité et la torpeur. Les excès d'études usent l'homme , dit Celse, plus que le travail de corps, si l'étude n'est ou uÉLkJxoaLau 4i3ti point subordonnée à des temps de repos et d'exercices; 81 die est concentrée mr un seul objet , et si cet objet est abstrait, m]^9tiqae ou romanesque, alors Thomme YÎt dans uu danger imminent de derennr lypéinaniaque. La mélancolie est plus à craindre encore si , aux excès d'études, se joignent des écarts de régime, une conduite dissipée et dissolue, ou bien un goût trop décidé pour la vie solitaire. Zimmermann rapporte plusieurs exem* pies de mélancolies produites par cette dernière cause '. Il est quelques professions qui disposent plus particuliè- rement à cette maladie, parce qu'elles exaltent l'imagi- nation et les passions, et exposent ceux qui s'y livrent aux écarts de régime de toute sorte : tels sont les musiciens y les poètes, lés acteurs, les négocians qui font des spéculations hasardeuses ; je pourrais nommer plus de vingt acteurs pour lesquels j'ai été cou* suite. • Les causes plaques ^ qu'on pourrait appeler pa- thologiques, agissent presque toutes en affaiblissant la constitution des individus, ou en imprimant aux fluides un caractère funeste. Le jeûne, la faim, pro- longés, ont été signalés par plusieurs auteurs, parti- culièrement par Santacrux, comme propres à pro- duire la mélancolie. Cette influence est même consa- crée par le langage populaire, et l'habitude de sur- diarger l'estomac d'alimens'de difficile digestion, par- ticulièrement chez les hommes qui font peu d'exercice, »ose à la même maladie. Quelques médecins ont i la soU/tuU, tné. par jL-J^I*. Jourdui. Parii iSa5, ia-S, 43a I>B LA LYPIÊMAKIE prétendu que Tusage habituel du lait rend triste , et est contraire aux mélancoliques; il est certain queTusagedu lait donne des maux de tête aux personnes d'un tem- pérament bilioso-nerveux. L'abus de lopium, des boissons chaudes , celui des liqueurs alcooliques , causent souvent la lypémanie et conduisent les mélan- coliques au suicide ; peut-être faut-il attribuer à Tabus des boissons chaudes et de l'alcool, le grand nombre de suicides qu'on observe en Angleterre; c'est le sentiment de plusieurs médecins anglais. L'on amène souvent, dans notre hospice , des femmes qui , dans un état d'i* ^vresse ou pendant le délire qui suit l'ivresse, sont dans la lypémanie, même avec penchant au suicide. L'onanisme, la continence, après le mariage, produi- sent quelquefois la mélancolie; la suppression d^une évacuation habituelle, de la transpiration ^ du flux hé- morrhoïdal y la constipation opiniâtre rendent mAanoo- lique. Sanctorius a observé que le défiaiut de transpi- ration rend triste; Voltaire avait dit que la œnsdpa- tion influait d'une manière fâcheuse sur les détermina- tions dès grands. La rétrocession ou la cessation brusque d'une affec- tion maladive quelconque , peut causer la lypémanie à ceux qui sont prédisposés à cette thaladie : la gale, les dartres, un ulcère, un exutoire supprimés sont dansœcas. On voit la lypémanie remplacer la phthisie pulmonaire, l'hystérie, l'hypocondrie, l'épilepsie, la manie et la mono- manie ou alterner avec ces maladies. Il n'est pas rare que le délire général et l'excitation qui caractérisent la manie, cessant, les maniaques ne tombent dans ime ou MÉLÂNCOUX. 433 mélancolie profonde, et même avec penchant au suicide; les uns domines par un sentiment pénible que leur inspire le souvenir de leur délire, sentiment fortifié malheureusement par les préjugés; les autres, persuadés qu'ils ne sont plus propres à rien , se persua- dent qu'ils sont inutiles ou à charge à leurs parens et à leurs amis , ou qu'ils sont un objet de mépris pour leurs concitoyens. Monsieur...., âgé de 48 ^^^9 d'une constitution très forte, ayant joué un rôle actif pendant la terreur; est éloigné par le directoire , et envoyé en ambassade : le premier consul le rappelle et le nomme préfet. Mon- sieur..., n'étant point replacé conformément au poste qu'il vient de quitter, et surtout à son ambition, se li- vre à mille exagérations , à mille extravagances dans ses propos et ses actions; bientôt il se persuade qu'il est roi, et s'abandonne à toutes les prétentions qu'une telle conviction lui inspire; il exige que l'on se prosterne devant lui; il fait et dé&tt sans cesse le ministère; il pro- digue des grâces, des honneurs et des richesses; sa dé- marche estfîère et imposante; il dort peu, mange beau- coup, il a de la constipation. Confié à mes soins, après quelques mois , ce malade recouvre la raison , juge très bien son état et on le croit guéri; mais bientôt après il tombe dans une mélancolie profonde, avec délire, accompagnée de tristesse et de craintes imaginaires qui l'accompagnèrent jusqu'à la fin de sa vie : il succomba à une hémorrhagie cérébrale foudroyante, cinq mois après l'invasion de la mélancolie. A l'ouverture du ca- davi-e , la substance cérébrale était très injectée, ra- L 98 04 ^ ^^ rjirÈmjom mollie, cormrae trittrree, autour dusang épancfhë.lVyas les ^oères étatent sains. Les muscles jumeaux ressem- blaient à du lard famé dont ils avaient la couleur, la denské; la testure, les fibres musculaires avaient dis» paru. Peudanl les deux derniers mois de sa TÎe, M. restait debottt sans bouger, ou marchart, en posant len- tement les pfeds Ton devant l'autre , "bout à bout. Dès le début de cette maladie, M. avait présenté quel- ques légers 'sytnptâmes de paralysie de la langue et avait pris beaucoup d'^embotipoint. Les passions sont de vraies foKcs , mais des ibKes passagères; elles s'emparent des facultés intellectue/Ies, les absorbent si étiergiqnement , que lliomme n'^stplus capable de penser à autre chose qu^ l'objet de sa pas- sion. Que les affections morales, que les passions aient leur siège dans le coeur, dans le centre-phrënt^oe , dans le plexus solaire, dans le nerf trisplandmiqoe , dans les ganglions , dans le cerveau , ou bien qu'elles ne soient 'que fdFTet d'une réaction de Tarcbée ou du principe vital, toujours est^l vrai que les paastons cxcr> cent vam influence très énergiqQe sur les foncttoos de la vie organique, et sur notre entendement. Si les pas- sions ont une influence swr toutes nos fonctions dms l'état de santé , comliien plus énergique sera cette in* fluenoe dans ne oNdadie dont le désordretles pcMKons fonne le principal car«ctère ! Les affections morales sont les causes les phisfréqnantes de la lypémanie; kor dé- sordre enE l'A. LTP^MANIE Report aa6 Libertinage • 3o Abus du vin • 19 Chagrins domestiques k 60 Revers de fortune , misère 4^ Amour contrarié • . • 4* ^ Jalousie . • •••• 9 Frayeur «9 Amour-propre blessé. • • • la Colère 18 Total aS% Les causes de la lypémanie, comme ceUes des autres maladies mentales , n'exercent pas toujours leur action immédiatement sur le cerveau; c'est dire qu'il y a des mélancolies sympathiques: tantôt les divers foyers de la sensibilité réagissent sur le cerveau pour produire le délire mélancolique, tantôt la prédominance et la lé- sion d'un appareil organique exercent la même réac- tion; tous les symptômes paraissent dépendre du dé- sordre de quelque viscère plus ou moins éloigné du centre de la sensibilité. Que de mélancolies qui ont remplacé l'hypocondrie! Que de mélancolies qui reconnaissent pour causes des maladies chroniques , particulièrement des lésions des viscères abdominaux! on appelle alors ces affections des lypémanies hypocondriaques. J'ai vu un négodant, qui était tombé dans une mélancolie profonde ^ avec refiis de prendre des alimens, et avec tentatives de suicide , assurant qu un corps étranger s'était arrêté dans son gosier et l'empêchait d'avaler. Ses parens avaient la certitude qu'il n'avait rien pris qui pût causer l'inflam* ou MiLANCOLIX. 43^ mation de la gorge ; l'iaspectioii de cette partie éloi- gnait toute inquiétude à cet égard ; le malade plongé dans la tristesse, demandait toujours qu'on lui reti- rât ce corps étranger : après trois mois, il tomba dans le marasme et mourut. A Toui^eriure du cadaifre, je trouvai un ulcère occupant le tiers supérieur de l'œso- phage et d'un aspect syphilitique. Bonet parle d'un cam- pagnard qui assurait avoir un crapaud dans l'estomac, qu'il entendait crier, qu'il sentait remuer, etc. : à sa mort , on trouva un squirrhe dans son estomac. J'ai vu plusieurs fois des mélancoliques hypocondriaques qui di- saient avoir plusieurs diables dans le ventre, qui croyaient que leur ventre était plein d'animaux immondes, qui étaient convaincus qu'à l'aide de l'électricité et du ma- gnétisme on excitait, dans leurs intestins, des douleurs atroces. Chez ces individus, l'ouverture des corps m'a montré &$ péritonites chroniques , un cancer de l'es- tomac, la gangrène du colon transverse. Un malade croyait avoir des oiseaux dans son ventre, et n'osait point aller à la garde-robe dans la crainte que ces oi- seaux s'échappant, on ne s'aperçût de son infirmité; plusieurs fois il m'a prié d'entendre le bruit de ces oi- seaux, c'était des flatuosités et des borborygmes. Les causes de la lypémanie , comme celles de toutes les autres maladies , sont prédisposantes ou éloignées , prochaines ou excitantes ; mais ces distinctions ne peu- vent être rigoureusement appliquées à telle cause ou à telle autre, car il arrive souvent que les causes que l'on ap- pelle prédisposantes sont excitantes , et réciproquement quelquefois les causes excitantes seules semblent avoir ^S DE Li. UTpéMANtS suffi pour provoquer U maladie-, plus oritinairemeot, il y a eu le coiicoitfs des deux ordres de causes. Ua premier évènetoent dispose à la maladie; un second U fût éclater. M"', àgy de a3 aus, est à la veillu de se inartâr avet use femme qu'il adore : des obstatles insurtnonlables itimpeat tousses desseins. Il devient triste, uiarote, îo- quiel, fuyant le monde, eu un mot, inclaiicoUquc. Après six mois il n'obtient pas au service l'avanceineiit qu'il espère : aussitôt il tombe dans le plus prafond désespoir; il accuse tous les hommes d'injustjpe; iJ se croit l'objet de leur baiue et de leurs persécutions; souvent, dans la rue, dans les promenades, en voyage, il pense qu'on se moque de lui; il eu demande sa- tisfaction. Une fois il se bat en duel avec un mili* taire qu'il n'avait jamais connu, que le hasard lui 6it renc'oulrer, dont il se persuade avoir été insulté. En- fin, il fait plusieurs tentatives de suicide: il guérît après un au. Un négociant , àgc de /[â ans , éprouve une banque- route qui le gêiic momentanémcut sans altérer sa forltme; le même jour son caractère change; il est plus gai quâ l'ordinaire, se rit de ce contre-temps, se félicitant d'avoir appris à mieux connaître les hommes; il forme des pro> jets incompatibles avec sa fortune et ses affaires. Hiiît jours se passent dans un état de joie, de satisiâctioa, d'activité qui fait craindre une maladie grave, dont M... lui-même a le pressentiment. Apvès cette époque, €Îes évènemens politiques qui sont pariaitemeût étran- gers à ses intérêts , mois qui blessent ks opiaions de ou MiJUADTCOUK» 439 M... le pkingeat daxis un déHre mélancolique ddot vieo n'a pu le retirer. U n'est pjais mre de voir la Ij^ëmaaie éclater sans causes assignables ; cependant , en observant les malades avec plus de soin, en sUnformant de leur manièi^ de vivre, et de leurs habitudes, on découvre la vérita"* ble origine du mal, dont le principe est sou vent quelque affiection morale cachée* Uippocrate^ Ërasistrate, Ga«> lien, et Ferrand dans son Traité de r amour j citent des exemples mémorables de leur sagacité pour recoDnailre les causes dissimulées ou cachées de la lypémanie. Sou- vent j'ai pu deviner que l'onanisme était la cause vraie , mais cachée de la maladie. Il arrive aussi que les causes excitantes, soit physiques, soit morales, agissent si brusquement, que le délire éclate tout-à-coup , surtout lorsque les prédispositions sont nombreuses ou fortes. La lypémanie est continue , rémittente ou iutermit* tente; celle qui est rémittente est beaucoup plus fré* quente^LCt il est très peu de lypémaniaques dont le dé- lire ne s'exaspère pas tous les deux jours ; plusieurs éprouvent une rémission très marquée le soir et après le dîneri^ tandis que d'autres sont très exaspérés au réveil et au commencement de la journée. Chez ces derniers ^ cette exaspération dépend tantôt de la peine qu'ils se font d'avoir à traîner leur existence encore pendant une Idlimëe dont la ' longueur interminable les effraie; tantôt d^ la qrainte que leurs ennemis ne profitent du jour pour ^éc(d;er leurs desseins funestes. Quel- ques panophobes'ç0Û|pxent l'approche de la nuit et 44o I>E LA LTPlÊMAinV les ténèbres. Les ténèbres irritent leurs appréhensions ; les voleurs peuvent s*introduire plus facilement; Fin- soninie, les rêves, les épouvantent d'avance. La mé- lancolie intermittente n'offre rien de particulier, rien que nous ayons à ajouter à ce que nous avons dit des folies intermittentes. La lypémanie continue a une marche ordinairement très lente; et outre le délire partiel qui la caractérise, elle se complique d'une multitude de symptômes dont l'exaspération coïncide avec celle du délire, ou la pro- voque. C'est ordinairement au printemps qu'elle se ter- mine par la santé; mais peut-on compter sur une guéri- son solide , si elle n'est précédée par quelque commo- tion, par quelque crise physique ou morale? Je me défie toujours d'une guérison lorsque je n'ai pu observer quelque' crise antérieure. Ces crises sont, comme 'dans les autres folies , très nombreuses : tantôt elles se font par la peau, par le rétablissement de ta transpiration, par des sueurs abondantes , par des exanthèmes, des furoncles; on en lit des exemples dans tous les auteurs; tantôt par les hémorrhagies habituelles qui étaient sup- primées, par les menstrues; tantôt elles se jugent par des évacuations muqueuses , bilieuses , brunes , noi- râtres, et même sanguinolentes, qui ont lieu par les vomissemens ou par les déjections alvines. Ces évacua- tions critiques s'observent plus fréquemment que les autres; elles sont signalées par tous les auteurs, ce sont les crises que l'art peut provoquer avec le plus de succès. Hippocrate rapporte qu'Adamentus guérit par le vomissement d'une grande quantité de matière noire. ou MELANCOLIE. 44 < Lorry, Halle ^ rapportent des exemples semblables : Pinel parle de la guérison de deux mélancoliques , l'un par le dëveloppement d'une parotide, et l'autre par un ictère. La lypémanie se termine encore par des secousses morales : une violente passion, brusquement provoquée, en fai* sant diversion aux idées fixes, guérit. Latnaladie cesse par l'efTet de la frayeur, de la crainte; par l'effet d'un strata- gème bien concerté et ménagé , d'après le caractère de la maladie et celui du malade. Le retour à la raison a lieu aussi Jorsque, par ses soins et ses discours, un mé- dedn habile sait s'emparer de la confiance du malade. Ce premier pas fait, la guérison est facile. Dans quel- ques cas, on guérit en satisfaisant aux désirs du ma- lade et en lui accordant l'objet de la passion qui a provoqué le délire. La mélancolie se termine encore par l'explosion du délire maniaque; cette terminaison est rare, il faut être prévenu que le passage d'une lypéma- nie tranquille à la fureur peut être suivi .^d^accidens funestes, et être le prélude d'une mort prompte, soit naturelle , soit provoquée. La lypémanie passe quelquefois à la manie; c'est sans doute^ cette transformation, qui a fait confondre la mélancolie avec la manie. Elle dégénère assez sou- vent en démence. Dans cet état, l'aliéné a conservé des idées dominantes; mais ces idées entre elles sont incohérentes, sans suite, sans ordre, et sans har- monie avec les actions, tandis qu'auparavant, les idées , les convictions étaient fortes , les raisonne- 1 Mémoires de la Société méd, d'émUat, , t. xn y p. 348. 44a DB LA. LYPEUAKIE ineos, les dcsirs, \ai d«teniiinatioDs étaient des coa* séquences justes et iâiniédiates des idées qui carsdéii- $ III. Maladies auxquelles^ êuecombtnt ha typémm^ niaquea. Oueerturet da» corpt. La mélancolie se (eriniiie par la mort; Lorry et Mead assurent que la phtbisic piilmouaiie est sa terminaÎMia la plus fréqueiile. Les AngLiis veulcui qu'elle se (er- mioe souvent par les hydrupisies de poitrine. Le graod nombre d'ouvert ui-es de corps que j'ai faites ont con- firmé l'observation de Mead et de Lorry; j'ai vu aussi beaucoup d'affections abdorainales mettre fin à Texis- tence des mêla ncoliq Lies. Le scorbut, lit gangrène coBr séculive, sont cause de la mort d'un grand noudin: de Ijpé maniaques. Le défaut d'exercice, le mauvais ré- gime de ces malades, le chagrin qui les poursuit, &k les afTaiblissant, les exposent aux inHamuiations diro< niques des divers organes. Je ne dois point oublier l'onanisme comme propre à produire les plus funestes effets sur la santé et la vie de ces infortunés ; c'est uo des écarts de régime auquel ils se livrent et sur leqiid il est important de rappeler l'attention de ceux qui ont à diriger et à surveiller des aliénés. L'auatomie pathologique n'a riea appris d« positif aur le siège de la mélancolie. Ce n'e«t pas que les o»' vcrtures de corps manquent, mais les olwervatioos soirt incomplètes, on ne peut distinguer ce qui est propre à la lypémaiiie de ce qui appartleat à l'hypocondrie on à la manie 9 avec kaquetles or Ta conlbndiie. Dans lès Qturertures àe cadaTres des aliëaës, et par consé» quent dans celles des mélaMolMpes, on a tr<^ né- gligé de tenir compte des matadiea auxquelles succom* bent ces malades. J'ai mis me gt»aiide latteBtkm à pré** ciaer ces maladies : voiei le rësnltat de mes observations à cet égard. Tableau des maladies ausoquelles succombent les Ij/pémaaiaqueA. Fièvre «dynanuque • ••••.••.*•«; la Marasme, fièvre lenle ...« a4 Phthisîe pulmonaire, pleurésies chroniques 62 Maladies da cœur 16 Phlegmasie chroaM|ue de rabdomee. » •..».. 3s Scorbut • • • . %6 Apoplexie «...• 6 Total 176 De ce relevé il résulte que les mélancoliques succom* bent presque toujours à des maladies chroniques^ particulièreméni^ aux affections de poitrine. Le ma- rasme et la fièvre lente nerveuse présentent tous les caractères du uUfés mehncoàca décrit par Lorrj. Ces malades se plaignent les ans de cardiatgie , les autres de coliques; ils mangent peu; quelquefois ils ont de la voracité, et néanmoins ils uMiigrissenty ils s'af&iUissent ; la constipation est d^i^rd opiniâtre; il y a des paroxys- mes fébriles irréguli^rs; ces patosjrsmes ont lieu plus ordmairement le 'soir; le pouls est faibte et concentré^ la chaleur delà peau mordicante; quelquefois la peau se couvre d'une sueur TÎs^piease; plus ordinairement eNe est arideel dTm aspeet t«p«a; les MifaKles ton- 444 ^^ ^^ LTPl^MAinB bent dans une faiblesse extrême, ne quittent plus le lit; ils ont de Taphonie, ils ne mangent plus ; les traits s'al- tèrent; enfia, ils s'éteignent sans efforts et sans dou- leurs. Quelques lypémaniaques sont , pendant plus ou moins long-temps avant la mort, tourmentés de dévoîe- mens séreux^ quelquefois sanguinolens 9 ce dévoiement est symptomatique de la phthisie^ du scorbut, deVen- térite chronique. Les anciens attribuaient la mélancolie à des amas de bile noire, épaisse; à des humeurs corrodantes qui, se portant au cerveau, obscurcissent comme d'un voile Torgane de la pensée , et impriment ainsi un carac- tère triste, sombre, craintif, au délire des mélanco- liques. Quelques auteurs ont prétendu avoir trouvé cette humeur dans le cerveau. Les progrès que Tanato- mie pathologique a faits de nos jours, permettent de rendre raison de ce phénomène. Il est très vrai qu'on rencontre dans le cerveau de quelques mélancoliques , tm liquide rougeâtre, jaune; tout le monde sait aujourd'hui que ce fluide n'est point de la bile, mais les restes , les débris d'un épanchement sanguin ou d'une portion ramollie du cerveau. Tantôt cette matière est contenue dans un kyste, tantôt elle est épanchée dans un réseau lâche , formé par la substance cét*ébrale. Cette altération s'observe sur les cadavres d'individus qui n'ont jamais été aliénés. Elle coïncide avec la mé* lancolie , mais elle n'est ni la cause , ni l'effet de cette maladie. Bonet, dans le SepvJchretuni ^ dit que les vaisseaux de l'encéphale sont distendus, gorgés de sang; qu'il y a ou MiLANGOLIE. 44^ des ëpanchemeas dans les sinus du cerveau ; il signale surtout les lésions du thorax et de l'abdomen chez les mélancoliques. Boerhaavc dit que le cerveau est dur, friable, d'un blanc-jaunâtre; que les vaisseaux de cet organe sont gorgés de sang noir coagulé. On ne peut rien conclure de ces faits, puisque les auteurs qui les rapportent confondent la mélancolie avec la manie. Quelques modernes assurent que chez les mélancoliques, la vésicule biliaire contient des concrétions, mais cela est loin d'être constant. Le cœur a paru quelquefois vide de sang, ou bien ses ventricules se sont trouvés pleins de concrétions appelées poljrpeuses. Gall assure que le crâne des suicides est épais et dense. Je pos- sède plusieurs crânes d'aliénés suicides qui sont très minces. Une des altérations que j'ai rencontrées fréquem- ment chez les mélancoliques, c'est le déplacement du colon transverse. J'en rapporte plusieurs observa- tions. La position transverse du colon devient obli- que et même perpendiculaire; son extrémité gauche se porte vers le pubis, et se cache quelquefois derrière la symphyse. L'observation suivante doit intéresser ceux qui ai- ment les phénomènes politiques et ceux qui recher- chent les &its extraordinaires en médecine. Yoy. /?/. 4* Téroenne, ou Théroîgne de Méricour , était une cé- lèbre courtisane, née dans le pays de Luxembourg. Elle était d'une taille moyenne, elle avait les cheveux châ- tains, les yeux grands et bleus, la physionomie mobile, la démarche vive , dégagée , et même élégante. ^6 BS LA l^rpàtUÂMiE Cette fille , née y selon ks uns, d'usé fittutte honon- hle, seloo d'autres, sortie du rang des oounîsaMs, joua un rôle bien déplorable pendant les premiènes »- nces (le la révolution. Elle avait alors de atf a 3o ans. £lle se livra aux divers chefs du parti popoiaire, qu'elle servit utilement dans la plupart des ^neiites, et contribua surtout, les 5 et 6 octobre 1789, à corrooipre le régiment de Flandres , en oonduisant dans ies rangi^ des filles de mauvaise vie, et en distribuant deTargent aux. soldats. £q 1 790, elle fut envoyée dans le pays de liège, pour soulever le peuple. Elle y avait uq grade militaire. £Ue se fit remarquer parmi cette populace effrénée , qui jfut envoyée à Versailles les 5 et 6 octobre 1790. Lea AMei- chiensfarrêtèrent au mois dejanvier I79I.£llefutooll- duite à Yieuae, renfermée dans une forteresse; fEm- percur Léopold désira la voir, s'entretint avec elle, la fit mettre en liberté en décembre de la même année; elle revint à Paris, se montra de* nouveau sur la révolutionnaire. Elle se fit resEiarquer alors sur tes rasses des Tuileries, dans les tribunes, harasgunotèe peuple avec audace, pour le ramener au monUnmtmme et à la Constitution* Ce râle ne put lui convenir long- temps. Bientôt les Jacobins s'emparèreat de Té bientôt on la vit (paraître, un bonnet rouge snr la un sabre au côté, nne pique à la nain, luiiiMiiant une armée de femmes. Elle eut nae IxMiDe paitmoB évènemens de septembre 179a. Quoîqu'il ne soit pv prouvé qu'elle ait participé au: massacres, néanmonn on raconte qu'elle se rendit dans b orar de Tablmye , ma mÉLkNooiLm.. 4^7 ^ qu'elle trancha la tète avec eon sabre a un maiheu- reux que Ton ooiiduîsa^ au tribunal de cette prison.Oil assure que c'était un de ses aftctens avians. Lorsque le Directoire fut ëtad>K, les sociétés popufaû- res furent fermées, Téroenne perdit la raison. Elle fut GOnduitedans une maison du faubourg Saint*Marceafu. On trouva dans les papiers de Saîut-Just une lettre d'elle, sous la date du a6 juillet 1794? "dans laquelle se montrent déjà les signes d'une tête égarée. ^> En novembre 1800, elk 6it envoyée à la Salpêtrière; le mois suivant, on la transféra awx Petites - Maisons , où elle est restée pendant sept ans. Lorsque l'adminis- tration des hospices fit évacuer les aliériés des Petites- Maisons, Téroenne retourna à la S^lpêtrière le 7 sep- tembre 1807. Elle ayait eovntMi qotrante<-sept ans. A son arrivée, elle était tt^ aigitée, injuriant , me- naçant tout le monde, ne p«rkmt que de liberté^ "de comités de salut pdbiîc,révokiliMiiaire, etc., accioant tous ceux qui rapprochaient fd^étre des modérés, des royalistes, etc. En f.Soâ) un grand personnage, qui avait figuré conuTOchef de parti, vint à la Salpêtrière. Téroenne ie reoaBnut, se souleva de dessus la ptiUe de son Ut sur laqueUe elle restait coasàiét et «oeaila d'injures le vi- siteur, l'aocBBatit d'aywr sbMidoiaié Ib parti pi^pulaire, d'être un modéré ^ doat un ornété ^u ^lomité de sabu public dmfokfmreJàeMâijfiMiBe. En 181109 ek déviai ^m vàaaej et tomba dans un ébàl de démance^ qui iaissaît voir ies traces de ses pre- mières idées dominaniBS. 448 BE LA LTPÉBfAinE Teroenne ne veut supporter aucun vêlement, pas même de chemise. Tous les jours, matin et soir, et plusieurs fois le jour, elle inonde son lit, ou mieux la paille de son lit, avec plusieurs seaux d'eau, se couche et se recouvre de son drap en été, et de son drap et de sa couverture en hiver. Elle se plaît à se promener nu* pieds dans sa cellule dallée en pierre et inondée d'eau. Le froid rigoureux ne change rien à ce régime. Jêr majis on n'a pu la faire coucher avec une chemise, ni prendre une seconde couverture. Dans les trois dernières années de sa vie , on lui donna une très grande robe de chambre dont elle ne se servait presque jamais. Lors- qu'il gèle et qu elle ne peut avoir de l'eau en abondance, elle brise la glace et prend l'eau qui est au-dessous pour se mouiller le corps , particulièrement les pieds. Quoique dans une cellule petite, sombre, très humide et sans meubles , elle se trouve très bien ; elle prétend être occupée de choses très importantes; elle sourit aux personnes qui l'abordent ; quelquefois elle répond brusquement: Je ne vous connais pas, et s'envdoppe sous sa couverture. Il est rare qu'elle réponde juste. Elle dit souvent : Je ne sais pas; j'ai ouIfUé. Si on in- siste , elle s'impatiente , elle parle seule , à voix basse; elle articule des phrases entrecoupées des mots for^ tune, liberté j comité ^ réuoIiUion , coquins j décret^ arrêté j etc. Elle en veut beaucoup aux modéra. Elle se fâche, s'emporte lorsqu'on la contrarie, sur- tout lorsqu'on veut l'empêcher de prendre de l'eau. Une fois elle a mordu une de ses compagnes avec tant de fureur, qu'elle lui a emporté un lambeau de chair: le ou MÉLANCOLIE. 449 caractère de cette femme avait donc survécu à son in- telligence. Elle ne sort presque point de sa cellule, et y rei^te ordinairement couchée. Si elle en sort, elle est nue, ou couverte de sa chemise: elle ne fait que quelques pas,. plus souvent elle marche à quatre pattes, s'allonge par terre; et l'œil fixe, elle ramasse toutes les bribes qu'elle rencontre sur le pavé et les mange. Je Tai vue prendre et dévorer de la paille , de la plume, des feuilles desséchées, des morceaux de viande traînés dans la boue, etc. Elle boit l'eau des ruisseaux pendant qu'on nettoie les cours, quoique cette eau soit salie et chargée d*ordures, préférant cette boisson à toute autre. Tai voulu la faire écrire; elle a tracé quelques mots. Jamais elle n'a pu former de phrase. Elle n'a jamais donné aucun signe d'hystérie. Tout sentiment de pu- deur semble éteint en elle, et. elle est habituellement nue, sans rougir, à la vue des hommes. L'ayant &it dessiner en 1816, elle s'est prêtée à cette opération ; elle n'a paru attacher aucune impor- tance à ce que faisait le dessinateur. Malgré ce régime, que Teroennea continué pendant dix ans, elle était bien et régulièrement menstruée; elle mangeait beaucoup, elle n'était point malade et n'a- vait contracté aucune infirmité. Quelques jours avant d'entrer à l'infirmerie, il s'est fait une éruption sur tout son corps; Téroenne s'est lavée à son ordinaire avec l'eau froide et s'est cou- chée sur son Ut inondé, les boutons ont dbparu; dès- X. 99 45d BÉ La Liri»]^AlrtE lors elle est restée dans son lit, ne mangeant point, buvant de l'eau. Le 1 e^ mai 1817, Téroenne entre à Pinfiroierie dans un ëtat de faiblesse très grande, refusant toute nourri- ture , buvant de Teau , restant couchée , parlant souvent seule , mais à voix très basse. 1 5. Maigreur , pâléar ex* trême de la face, yeux ternes, fixes, quelques mou<^ veuiens coitvulsifs de la face, pouls très faible, \é* gère enflure des mains, œdème des pieds; enfin le 9 juin, elle s'est éteinte âgée de cinquante-sept ans, sans qu'elle ait paru avoir recouvré un seul instant sa raison. Autopsie le 10 au malin. Dure-mère adhéveiite au crâne ^ crâne ^cpais posté- rieurement, ligne médiane très déjetée. Cerveau très mou , décoloré, membrane qui revêt les veotricules épaissie , la substance cérébrale subjaoente , dans l'épaisseur d'une ligue, d'un aspect vitreux et d'un blanc grisâtre. Plexus choroïdes décolorés , offrant de petits kystes séreux. Carotides qui côtoient les dnus caverneux ayant acquis le diamètre d'une très çciMfsé plume. Glande pituitaire contenaint tun fluide brtinâtfe. Sérosité dans les deux plèvres^ ainsi que dans le péricarde. Cœur flasque. Estomac distendu pisir tme flnidte verdâtre. Colou traùsverise perpendiculail^ précipité derrière Ib pubk OD ICÉLAÎiCOLnL 45l Faie petite Y^rdâtre; son tissu très num; sa taaîqiid fMTopre se détochaot avec la plus grande feciiîtë. ¥ësir ouïe biliaire disteiMiue par de la bile noire , épaisse, fiate inoiie , Mendâtre comme le foie. Vessie très contraolee sE lA hYVÉMÊJLJtUl Qppresaion plus forte; les yésicàtoirag ne coulent poinU ]4, dévoiementy jambes enflées. 16, crachats verdâtres très fctides, dypsnée. 17 frisaoos ; disparilioa de TeD* Ilure. 1 8, mort à six heures du matin. - autopsie y le* 19 au malin. — Taille élevée, marasme, décoloration générale de la peau qui est d'uu noir terne. Crâne très épais et d'une petite capacité. Dure-mère très épaissie, adhérente au crâne ^ vais- seaux de l'arachnoïde et de la pie-mère injectés, cir- convolutions du cerveau petites , serrées ; cerveau mou, sérosité à la base du crâne, et dans les deux ventricules latéraux. Adhérence très forte et postérieure , des parois des ventricules , légères adhérences avec les corps striés, capacité des ventricules très diminuée, vaisseaux de la membrane qui les revêt injectés. Substance blanche injectée. Substance grise peu colorée. Oervelet mou. Plèvre gauche adhérente dans une grande portion de son étendue; sérosité bourbeuse épanchée dans le reste de sa cavité; le poumon infiltré, Suppuré, avec un très grand nombre* de tubercules en suppuration. La plèvre droite n'offre que quelques brides ; maïs la portion supérieure du poumon est tuberculeuse, avec quelques points de suppuration. Sérosité abondante dans le péricarde. Foie mou , vésicule biliaire dènteoant de la bile. Vessie très contractée, ses parois très épaissies; uté- rus volumineux , mais sain j le vagin ofire des traces de leuciiprrée; h muqueuse de l'estomac est très légère- ment phlogosée et enduite d'un mucus grisâtre. Le coton tffausverse est précipité derrière le pubis. MaDceau, fille, couturière. A 3o ans, mariage, cou- trariétë$, manie, mélancolie; plusieurs fois d^ns l'an- née £{••• a de l'agitation. A 36 ans, fureur presque continuelle et provoquée par la plus légère contrariété. Plus tard M... courait les champs avec un livre de dévotion à U main, £lle n'était pas méchante. 37 ans. Entrée à l'hospice le 10 juin 1806. Très maigre, très délir^irtc et furieuse; elle est réglée, les yeux sont très hagards et menaçans. Elle reste habituellement couchée et toujours sur ses couvertures; pendant les grandes chaleurs, elle se lève et reste assise sur ses talons, toujours à la même place. Elle est seule, ne parle à personne, provo(|ue tout le monde par des injures. Elle est très méchante et fmppe avec le dessein de faire beaucoup de mal. Alors elle devient pâle, les yeux sont étincelans; elle est iin- domptable et menace encore, quoique entourée d'un grand appareil de force. Elle ne veut point travailler, elle demande de retourner chez elle, parce qu'elle est très riche. Elle injurie et prodigue les noms de vôjbur^ coquin, etc. La nuit, elle est tranquille. Elle est très propre. Elle mange, mais par caprice. 4^ ajis, octobre 181 1. Depuis quelques mois, les règles de M... sont très irréguUères; elle est malafie, mab ne veut recevoir aucun secours. Décembre. Hémorrhagie utérine très abondante. De- puis, M.M jrpèt^ souvent qu'elle est malade, elle topb« 456 DE LA LTPiMAinS dans le marasme | sans que la disposition à la fiirear diminue. 6 mars i8ia. M... a la fièvre* 8, les déjectioiis sont involontaires, symptômes adynamiques, fièma. 9i a- trée à l'infirmerie; il a fallu la contraindre. Langue et dents noires; fièvre; déjection involontaire; soi£ lo, respiration fréquente , prostration. 1 1 , mort à onze heures du matin. Autopsie le i a. — Marasme , cheveux gris , peaa brune, hâlée; œdème des pieds, taches de scorbut. Crâne irrégulièrement épais, ligne médiane d^ée, bosses pariétales très renflées, fosses de la base du crâne inégales. Couche de sang membraniforme sur toute la face interne de rarachnoîde. Faux réticulée. Vaisseaux de la lame externe de la pie-mère injectés plus particulièrement à gauche. Sérosité entre les deux lames de la pie-mère. Sérosité à la base du crâne. Glande pinéale offrant des concrétions osseuses. Adhérence des ventricules antérieurement avec les corps striés. Plexus décolorés. Substance grise décolorée. Cervelet très mou. Poumon gauche hépatisé, offrant quelques tnber- cules, dont deux ou trois en suppuration. Hydropéricarde. Colon trans verse baissé jusque vers le pubis. L'estomac contracté, les rides offrant des traces dln- ou MliLANCOLIE. 4^7 flammation, et la muqueuse enduite d^un mucus gri- sâtre. Intestins enflamma en plusieurs points , noirâtres. Matrice squirrheuse. Buel ëtait âgée de a8 ans lors de son entrée à Ilios- pice de la Salpétrière, le ii décembre 1808, pour cause de mélancolie religieuse. On n'a pu savoir les causes de sa maladie. La malade était encore menstruée; mais les menstrues coulaient peu. Cette femme avait presque toutes les nuits des fluxions à tete^ une céphalalgie habituelle; elle man- geait peu, et restait souvent couchée. Son délire avait pour objet les idées religieuses ; elle se disait retenue dans la maison par des coquins. Elle traitait avec mépris ses compagnes, ne se liait point avec elles, vivait seule et à l'écart. A l'âge de 3i ans, B... ne se plaignait plus de cé- phalalgie; elle n'eut plus Ae fluxions; mais elle devint plus faible; elle maigrit quoiqu'elle mangeât beaucoup; elle toussait souvent. Ses plaintes s'accompagnaient de menaces, des cris, d'injures. 32 ans, en juillet 181 a : fluxion à la tête, toux, sé- jour prolongé au lit, faiblesse extrême. i4 juillet, entrée à l'infirmerie. Phthisie, fièvre. 6 août : toux, dyspnée , paroxysme fébriles tous les soirs. 19, crachats pm'ulens, dévoiement ; cedème des pieds, a r , cessation du dévoiement , œdème des mains et des pieds , dyspnée , délire. a3 , mort, à neuf heures du matin, n^j ouverture du corps. Taille élevée, cheveux blonds , les yeux bleus, peau 4S8 B^ LA. LYPBtfAKIE blanche , membres thoraciques amaigris , membres abdominaux infiltrés , glandes sous-maxillaires déve- loppées. Crâne mince^cburné; dure-mère adhérente au crâne, relie qui tapisse les fosses moyennes de la base du crâne est réticulée. Sérosité entre la pie-mère et J*ara- chnoïd ; circonvolutions du cerveau serrées et peu pro- fondes. Substance grise décolorée, sérosité rougeâlre dans les deux ventricules latéraux, dont la capacité est très diminuée par l'adhérence de leurs parois posté- rieures. Sérosité iloconneuse dans les deux plèvres, qui elles-mêmes adhèrent fortement aux poumons. Ceux-ci offrent des tubercules dont plusieurs sont suppures. Sérosité dans le péricarde et dans l'abdomeu. Foie d'un aspect granulé, vésicule biliaire distendue par delà biJe fluide d'une couleur orangée. Conduit alimentsôre dis- tendu par des gaz, colon transverse s'étendant jusquau pubis ; quelques points rougeâti^es et même ulcérés de la muqueuse de Testomac et des intestius ; glandes mésentériques très développées. D. veuve St. , était âgée de 36 ans lorsqu'elle entra à la Salpétrière le 5 janvier 1807 » P^^^ cause de mé- lancolie avec tentatives de suicide. 28 ans. D. ayant perdu son mari, s'afHigea beaucoup et tomba dans une grande misère. Elle était mère de plusieurs enfans. Bientôt elle devint triste^ sombre; elle fut en proie à des terreurs imaginaires. Poursuivie par ses frayeurs, elle se jeta par la croisée, tenant un de ses enfans à sou bras. Traitée à rHotel-Dieu,et par plusieurs médecins^ rien ne put calmer son ioiagiuatioa terrifiée;  l'âge de 36 ans, lors de son entrée dans rhospice, elle était très maigre, restait souvent couchée, était menslruée régulièreineut , maogeait beaucoup , s'accu-* sait d'avoir commis divers crimes, voulait être cruci* fiée : elle fit quelques tentatives poUr se détruire. Bien- tôt on s'aperçut qu elle se livrait à la masturbation. Tous les hivers , D... avait des catarrhes très in* tens€s, |>our lesquels elle passait plusieurs mois à l'infirmerie. 39 ans. Elle parut délivrée de sa terreur religieuse, et parlait des choses saintes sans eiTroi. Elle avait plu& de suite dans ses raisonnemens; mais son caractère de- vint iusupportable. Elle se plaignait de tout, était mé- contente de tout, accusant les personnes qui la servaient de négligence ou de mauvais traitemens; elle injuriait tout le monde, tracassait ses compagues, leur donnait de mauvais conseils, etc. 40 ans. Pendant l'hiver les menstrues cessent; de- puis, la toux, a été continue, la malade a dépéri sensi- blement; elle a fréquemment le dévoieraent. 4 1 ans , octobre 1811; entrée à l'iuGrmerie ; mai- greur, toux, crachats , fièvre, caprices pour sa manière de se nourrir ; faiblesse, sueurs nocturnes. Cette fenune ne déraisonne point, mais elle est triste, taciturne et très irritable.. 5 janvier iâi:4 : dévoiement séreux , fétide, crachats purulenS) toux très douk>uneuse, oedème dus pieds. i5 , Êiiblesse extrême^ altération des traits delà face;*pa* 46o m Là.. LTpivim roxysmes tous les soirs. 1 8, impossibilitë de prendre des alimens solides ; D... soutient ses forces avec nn peu de bouillon et de vin : crachats et déjections alvines très abondans et très fétides, a 4 j cessation du dévoiement, suppression des crachats, dyspnée ; le soir elle sent sa dernière heure approcher : elle souhaite le bonsoir À la fille de service y et s'éteint. aS, ouverture du corps. Cheveux, noirs, marasme ; crâne mince ébumé ; ligne médiane divisant inégalement les deux moitiés du crâne. Méninges très injectées : sérosité entre la pie-mère et Farachnoide; sérosité rougeâtre à la base du crâne, ainsi que dans les deux ventricules latéraux^ dont les pa- rois adhèrent postérieurement. Poumons adhérens aux plèvres costales , contenant des tubercules , dont un grand nombre sont en sup- puration. Glandes mésen t ériques développées ; plusieurs réduites en une substance puriforme. Colon transverse 8*étendant vers le pubis. Foie mou et gras , vésicule contenant de la bile très brune. Rate adhérente au diaphragme. Plu- sieurs ulcérations de la muqueuse des intestins. M..., âgé de 43 ans, d'une taille athlétique, d*un tem- pérament sanguin, s'était livré, dès sa première jeu- nesse , à une ambition effrénée. Il avait occupé des places très importantes; mais , depuis quelque temps, il ne remplissait qu'un poste secondaire : ce désappointement le rendit triste sans diminuer ses prétentions; son caractère diangea; il de- vint colère, d'un commerce difficile; il se livra à des écarts de conduite dont la publicité le compromirent; ou MÉLAKCGLOL 46 1 il s^irrita contre les conseik de ses paréos, de ses amis; enfin, sa conduite était celle d'un maniaque, quoiqu'il n*y eût pas de délire dans ses discours. Dès qu'on voulut s'opposer à cette conduite, il devint furieux et dangereux pour tous ceux qui l'approchaient, même pour sa famille. U fut confié à mes soins. M... avait la taille élevée, la fiice colorée, les yeux injectés, brillans, il avait de la loquacité, poussait des cris, faisait des menaces, di- sait des injures : il se dit roi , et exige les égards dus à la royauté; il traite avec dédain tous ceux qu'il rencontre. Ces prétentions délirantes deviennent à chaque instant la cause de nouvelles irritations, de nouvelles contra- riétés, de nouveaux éclats de fureur. Insomnie, soif, constipation. U est facile de s'apercevoir que le malade a, par instans, quelque difficulté pour articuler les sons. Sangsues à l'anus, aux tempes, renouvelées; bois- sons acidulées; bains tièdes prolongés. Après deux mois , on donne des douches d'eau froide sur la tête, pendant que le malade a le corps plongé dans l'eau tiède; le calme se rétablit peu-à-peu; il a des instans lucides; mais, toujours même conviction d'être un grand personnage. Après cinq mois , le malade prend de l'embonpoint, la paralysie de la langue se prononce davantage ; le calme est parfait; le sommeil et l'appétit sont excellens, mais les idées de grandeur persistent. Peu-à«peu le malade prend un très grand embon- point; il marche avec difficulté, a beaucoup de peiâe pour faire entendre ce qu'il veut dire} sa mémoire 46st DE I^K XTPiMAmE s'affaiblit j parttculièrement oeile des choses présentes. On applique im large yésicatoire à la Bnqae, puis «i séton; la valériane, le quinquina, le» drastiques, soal alternativement administrés/ Après quinze mois de maladie, une aftoplexie fou- droyante termine l'existence du malade. Le tissu cellulaire est surchargé de graîsK. Les té- gumens de la téte sont très injectés , ainsi que les asem- branes du cerveau, qui est dense. Le foie est gms, volumineux. Les intestins sont distendus par des gaz; il y a des trichurides dans le cœcum. Le colon trtns- verse, devenu perpendiculaire, est caché derrière le ^ubis par son extrémité splénique. Les faits rapportés ci*dessus offrent un phénomèse pathojogique qui n'a point encore été sigualé. Les anciens et les modernes qui ont traité de raliê- nation mentale, et particulièrement de la uiékaoolie , onl tous parlé des lésions des viscères abdominaux : au- cun auteur n'a parlé du déplacement du ooloa tnns- verse. Cependant on trouve souvent, dans les ca- davres des aliénés , cet tntestia déptiaoé. Tantôt sa di- raction est oblique , tantôt elle est perpendiculaine , en sorte que son extrémité gauche se porte derriène le pulm. Quelquefois le colon transvecse descend en forme d'arc au dessous du pubis et jusque dans la cavité pelvienne. Ce déplaoement ne peut être attribué à une actîpn mécanique dépendante de répassfiiasemçQtdes|)trcHS du lon, ou de l'aocuosulatioa des matière daas ^on 'intérieur; car^ daus Je fkas gra«d nombre des «u- jete «que j'ai ourfurlSyJb oolon éûit iride-; chea lousaos meti^ranes étaient saines. Il en est de infime des por- tions ascendante et descendante du colon , qui, par leur traction , pourraient entraîner la portion transverse! Ce déplacement Ti'est point FcflFet de la dernière maladie à laquelle succombent les aliénés; car ce phénomèue s^observechez des individus qui ont succombé à la suite de différentes maladies. Les aliénés, particulièrement les mélancoliques, chez lesquels on observe ce déplacement du colon transverse, se plaignent souvent de douleurs cpiga^triques; ils di- sent ressentir une douleur semblable à celle que ferait éprouver un lien qui ceindrait le corps à la hauteur des hypochondres, les déjections se font généralement mal. Ces symptômes ne trouvent-ils pas leur explication dans le déplacement du colon? Les anciens, en donnant l'ellébore, les modernes en prescrivant les émétiques, les drastiques, dans le traite- ment des aliénations mentales , et surtout dans la mé- lancolie^ tout en évacuant, nont^ils pas eu pour but de redonner du ton à tous les viscères de Tabdomen? Les laxatifs ne sont-ils point regardés comme funestes , par- ce qu'ils augmentent le relâchement? aussi a*t-on le plus^ grand soin de les associer avec les toniques. Enfin les voyages de mer , l'exercice du cheval si iftiles dans la mélancolie, n'agissent-^^ils poitft pn fbriifiatil particulier' rement les viscères abdominaux? Jja connaissance de ces faits m'a paru intéressante 1% parce que le déplacement ^éa ^okm est fréquent chez les aliénés , particulièrement [chez les mélancolie ques; a^ parœ que ceUe UKàmmmuoefmi^ vtnëm ploB 464 BE LA. LTPliMAaiE sûr et plus rationael le traitement de quelques nudades. Le relevé des ouvertures de corps de cent soixante- huit lypémaniaques a présenté les lésions suivantes : il prouve qu'un très grand nombre de mélancoliques soc- combent à la phthisie pulmonaire; que les altérations des viscères abdominaux sont aussi très fréquentes , tandis que les altérations organiques du cerveau sont rares; car on ne saurait rapporter à la mélancolie les épandie- mèns que Ton a observés dans les sinus du cerveau et dans les méninges. Nous disons la même chose des concrétions osseuses si fréquentes dans le conarium (glande pinéale). Tableau des altérations ptithologiques trouvées dans Us ci des fypémaniaques. ÉpaisiisscmcDt des ménioges a Lésions organiques du cerveau • 4 Crâne • . . . / Points d'ossification adhérens À la faux 3 Epanchemeus sanguins dans les sinus ou la substance cérébrale 5 Lésions organiques des poumons 65 Tborax • ,,l Lésions du cœur •.... ti Sérosité dans les caTités de la poitrine 6 Colon déplacé.. 33 Adhérence, suppuration du péritoine •••.. 5 Ulcère de l'estomac ou du pylore 6 Ulcère des intestins ou du reQtum 7 Abdomen. ,/ Vers iutttitinaùx 5 Ténia i Lésions organiques du foie !i Concrétion biUaire 7 Ulcère de l*utérus 6 ToUl îii ou MELANCOLIE. 4^5 En comparant les maladies auxquelles succombent , les lypémaniaques , avec celles qui terminent les autres aliénations mentales; en comparant les résultats des ouvertures cadavériques des mélancoliques avec ceux qu'on obficrve sur le cadavre des autres aliénés , on est frappé de la prédominance des maladies pulmonaires chez les mélancoliques, ainsi que de la fréquence des altérations abdominales; mais les lypémaniaques , comme les autres aliénés , succombent rarement à des maladies aiguës , presque toujours à la suite de mala- dies chroniques. § IV. Traitement de la lypémanie. Le traitement de la mélancolie avec délire, comme celui des autres aliénations, ne doit point se borner à l'administration de quelques médicamens; il faut, avant toute médication , être bien convaincu que cette mala^ die est opiniâtre, didicije à guérir; que la médecine morale , qui cherche dans le cœur les premières causes du mal, qui plaint, qui pleure, qui console, qui par- tage les souffrances et qui réveille Tespérance , est sou- vent préférable à toute autre. Il faut s'être bien informé des causes éloignées et prochaines de la maladie. Le traitement de la lypémanie peut être hygiénique , mo- ral ou pharmaceutique. Hippocrate et les anciens, les Arabes et les mo- dernes, ont tous observé que Tétat de l'atmosphère exerce une grande influence sur les facultés intellec> tuelles et morales de l'homme. Un climat sec et tem- X. 3o 468 BB LA. rrpÈKkmE végétale conviennent à ces malades; ils doivent s^abs- tenir des végétaux farineux, préférer les légumes her- bacés, les fruits, surtout ceux qui contiennent en plus d abondance le principe mucoso-sucré : tels que les fruits rouges d'été, le raisin, les oranges, les grenades, etc. Fernel, Van-Swiéten, Lorry citent des exemples de mélancoliques guéris par Tusage des fruits d'été; ils auraient pu ajouter par Tusagc très abondant du raisin. L'exercice y de quelque manière qu'il soit pris^ est sans contredit une des grandes ressources pour com- battre la lypémanie; les voyages, qui agissent sur le cerveau par les impressions, en faisant passer en quel- que sorte au travers de Tintelligence une multitude d'i- mages, d'idées sans cesse renouvelées, détruisent né- cessairement cette fixité des idées, cette concentratioB de Tattention si désespérantes. Les malades qui ne peuvent voyager doivent être exercés et distraits par la promenade à pied ou en voiture, par les exercices du corps , par la culture de la terre , par les soins don- nés à un jardin, par les occupations du ménage, par la pratique d'une profession quelconque. L'équitation excite l'activité des viscères abdominaux, favorise la transpiration, repose et distrait l'attention. On obtient d'heureux résultats de la conduite d'une voiture. Les Anglais luttent contre le spleen en prenant la place de leur cocher, et eu parcourant ainsi les rues de Lon- dres; le célèbre Alfieri ne rendait supportable sa noire mélancolie que par ce moyen. La chasse peut remplir les mêmes vues, mais il faut craindre de con6er ou MÉLAHCOUE. 4^9 témérairement des armes à ceux qui ont quelques dis- positions au suicide. Pinel , exprime le vœu que tout hospice d'aliénés soit à portée d'une ferme où l'on puisse faire travailler la terre à ces malades. Le docteur Langermann avait presque effectué ce vœu dans l'hos- pice de Bareuth, dont il était le médecin. ^ Le docteur Horn a pourvu les aliénés de l'hôpital de Berlin de tous les moyens d'exercice compatibles avec leur sûreté , et il en retire de grands avantages.  la Salpétrière, un bon nombre de nos femmes aliénées s'y pccupent à la couture ^ au tricot et à d'autres ouvrages manuels; quelques-unes se livrent à la culture du jar- din j et plusieurs sont occupées au service de l'hospice. Ces occupations actives contribuent aux nombreuses guérisons obtenues dans cette maison. Il n'est pas aussi facile de fournir aux hommes des instrumens de tra- vail, parce qu'ils peuvent en abuser. Les individus qui n'ont point l'habitude de l'occupation , lorsque des obs- tacles invincibles s'opposent à ce qu'ils voyagent , à ce qu'ils montent à cheval, à ce qu'ils aillent en voiture, doivent s'exercer à des jeux qui reposent l'esprit et fa- tiguent le corps : tels sont le volant, la paume , le bal- lon, le billard, etc. Mais aux exercices du corps il faut joindre ceux de Tesprit. L'étude contribue à guérir les mélancoliques, pourvu qu'elle ne s'applique point à des objets propres à exalter l'imagination. Quelquefois aussi , on se prête aux idées mélancoliques de celui * Depuis plut de trente ans on a conseillé le travail et le travail de la terre particulièrement. Aujourd'hui ce précepte est invoqué partout et ini4 en pratique en Allemagne , en Angleterre et en France. qu*on veut guérir. M. Charpentier , dam mm exoélleiite thèse sur la mélancolie, rapporte qu'un ecclésiaftiqoe, devenu mélancolique avec penchant au ftuiddey à k suite des malheurs de la révolution , fut retira de cet état par Pactivîté qu'il mit à défendre le concoftialy qui élait favorable à Findcpendance des ministres de la religion. Un homme se persuade que ses ennenûs l'ont dépouillé de toute sa fortune; il devient triste, morose, refuse de manger, parce qu'il n'a plus rie», pour acheter sa nourriture : il est envoyé à Paris. Aprèi plusieurs mois, je conseille à l'un de ses paréos de supposer un procès et de persuader an malade de consulter un avocat; celui-ci, prévenu, demanda un mémoire écrit, afin de mieux connaître la situation de l'afiaire. Après quelques jours d'hésitation , M... com- mence un iong mémoire qui nécessite plusieurs oour» ses et même de petits voyages. Un mois était à peine écoulé, le mémoire n'était point fini, qu'il était évi- dent que la maladie tendait à sa guérison, laquelle ne se fit pas attendre long-temps. M. Alibert rapporte on fait analogue. Tj'isolement est ordinairement favorable, même lois- qu'il est absolu , la solitude exerce un pouvoir mjst^ rieux qui rétablit les forces morales épuisées par tes passions. Les bains tièdes prolongés sont d'une utilité évidente pour le rétablissement de la transpiration^ et tous les médecins, depuis Galien jusqu'à nos jours, ont vanté leurs bienfaits et en ont soigneusement recommandé lusage. Les excrétions semblent presque toutes 4H3 aflKLàVGOUL 471 dues dans la lypéoianie; la transpiration ne se faîl foimi ; rurine est retenue quelquefois pendant un jour, deiix joursy cinq jours; la constipation est opiniâtre; eU$ persiste pendant des semaines, pendant des mois. Fores> tus parle d'un vieillard qui fut , pendant trois mois , sans évacuations alvines. Cette constipation n'est pas toiiîoQrs sans danger, elle occasionne quelquefois des inflammations iat<'8tinales; il faut la surmonter par k qualité des alimens et des boissons et par Tusage des lavemens, des fomentations sur rabdomen, par les Iniîds de siège, etc. Quoique la continence soit très rarement cause de la mélancolie, il n'est pas moins vrai que, dans quelques circonstances, l'évacuation spermatique a guéri; peut- être l'action morale a-t-elle été plus favorable que 1 éva- cuation elle-même. Il n'est point aisé d'établir le degré d'influence qui, dans cet acte, appartient au physique et au moral : Aëtius a trop vanté les avantages du coït, qu'il prescrit comme un spécifique. Que de faits contraires, je peux opposer à quelques cfbservatiottâ rares. En parcourant les divers matériaux de l'hygiène, j'ai presque tracé les règles les plus importantes pour le traitement des mélancoliques : il me restai parler de l'emploi des passions pour le traitement de ces malades. Rien n'ett plus difiBcile que de maîtriser les passions de l'iiomme sain, combien la difficulté aug- mente lorsqu'on veut diriger les passions des altéiués. Il faut une certaine adresse dans l'esprit, et une grande habitude pour saisir les nuancés infinies que présente ^na DE LA LYPÈMAHIB l'application du traitement moral et pour se déterminer sur l'opportunité de cette application. Tantôt il faut es imposer, et vaincre les résolutions les plus opiniâtres, en inspirant aux malades une passion plus forte que celle qui domine leur raison ; substituer une crainte réelle à une crainte imaginaire; tantôt il faut conquérir leur confiance, relever leur courage abattu en fiûsuit naître l'espérance dans leur cœur. Chaque mélanco- lique doit être conduit d'après une connaissance par* , faite de la portée de son esprit, de son caractère et de ses habitudes, afin de subjuguer la passion giii^ mA trisant sa pensée, entrelient son délire. Les mélanco- liques qui sont sous l'empire de la superstition doi- vent éviter les lectures, les conversations sur le mjrtî» cisme ; il est rare qu'on s'écarte impunément de ce pcé- cepte , et c'est ordinairement après avoir liv des livres propres à exalter l'imagination , après s'être livré à des pratiques religieuses exagérées, après avoir assisté à des prédications qui égarent le sentiment religieux, que le délire mélancolique prend un caractère plus fu- neste. Les guérisons que l'on rapporte et que l'on attri- bue à l'influence religieuse méritent d'être constatées, j'ai fait bien des tentatives; j'ai appelé à mon aide beaucoup et de bien respectables ecclésiastiques, mais rarement ai-je obtenu du succès. Un homme se déses- père pour ne pas avoir obtenu une place ; il se croit déshonoré, lui et sa famille; l'assistance rdigieuse pourra le guérir en faisant diversion à ses idées domi- nantes , et en le persuadant de la vanité des dboses d'ici-bas ; mais un démonomaniaque qe cède point aux ou MÉLANCOLIE. 4?^ conseils d'un ecclésiastique. J'ai vu des aliénés qui n'é- taient rien moins que religieux avant leur maladie et qui après leur guérison sont devenus croyans sincères et pratiquant très régulièrement les préceptes de la re- ligion. Ils étaient convalescens lorsqu'ils ont embrassé franchement les voies religieuses. L'un de ces individus, homme d'un grand mérite et qui a long-temps rempli des fonctions publiques très importantes, a été conduit aux croyances religieuses , qui lui étaient bien étran- gères avant y par le souvenir de tout ce qu'il avait ^prouvé pendant le délire. Lorsque l'amour est la pas- sion dominante, il n'y a souvent que la possession de l'objet aimé qui guérisse : amore medico sanatur amor (Ovide). Tout le monde connaît le fait d'£rasis- trute, qui guérit le fils de Séleucus en déterminant ce prince à sacrifier i sou fils son amour pour Stratonice. Arétée parle d'un Crotoniate qui ne guérit que par la possession de l'objet aimé^ Si des obstacles insurmon- tables s'opposent à l'emploi de ce moyen , quelques mé- decins n'ont pas craint de renvoyer aux conseils donnés par Ovide. Une émotion vive, forte et imprévue , une surprise, la crainte, la terreur, ont eu leurs sxkcoks x spasrno spasmus soU^ituVy dit Lorry. On a eu recours à des moyens plus ou moins ingénieux pour briser les con- victions, pour rompre la chaîne des idées bizarres; mille circonstances peuvent fournir au médecin et faire naître dans son e^rit des indications de thérapeu- tique intellectuelle et morale ; les faits suivans peuvent mettre sur la voie; on en trouve dans tous les recueils d'observations et ^ns les dÎTeraes parties de ut ou» Trage. Alexandre de Traites guérit «ne femme qui croyait avoir avalé un serpent , en Jetant un serpent dans le vase en même tsemps qu'elle vomissait. Zacutni raconte qu'un jeane homme qui se croyait damné , fut guéri par Tintroduction, dans son appartement, d'im homme déguisé sous la forme d'un ange , qui kii an* nonça que ses péchés étaient remis. Ambroise Parc gu^ rit un malade qui croyait avoir des grenouilles dans lu ventre , eu le purgeant et en jetant Air tivement des grenouilles dans son vase de nuit. Un dcmonomaaîaque refuse toute sorte de nounî- ture, parce qu'il se croit mort. Forestus parvient à k £iire manger en lui présentant un autre mott^ qui as* sura au malade que les gens de l'autre inonde naugeaîeit très bien. Alexandre de Traites rapporte que Philotinus dé- trompa un homme qui croyait n'avoir plus de tête, en lui faisant porter un bonnet de plomb , dont la pesan- teur l'avertit enfin de son erreur. Un mélancolique croit qu'il ne peut uriner sans faîne courir à la terre le risque d'être submergée par an nou- Teau déluge. On vient lui annoncer que le Sm menaoe d*embraser la ville, et que, s'il ne oonaent k nnaet^ tout est perdu; il se décide à œ qu'on lui demande, €t guérit. Un jeune homme ne veut pas manger, pnree que ses armis , ses parens seront déshcMioriSS s'il mange. Un de ses amis arrive lont essouflé, et apporte me déoli* ntion du gouvernement ^ik met à l'abri de tontdés» ou v^urcoLifi. 4?^ honneur; le tnalade, qot avail ^pttssé treize jours ma^ rien prendre, mange aussitôt. Pinel rapporte que, pendant qu'il était médecin à Bicâtre,il fit simuler un tribunal, qui jugea un mé- lancolique qui se croyait coupable ; ce stra tagème réussit , mais ce succès fut de courte durée , par Tim* prudence d'un indiscret qui dit à ce même homme qu'on Tavait joué. Le même auteur raconte dans le 7 raitéde lu Mfame^ plusieurs exemples de monomaniaques dont les craintes imaginaires, les répugnances obstinées avaient •cédé à une crainte réelle, causée par un grand appareil âe contrainte; la douleur a aussi triomphé de Tobsti- nation de quelques malades. Une dame confiée à mes soins, qui croyait être damnée et avoir le diable dans le corps, fut guérie par la crainte des bains frais qu'elle redoutait infiniment, dont on lui faisait la menace chaque fois qu'elle s'abandonnait à ses idées et à ses craintes chimériques. On réussit aussi , en persuadant aux lypémaniaques qu'ils n'ont nulle possibilité d'ac* complir leur dessein. Ainsi une jeune personne trompée dans ses affections, ayant, pendant dix-sept jours, re- fiisé de prendre des aliment, pour terminer sa vie^ fut ramenée à la santé, lorsqu'on lui eut ingéré des alimens à l'aide d'une sonde , et qu*elle eut acquis la conviction que, malgré elle, on la nourrirait et qu'on fempécheraît de mourir de faim. J'ai TU la substitution d'une passion à une autre guérir la lypémanie, en s'adressant à l'amour-propre , en l'irritant , l'exaltant ; j'ai fait taire des terreurs ima* gînah-es ; j'ai va l'amour prendre la place d|i délire 476 DÉ LA LYPÉMAHIE . mélancolique chez deux ou trois jeunes lypémaniaques de la Salpêtrière. On doit être sobre dans l'emploi de la crainte et sur* tout de la terreqr; ces passions ont une action séda- tive qui peut avoir les plus graves conséquences. Les effets delà musique, auxquels les anciens ont at- tribué tant de miracles , sont plus utiles dans la mélan- colie que dans les autres espèces d aliénations mentales^ Galien assure qu'£sculapc guérisiait les maladies de l'esprit avec les chants et l'harmonie. On lit, dans Thistoire de la musique , et dans les écrits des méde- cins, des exemples de guérisons produites par ce moyen : pour le rendre efficace, il faut employer un peut nom- bre d'instrumens, il faut choisir des airs appropriés à Tétat du malade. Dans le Mémoire sur Cfiai-enton , je rapporte les résultats que j'ai obtenus de mes essais nom- breux sur la musique (^vojez tome 11 de cet ouvrage). Le traitement qui s'applique directement à la sen* sibilité organique et qu'on appelle traitement physique, lorsqu'il est secondé par l'hygiène, lorsqu'il n'est point dirigé par l'empirisme et par des vues systématiques, contribue certainement à la guérison de la lypémanie; car si cette maladie est souvent produite (>ar les affec- tions morales, elle l'est aussi par des dérangemens phy- siques. Il est d'observation , que les aliénations mea- tales, la mélancolie, en particulier, ofirent plus de chances de guérison lorsque le médecin peut apercevoir quelques désordres dans les fonctions de la vie d'assi- milation. Supposons la nature des causes pathologiques qui ou HIÊLÂNCOLIE. 4? 7 ont produit la mélancolie bien connues , les vues thé- rapeutiques seront dirigées d'après cette connaissance : s'il y a suppression de la menstruation ou des hémor- rhoïdes, il faut rétablir le cours de ces évacuations; s'il y a rétrocession de dartres, on agit sur la peau, etc. Il serait superflu d'entrer dans les détails, les praticiens savent qu'ils ont souvent affaire à des mélancolies dé- pendantes de causes semblables. Il n'est pas toujours aisé de remonter à la connais^ sancc de causes aussi évidentes, on a traité la lypéma- nie conformément aux théories et aux systèmes qui ont prévalu aux différentes époques de la médecine. Les anciens, considérant cette maladie comme produite par la bile, l'atrabile, Thumeur corrodante, employaient les évacuans, surtout les purgatifs; l'ellébore était le remède par excellence contre la mélancolie, son usage était passé en proverbe; l'ellébore d'Antycire était préféré à tout autre. Cclse recommande l'el- lébore blanc dans la monomanie gaie , tandis qu'il prescrit l'ellébore noir contre la lypémanie ou mé- lancolie triste. Quelques modernes ont voulu rap- peler l'usage de lellébore; ils se proposent de purger, mais nous ne manquons pas d'autres médicamens mieux connus, plus sûrs et moins dangereux, car les praticiens qui préconisent l'usage de cette racine, ne lui accordent pas sans doute une vertu spécifique. Pinel s'en tient aux légers laxatifs, aux purgatifs doux; les chicoracées, les plantes savonneuses, combinées avec quelques sels neutres, suffisent pour faire cesser la constipation , soit qu'elle annonce un accès ou un pa- 478 1» I^ UTMbf AJUB roxysme, soît qu'elle oompKque la mâancoUe. Dans k 4iébut des lypémanies, les vonûlift, les éméio-cathar- tiques, sout très utiks. Ou se trouve bien auan d'entre* Seiiir une diarrhée artificielle lorsque lea fistoes du ma- lade le penaetieut, îmîtaut ainsi b nature dans Tun de «es moyens de guérisou : les laveraens plua ou moins ir- ritans oot aussi quelque avantage. Les évacuans convien- nent principalement dans la oiélancolie caractérisée par la nonchalance y TaviTsion pour le mouvement el h testeur des fionctious. On administre le tartrite anlh monié de potasse, à petite» doses rapprochées, aoit pour déplacer Tirrilationysoit pour agir sur Fimaginalion des malades qui se croient bien portans : les doaUura gas- triques ou intestinales qu'ils éprouvent attirent leur attention , leur persuadent qu ils sont malades, et les dé- terminent à faire les remèdes convenaUes.Ches quel- ques mélancoliques qui repoussent toute espèce de nié- dicamcns , on emploie dos substances énergiques souf un petit volumcy et 00 les fait prendre k Tinsu do nuilade, mêlées aux boistoas ou aux alimena : tels sont, la gomme gutto, le diagrèclc, le jalap , Taloès, le mu- riate de mercure doux /etc. Dans ces derniers temps, Darwin a appliqué à la médecine une machine dite rotatoire , dont l'effet est de produire des évacuatmis abondantes par le haut et par le bas; quelques mé- decins anglais, entre autres Masson Cox et Haslam, vantent beaucoup les heureux ef&ts de cette ma- rine ^ dont, le premier en France , j'ai €sit faire un modèle. Quelques médecins ont craint que Tosage de cette machine ne fût plus nuisible qu^udie. Ette po* TO^pt répblaxky itil OBatttdkie TapoplcÛB^ jcstte daiiA U pb» grande faîklene, anèttt- Li ^yocope, rryf les évacuans augmentent le mal. Le médecin doit se proposer de modifier la sensibilité de calmer l'excita- 48o DE l,k LYPétf àiriB tioQ nerveuse par les moyens hygiéniques déjà indi- quésy par les boissons adoucissantes, par les narcoti- ques, par l'opium, par l'usage de l'eau en vapeur, en douches, en bains, en affusions; le bain tiède est plus ou moins prolongé, quelquefois pendant plusieurs heures. Le bain d'immersion dans l'eau froide est utile lorsque la mélancolie est causée par l'onanisme. Les affusions d'enu froide, eu provoquant à l'extérieur une réaction nerveuse, font cesser le spasme intérieur, et provoquent une solution heureuse de la maladie. La douche agit de la même manière, outre qu'entre les mains d'un médecin expérimenté, elle peut avoir une influence morale sur le malade, et le forcer de renoncer à des résolutions funestes et dangereuses. Quelques médecins , et particulièrement Teden et Leroi d'Anvers, ont conseillé de prendre intérieure- ment l'eau froide à très grandes doses; ces médecins la regardent comme un remède presque infaillible contre le suicide. Leà anciens faisaient un grand usage des narcoti- ques. Lazare Rivière vante les bons effets des opiacés. Odier * dit avoir guéri une mélancolie par l'opium, porté graduellement jusqu'à trente grains, et combiné avec égale quantité de musc. On doit en rejeter l'usage chez les individus pléthoriques, et disposés aux conges- tions sanguines. Quelques enthousiastes ont employé le magnétisme dans le traitement de la mélancolie : qu'ont-ils obtenu? * BibtioHtique britannique f Genève. i8t6. . ou hi£lakgoue. 4^1 Quelques résultats peu avantageux et même contestés. J'ai fait aussi des expériences et je n'ai pas obtenu de guérison. Après avoir exposé rapidement les considérations gé- nérales que présente l'étude de la lypémanie ou de la mélancolie avec délire, nous devrions indiquer les for- mes variées que prend le délire mélancolique; mais qui pourrait indiquer toutes ces variétés? Ne sont-elles pas aussi nombreuses que les modifications que la sensibi- lité peut éprouver? n'empruntent-elles pas leurs carac- tères à quelques passions exaltées par l'imagination? et quoique le fond de la maladie reste toujours le même, les traits qui caractérisent chaque maniaque se nuan- cent et se diversifient à l'infini; je ne parlerai que d'un très petit nombre de variétés qui donnent lieu. à des considérations d'un très haut intérêt. 3i 0^ 1>E CL Wm SA. BÉflMVOMUnS. (1814.) Le mot démon , ctvez led sndeo^ ne tm (iMftâit potaM en mauvaise part; il îsignifie espril^ g^^^9 iuÊelUffStêct; 9(M^wnw vient deM|M»v, s&pienSj sviens. PiatMi donM ci Aom au génie à qui le pnsmier êtm ^ eonfiël^ gcmiw- nementdu nMude^Le» Jui&, siprès lei Chaldëens, atirî* huaient presque tontes les maladies auic gënve» , mot êé-' mons.Saûl est agité du malin esprit; Job est le jouet du démon; la dysenterie qui tue Joram reconnaît la même cause; Nabuchodonosor devient lycantr ope par l'ordre de Dieu. Faut-il s'étonner si l'on a appelé sacrées l'hys- térie, l'épilepsie, la mélancolie? Les Grecs accusèrent aussi les esprits de la plupart de leurs maladies ; Héro- dote dit que Cléomènes n'est point devenu furieux par la présence des démons^ mais parce qu'il s'est enivreavec les Scythes. Aristophane appelle le dernier degré de la fureur non pas lutvîa, mais xooeo^atfiiovca. En conservant la première acception de ce mot ^ nous eussions donné le nom de démonomanie à la mélancolie religieuse. La première espèce de ce genre eût signalé les aliénés qui croient être Dieu^ qui s'imaginent avoir desentretiens^ des ♦ commtmreatioas mûmes avec le Saint-Esprit» le3^ aoges^ les sednU ^ qoi pcéteudeioi être iaspicés^ avoir reçu ime. missioa du ciel pour caa«ertir les hoaunea: cette es- pèce eut pris, le nom de théomanie ; la seconde «espècie eût été appelée cacodémoaomauk y et eût compris Uhisl ces infortunés qui se croient possédés du diable et ea son pouvoir ; qui sont convaincus d^avoir assisté aux assemblées chimériques des malins esprits , ou qui crai*. gnent d'être dajtméS'Ct dévoués aux {ewa de renfer. Cette classificadon présenterait sousM«emême vatiété tous Les déUres relatifs aux croyanoes religieuses, £lle meitrait en opposition toutes les variétés de la mélan- colie religieuse; le délire religieuar, gai^ audacieux^ avec orgueil et exaltation , serait pour ainsi dire mis eu regard avec le délire triste^ craintif ,. accompagné de dé* couragemeot et d'effroL Mais le mot démoaomanie est consacre; l'on m'eût acai«sé de néologisme si je l'avais i*ameué à son acception étymologique. L'homme, par son organisation, dépendant des in- fluences extérieures , paasaiit alternativeaient du bien- être à la douleur, de la peine au plaisir^ de la crainte à l'espérance^ fut natmrellemenjt conduit à l'idée ,^jj,j||^ et_du mal; il admit hiantât un être bon et im §énie malfaisant qui présidaient à sa bonne ou a sa mauvaise fortune ; il n'y eut plus qu'un pcis à '&sre ^ et le sys^ tàaie théologique iot trouvé. Ia rcdi^on taalot fut aimable et consolante, tantôt elle prit un ton aévève et menaçant. Mais, la douleur ayant envahi presque toute l'exis^taace de r^homme, U' peÎAe étaxit pli^ ^t^ovh daiunent répandu/^ sur U teire^ U$ idem tristes j^cé* 3ié ^84 DE J[TCQ«s d'une conirée , il en arrivait souvent des pays les phî éloignés; le concours d" le accouru de toutes parts, la présence de révccjui rnipe, l'appareil àebtso- lemiilé, la confiaiice iparait des malades, (ont ce qui pouvait corn leur imagination, conCri- huaient à la guérison « |ues-nns de ces infortunés. On criait au miracle, et c perâuasion préparait de nouvelles gucrisoiis pour années suivantes. Ces *>- lennilés qui, dans qm filli-s de France, se céW- hraicnl encori; vers le eu du dernier siècle, ne doi- vent pas êlre conFondues avec ce qu'on a appelé ta /?le des fous ^ salurnalebiziirre qui avait Leu l]aI1$qae^^es chapitres vers les qaatorziime et quinzième sîèdes. Lorsque le fougueux Luther, sous prAezte d'at- teindre des ahus, s'efforça de refaire l'^Kse, peor venger sa querelle, tes discussions Migîeases devniVBt )e sujet de tons les entretiens,de toutes les prëdfettBos , M même de tous les rapports poHtrques; les dnvs partis se menacèrent réciproqttement de la ^nnnflMa ■éternelle. Le fenatîsme se réveHIa , la mélaticelie rA- gieùse ajouta à tous les maux qu^aTaient provoqwés Its ' ùoTatctirs : Calvin les accrnt encore. On ne vit partant '^e àca exGDDU&wiiés, des damnés «t 4es aorcien; * ^'^r^ira^ 0» créa Aisli'UHUWiX;, Je4î%U^ fut a$sigiié à comparoir, les possédés furent traîui^ en jugeineift, (M dressa .dos éçkafyMàs^ x^u dJimut de^ hHobers; ]£$ idéiiiuiiQ«iaiaiaque&, sow le qa» de sorciers elt de fMiiMedés 9 doubl^ueiU victiiaes des es^reurs ré- gnwte&y furent brûlés, apvès avoir été ms à la çues^ iim, pour ies faii^ iveAoncer au prétendu pacte qu'ils avaient £uit eamc le diable. Dans ces temps waUieureux^ oa avaient tdlement fe manie de tout altiribuer au diable, que Pierire de rAucre ne pouvant oowpiteiidre cornaient Un rocher, situé près d'un village d'Asie , appelé Arpasa , dont parle Pline j qui, «emblable au rocher du Oydobre, dans l'Albigeois, «Sfmeuti^^nd on le touche du bout du doigt, tandis <|Qe les plus grands efforts u» peuvent l'ébranler : Pierre de l'Ancre, dis-je, attribue ce phénomène à la puis- aasce du démon. G.-E. Stabl ^ rapporte des observa- tions de maladies graves .prises pour des œuvres diabo- liques. Sic'en^ait ici lèjieu, je prouverais que l'on s'est servi des aliénés pour rendiie des oracles ; que les prêtres sa- vaient leur »ns|Nirer un sisôut délire : je démontrerai pins tard que la possession du démon est une vraie ipnnomanie. Los démons sont devenus mnets, dès que le chrifitiaAiame eut édairé le monde ^; ils ont cessé de htfiner les Iwnmes depuis qu'on les craint moins. De- {Hiis Qu'on Jue fait fdus Jbirûler les sorciers et les inagi- * ûoilf0iwn uuuaU m 4ifitKm minus, S««Jmtii t 1 7^ » û^4°» ^ Fontenelle^ BUioitedes oraçies, in*ia« 48d BB LA DâfCnrOMÀKIt. ciensy Fiinagiuation en repos n'enfante plus ni sor- ciers ni magiciens. Beaucoup d'individus ont peur de la police, comme autrefois ils auraient eu peur des astres et des démons. Cette crainte est d'autant plus grande et plus funeste , que la police acquiert plus d'influence dans les temps de troubles y dans les dissensions civiles; on ne s'étonnera plus, si dans les hospices d'aliénés, les démonoma- niaques sont remplacés par des malades qui ont peur de la police, de la prison, du supplice. C'est toujours la faiblesse de l'esprit humain, la pusillanimité, l'in* quiétude, la crainte qui agissent sur ces infortunes, comme elles étaient la cause des maladies des possédés. Tel individu est aux Petites-Maisons, parce qu'il craint la police, qui eût été brûlé autrefois, parce qu'il au- rait eu peur du diable. Les médecins et quelques hommes supérieurs ont , dans tous les temps, combattu les préjugés qui Élisaient méconnaître les vraies causes des maladies nerveuses et de l'aliénation mentale. Hippocrate, ou ses disciples, dans le livre De la Maladie sacrée^ assure qu'il ne peut y avoir de maladies causées par les dieux. Ârétée s'ex- prime de même , De causis morb. diut.j lib. i. Le rap- port de Marescot, Riolan et Duret, sur la possession de Marthe Brossier, est un modèle de raison et de sa- voir; ils réduisent leur opinion ai ces termes mémo- mbles : nihil à dœmone ; muliaficla , h morbo pauca. Cardan , Corneille Looz , Joseph Duchêne , Bekker, Pi- gray, Bayle,Naudé, Mead, défendirent ces infortunés contre les préjugés et contre les Del-Rio, les Bodin, les DE LA. DBMONÔMàlflE: 4^ Pierre de rAncre etc. Malebranche, dont l'opinioa ne saurait être suspecte ^ se prononce avec une no- ble franchise ^. Les p^rlemens, sous la présidence des Seguier , annulèrent plusieurs arrêts qui condam- naient au feu des sorciers et des possédés. Tout le monde a lu le beau passage de d'Aguesseau, où ce cé- lèbre magistrat dit au parlement que^ pour faire cesser la sorcellerie, il suffit de ne plus parler des sorciers, de ne plus accorder ^'importance à cette sorte d'aflaire^ et de renvoyer, sans éclat, aux médecins, les sorciers plus à plaindre que coupables. Les sorciers et les possédés, en effet, étaient souvent victimes des impos- teurs qui trafiquaient de l'ignorance et de la supersti- tion de leurs sA^fblables. C'étaient des imbécilles , des mélancoliques , des hystériques qui croyaient être pos- sédés, parce qu'on les avait menacés des démons, des sorciers; les juges livraient aux flammes ces malheureux; il y avait une jurisprudence contre la sorcellerie e^ la magie, comme il y avait des lois contre le vol et le meurtre. Les peuples voyant l'Église et le prince croire à la réalité de ces extravagances , restaient invincible- ment persuadés. Plus on poursuivait les sorciers et les possédés , plus on mettait d'appareil à leur supplice, plus on augmentait le nombre de ces malades , en exal- tant l'imagination , en l'occupant de craintes chimérif ques. Une meilleure éducation, les progrès des lu*» ihières, ont peu-à-peu détruit ces funestes erreurs, et ont eu plus de succès que les bûchers, te code et le digeste. ^ ^ Bacherchit de là vérité i Paris , T769, 4 vcl. ic-ia. Si Ja 4éiiHHioma«ftei asl tob ai^aunl'iiiui« il tCesl fiaf SMS ÎAAërêjt âfi la 4%aaJ(9r «t d'w 44bmnifier lea cwrao- tiwe$ ; s'U B'^isle plus de po^sédtfs^iï j a enooiie quelques nMBCwaniMiues qui ci^eat être au poMvoir 4ii démoa. J'ai i^cueiUi quelqu>QS faits de démoDomanie, je les aï cosuparés avnt, pour ainsi dire, fa^oniuée d'avance pour une semblable maladie. Le tempérament mélancolique , comme le plus favo- rable à la production de la lypémanie, e»t celui de la plupart des démonomaniaques. Une constitution nex^ veuse, une imagination facile à exalter, un caractère jmi- aUlanime, prédiaposent essealÂellement à celte maladie. 5o4 ^B ^^ D^MONOBIAinE. Il serait difficile d'assigner les conditions de la vie les plus propres à favoriser le développement de la lypémanie; elle compte parmi ses victimes, des souve- rains, des législateurs, des philosophes, des savàns, mais surtout des ignorans, des hommes dont TenÊince a été bercée avec des histoires de sorciers, de démons, de revenaus, et de tout ce qui peut tenir Timagination inquiète , tourmentée et disposée aux plus bizarres im- pressions de la frayeur et de la crainte (Mallebranche). Une mauvaise éducation, le fanatisme religieux, la vie ascétique, des idées fausses et exagérées sur la justice divine, sur la damnation, sur l'enfer, sont autant de causes plus ou moins éloignées de cette maladie; de même que la lecture des romans dispose à la mélancolie erotique, la lecture des livres mystiques ou relatifs à la sorcellerie dispose à la démonomanie. Depuis long-temps, la démonomanie ne s'observe presque plus et n'attaque que quelques esprits faibles, crédules. Dès le règne de Henri III , OErodius remarque que la sorcellerie n'est plus le partage que des ignorans et des paysans; sur plus de vingt mille aliénés qui ont passé sous mes yeux , à peine en ai-je vu un sur mille, frappé de cette funeste maladie : ce sont toujours des individus appartenant à la dernière classe de la société, presque jamais des hommes occupant un rang dans le monde par leur naissance, leur éducation et leur for- tune. Il y a bien encore quelques misérables fripons qui abusent de la simplicité et de l'ignorance des habi- tans de la campagne, en leur faisant croire qu'ils possè- dent un pouvoir diabolique , qu'ils peuvent nouer l'ai- DE LA BiMONOMAKIE. 5o5 guillette, rendre malades les enfans, jeter un sort sur les troupeaux. Quelques phénomènes mal observés fortifient la croyance de ces gens simples ^ timides et crédules , et la sorcellerie conserve encore quelques débris obscurs et dédaignés de son ancienne puissance. On trouve encore en Allemagne quelques traces de cette lèpre de l'esprit humain, qui, au reste, est reléguée dans quelques contrées de l'extrême nord de l'Europe, chez les Malaquais, les Siamois, les Indiens et autres peuples enveloppés des épaisses ténèbres de 4'igno- rance. Les causes individuelles et prochaines de la démono- maniesont les mêmes que celles de la lypémanie; mais cette variété reconnaît des causes que l'on peut appeler spécifiques; elles sont physiques ou morales; un esprit faible, une éducation vicieuse, la lecture d'ouvrages de sorcellerie, de magie, etc., des idées religieuses fousses, les préjugés prédisposent à la démonomanio.Une vive commotion morale, une frayeur, un propos ou un regard affectés ou mena^*ans, une prédication véhé- mente, la force de l'imitation sufllsent pour faire éclater l'accès. Le veuvage, le temps critique, des fric- tions faites sur le corps, des suppositoires préparés avec certaines substances , des breuvages composes de substances enivrantes ou narcotiques; telles sont les causes physiques de cette maladie. Gassendi raconte qu'un berger provençal se munissait d'un suppositoire de stramonium quand il allait se coucher : à son réveil il racontait tout ce qu'il avait vu au sabbat. Quelques sorciers, pour aller au sabbat, frottaient leur corps avec 5o6 ]» Li. uàMOxoiUkSfm, de la graisse, qui était préparée avec des substances irri* tantes ou narcotiques. Ces applications agissent de deux manières : i"" sur Timagination en l'excitant et la fixant sur des évènemens promis et désirés ; o,^ en irritant secon- dairement le cerveau y elles provoquaient des rêves qui étaient presque toujours calqués sur. les idées, les ^csirs ou les craintes de la veille. Ce mode de fascination est bien ancien y puisque les Grecs appelaient foppaxcdcç les sorcières et les magiciennes; ils leur donnaient peut-être aussi ce nom parce que les plantes entraient dann les maléfices. La possession n'a eu souvent pour cause que le re- gard d'un sorcier. L'influence d'un regard amoureux sur une jeune personpe^ les effets d'un regard Golère, menaçant, sur un esprit prévenu ou timide^ n'eussent- ils pas suffi pour rendre compte des suites de la £iici- nation par \e regard! sans avoir besoin de recourir à un pouvoir surnaturel et diabolique? L'accès de démonomanie éclate ordinairement tout- à-coup; son invasion est brusque; sa durée est plus ou moins longue; sa guérison douteuse. La démonomanie se termine par la démence. Les convulsions, le ma- rasme, le scorbut, la phthisie, la fièvre lente mettent fin à la vie des démonomaniaques. I^ démonomaniaques sont maigres, leur teukt est jaune, hàlé, ils ont la physionomie Ln£ X^ DEMONOMANIE. prennent un caractère sublime et contemplatif, si pen- dant la veille 1 ame élève ses méditations sur les gran- deurs de la divinité; elles spnt erotiques , si le cœur et l'esprit se bercent dans les rêveries de Tamour; elles sont obscènes, si, pendant la veille, on s'est livré à des pensées lascives, si Tutérus excité, irrité, donne lieu à des illusions, qui sont prises pour des pratiques diabo- liques : c'est ce que prouvent les observations rappor- tées dans divers articles de cette publication, d'ailleurs si ressemblantes à ce que Martin Del-Rio a écrit d'Au- gèle de Soligny. Cette femme n'offre-t-elle point tous les traits de la nymphomanie provoquée par le veuvage et la vie contemplative portée au plus haut degré, et com- battue par les principes religieux ? Dans la description du sabbat, sont réunies toutes les circonstances propres à exciter l'imagination. Les assem- blées se font pendant la nuit qui , de tous les temps, fut consacrée aux mystères; la nuit est plus favorable aux il- lusions et à la frayeur; elle préside aux songes. Une île abandonnée, une roche escarpée, une caverne entou- rée d'une antique forêt, un vieux château abandonné, un cimetière, etc., tels furent les lieux des rendez-vous. L'adoration du bouc remonte aux temps les plus recu- lés; elle appartient à une antique pratique reUgiease des Egyptiens qui rendirent, dans Mendès, un culte infâme au bouc Hazazel. Les anciens joignaient aux prières, aux invocatiqns, la préparation de quelques plantes, l'immolation de quelques animaux dévoués aux puissances infernales; des enfans étaient sacrifiés. De- puis le christianisme, la sorcellerie s'empara des idées de DE LA DÉMONOMAIflE. SoQ Spiritualisme qui prévalurent; elle emprunta au culte des chrétiens, les croix, les prières, les hosties, et pro- fana ces objets sacrés de la manière la plus révoltante aOn de mieux venger le diable de sa défaite. I^s sorciers d'Irlande récitent toujours XAve^Maria dans leurs pra- tiques de sorcellerie. En Livonie, le grand talisman contre la sorcellerie consiste dans les paroles suivantes : Deux jeiLX Vont regardé; puissent trois autres jeter un regard favorable sur toi, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Comme tous les lypomaniaques, les démonomania* ques ont des hallucinations et des illusions de sens; les uns croient être le diable, les autres se persuadent avoir le diable dans le corps, qui les pince, les mord, les déchire, les brûle; quelques-uns l'entendent parler, sa voix part de l'estomac, du ventre, de Tutcrus; ils con- versent avec lui; le diable leur conseille des crimes, des meurtres, des incendies, le suicide; il les provoque aux obscénités les plus ordurières, aux blasphèmes les plus impies; il les menace, Xeis^ frappe s'ils n'obéissent à ses ordres. Plusieurs possédés, retenus en prison, assu- raient que le diable était venu les y trouver. Ne voyons- nous pas les maniaques, les mélancoliques qui causent, se disputent avec des êtres fantastiques qu'ils se persua- dent être à côté d eux et s'être introduits par la che- minée, par la serrure? Il en est de même des illusions de la vue et du toucher. Quelques possédés ou sor- ciers, pour se rendre au sabbat , avaient un balai entre les jambes ; les autres étaient montés sur un bouc , ui> âne, un chien, etc. Ceux-ci se graissaient le corps avee 5 lo Bv xAi wésÊomouâmm. un onguent ; ceuxJà n'aweftt beso» que de hmt magi- nation : tous, sans passer par la chemmëe, aans sortir de leur habitation , et de leur Kt , arrivaient au sabbat où ils voyaient le diable, tantôt sous la ferme d*ini bouc, d'un satyre, d'un chat noîr, tantât sous celle d'un homme blanc ou noir. Ce sont les rêves obsoènes qui ont donné croyance aux incubes et aux succubes. Quel- ques femmes, plus hystériques , ont vu le diable sous k forme d'un jeune homme, beau, bien fait. Nul doute que des libertins, abusant de la faiblesse de quelques femmes, n'aient emprunté au diable sa forme et sa puissance. J'ai donné des soins à un maniaque qui, tous les soirs, croyait coucher avec ses maîtresses, et causait avec elles, prenant différentes voix avec cha- cune d'elles , suivant le caractère et l'humeur de cha- cune. Il est beaucoup de iypémaniaques erotiques qui sont convaincues avoir eu des rapports intimes avec des hommes à qui elles ont à peine adressé la parole, mais dont leur tête s'est éprise. M^l^ de..., âgée de 3i ans, d'une taille moyenne, ayant les cheveux et les sourcils noirs, l'habitude du corps maigre, le tempérament nerveux, le carac- tère mélancolique, la conduite très régulière, se rend avec madame sa mère, pour entendre le cours de botanique d'un célèbre professeur. Après quelques le- çons, M^^ de... se persuade qu'elle est enceinte du pro- fesseur qui est âgé, à qui elle n'a jamais parlé; rien ne peut la dissuader. Elle maigrit beaucoup, ne mange point , est horriblement contrariée de ae plus r^oumer entendre celui qui l'a ireudu aère. Les meostrues se suppriment , ce qui est une nouvene preuve de gros- sesse. Les conseils d'une mère tendre et aimée, les më* décins , les médicamens, tout est repoussé avec obstina- tion. M^^ de... passe dix-huit mois à Ëiire une lajette; le neuvième, le dixième mois, s'ëeoulent sans accouche- meiit. Il n'a pas lien , dit la malade, parce qu'elle n'a pas les coliques eu les douleurs nécessaires. Elle reste de- bout, les pieds mis, afin de provoquer les douleurs; eUe entend le père de l'enfant qu'elle porte, qui l'exhorte à la patience et l'encourage à supporter les douleurs fa- vorables à l'enfantement; elle pousse quelquefois des cris que ne manquent jamais de faire les femmes qui accouchent. D'ailleurs, M^^^ de... est très raisonnable. Je sais bien que j'ai l'air d'une folle, dit-elle quelque- fois , mais il est certain que je suis enceinte. M'^^ de... est confiée à mes soins après dix-huit mois de maladie. Elle est très maigre, très faible, le pouls fréquent, petit, la peau sèche , brûlante ; triste , sans parole , sans mou- vement, ne voulant ni s'asseoir pendant le jour, ni se coucher pendant la nuit. M**« de... refuse toute nour- riture. J'ai pu vaincre le refus de se nourrir à l'aide des affusions d'eau froide; mais rien n'a pu triompher des convictions de cette malade , qui , quelques mois après ^ est allé mourir à sa campagne. Le marmotement continuel de qudques possédés fai- sait croire que ces malheureux s'entretenaient avec le diable de manière à n'être point entendus. On retrouve ce symptôme chez un très grand nombre de mélancoliques, surtout chez ceux qui sont tombés dans la démence ^ qui balbutient, à voix très basse, des mots sans suite* 5ia BB LA DÉMOirOMAiriC. Les possédés , comme tous les mélancoliques, obsé- dés par leurs idées, négligeaient leurs parens,4eurs amis, leurs intérêts; les possédés étaient misérables et dans l'infortune; jamais ils n enrichissaient leur famille; ils ne le pouvaient pas plus qu'ils ne pouvaient se délivrer des démous et des mains des juges qui allaient les Brû- ler. C'est que l'imprévoyance, l'incapacité pour toute sorte de soins sont des caractères , non-seulement de la lypémanie, mais encore de la plupart des passions qui ont tant de rapports avec elle. Les possédés étaient très entêtés dans leur croyance, rarement trahissaient-ils leurs adhérens. Malgré les plus grands supplices , maigre la question la plus bar* bare , la plupart restaient attachés à leurs idées , et re- fusaient obstinément de renoncer au pacte. Le démon leur donnait cette force et cette opiniâtreté; ils étaient abandonnes de Dieu , qui déteste leurs abominations. Cet entêtement est caractéristique de la mélancolie; le raisonnement, les privations, la douleur, rien ne peut convaincre le lypémaniaque; plus on fait d'efforts pour le persuader, plus il résiste et plus il se raidit. La dé- fiance, la crainte, l'amour-propre fortifient ses convic- tions ; les supplices ne font que l'accroître. J'ai donné des soins à un jeune homme, qui, trompé par un sentiment d'honneur exagéré, refusait toute nourriture. Après avoir épuisé tous les moyens connus, j'appliquai avec gi*and appareil, des fers rouges sur diverses parties du corps, sans pouvoir vaincre son refus. Une sur- prise réussit mieux. Que ne peut supporter l'homme lorsque son imagination est fortement exaltée! les en- DE LA DÉtfONOMAiriE. 5l5 fans de Sparte déchirés de coups de fouets, sur i'autel de Diane, expiraient sans proférer une plainte; un en» fant de Lacédémone , ayant dérobé un renard , le cacha sous sa tui^ique, et se laissa déchirer le ventre avec les dents et les ongles de cet animal, sans témoigner la moindre douleur, crainte d'être découvert. Jusqu'où peut aller l'insensibilité dans l'hystérie, dans les convuU sions ! La princesse ... , âgée de 217 ans, d'un tempérament nerveux, d'une imagination très vive, d'un caractère gai et doux , avait reçu une éducation très distinguée et unejuslruction très étendue, trop forte pour une femme. Mariée fort jeune , madame a de grands cha- grins domestiques qui altèrent sa gaité naturelle et a rendent mélancolique. Des missionnaires vont à Saint- Pétersbourg, obtiennent la permission de prêcher. Leurs prédications font une grande impression sur l'esprit des grandes dames du pays. L'imagination de la princesse n'est pas la dernière à s'exalter. La voilà enthousiaste et incertaine, si elle n'abandonnera pas le culte dominant. Le souverain exprime d'abord son mé- contentement, puis il renvoie les missionnaires : cha- cun craint d'encourir la disgrâce d'un souverain qu'on aime ; la princesse affaiblie par ses chagrins est facilement subjuguée par des terreurs religieuses, par Tappréhension d'une persécution. Elle devient lypéma- niaque, s'accuse d'avoir commis des crimes, exprime l'effroi d'être exposée à subir le martyre. Sa tête s'égare davantage, et un jour, soit pour se punir , soit pour essayer son courage, elle place le doigt médius de la I. 33 5l6 DE LA BiMONOMANIB. mandaient ce qu'ils deviendraient quand ils seraient seuls sur la terre. Les convulsions sont de tous les temps, parce quMles dépendent autant de l'organisme que de Timagination; elles compliquent toutes les aliénations mentales. Les prétresses, les sibylles, les pythonisses entraient en con- vulsions lorsque l'esprit prophétique s'emparait d'elles. Les possédés étaient pris de convulsions lorsque le délire était très intense, quelques-uns devenaient maniaques, enragés, et mouraient. Cette terminaison qui n'est pas rare dans les maladies convulsives, était regardée comme le dernier effort du diable , contraint de quit- ter le corps du possédé ; les fripons en abusaient pour mieux tromper les ignorans. En lisant les histoires rap- portées par les démonographes ou conservées jdans les procès faits aux possédés, on acquiert la preuve que ces convulsions , ces contorsions , ces grandes con- tractions musculaires, données comme des efforts du diable, ne sont que des symptômes nerveux auxquels sont exposés les hystériques, les hypocondriaques, les épileptiques. Ces convulsions n'en imposèrent point à Pigrai lorsqu'il fut chargé de prononcer sur quatorze infortunés condamnés au feu ; il décida qu'il fallait leur donner de l'ellébore : elles ne trompèrent point ies hommes instruits qui les virent à Saint-Médaixf, ni le magistrat qui les fit cesser à volonté, malgré le mur- mure de quelques intrigans qui voulaient abuser plus long-temps de la crédulité pubHque. De tout ce qui précède, nous concluons : i® que la démoiionianie est une variété de la mélancolie reli- DE LA D^MONOMAlflE. 617 gieuse; 2^ qu'elle reconnaît, pour cause éloignée, Tignorance, les préjugés, la faiblesse et la pusillani- inîté de l'esprit humain ; 3"* que l'inquiétude, la crainte, l'elffroi la provoquent; 4° que le délire, les détermina- tions et les actions des démonomaniaques ont pour principe de fausses idées sur la religion , et une horrible dépravation des mœurs; 5° et que cette maladie est de- venue plus rare depuis que l'enseignement religieux , une éducation meilleure et une instruction plus géné- rale ont éclairé plus uniformément toutes les classes de la société. Il faut signaler comme une des variétés de la démo- nomanie, cet état dans lequel quelques aliénés, frappés des terreurs de l'enfer, croient être damnes; ce sont des personnes dont l'esprit est faible, timide, craintif; dont le cœur est droit et pur ; dont les convictions sont profondes; qui croient avoir commis des fautes, des crimes, dont ils ne peuvent éviter le châtiment; ils sont désespérés; ils ne sont pas comme les démonomania- ques actuellement au pouvoir du diable, ils ne voient pas, ne sentent pas des flammes, du soufre qui les dévo- rent, mais ils redoutent la damnation, et sont con- vaincus qu'ils iront dans l'enfer. Ils s'imposent des niortiBcations plus ou moins outrées, plus ou moins bizarres pour prévenir leur destinée. L'histoire de toutes les religions présente des hommes, qui , effrayés de l'avenir, soumettent leur corps et. leur esprit aux tor- tures les plus cruelles et les plus inconcevables, tantôt pour obtenir les faveurs du ciel, tantôt pour désarmer la colère céleste. 5l6 BK Ul mSMOirOMAIflC. Un caractère pusilianitne , r^xagératkm^ rignorance flks vrais principes religieax , la lecture de livres pro- pres à asservir Tesprit, le temps critique, la masturba- tion , les re\*ers de fortune , sont les causes les plas fré- quentes de cette variété , qui, de nos jours , n^est pas aussi rare que la démonomanic , et qui n'épargne pas comme elle les premières classes de la société. La démonomanie fournit la preuve la plus remar- quable de l'opposition étrange qui existe entre les idées et les déterminations. L'impulsion au meurtre et an sui- cide est très à redouter chez les individus, qui craignent la damnation et Tenfer. Sauvages, Forestus, Pinel, en rap- portent plusieurs exemples. Ce n'est ni le spleen , ni le dégoût de la vie qui les poussent au suicide, c'est la frayeur qui privant l'homme de la faculté de raisonner, le précipite au-devant du mal qu'il redoute le pins? Comment, disais-je à un jeune homme, vous craignes d'être damné, et vous voulez, en vous tuant, hâter le moment du supplice éternel dont la pensée vous déses- père? Ce simple raisonnement ne pouvait entrer dans sa télé. La peur m^ un sentiment qui se surmonte par un sentiment plus fort. Les individus, qui craignent d'être damnés , sont horriblement malheureux. Uni- quement occupés de leurs souffrances, de leurs (our- mens actuels, l'imagination leur peint cet état d'an- goisse comme le plus grand des maux, comme plus grand que la mort même. Les maux qu'ils redoutent, nais qu'ils ignorent, ont nécessairement moins d*ae- tîon sur eux que les maux qu'ils endurent ; les maux à venir peuvent n'être que des chimères; les maux 9E 9Jà. BEWOA OnLUTE. ^^9 actuels «ont «les néalîtës; YialtcAérMe position oii ils sont est afiveuse, îl ffttrt ta cintnger; n'ayant pas as- sez 4e £Hiee ^our souffrir, commenl en auraient-ils ]M>tir «spërer? c est là «tout le désespoir. ïi faut faire ces- ser «ette situation à ^eique prix que ce soit; le plus sûr est de .cesser de TTvre^ la résolution est prise, la rai«- son s'égare, l'aivenir , ies supplices de l'enfer s'évanouis- sent ; le délire et le désespoir conduisent le fer du mo- noinaniaque qui se tue. De tous les aliénés , les iypémaniaqnes sont les plus atroces : non-seulement ces infortunés attentent à leur existence, mais ils dirigent leurs coups sur leurs amis, leurs parens, ieurs enfens. Un malheureux sort d'un sermon, se croit damné, rentre chez lui et tue ses en- fans pour leur épargner le même sort (Pinel). Une jeune femme -éprouve quelques contrariétés domesti- ques : elle se persuade qu'elle est daninée; pendant plus de six mois elle est tourmentée du désir de terminer l'existence de ses enfans, pour les préserver des peines de l'autre vie. Lorsque les infortunés atteints de cette effroyable folie, obéissant à leur aveugle fureur, ont exécuté leur horrible dessein sur leurs semblables^ ils ne gciérissent point ; c'est du moins ce que j'ai ob- serré piasîeurs ibis. On conçoit que le retour de la rai- son , rameoMVt de trop justes reproches , provoque la douleur morale, et jette dans les pkis déchirans re- gtiets, et bientôt après, les mêmes toormens et le même àéikre. Le traitement de la démonoroanie est le même que celui de la lypémanie ou mélancolie avec détire* Le 5aO D£ LA DSMOirOMAinK. traitement pharmaceutique , ainsi que le régime , dé- pendent. daJa^.çpiinaissance des causes. Albrecht np> porte qu'il a guéri un homme robuste, qui, depms quelques années, passait pour possédé, eu lui fiiîaant prendre du vin émétique de quatorze ea quatorze jours : à la quatrième prise son malade fut gnérL ' Les moyens moraux ne différent pas de ceux qui conviennent à la lypémanie en général. L'assistance des ministres de la religioi a rarement été suivie de succès, surtout d'un succès durable. Une dame se croyait damnée, elle eut recours à plusieurs prêtres; un prélat aussi respectable par son âge que par ses vertus, se rendit chez elle avec ses ornemens pontificaux , la confessa, lui prodigua les consolations religieuses; la malade recouvra pour quelques heures une raison par- faite ; le lendemain elle retomba dans un état pire. Ce- pendant je ne pense pas qu'un tel secours doive être négligé; les consolations de la religion, la présence, les encouragcmens d'un ministre des autels , en rév^l- lant quelque confiance dans le malade, peuvent faire naître en lui l'espérance et le mettre sur la voie de la guérison. On trouve plusieurs exemples de guérison dan s les auteurs. Zacutus raconte qu'il rendit la santé à un démonomaniaque , eu introduisant dans sa cbaoubre et pendant la nuit un individu sous la forme d'un ange, qui annonça au malade que I)ieu lui avait pardonné^: ce stratagème réussit. On peiil en imaginer dfe sembla- bles ; si la maladie n'est pas ancienne , si «lie n*est pas - M ' Décade philosophique, an it. ' . ■' • i DE LA DiMONOMANIE. 5a I compliquée de lésion organique ^ de paralysie, de scorbut y on peut espérer quelque succès. Reil indique un grand nombre de moyens; ils se réduisent tous à ce principe général : frapper vivement l'imagination des aliénés, pour la subjuguer et s'emparer ensuite de leur confiance et de leur esprit ; ou combattre une passion par une passion. Il faut pour cela im esprit observa- teur , une grande habitude de manier Tintelligence et les passions des hommes. A la démonomanie se rapporte comme sous-variété la zoantropie, déplorable aberration de l'esprit qui per-. vertit même l'instinct de sa propre existence, qui per- suade au lypémaniaque qu'il est changé en béte. Cette étrange folie a été observée dès la plus haute antiquité; elle se rattache aux cultes des anciens païens qui sacri- fiaient des animaux à leurs dieux. La lycanthropie a été décrite par Âêlius et par les Arabes. Elle s'est montrée depuis le quinzième siècle , et Ton a donné en France le nom de loups «garoux aux lycanthropes; ces malheureux fuient leurs sembla- bles, vivent dans les bois, dans les cimetières, dans les vieilles ruines, courent les campagnes pendant la nuit, en faisant des hurlemens; ils laissent croître la barbe, les ongles, et se confirment ainsi dans leur déplorable conviction en se voyant couverts de longs poils et armés de griffes. Poussés par le besoin ou par une férocité atroce, ils se précipitent sur les enfans, les déchirent, les *tuedt et les dévorent. Roulet, à la fin du seizième siècle, fut arrêté comme loup-garou, et avoua qu'avec son {fève et un cousin , après s'être frottés le corps d'un 9Bguefit, îU étaient duntgés tn loups , tt qu'hors ils omnrraîeiit les champs et naiigettîeiit les emfans. La jus- tice, déjà mieux éclaifée que éàvs les siècles prëoédens j icwoya ce malheureux dans un hôpital de fous. On a observé des lycanthropes qui se croyaient chan- gés en chiens , on les appelle cynanthropes. Un grand seigneur de la cour de Louis XIV éprouvait par instant le besoin d'aboyer ; il passait sa tête à travers les croi- sées pour satisfaire à ce besoin. Dom Calmet rtipporte que dans un couvent d'Alleotagne les retigienses se cru- rent changées en chats, et qak une heure fixe de la jour- née, ces religieuses couraient dans tout le coavent en miaulant à qui mieux mieux. On trouve même de nos jours des aliénés qui, ne croyant plus à la puissance matérielle du diable, croient au sort; ils se persuadent qu'on leur a jeté un sort qni cause toutes 4es douleurs qu'ils souffrent , qu'ils ^ont un objet d'horreur et qu'ils doivent s'éloigner du monde; ce malheureux travers d'esprit se montre dans les cam- pagnes. Nous avons à Charenton nn jeune homme des montagnes du Limousin, d'un tempérament bilioso- sanguin, ayant rhabi^udecki corps très maigre, les che- veux «t les yeux noirs, le teint pale, qui a le dracç dans le ventre. Le éracq ou sort se porte quelque/bis à la tête, le torttu^ de raille manières pendant le jour, sortont pendant la nuit , il lui parie , et le menace. Si je ^ienumde à oe inattieiireux ce que c'est que lec^c^i « je «'-en sais rien , répond-il , mais c'csJt Tin sort qu'on m'a j€ïlé, j'ai tout fait pour m'en -ééKrfer et persoûne ■5wi peot venir à bosft. « I>B XA DÉHOTfOMAirrE. 5^3 D'autres lypénumiaqaes sont convaincus qu'îk n'ont point de tête, quils ont une tête de verre, d'oiseau, qu'une énorme excroissance pend de tenr nez, que leur corps elt de beurre, leurs jambes de cire ou de verrejl^ et faut-il reparler aussi de cette singulière perversion qui persuade à une demoiselle que nous avons à Cha- renton qu'elle n'a plus 6e corps, qui va sans cesse comme une personne égarée à la recherche de son corps, elle nous le demande pendant la visite, et répète sans cesse : « je n'ai plus de corps, que vais-je devenir! ren- dez-moi mpn corps. » Hippocrate avait apprécié la cause de la maladie des Scythes, qui se reproduit quelquefois de nos jours sous d autres influences. Madame M..., veuve, éprouva après la mort de son mari de très grands chagrins , la perte de sa fortune; elle a un accès de manie, fait des tentatives de suicide et est envoyée à la Salpêtrière. Madame était d'une taille petite, très maigre, très agitée, pariant sans cesse, assurant et répétant avec emportement qu'elle était non une femme mais un homme. Si quelqu'un en lui parlant l'appelait madame, aussitôt M... devenait plus agitée , disait des injures ou se livrait à des actes de vi<^ence. M. Pussin, alors surveillant de la direction des femmes aliénées de Fhospice , s'enttenadit avec M. Pi- nel pour procurer des habits d'homme à cette femme; ces habits furent mis avec des transports de joie, et M... se promena au miHeu de toutes ses compagnes avec crae sorte d^offle^tatioa ; eRe fut plus cahne, plus tran- quille K parla beaucoup moins, mais eHe s'agitait jus* quT^ ht fcrcur si txi ne f appelait pas monsieur ou si on 5a4 I>£ ^^ DÉMONOMAiriR. l'appelait madame. Peu-à«peu les forces de cette malade s'af&iblirent, elle entra à TinCrmerie au mois de no- vembre 1802, ayant un dévoiement trè^ abondant, et ^tant d'une très grande faiblesse; elle rejetait pflrle vo- ihissement les bouilloDs , les tisanes , les potions qa'oo lui prescrivait; elle ^nit par ne vouloir plus rien prendre, et succomba sept jours après, à l'âge de 68 ans, conservant le même délire jusqu'aux derniers jours de sa vie. A l'ouverture du corps, je trouvai les vais* seaux extérieurs du crâne gorgés de sang, la substance cérébrale n'offrit rien de remarquable que beaucoup de gouttelettes de sang lorsqu'elle était divisée par tranches; les ventricules latéraux contenaient chacun environ deoi onces de sérosité; la membrane muqueuse de TestooiiCy dans sa petite courbure, offrait un ulcère d'une âendoe d'environ 4 pouces de circonférence, la surfine âaot bourgeonnée et d'un aspect grisâtre ; près da pylore il existait une espèce de polype extrêmement mou , à base fort large, faisant une saillie d'un pouce environ et ayant une couleur brune ; des traces d'inflammation se faisaient remarquer sur la muqueuse de Testomac, du cœcum, du colon et du rectum, celte membrane était détruite en quelques points; la vésicule biliaire conte- nait une bile d'un vert très foncé , grenue et mêlée à de petites concrétions. J'ai donné des soins, il y a bien des années, à un homme âgé de 26 ans, d'une taille élevée, d'une belle stature, d'une jolie hguiie, qui, dans sa première jeunesse, aimait à se revêtir des habits de femme. Ad- mis dans la haute société, si l'on y jouait la comédie, DE LA D£MONOMANI£. 5^5 il choisissait toujours les rôles de femmes; enfia, après une très légère contrarîétë, il se persuada qu'il était femme et chercha à en convaincre tout le monde , même les membresdesafamille; illuiarrivaplusieursfoischezluide se mettre nu, de se coiffer et de se draper en nymphe , dans cet habillement il voulait courir dans les rues. Confié à mes soins 9 hors de ce travers d'esprit, M... ne dérai- sonnait point, mais il était toute la journée occupé à friser ses cheveux, à se mirer dans une glace, et avec ses robes de chambre, il faisait tous ses efforts pour ren- dre son costume aussi semblable que possible à celui d'une femme; il imitait leur démarche en se promenant. Un jour , me promenant avec lui dans un jardin , je soulevai le pan de sa redingote qu'il avait arrangé de sou mieux, aussitôt M... fait un pas en arrière et me traite d'impertinent et d'impudique. Nul raisonnement, nul soin j nul régime n'ont pu rendre la raison à ce malheureux. 5a6 BU &uiai>E. )•••••( Z. BV SVZCZBX. (1821.) Dans aucune langue il n'y a de terme pour exprimer l'action par laquelle lliomme met fin à sa propre eiis- tence. Le tenne qui nous manquait pour exprimer une action devenue malheurensement trop fréquente, fut créé dans le dernier siècle par le fameux DesfoDtaînes. Suicidum^ autochiria^ melancoUa anglica de Sauvages. Suicide de Pinel. Les mœurs, les croyances religieuses, les lois, ont singulièrement contribué à modiRer l'opinion des peu- ples sur le meurtre de soi-même, et à rendre cette action plus ou moins fréquente. Les philosophes anciens n ont pas été d'accord sur l'appréciation de cet acte; les uns, Démétrius et Zenon à leur tête, non-seulement ont approuvé le suicide, mais l'ont justifié par leur exem- ple ; quelques autres, tels que Platon, Cicéron, ont eu des opinions incertaines; le plus grand nombre, avec Pythagore, Socrate, condamnent le suicide. La législa- tion a varié aussi chez divers peuples, et même dans le même pays. Là le suicide est autorisé par la loi; ici, il n'est toléré que dans des circonstances déterminées; ailleurs , il est condamné comme un crime. Toutes les BU suiciiafi. 527 lois de TEiirope moderue et cmlis^e, même le Coraa, condamnent et flétrissftxit l'boinîclde de soi-même. Ce- pendant l'opinion générale qui Eût regarder le suicide ou comme mie action indifférente ou comme l'efTet d'une maladie ou d'un délire, semble avoir prévalu cle nos jours y même contre le texte des lois religieuses et civiles. Il n'est point de mon sujet de traiter du suicide sous le rapport légal, par conséquent de sa criminalité ; je dois me borner à faire connaître le suicide comme un des objets les plus importa ns de la médecine cli- nique. Le meurtre de soi-même a lieu dans des circonstances si opposées , il est déterminé par des motifs si divers, qu'on ne peut le confondre sous une même dénomina- tion. Quelque variés que soient les motifs et les circon- stances qui font prodiguer la vie et braver la mort, presque toujours ils exaltent l'imagination, ou pour un bien plus précieux que le vivre , ou pour un mal plus redoutable que le mourir. Avant de tracer l'blstoire du suicide, peut-être est-il bon d'indiquer les circonstances principales qui portent riiomme à mettre fin à son existence. De ces considéra- tions préliminaires , nous passerons à l'expoaitioii des syQiptomes, à la recherche des causes^ à l'ouverture des cadavres; enfin nous terminerons par quelques vues gé- nérales sur les moyens propres à prévenir le suicide et à combattre la funeste invpulsion qui pousse l'homme a mettre fin à son existence. L'homme se tue ou s'expose à une mort certaine^ mu 5a8 J><^ suicn». par les sentimens les plus élevés; son acdon alors est digne d^admiration et eiclut le blâme. Victimes d'idées £aiusses , mais populaires , d'usages barbares y mais nationaux, non -seulement des indi* vidusy mais des sectes entières se sont voués à la mort volontaire. Toutes les passions ont leur fureur ; dans lairs excès y il n'est rien qu'elles ne sacrifient; et l'homme en proie au délire d'une passion , n'épargne pas tes « propres jours. Dan^ le délire fébrile , dans la manie, l'on se tue beau- coup plus souvent qu'on le pense communément L'hypocondrie, la lypémanie sont le plus or£nai- rement la vraie cause de la haine ou de l'ennui de la vie , qui enfantent si souvent le suicide qu'on appdle volontaire. Celui qui veut terminer son existence , quelquefois mu par divers motifs , ne se frappe pas lui-même ; il de- vient homicide. Il n'est pas très rare que deux individus^ entraînés par une ps^ssion aveugle ou par la misère, sont résolus à mourir et se donnent réciproquement la mort. Enfin, le suicide est quelquefois simulé. D'après ce qui précède, on entrevoit déjà que le sui- cide n'est pour nous qu'un phénomène consécutif à un grand nombre de causes diverses ; qu'il se montre avec des caractères très différens ; que ce phénomène ne peut caractériser une maladie. C'est pour avoir fait du sui- cide une msthàie sui generis, qu'on a établi des propo- sitions générales démenties par l'expérience. DU SUICIDE. 529 Il n'est point homicide de lui-même , celui qui, n^é- coûtant que des sentimens nobles et généreux , se jette dans un péril certain, s'expose à une mort inévitable, et sacrifie volontairement sa vie, pour obéir aux lois, pour garder la foi jurée pour le salut de son pays. Tels fu- rent les Decius Mus , qui allèrent chercher la mort dans le camp ennemi, pour accomplir l'oracle , qui, à ce prix, avait promis la victoire aux Athéniens. Tel fut Curtius qui se précipita tout armé dans un gouffre pour assurer la victoire aux Romains. Tel fut d'Assas, qui n'hésita point à faire le sacrifice de sa vie pour sauver le régiment d'Auvergne, qui eût été surpris sans le dé- Yoûment héroïque de cet officier. Tels furent les géné- reux habitans de Calais et de Rouen , qui s'offrirent à la mort pour sauver leurs concitoyens près de périr par le fer ennemi ou par la famine. Socrate et Regulus fu- rent-ils meurtriers d'eux-mêmes, l'un pour avoir refusé de se soustraire à l'exécution des lois qui le condam- naient à la mort , l'autre pour n'avoir pas voulu man- quer à sa parole? Donnera-t-on le nom de suicide à ces malheureux , qui , victimes des croyances religieuses , des usages de leur pays, croient en se dévouant à la mort, accom- plir un devoir, faire une action mémorable et digne de récompense ? Cet espoir embrassé avec ardeur a inspiré le sacrifice de la vie, non-seulement à quelques parti- culiers, mais à des peuplades, à des nations entières : tels furent les Thraces, les Germains, les Arabes, tels sont encore les Indiens. Les gymnosophites, vivant dans les forêts, apprenaient à mépriser la vie; méditant X. 34 53o BU SUICIDE. sans oesae sur la mort^ ila la regardaient conmie le bien suprÂme. I.iea maladies^ les infirmités ^ et la VietU lesse passaient chez eux pour un opprobre et la dernière honte était attachée à la mort naturelle. Aussi , dès qu'ils étaient malades, vieux où infirmes , ils se jetaient sur le bûcher. Dans la capitale de file de Céos, patrie de Simonide, on ne voyait point de vieillards. L'usage voulait et les lois permettaient la mort volontaire à ceitx qui , parvenus à Tâge de 60 ans y n'étaient plus en étal de servir la république ; c'était une honte ^e se sur- vivre à soi-même. Celui qui devait mourir assemblait ses parens et après s'être couronne de fleurs, comme ad un jour de fête , il prenait une coupe de pavot ou de ciguë. Le3 anciens habitans des îles Canaries, pour bo« norer leurs dieux, avaient la coutume de se précipiter dans un gouffre, cj^pérant aller jouir de la félicité qui leur élâit promise pour une aussi belle mort. Le Japo- nais se noie pour mieux célébrer la divinité Amidas , ou bien il s'enferme dans un tombeau nuu*é de toutes paris, n'y laissant qu'un petit trou pour le passage de l'air: enseveti tout vivant, il appelle sans cesse Amidas^ Ami- das, jusqu'à ce qu'il succombe de lassitude et de faim. I.>e8 Gaulois remettaient à l'autre vie pour terminer leurs affaires; ils prêtaient leur argent à condition ijn'ou ie leur rendrait dans l'autre monde, ils se jetaient sur le bûcher de leurs parens, de leurs amis, pour mar- quer le désir qu'ils avaient de ne pas se séparer d'eux. La veuve du Malabar monte sur le bûcher qui doit consumer les restes de son mari , obéissant à un visage antique, et ne voulant pas survivra au déshonneur qu'elle DU SUICIDE. 53i encourrait en ne se sacrifiant pas aux mânes de son épouxi La fête du Ticonal n'a jamais lieU| au Bengale ^ sans qu'elle n'occasionne un grand nombre de Viciime^* Il est difficile, dit M. le docteur Deville, qui en a été le témoin^ et qui a bien voulu me communiquer la descrip tion suivante, il est diflficile de se faire une idée de cette atroce et brillante fête, qui attire des dévots et des ctt* rieux des parties les plus éloignées de l'Indd* Après dift jours de préparatifs , la procession , ou mieux la courte du char, a lieu. Ce char se compose de trois socles lui'' menses, poses les uns sur les autres, et supportés par det essieux montés siy des roues. Sur le socle le plus élevé est un dais sous lequel on place la niclie qui renferme l'idole. Les ornemens qui décorent le char sont magnifia* ques, on y emploie les plus riches étoffes, les pierreriei les plus précieuses ; on brûle les parfums les plus exquis dans des cassolettes placées autour de l'idole, des trOtt* pesde musiciens sont assis sur les marches du ohar^ des boiadères dansent et chantent des hymnes, des bratnM debout devant l'idole éventent le dieu avec des punkok (éifentails). On attache au char des cordes assee loti* gucs pour que des milliers d'Indiens puissent le trai« ner. Pendant la marche, qui est d'environ vingt milles, les dévots se précipitent et se font écraser ( au nombre de quatre à cinq cents) sous les roues du char, sans que rien en arrête la marche. D'autres se font des inci- sions aux bras, aux jambes, sur tout le corps, et, tout dégouttans de sang, ils bravent les ardeurs du soleil, là .ulcur, et suivent le cortège en poussant des cris de JOi 34. 53a DU SUICIDE. La politique a quelquefois emprunté ses appuis aux idées religieuses , afin de mieux entretenir le mépris de la mort dans le cœur des peuples exposés à des guerres fréquentes ou devenus conquérans. Odin, sentant sa fia approcher, se perça d'une flèche, en présence de ses amis et de ses lieutenans^ en leur disant qu'il allait en Scythie pour les précéder au banquet des dieux. Les Scandinaves se précipitaient du haut d'un rocher pour se délivrer des infirmités de la vieillesse, et persuadés qu'en se don- nant la mort, ils auraient une place plus distinguée dans le valfialla. Il en fut de même des Abyssiniens. Toutes ces victimes de l'ignorance, des erreurs reli- gieuses ou de la politique ne furent certainement pas des suicides; elles cédaient toutes à des croyances, à des usages, à des préjugés, à des habitudes qui sont sou- vent plus forts que l'instinct même de la conserva- tion. Le christianisme , en dissipant les erreurs paîames , détruisit, partout où il pénétra, l'opinion qu'il est per- mis de se tuer pour honorer la divinité , et proscrivit cette coutume, de même qu'il fit cesser les sacrifices hu- mains qui souillaient le culte des dieux. § r*". Suicide proçoqué par les passions. Je n'aurai pas beaucoup à dire pour convaincre que les passions fortement excitées portent le trouble dans tout l'homme , soit dans son organisme , soit dans son intelligence. Lorsque Tâme est fortement ébraulée par une afleclion violente et imprévue, les fonctions orr DU suicide: 533 niques sont bouleversëes, la raison est troublée, Thomme perd la conscience du moi y il est dans un vrai délire y il commet les actions les plus irréfléchies , les plus con- traires à son instinct y à ses affections, à ses intérêts : ainsi la terreur lui ôte la pensée de fuir, et le pousse souvent dans des périls plus grands que le danger qu'il voulait éviter. L'amour prive celui qui est for- tement épris, de toutes les qualités propres à Tac- complissement de ses désirs; la colère, la jalousie por- tent l'homme doué du caractère le plus doux à trem- per ses mains dans le sang de son meilleur ami. Un chagrin vif et inattendu, l'amour trahi, l'ambition déçue, rhonneur compromb, la perte de sa fortune, en bouleversant la raison, privent l'homme de toute réflexion. Le délire des passions permet-il de réflé- chir? Toutes les lois n'acquittent-elles pas celui qui a commis, dans le premier emportement d'une passion véhémente , une action qui eût été criminelle sans cette circonstance? Les actions d'un homme emporté par une passion vive sont regardées comme faites sans liberté morale , et sont jugées comme l'effet d'un délire passa-^ ger. Les hommes forts , d'un tempérament sanguin, d'une grande susceptibilité, d'un caractère irascible, sont poussés au suicide avec d'autant plus d'emporte- ment que riippression a été plus inattendue et que la passion est une passion sociale instantanée. Mais le délire aigu, provoqué par des passions est passager. Le suicide qu'il provoque s'exécute prompte- ment ; s'il n'est point consommé , ordinairement il ne se renouvelle point. La tentative infructueuse semble 534 ^" SUICIDE; avoir été la crise de raffecûon morale. Tel est le suU cide involontaire aigu, bien difTérent du suicide ré* fléchi et chronique. Les exemples du suicide aigu produit par l'égarement àe^ passions sont si fréqueus, qu'il me suffit d'en indi* quer un petit nombre. Le dépositaire de la fortune do ses concitojeos pard au jeu l'argent qui lui a été confié ^ sou honneur est perdu , il se brûle la cervelle. Un négociant fait une perte considérable , il craint de ne pouvoir remplir ses engagomens, il va se précipiter dans la rivière. Un cordonnier âgé de 44 ans ^ logé place du Louvre, jouissant d'une bonne santé ^ et faisant de très bonnes affaires y avait passé la journée avec sa famille; le Ien«- depain, de très bonne heure, il ouvre sa boutique, va boire, suivant son usage, un veire d'eau»de*Tic chez l'épicier son voisin; il rentre chez lui; environ dix mi- nutes après, ses ouvriers viennent pour leur travail, et trouvent ce mallieureui. étendu dans son arrière- boutique : il s'élait ouvert le ventre avec uu tmncbet, Ci avait repoussé ses intestins hors de la cavité abdomi- nale. On apprit que cet homme avait perdu , deux ou trois jours avant, une somme considérable, et qu'il ne lui restait plus rien pour remplir les engagemens qu'il avait contractés pour le jour où il se tua, qui était Je dernier du mois... 1 820. Madame G..., mariée depuis peu de jours, avec uu )^me homme qu'elle aime, a une vive altercation avec sa wèro, au sujet de son mari; elle sort brusquement. BU SUICIDE. 535 Ne la voyant pas rentrer, on envoie sa sœur la cher* cher. £n passant près du Rhône, cette jeune (ille aper* coit les vétemens de sa sœur flottant sur Teau du fleuve; la mère 9 qui Tavait suivi de près, à ce spectacle, échappe aux personnes accourues à ses cris , el se précipite aus- sitôt. ( Voy. Matihejr^ Mal de Vesp. ) Madame..., âgée de 3^1 ans environ, surprend son mari avec sa sœur; celui-ci la maltraite de propos; aus- sitôt cette femme déclare à son mari qu'il n'aura plus d'épouse , et se précipite par une croisée très basse. £He ne se fait que de très légères contusions. On s'empresse pour ia secourir; pendant qu'on la porte dans son lit, elle gémit , se plaint de n'avoir pas accompli son des- sein , et répète que les soins qu'on lui prodigue sont inu- tiles. On lui offre quelque boisson , elle la refuse, ainsi que les alimens qu'on lui présente; elle ne répond à an- cunc question. Son mari lui donne les plus grands té*- moigoagcs de regret et d'affection. Loin de se rendre a ses instances, toutes les fcHS que le mari approche du lit de sa femme, ou lui parle, la figure de cette infor- tunée s'altère, devient convulsive; six jours se passent dans cet état , rien ne peut vaincre la résolution de ne prendre aucune nourriture. Je suis appelé te snièiiie jour. La malade était très affaiblie, les yeux étaient ha^ gards, le pouls faible, fréquent, avee des intermittences, la peau était brûlante; la malcMle n'accusait aucune dou« leur, mais poussait de profonds soupirs. Elle répondit à mes questions en faisant des signes de tète. Je la dé- terminai à avaler trois cuillerées d'eau sucrée, et elfe fît de grands efforts pour cela. Depuis elle ne voulut phis 536 J>u SUICIDE. rien prendre. Le lendemain, elle succomba après une sueur générale de quelques heures. Lucrèce ne peut survivre à l'oulrage que lui a fait Sextus , et s'enfonce le poignard dans le sein. Les géné- raux romains, dans les guerres civiles , se tuaient après la perte d'une bataille , honteux de leur défaite , et ne voulant pas subir le joug du vainqueur. Mais les passions les plus violentes n'entraînent pas toujours soudainement l'homme passionné à des actes dé fureur. Lorsque la passion est primitive, lorsque l'impression morale a pu être pressentie, son action est plus lente, surtout lorsqu'elle agit sur des sujets afiài* blis ou d'un tempérament lymphatique. Sourdement miné par la haine et la jalousie, par les mécomptes de l'ambition et de la fortune, l'homme ar- rive lentement et par des paroxysmes successifs aux plus funestes résolutions. Quoique agissant lentement , les passions n'en affaiblissent pas moins les organes, ^^ • elles n'en troublent pas moins la raison ; elles n'en dé- truisent pas moins la vie, et lorsqu'il est encore temps de soustraire ces infortunés à leur propre fureur , ils présentent tous les traits du désespoir, ils montrent tous les caractères de la lypémanie; plusieurs ont attente à leurs jours, sans savoir ce qu'ils faisaient; plusieurs ont assuré qu'ils ne se souvenaient point de ce qu'ils avaient fait ; plusieurs avaient eu des hallucinations sin- gulières. C'est là cependant le suicide volontaire, mais chronique. C'est à cette variété que l'on peut rapporter le suicide déterminé par la haine ou par l'ennui de la vie, ce dernier me parait offrir des considérations importantes. DU SUICIDE. 537 Le suicide chronique a plus particulièrement donné lieu au3L discussions sur la criminalité du meurtre de soi-même, parce qu il a les caractères d'un acte réflé* chi. Ce n'est peut-être pas tant sur l'acte en lai -même que devrait s'élever la dissidence; car il est certain , qu'au moment de l'exécution, celui qui attente à ses jours, ressemble presque toujours à un homme déses<* péré et dans le délire. La douleur physique, qui conduit souvent à la lypé- manie et à l'hypocondrie, porte au suicide; elle altère les sensations, concentre l'attention, abat le courage, prive de la raison, en altérant la sensibilité à la manière des passions ; mais son action est plus lente que celle de la douleur morale , et provoque plus rarement le meurtre de soi-même. Celui à qui la douleur physique ne laisse aucun instant de relâche , qui n'entrevoit point le terme d'une longue et cruelle maladie, après avoir d'a- bord supporté ses maux avec résignation devient impa- tient; subjugué par les souffrances qui l'affaiblissent de- puis long-temps, il se tue pour mettre fin à des maux intolérables. Il calcule que la douleur de mourir est passagère; il cède au désespoir réfléchi. C'est la même situation morale qui détermine le suicide des hypocon- driaques, qui sont tous persuadés que leurs souffrances sont au-dessus de tout ce qu'on peut imaginer, et qu'elles ne peuvent jamais finir , tant à cause de leur nature ex- traordinaire , qu'à cause de l'impuissance de l'art ou de l'ignorance des médecins. Il n'est point d'état qui in- spire plus de crainte de mourir et plus de désirs d'être délivré des maux présens que l'hypocondrie. Les bypo- '^ $38 BU SUICIDJE. condriaques craignent de mourir par pusillanimité; ils redoutent de vivre par faiblesse. Au reste les'hypo- condriaques parlent beaucoup de la mort; ils la de- mandent souvent à ceux qui les entourent; ils font des t^atatives, mais rarement accomplissent- ils leurs des- ieins; les plus légers motifs, le moindre prétexte les (ont ajourner ou abandonner leur projet ; ce sont des poltrons qui parlent haut pour qu'on leur croie du cou* rage. Le père de Liciniiis Caecinius , prétorien , vaincu par la douleur et Tennui d'une maladie longue, prit une forte dose d'opium. Haslam rapporte Texempie d'un homme qui se donna la mort, ne pouvant plus sup« porter les douleurs de la goutte. Cne demoiselle, âgée de seize ans, fut sur le point d'être violée par son père; elle en éprouva tant d'hor- reor^ qu'elle eut de fortes convulsions. Le surlendemain eUe avala en une fois, une potion opiacée préparée pour plusieurs jours. Les accidens qui suivirent furent très graves , et cette jeune personne resta sujette à des atta- ques de nerfs, très rapprochées et très violentes. Deux ans après, fatiguée de cet état , elle avala quinze grains de tartre émétique : elle vomit beaucoup ; les convulsions augmentèrent. Mademoiselle R... fut envoyée à Paris, elle était âgée de dix-neuf ans : elle était d'une taille élevée; elle avait de Femboapoint, le teint vermeil; cependant elle éprouvait presque continuellement les souffrances et les convulsions les plus variées et les plus singulières; elle était successivement aveugle, sourde ou nuette, incapable de marcher ou d'avaler. Cet état persistait pendftnl quelques heures, pendant un jour et même BU SUICIDE. 539 pendant deux jours; quelquefois sa langue sortait de deux pouces hors de la bouche, se tuméfiait; dans d'autres instans, la malade ne pouvait avaler, quelques eflbris qu'elle fît : elle a passé sept jours, une fois, sans pouvoir rien prendre. Je l'ai vue tomber de toute sa hau- teur sur un parquet, tantôt suc le dos, tantôt sur la face; je l'ai vue loumer sur .elle-^méme pendant une heure MUS qu il fût possible à quatre personnes de Tempécher. .1 avais appliqué un vdsicatoira à la jambe gauche, lorsque mademoiselle R.«. devenait aveugle , sourde^ muette , ou sans mouvement , lappliçation d'une seule gouUo de vinaigi^ 9ur les plaies du vésicatoire lui ren- dait subitement la vue, louïe, la parole ou le mouve- ment. Après quins» jours ce moyen s'usa. Tout le monde jugeait que celte malade était hystérique. On parlait «i souvent à cette demoiselle du bien que lui ferait le mariage , qu'enân elle se laissa séduire dans la seule pensée de se guérir. Après sept à huit mois, son état ne changeant point, mademoiselle R... avala douze grains de tartre émétique; elle 6( des efforts de vomis* semons atroces et vomit un peu de sang; cependant elle se rétablit des accidens conséciitifs , mais non de ses maux de nerfs. Désespérée» elle disparaît : ses parens, ses amia la crurent noyée; quatre mois après » passant près de la porte Saint->Martin, je me sens saisi au collet de mon habit , je fis un grand effort pour me dégager : « ... Vous ne m'échapperez pas, me dit une voix que je reconnus, je me retourne et m'écrie : que faites-vous là , mad^ moiselle ?,„ je me guéris » n'ai - je pas tout fait pour me guérir, n'ai^je pas essayé vainemcmt de terminer roa 54o DV àUIGIDB. déplorable existence ; tout le monde ne m'a-t-il pas ré- pète, vous comme les autres , que le mariage me guéri- rait» qui eût voulut se marier avec moi? eh bien si llior- ribic remède que je fais ne me guérit pas, j'irai me jeter dans la rivière. » Cette malheureuse personne était vêtue des haillons de la prostitution la plus abjecte, elle était dans la plus grande misère, et souvent privée des^ moyens de satisfaire aux premiers besoins de la vie. Six mois après, M. R... fit une fausse couche, les maux de nerfs, les convulsions, les phénomènes décrits plus haut furent moins intenses et moins fréquens. Un an plus tard, c'est-à-dire vingt-deux mois depuis que M. IL., menait ce genre de vie, elle accoucha. Dès-lors, presque tous les symptômes disparurent, elle se retira chez une domestique qui l'avait servie, à son arrivée à Paris, elle se rétablit parfaitement, réclama de retour- ner dans sa famille, s'y maria quelque temps après, et est devenue mère de quatre en fans. Les maniaques se tuent, la réflexion n*est pour rien dans cet acte; ils se précipitent ordinairement, ce qui prouve qu'ils obéissent à une impulsion aveugle par l'emploi du moyen le plus facile et le plus à la portée de tout le monde. Les maniaques vivent d'illusions, saisissent mal les rapports, sont poursuivis souvent par des terreurs paniques ; ils sont le jouet de leurs sensations ou des hallucinations qui les trompent sans cesse. L'un, croyant ouvrir la porte de son apparte- ment, o]uvre la croisée et se précipite ayant voulu des- cendre par l'escalier; un autre, calculant mal les dis- tances, se croit de plain-pied avec le sol et se jette par DU SUICIDE. 541 la fenêtre. Celui-ci veut faire violence à une femme qui le sert , et se précipite du troisième étage de l'escalier, espérant qu'il arrivera au bas avant cette femme échap- pée à ses poursuites. Un maniaque, dévoré par la faim, mangeait tout ce qui tombait sous sa main. Tout-à- coup il meurt : on fait l'ouverture du corps , et l'on trouve une éponge qu'il avait dévorée et qui était res« tée dans l'œsophage. Quelques maniaques se tuent en voulant faire des tours de force et d'adresse. Il est des maniaques qui ont une céphalalgie atroce ; en se frap- pant la tête contre les murs, ils éprouvent du sou- lagement; d'autres croient avoir quelque corps étranger dans le crâne, ils espèrent le faire sortir en s'ouifrant la tête : on en a vu se tuer en se frappant ainsi. Les maniaques se tuent aussi au début de la maladie, poussés au désespoir par l'affection morale qui a causé le délire, ou qui a coïncidé avec son explosion, le souvenir de cette affection n'étant pas détruit par le dé- lire, qui n'a pas encore envahi toute l'intelligence. Ces malades se tuent aussi parce qu'ils ont le sentiment de la maladie qui commence, ce qui les plonge dans le dé- sespoir. Il en est qui se tuent pendant la convales- cence de la manie, désespérés des excès qu'ils ont commis, ou honteux d'avoir été fous. Enfin, faut- il l'avouer, il en est qui se sont tués en faisant des efforts pour se dégager des moyens maladroitement employés pour les contenir, ou pour s'échapper des lieux dans lesquels on les tenait renfermés. Les fébricitans dans leur délire se tuent à la ma- nière des maniaques. 542 J3U SUICIDE. Tout6 monomanie peut conduire au meufti^ (te soi* iBeme, soit que le motiomAtiiàqiie obéisse à des illU* sionsou à des hallucinatious^ ëoit qu'il agisse Tittime d'une passion délirante. Un mo^omaniaque entend une voix intéHeurt qui lui répète : Tue^toi, tue-toi; il se tue pour obdlr à une. puissance supérieure, à Tordre de laquelle il ne peut se soustraire. Un homme, dont la mysticité a dérangé le cerveau ^ se croit en communication ated Dieu; il entend une voix céleste qui lui dit : Mon fils, viens t' asseoir à coté de tnoi} il s'élance par la croisée et se casse une jambe : pendant qu'on le réfère, il exprime un grand étônnement de sa chute et surtout d'être blessé. Un militaire entend utie vielle organi- sée; il croit entendre les harmonies célestes, en même temps il voit un char lumineux qui vient le prendre pour le porter au ciel; il outre gravement sa croisée, allonge une jambe pour entrer dans le char et se pré- cipite. M. ***, d'un tempéraitieut bilioso-sanguin, s'était livré dès l'enfance à l'onanisme, ce qui n'avait pas nul au développement de ses facultés physiques et Intel- lectuelles; il était doué d'une imagination très ac- tive, il suivit Bonaparte ert Egypte et y remplît tïtk grand emploi. Vers l'âge de 32 ans, quelques années après son retour en France, il fut frappé d'apoplexie dont «les suites se dissipèrent après d'abondantes saignées. Quelques années plus tard , il fait une chute de cheval, d'où résulte une large plaie à la tête, compliquée d'un délire furieux pendant six semaines. DU SUICIDE. 543 Depuis lors y M. *** manifeste quelques aberration» dftnê les idées et devint difficile, querelleur et sujet à dëè emportemeus de colère; après deuic ans, il donne htnê^ quement sa démission d'une place très importante , soutt le prétexte de se livrer entièrement au projet qu'il a eoDçu depuis long-temps et qui consiste à réunir tou# les peuples sous la domination de l'empereuf. Dèê^ k)rs, soit regreti^ soit inoccupation réelle, les idées^ se troublent davantage, M. *** se met à tracer sur ki papier lo plan d'un édifice qui doit avoir autant de conipartimens que de peuples divers, avec un centre pour le chef de tous les peuples réunis; ce plan fait et refait, tracé et retracé, plusieurs fois, avec addition de calculs innombrables et très peu exacts. Deux ans s'écoulèrent dans l'occupation la plus opini&tre poui^ achever les plans et pour les soumettre à de nouveaux calculs. M. *** éprouve une vive affection morale : il veut mettre à exécution son prétendu projet; il com-^ mence par faire démolir son château et faire placd rase, afin de construire les fondemens du nouvel édifice. Toute représentation excite sa colère. Après plusieurs actes de violence, toujours provoqué» pat* les obstacles qu'il éprouve dans l'exécution dMtfon projet, M. *** est reconduit à Paris, moitié Xlflrë^ moitié mécontent d'abandonner entièrement ses pré- paratifs. Alors il se persuade qu'il doit faire quelque action d'éclat. Pour prouver qu'il a reçu une mis^ sion spéciale et pour commander à l'opinion publi« que, il va ramasser les pauvres, les fait mettre à table et les sert , comme un domestique. Il se jette dans 544 ^^ suiaDE, la Seine du haut du Pont-Neuf et regagne le rivage sans accident. Cette première épreuve le confirme dans soa opinion. Le lendemain , il va dans les rues , se jetant sous les roues des plus lourdes voitures , assurant qu'il ne peut être blessé. Le jour suivant, on le retient s'é- lançant par la croisée de sa chambre : pendant qu'on le porte sur son lit, il déplore amèrement le mauvais succès de ses efforts et se plaint de ce qu'on ne le com- prend pas , et des obstacles qu'on oppose à ses desseins. M. *** est mis dans une maison consacrée aux aliénés. Il a plusieurs fois tenté de faire des choses extraor- dinaires qui pouvaient compromettre sa vie, tou- jours pour prouver sa mission. Enfin persuadé qu'on ne le laissera pas recommencer : Eh bien! dil-il ud jour, puisqu'on m'empêche , je ne ferai plus rien. H se met à écrire sur les murs, sur du papier, son projet de réunion de tous les peuples; peu-à-peu ses phrases ont même sur ce sujet moins de suite, moins de liai- son; cinq ans après les premières tentatives de suici^, M... écrit des mots dont les lettres, au lieu d'être nûses sur la même ligne , sont écrites les unes au-dessous des autres, ou bien il fait des chiffres sans ordre ^ auxquels il donne des noms bizarres. D'ailleurs, M. ^** est rai- sondple quand il parle de choses étrangères à son dé- lire. Il est si préoccupé à écrire ses lettres, ses mots, aes lignes, ses chiffres, ce qu'il appelle son ouvrage qu'il se lève à la pointe du jour, qu'il refuse quelquefois de manger; qu'il se prétend le plus occupé des hommes, qu'il se couche à peine, et parle de son travail, comme parlerait de ses travaux l'homme appliqué à DU SUICIDE. . 545 rétude ou au projet le plus important. Pendant les grandes chaleurs , il a de Tagitation; alors il cric nuit et jour, parle de son projet et se plaint de ne pouvoir Texécuter. M... n'a plus fait la moindre tentative pour prouver sa mission. M. le docteur Marc a fait connaître l'observation suivante ^, publiée par le docteur Ruggiéri, pharma- cien à Venise. £lle prouve t'influence de la lypémani^ sur la détermination au meurtre de soi • même et l'opiniâtreté des malades qui y sont portés. Mathieu Lovât, cordonnier à Venise, dominé par des idées mystiques , se coupa les parties génitales et les jeta par la croisée; il avait préparé d'avance tout ce qu^il lui fallait pour panser sa plaie, et n'éprouva aucun autre accident fâcheux. Quelque temps après, il se per^ suada que Dieu lui ordonnait de mourir sur la croix. Il réfléchit pendant deux ans sur les moyens d'exécuter son projet, et s'occupa de préparer les instrumens de son sacrifice. Enfin le jour est arrivé; Lovât se cou-^ ronne d'épines, dont trois ou quatre pénètrent dans la peau du front; un mouchoir blanc, serré autour des flancs et des cuisses, couvre les parties mutilées; le reste du corps est nu; il s'assied sur le milieu d'une croi^ qu'il a faite, et ajuste ses pieds sur un tasseau fixé à la branche inférieure de la croix; le pied droit repose sur le pied gauche; il les traverse l'un et l'autre d'un clou de cinq pouces de longueur qu'il fait pénétrer à coups de marteau, jusqu'à une grande profondeur, dans le , > JBibiiothèqut mddUaU. Septembre 1 S 1 1 . !• 35 546 w& wiciw. bois; A ttàvefttwfe OTCCêsiittBtotfftt ^W aetnt fimitt fiffUt des ctoas longs et bien Mrëré^, en frappant h t0tt 4es clous contre le sot de sa chambre , élève ses nutkis ainsi percées et les porte contre les trous qn'il a [iratiq<»jj> d'avance à Textrémité des deux bras de la croix, et y fait pénétrer les dons afin île fixer ses mains : avant de clouer la main ganche, il s'en sert porrr se Êiire, atec un trMchet, Ufte large plaie an côté gauche de la poi- trine. Cela fkit , a Taide de cordages préparés et de lé- gers mouvement du corps, il fart trâ)ucfaer la croix qui tombe hors de la croisée , et Lovât resta ainsi sus- pendu à la façade de la maison. Le lendemain on ïy trouva encore; la main droite seule était détachée de la croix et pendait le long du corps: on détacha ce mal- heureux, on le transporta aussitôt à Técole impériale de clinique. M. Ruggiéri reconnut qu'aucune plaie n'était mortelle. Lovât guérit de ses blessures, mais non de son délire. On remarqua que, pendant l'exaspération do délire, Lovât ne se plaignait point, tandis qu'if souf- frait horriblement pendant les intervalles lucides. Il fut transféré à l'hôpital des insensés; il s y épnisa par des jeunes volontaires et mourut phthisiqne. Je 8 avril 1806. La nostalgie porte au suicide. Le ranz des vacfcd, les sons de la cornemuse provoquent, par l'infloence cpe les sensations actuelles ont sur les idées et snr les soo^ venirs, le regret àt n'éfrc phis dans le parys Mtid, k chagrin d'iAfe éloigoé des objets de sts premières sen»- tions, d'où naît le désir violent de revoir les lieux où l'on est né; le désespoir d'^en êvre séparé domine tocms les DU su^cioc:. . 547 autres affeclioBfi, et les soldats suisses et écossais se laefti, s'ils ne peuvent déserter. Combien 4e lypéioaniaques, qui se croient poursui- vis par des voleurs ^ par des agens de rautorité, 3e tuent voulant éviter de tomber dans leurs mains ! les uns ne calculant ouUemeut le danger qu'ils courent pour s'échapper; les autres préférant une mort certaine aux. tourmens et à Tiafamie qu'on leur prépare. Com- bien qui se croient trahis par la fortune , par leurs amis, se tuent , «près avoir lutté plus ou moins long- temps ! ils se tuent comme les hommes qu'une passion pousse lentement à Thomicide de soi-même. M..., âgé de [\i ans environ, après s'être beaucoup fotigué dans l'exercice des fonctions publiques qui lai sont confiées, est victime d'une injustice; aussitôt il de- vient aliéné; on le conduit , malgré lui, dans une terre; alors il se persuade que sa femme Ta dénoncé, et qu'il est perdu auprès du gouvernemenL Ijq lendemain, il s'enferme dans son cabinet , place le canon d'un fusil de chasse dans sa bouche , et avec un pistolet d'arçon , fait partir la détente. Heureusement, la direction du fu- sil est dérangée, la diarge s'échappe par la joue, et renverse le matUde. Ses parens accourent; M... refisse toute espèce de secours. Cepeodanit on le sa^e , on le panse ; et quoiqu'il se prête mai aux soins qu'on lui donne, la |)]aÀe (ead à se cicatriser; le malade témoigne la baioe la pKis vi^ate pour sa femme, «e qjui, joint au délire At ^uûfn n^ewees de se tuer, déberi^ine sa fii- nodlle à l'envoyer à Kari». A son arrivée , \s^ jplaie n'est ^s encone cicateis^, Iç iMlade «tt triste , rêveur; il 35. 548 I>U SUICIDE. parle peu , se promène comme un homme préoccupé , porte souvent la main à sa tête; la -fece est quelque- fois rouge, le teint janne, la constipation opiniâtre, insomnie; cependant M... assure qu*îl n'a aucun mal, rejette tout remède , reçoit mal les médecins; il est très calme en apparence, raisonne très juste, mais il menace de temps en temps de se précipiter par les croisées, surtout lorsqu'on lui parle de sa santé. Après quinze jours, malgré la surveillance la plus active , M... s'é- chappe de son hôtel, on le trouve précipitant ses pas vers les quais écartés du centre de la ville, allant se jeter dans la Seine. Il est alors confiée à mes soins. Après cinq mois d'isolement, de calme apparent, M... éprouve des douleurs d'entrailles, de la cépha- lalgie qui s'exaspèrent tous les deux jours, il refuse tout remède, ne sort poipt de son appartement, ne prend nulle 'part à la vie commune, ne se distrait ni par la lecture , ni par l'occupation manuelle. Néanmoins , il me reçoit assez bien , cause volon- tiers sur toutes sortes de sujets, excepté sur sa ma- ladie, sur sa femme, et sur un cousin qui Ta em- pêché de se précipiter dans la rivière. Dès que j'essaie l'un de ces trois sujets de conversation, les' yeux du3[malade s'enflamment, sa face se colore, il qui^c son fauteuil, se promène. à grands pas, impatienté, et prêt à se laisser aller à sa colère. Pendant le cours du cinquième mois de l'isolement, sixième de la maladie, M... me parut plus accessible à la distraction. Il s'était décidé à jouer aux dames dans son appartement, il avait consenti à prendre une boisson laxative. J'engageai sa DU SUICIDE. 549 femme à lui faire une visite avec ses eufans , en l'aver- tissant toutefois que les préventions contre elle n'ë- tant point détruites , la réception serait peut-être très pénible, mais qu'une commotion morale pouvait être très utile. Le jour convenu, madame M.... et ses en- fans, sans être annoncés, se présentent che;s le malade. Celui-ci s'écrie aussitôt , avec un geste menaçant : « Re- tirez-vous, madame, retirez-vous... » Le courage de cette femme si dévouée à son mari n'y tient point ^ elle se trouve mal, il faut l'emporter hors de l'apparte- ment; son mari retient une partie de ses enfans, leur parle contre leur mère et les renvoie bientôt après. Je •reste seul avec le malade qui se promène à grands pas, comme un furieux qui n'a même pas de parole. Après quelques minutes, il vient à moi qui suis resté immobile, me saisit au collet, et me répèle plusieurs fois : c( Que fai- tes-vous là comme un terme, vous nescntez donc rien.^... — Comment ne serais-je pas ému de ce dont je viens d'être le témoin?... » La marche précipitée du malade recommence ; après une demi-heure , il s'étend sur son lit, je le laisse seul; une heure plus tard, il s'asseoit, j'arrive : a Hé bien ! lui dis-je en l'abordant , vous êtes plus calme, cntendrez-vous la vérité? Avez-vous pu traiter, ainsi une femme qui vous adore? Votre femme est dans un état alarmant, est-ce le prix des consolations qu'elle vous apportait? Quels doivent être vos regrets!...» Le malade garde un morne si- lence , mais il est profondément ému. Le soir, je lui annonce que j'ai reconduit madame chez elle et que je Tai laissée très souffrante ; même silence. Deux jours 55o 0(V tUTGlDC. après, M... voit ses eiiÊiiis et kar pule contre ioir mère; le inéme joar, j'annonce à M... que sa fenunt est très mal et que son état est le résultât de la récep* tion qu'il hii a faile. Le cinquième jour, il voit ses en- fans, et ne leur parle point de leur mère. Dans la journée , il me demande à aller voir sa femme, «c Vous ne la verrez point, monsieur, lui dis-je, voudriezrvoos aiggraver encore le fâcheux état où vous l'avez mise ? » Ces paroles sont prononcées avec on ton positif. Sixième jour, visite de ses enfans. M... est [^us aflfcctuenx et demande des nouvelles de leur mère; dans la soirée, je lui annonce que la santé de sa femme s'améliore. Sep- tième jour , M.... me témoigne quelques chagrins de ce qui s'est passée et nous causons sar le ton de la confiance. Il me demande à aller voir sa femme « j'y consens; à l'heure du diuer, il déclare qu'il dînera ciicz lui, et m'envoie une lettre pour m'inviter; pendant les beures qui précédèrent et suivirent le dîner. M... par* lait avec sa fcnmic et ses enfans de choses générales et indifférentes; mais de temps en temps, il adressait à sa femme des reproches et des injures , mais à voix si basse et avec tant de précaution que ses enfans nepour vaient s'en apercevoir. A dix heures, je me rends chez M..., il paraît gai, m'accqeille avec l'apparence du contcnten!cnt et nous nous retirons ensemble. Deux jours plus tard, M... rentre dans sa famille, où il est pea- dant quelques jours très irascible, très éifBcile avec sa femme, très affectueux pour ses eo&ns, ses parens et ses amis qui viennent le voir; peu de mois plus tai*d,îl est appelé à remplir des fonctîotts très importantes ; il su{)fiorle les ûi^étudles, les fatigues el les menacet ' auxquelles furent exposés quelques fonclionnaireil publics y dans les premiers instaos de rinvasioD ^ i8i4- Quelque excellenLe que fut la aaaté de M.m^ quelque importantes que fussent les fonctions qu'il avait à remplir, il ne voulait point entendre parler de la terre oii il avait fait les premières tentatives de sui*^ cide; il ne voulait point que sa femme et ses enfanis y allassent y et ce ne fut qu'un au après sa guérisoQy qu'ayant envoyé avant lui d'abord sa femme et ses en- fans y il retourna dans sa province* Un ecclésiastique avale , par distraction , le cachet d'une lettre qu'il vient de recevoir; un de ses amis lui dit en riant : vous avez les boyaux cachetés. Cette idée s'empare de l'imagination de cet ecclésiastique, et, au bout de deux jours, il refuse toute nourriture , con- vaincu qu'elle ne peut passer. On (ît prendre au ma- lade, dit Darwin, des purgatifs qui le purgèrent abon- damment sans le guérir. On parvient d'abord avec peine à lui faire boire quelque peu de bouillon ; il cesse bientôt de vouloir avaler, et meurt peu après. Est-ce là une erreur de la volilion, comme le prétend Darwin? Barclay n'eût- il pas dit qu'il y a une association vicieuse des idées qui a conduit à une détermination funeste ? On n'a pas assez distingué l'ennui de vivre, de la baiue de la vie , lorsqu'on a voulu remonter aux moti& déterminans du meurtre de soi-même; cependant, ces deux états de l'âme sont bien di£férens. La haine de la vie est un état aotif ; elle suppose une sorte d'irritatioii f et l'exaltation de la sensibilité. L'ennui de vivre est Wl 55a ^u SUICIDE. état passif 9 effet de V atonie de In sensibilité; la haiae de la vie est fréquente, parce que mille causes la pro- voquent ; elle n'épargne aucune classe de la société, et s'attache plus fréquemment aux hommes qui sont com- blés de richesses et de dignités, parce que ces individus ont plus de passions qui les usent. En proie à des cha- grins réels ou imaginaires, à une passion chronique, Vhomme se dégoûte d'abord de la vie, finit par la haïr et se tue. Au reste , je dois faire remarquer que les mots ici expriment mal les choses , et que de là sont nées plusieurs discussions sur la haine de la vie, sur le désir de la mort. En effet , on n'a point d'aversion pour là vie, mais on hait les souffrances qui la traversent, on a horreur du mal-étre'; on ne désire point la mort , mais Fon veut être délivré des peines, des contrariétés, des chagrins; on a recours à la mort comme au moyen ie plus certain. Le suicide déterminé par la haine de la vie rentre dans l'une des distinctions que nous avons déjà établies; il appartient à la lypémanic suicide, ou au suicide causé par une passion chronique, suivant que les causes qui font haïr le vwre sont imaginaires ou réelles. Uennui de vwre, le tœdium vitœ conduit au meurtre de soi-même. Quoique l'ennui soit un état passif^ il n'en est pas moins quelquefois un motif d'action : telle a été l'opinion de plusieurs philosophes, et j'ai ob- servé que l'ennui déterminait quelques monomania- ques à faire ce à quoi ils avaient paru répugner le plus, et qu'ils guérissaient par les efforts faits sur eux-mêmes par excès d'ennui. DU SUICIDE. 553 L'ennui, à l'ëpoque de la puberté, résulte d'un be- soin vague dont l'objet est inconnu à celui qui l'éprouve : ce besoin fait naître une inquiétude qui jette dans la tristesse, laquelle portera l'ennui : les effets les plus ordinaires de cet ennui sont le dépérissement , la fai* blesse et quelquefois le suicide , pbénomène signalé par Hippocrate chez les jeunes filles qui ne sont pas ou qui sont mal menstruées. L'ennui reconnaît encore pour cause la cessation de grandes occupations , le passage d'une vie très active, au repos et à l'oisiveté, lorsque l'on n'a pas su se créer d'à» vance quelque occupation de l'esprit, ou quelque affection du cœur. L'ennui est aussi l'effet de l'abandon force ou volontaire du grand monde, des plaisirs frivoles, lors- que l'on reste isolé et sans intérêt quelconque. Il est d'autant plus funeste que n'ayant aucune aptitude pour les arts, pour les sciences, on est privé de la ressource des plaisirs à cause de l'abus qu'on en a fait. L'homme a besoin de désirer, ou bien il tombe dans l'ennui ; mais s'il a épuisé sa sensibilité par l'habitude des émotions trop vives, par l'abus des plaisirs; si, ayant tari toutes les sources du bonheur, il n'y a plus rien qui puisse lui faire sentir qu'il vit; tous les objets extérieurs lui sont indifférens; plus il a eu de moyens pour se sa- tisfaire, moins il rencontre d'objets nouveaux propres à l'exciter; l'I^omme reste alors dans un vide affreux; il tombe de la satiété de la vie dans le terrible ennui qui conduit au suicide : quitter la vie est un acte aussi in- différent que celui d'abandonner une table splendide- ment servie lorsque l'on n'a plus faim, ou d'abandon* 554 ^^ siiicii>s. ner uoe femme que Tau adorait et que l'oii n'aime plus. Ce suicide que Ton pourrait appder spleenique ftL cbrooique; il s'exécute avec calme et saog-fit>îd; riem n'auDonce la violence ni TeHort camme les autres sui- cides ; au reste , ceux qui ont le spleen présentant tout les caractères de la lypémaaie« Les causes les plus ordi- naires du spleen sont débilitantes , et agissent air le système nerveux : tels sont Tabus des plaisirs, Tona^ nisme, l'usage immodéré des boissons alcooliques, etc.; même changement de caractèi^e et d'habitudes, aiéne indifférence pour les objets les plus chers; mêmes sjmp- tomes physiques; perle d appétit , insomnie, constipation, amaigrissement ou bouifissure ; même bonoentratjon de l'ailention sur une même idée; même intégrité de Yea^ teodement sur tout autre objet; même opiuiâtrete, oiême dissimulation dans l'exécution de ses déterminations. J'ai de fortes raisons pour croire que le spleen est une maladie très rare , même en Angleterre. On attri- bue trop souvent à Tcnnui de la vie, le suicide des Anglais. Parce que l'Angleterre est le pays où l'on abuse le plus, sans doute les Anglais sont les gens du mande les plus ennuyés, mais beaucoup d'autres mo» tifs que l'ennui multiplient le suicide chez eux. J'ai donné des soins, tant dans les établissemens d'a/ie* nés que dans ma pratique particulière, à un grand nombre d'individus qui avaient attenté à leurs jours, ou qui se sont tués. Je n'en ai vu aucun qui ait été porté au suicide par l'ennui de la vie; tous avaient des motifs déterminés, des chagrins réels ou imaginaires qui leur Élisaient liair l'existence : j'ai nuéflote éié DU SUUSDC 555 trompé quelquefois à cet égarcL Ua homaie^ jouis- sant d'une très belle fortune, s'était livré à U mastur- bation; néanmoins il était foA et bien portant, et sans autre cause de chagrin que le souvenir des boireurs de la révolation dont il approuvait d'ailleurs les principeg, il fit plusieurs tentatives de suicide; souveat il deman- dait des pistolets, ne voulant que ce moyen pour se tuer: pendant deux ans que je lui ai donné des soins^ il n'a pas déraisonné un instant; il était gai, aimable, très instruit, me disant quelquefois: donnez-^moi un pis* toleL.. Pourquoi voulez-vous vous tuer? Je m^ennuie. Ce n'a été qu'après deux ans qu'il m'a avoué que de* puis long-temps il avait des hallucinations de l'ouïe et ^ de la vue. Il croyait être poursuivi par les agens de la police; il les entendait et les voyait même à travers les murs de son appartement dont, ajoutait-il, les mu* railles sont doublées de planches à coulisses, pour que l'on pût voir et entendre ce qu'il faisait et disait. J'ai souvent rencontré une variété de suicide dont les auteurs n'ont point parlé, et qui a beaucoup d'ana* logie avec le spleen. Il esl des individus qui, à la suite de causes physiques ou morales variables, tombent dans l'affaissement physique , dans le découragement moral : ils ont peu d'appétit, une douleur sourde delà têts, des chaleurs d'entrailles, des borborygmes , de la constipation ; néanmoins leur extérieur n'indique an* cun désordre grave de la santé : chez les femmes, quel» quefois les menstrues se %uppriment. Plus tard ces malades ont les traits de la &ce tirés , le regard fixe et i»quiet; le teint est pâle ou jaune; ils se ptaigi 556 ï>u suiaoE. d*une gêne, d'une douleur à l'épigaslre, d'une sort d'engourdissement de la tête qui les empêche de penser, et d'une torpeur, d'une ISssitude générale qui les em- pêche d'agir. Ils ne font point de mouvement; ils ai- ment à rester couchés ou assis; ils s'impatientent lors- que l'on veut leur faire faire de l'exercice ; iU abandon- Bent leurs occupations ordinaires, négligent leurs de- voirs domestiques, sont indifférens pour les objets de leurs affections, ils ne s'occupent plus d'affaires, ils ne veulent ni converser, ni éludier, ni lire, ni écrire; ils redoutent la société et surtout les importunités aux- quelles cette maladie les expose : affligés de cet état, ils ont des idées noires ^ enfin, désespérés de leur nullité ou prétendue nullité qu'ils croient ne pouvoir jamais surmonter, ils désirent la mort^ la réclament, et quel- quefois se la donnent, voulant cesser de vivre paixx^ qu'ils croient ne pouvoir plus remplir leurs devoirs de famille où de la société. Ces malades ne déraisonnent pas; leur impulsion au suicide est d'autant plus forte qu'ils ont eu plus d'occupations habituelles et plus de devoirs à remplir. J'ai vu cette maladie persister pendant plu* sieurs mois, pendant deux ans; je l'ai vue alterner avec la manie, avec la santé parfaite. Quelques malades étaient, pendant six mois, maniaques ou bien portan^i, et, pendant six mois, accablés par le sentiment de leur impuissance physique , intellectuelle et morale qui lemr faisait désirer la mort. M..., âgé de Sa ans, d'une taille élevée, d'une forte constitution, n'ayant jamais été malade , issu d'un përe qui y .après avoir acquis une grande fortune , est mort DU SU1C1D£. 5^7 peu riche, avait reçu une éducatiou soignée afin d exer- cer en grand le métier de serrurier, M... s'est marié à l'âge de a 7 ans avec une femme qu'il adore; il a fait quelques affaires qui n'ont pas réussi ; ce qui l'a beau- coup trop afïligé, l'a découragé et rendu paresseux , sans néanmoins altérer sa santé. Quoique triste, il en* tra dans des entreprises qui promettaient de grands bénéfices; il se livra d'abord au travail avec ardeur; après un mois , il rencontra de légères difficultés ; il s'en affecta outre mesure; il se découragea, se crtit perdu , incapable de rien, ne voulut plus quitter 9on lit, ni surveiller ses ouvriers, ni diriger les travaux, se croyant privé des qualités et de la force nécessaires pour conduire à bien ses entreprises.. Il avait parfois de la migraine, de la chaleur d'entrailles, de la con* stipation; sa tendresse pour sa femme, pour ses enfans, le soin de ses intérêts , ne pouvaient rien pour relever son esprit abattu; il s'impatientait même lorsque sa femme réitérait ses conseils; il jugeait très bien de sa position ci ne faisait rien pour en sortir : huit jours se passèrent ainsi. Tout-à-coup M... fut bien ; il retrouva toute son activité pour ses affaires, toute son affection pour sa famille. Cet état s'est reproduit dix à douze fois à des intervalles irréguliers; ces retours étaient provo- ques ordinairement par quelque légère contrariété, ou par des difficultés qiii n'en eussent pas été dans tout autre état de santé. Pendant la durée des paroxysmes, le inaladese sentait lourd, la tête embarrassée; il y avait des douleurs épigaslriques; il restait couché, mangeait peu ^ ne voulait voir personne. Désespéré de son inaptitude^ 5S8 IHJ fUICIOE. d'être à charge à a femme , cfe ne pouroir guérir , il étah socnrent porté «a suicide. M..«, âgée de 34 ans^ entrée à la Salpêtrière le a3 septembre 1819, née de parens sains, ent la petifte- Yérole à huit ans ; elle a été menstruée à quinze ass , mariée à vingt; elle a eu un enfant à 2t ans : après cette couche, elle eut un ulcère au pied cpii s'est guéri au bout de six mois. Depuis lors, cardtalgîe d'a- bord fugace, légère, puis constante et très înienae, avec vomissement des alimens. Après la seconde gros- sesse, à 27 ans, les accidens augmentèrent; M... crut avoir un cancer de l'estomac , et s'en affecta beaucoup. Yers l'âge de 33 ans, elle devint irrésolue dans ses idées et ses actions , ne voulant plus ce qu'elle venait de désirer ardemment; elle avait quelquefois de l'in- cohérence dans les idées, et le mari ne s'aperçut de rien, néanmoins les menstrues coulaient bien. Après six mois, insomnie, sentiment douloureux de constric- tion à la racine du nez, pâleur de la face, traits alté- rés; regard fixe, quelquefois hagard; douleur à lesto- mac; sentiment de gêne , d'engouement à Tépigastre qui empêche de se mouvoir ; abandon Hes occupations ordinaires, des soins du ménage; tristesse, pleurs, voracité ou manque d'appétit, désir et tentation de sui- cide provoqué par le chagrin de n'être plus ix)niie à rien , et de ne rien sentir d'afTectueux pour sa familJe. Tel était l'état do la malade lors de son arrivée dans l'hospice. M... fut mise à Tusage des boiasinis délayantes acidulées et des bains tièdes : trois mois après, l'esprk fut plus caloM^ la malade desamia JMT sinciDE. 55q à travailler; elle rendît mieux compte de son dtat ; maïs toujours elle se plaignait de plénitude, de gêne dans Tabdomen, de la suppression menstruelle, d'insom- nie opiniâtre. Je prescrivis le petit-lait de Weiss,im -fésrcatoire à la nuque : l'irritation que celui-ci prodoi- sh obligea de le placer au bras gauche; les déjections dTabord faciles devinrent abondantes; le sommeil fut meilleur, Fespérance renaissait dans le cœur de la ma- lade qui travaillait avec goût. En février i8ao, le teint s'éclaircit, la physionomie est cahne, les idées sont plus nettes et plus faciles; M... est rendue à sa famille le a3 mars, quoique les menstrues n'eussent point reparu, mais bien résolue de reprendre ses occupations ordi- naires: elle a tenu parole; les menstrues se sont réta- blies au mois d'avril : dès leur apparition M... a été un peu plus active qu'à son habitude; elle avait plus de loquacité et faisait plus de mouvement; elle recherchait, la toilette, et était moins sédentaire. Au mois de sq^P* tembre i8ao, crainte de retomber malade; sentiment d'une barre à Tépigastre, qui s'étend d'unehypocondreâ l'autre; altération des traits de la face; insomnie. Ces prodromes d'ulie rechute persistent pendant deux mois, malgré tous les efforts que M... hh sur elle-même, et les miédicamens que j'ai cornscillé. An mois de décembre, la même srpathie, le même désespoir d'être incapable de rien et de ne poirvoir guérir jamais, portent à des idées noires , rëvciFlent le désir de quitter une vie dont (m ne peut reiiipKr les àev&m. Mais il est des iudmdus qui , an sein de la foitcme, des grandeoTSi de^ pivisin ^ jfWTMnft in: tonte wr* ni- 56o DU SUICIDE. soD| après avoir embrasse leurs parens, leurs amis, après avoir mis ordre à leurs affaires, après avoir écrit des lettres parfaites, tranchent le fil de leurs jours. Cèdent-ils à une détermination délirante?, oui, sans doute. Est-ce que les monomaniaques ne paraissent pas raisonnables jusqu'à ce qu'une impression interne ou externe vienne tout-à-coup réveiller leur délire? Ne savent-ils point réprimer l'expression de leur déUre, dissimuler le désordre de leur intelligence, jusqu'à tromper les plus expérimentés et les personnes qui vi- vent dans leur intimité! II en est de même de quelques individus que l'idée du suicide tyrannise : une douleur physique, une impression inattendue,' une affeclioa morale , un souvenir, un propos indiscret, une lecture^ avivent la pensée dominante et provoquent instantané- ment les déterminations les plus funcsles chez ce malheureux qui , uu instant avant , était parfaitement jHàlme. Il arrive alors ce qui arriva à ce maniaque dé- tenu à Bicêtre, dont parle Pinel, que les rétolution- naires mirent en liberté, parce qu'il leur avait paru très sensé ; qu'ils emmenaient en triomphe comme une victime de la tyrannie, qui, excité par Ifs vociférations et la vue dos armes de ses libérateurs, tomba tout-à- coup sur eux à coups de sabre. La fureur du monoioâ- niaque homicide n'éclate-t-elle pas instantanément ^ sans que nul antécédent ait averti les victioios. Mais on ne peut nier qu'il est des individus qu'ua funeste penchant entraîne au suicide, par une sorte d'attrait irrésistible. Je n'ai jamais vu des individus semblables; j'ose croire que si l'on eût mieux étudié les DU SUICIDE. 56 1 individus que l'on dit avoir obéi à un entraînement in- surmontable, on eût démêlé les motifs de leur déter*- mination. Il en est des suicides comme des autres alié- nés, dont on parle comme de malheureux obéissant à une aveugle destinée : je crois plus que personne avoir appris à lire dans la pensée de ces malades, et avoir prouvé que leurs déterminations sont presque toujours motivées, et la conséquence logique d'un principe qui, à la vérité, est faux. Mais il est des individus qui, au sein du bonheur ^ se tuent. Voltaire , appuyé de quelques exemples écla- tans, prétend que ce sont les heureux du siècle qui terminent volontairement leur vie , et non pas Thomme en proie au besoin et condamné à travailler pour se nourrir. Cette proposition est fausse : la misère conduit au suicide; le meurtre de soi-même est plus fréquent dans les années calamiteuses ; pendant les pertes, les famines, les suicides sont fréquens; pendant les horreurs d'un siège, les assiégés se tuent; dans les dé- routes, les soldats se suicident; on se tue dans les grands boulevarsemens politiques, etc. Les heureux du siècle se tuenf^mais le bonheur , dit Jean-Jacques , n'a point d'enseigne extérieure : pour en juger, il faudrait '-lire dans le cœur de l'homme qui paraît heureux. ' M..., âgé de 3o ans, jouissant d'une bonne santé, sollicite la main d'une demoiselle qui doit faire son bon- heur. Peu de jours après son mariage , il se tue : ce ne 'sont ni les écarts de régime, ni le bonheur qui l'ont porté à cet acte , mais le désappointement de n'avoir pas trouvé sa femme telle qu'il s'en était flatté. I. 36 Ua homme, âgé de 27 ans, également laarié à jone demoiseUe ebarmante, après stx imois de mariage, fiiit^ mille tentatives pour se détruire. Parce qoe sa femme est d'un caractère sérieux, peu ezpansif, cet infortuné s'est persuadé qu'elle est maUMureose, qu'il en est la cause, qu'eUe ne peut être heureuse avec lui : M... était riche , jouissait d'une grande conaidécation y avait une femme charmante, tout le monde dans sa province le croyait au comble du bonheur.. Ainsi tel in- dividu qu'on croit heureuK est intérieurement bourrelé de chagrins, torturé par quelque passion; l'éclat qui l'en* vironne ne laisse point apercevoir les tourmens de son cœur. Un homme qui se tuerait, et qui serait véritable- ment heureux , serait un phénomène que la raison hu* maine ne peut concevoir. Que l'on dise que les hommes les plus émineus par leur rang, par leur fortune, parla considération dont ils jouissent ; enfin , que les hommes les plus heureux en apparence se, tuent, cela est vrai, parce qu'ils sont plus que les autres hommes dépendant d'un plus grand nombre de causes qui poussent à cette funeste détermination. §^II. Suicide précédé d'homicide. Qui révélera jamais le désordre de l'orgaDisine qui entraîne le forcené qui veut cesser de vivre, aux actes les plus atroces avant d'exécuter sa déplorable résolu- tion? Je n'entreprendrai point une tâche si difficile. Les faits qui font connaître les motifs qui déterminent la plupart de ces malheureux ne sont pas rares. juj amcuiB. 563 II est remarquable que toutes les observations de moDomaniesuicide publiées jusqu'ici ont de grandes ana- logies entre elles, et qu'elles ofTrent les^ignes de l'alî»- nation mentale , particulièrement delà lypémanie. Près* que tous les suicides homicides sont des lypémaniaques dominés par une passion portée jusqu'au délire., jouis- sant d'ailleurs de leur raison ; quelques motifs plus ou moins plausibles à leur sens, les déterminent , i'schoi- sisseal pour victimes les objets les plus chers à leur cœur; ils commettent l'homicide avec calme , tranquil- lité, au moins en apparence : après l'avoir consommé, ils ne sont point émus ni inquiets; ils sont plus calmes après l'avoir commis qu'avant, quelquefois ils paraissent contens. Plusieurs vont faire la déclaration de leur crime à la -police y aux tribunaux, ou en parlent à ceux qu'ils rencontrent : loin de se dérober aux recherches, ils at- tendent qu'on les arrête, ils demandent à subir la peine capitale. Le suicide , précédé d'homicide , est ordinaire- ment aigu; cependant quelquefois il est chronique, et offre tous les du'actères d'un acte réfléchi et volontaire. J'ai vu des monomaniaques se tuer après avoir com- mis ou tenté un meurtre. Monsieur, âgé de 27 ans, est depuis quelques jours dans une manie aiguë; il tombe à coups de chaise sur une femme que l'on a placée auprès de lui , qu'il croit qu'on veut substituer à sa maîtresse; il la blesse; il a tant d'horreur et d'effroi ^ la vue du sang, qu'il se précipite par la croisée d'un quatrième étage. Une dame, dans un accès de lypémanie qui lui fait craindre d'être arrêtée , d'être jugée et conduite à l'ë- 36. 564 ^u SUICIDE. chafaud, désespérée du chagria qu'elle cause à son mari 9 veut le tuer en lui portant un coup de pierre sur la tête, avant de se tuer elle-même. Les journaux ont rapporté qu'une dame belge, en 181 5, après avoir jeté quatre de ses enfans dans un puits, s'y précipita ensuite. Elle eût fait subir le mêm« sort à un cinquième qiii s'échappa; elle avait envoyé un gâteau empoisonné à un sixième enfant qui était en pension. Madame B...., âgée de 3a ans, issue d'un père mé- lancolique, d'un tempérament bilioso - sanguin , fit, à l'âge de 8 ans, une chute sur la tête, dont elle éprouva des ressentimens pendant long-temps. Peu aimée de sa mère, elle fut laissée en pension presque jusqu'à l'é- poque de son mariage; menstruée à quinze ans, elle se maria à 16 ans : à 19 ans, une seconde grossesse /iit suivies de mélancolie avec quelques idées de suicide; cet état se dissipa par une troisième grossesse; 3i ans, pendant une quatrième grossesse : madame R... con- serva sa gaité et se porta très bien; l'accouchement fut heureux; madame R... nourrit; elle se fatigua, et maigrit; au huitième mois de l'allaitement, elle devint triste, impatiente, difficile avec son mari; on l'entendait se plaindre d'avoir des enfans: elle devfntt brusque envers son nourrisson ; plusieurs fois on s'aper- çut qu'elle le pressait assez fortement , comme pour J'é- touffer; une fois, sans son mari, elle le jetait par la croi- sée : dès-lors on ne lui laissa son enfant que le temps nécessaire pour téter. Quelques jours après, tristesse, insomnie y mappétence , madame R... fut apathique, ne DU SUICIDE. 565 savait se conduire, elle se sentait incapable de rien faire, elle déplorait son malheur, celui de ses enfans, persuadée qu'elle était que son mari élait ruiné ; elle voyait ses enfans couverts de haillons, courant les rues en tendant la main pour mendier. Cette idée la jetait dans le désespoir, et lui fit prendre la résolu- tion de tuer ses enfans et de se tuer ensuite. Cepen» dant la tendresse maternelle reprenait ses droits; si elle -voulait caresser ses enfans, si elle s'approchait d'eux , elle frémissait, le dessein de les tuer se réveillait aussi- tôt : l'instant d'après elle déplorait sa situation, prenait la résolution de résister .à ses horribles desseins, et répon- dait par des promesses aux exhortations de sa famille. Après plusieurs mois, M... R... désira s'éloigner de sa maison , disant qu'éloignée, elle ne pourra nuire à ses enfans; on l'envoya à la campagne chez des amis; elle parut plus calme, témoigna le désir de retourner avec ses enfans : on y consentit ; mais , peu de jours après, les mêmes idées se réveillèrent, on reparût pour la campagne. Je fus consulté au mois de décem- bre : je conseillai au mari de cette dame de la garder jusqu'au printemps. Pendant les trois mois d'hiver ma- dame R... alla et vint; elle eut des alternatives de cal- me et d'exaspération; elle avait beaucoup maigri; son teint était hâve ; elle avala de l'oxide de cuivre qu'elle avait ramassé en nettoyant des ustensiles de cuivre; elle voulut plusieurs fois se jeter à l'eau. Un jour qu'elle était plus triste , sa mère lui proposa d'aller à la cam- pagne : v suicira: la mortaux^rats qu'elle savait avoir ëtë répandue dans la maison ; mais la mère ayant pénétré le movif du contentement de sa fille, avait envoyé prévenir. En arrivant à la campagne , madame R.. parcourut tous les greniers, et ne trouva qu'un morceau de pâte qui avait échappé aux recherches des domestiques et l'avala sans éprouver d'accident. Madame R..« est confiée âmes soins le lo avril i8l6: son teint est jaune, les pommettes sont colorées, les yeux hagards; maigreur, peau brûlante, céphalalgie, douleurs à Tépigastre, constipation opiniâtre, douleurs vers les organes 'urinaires; madame R... est triste, silencieuse, reste tranquille jusqu'à trois heures de la nuit; alors elle s'agite, jure, professe des reproches et des injures contre son mari absent, se plaint d'a- voir été conduite à Paris. Pendant ce temps, elle est très rouge, marche pieds nus et à grands pas, menace les personnes qui sont auprès d'elle, pousse des hurfc- mens, rien ne peut détourner un instant son attention ni la calmer.  cinq heures, cessation du paroxysme, suivie de larmes abondantes. A ma visite, M... R'..« me demande sa liberté... «Auriez- vous oublié, madame, lefT vociférations, lesernportemensdela nuit? — Non, non, monsieur, mais j'ai à me plaindre des ftiauvais trait^||| mens de mes parens et de moa séjour àctutl qui est injuste, puisque je ne suis point folle. Les paroxysmes se renouvellent presque toutei les nuits et vers la même heure: rarement ils ont lieu le jour : ils sont annoncés par la rougeur de la face; ils sont caractérisés par dctf juremens aflfheux,. des cris faor- DV SOIGIDBL^ S^ libles, des reproches contre sa famille^ par des iojurw et des menace» aux personnes qui lentGurenl; par des douleurs pelviennes qui Texaspèrent. J'ordonnai une boisson laxative et un bain de fau- teuil tous les jours ; dès le commencement du mois de mai, je fis prendre un bain tiède tous les deux jours , une douche pendant le bain , et le bain de fauteuil tous les soirs, avec de Teau froide sur la tête. Le aS mai, quatre heures du matin , paroxysme qui est le dernier; à sept heures et demie, madame l'économe de la maison, à qui j'avais donné mes in- structions, entre dans l'appartement de madame R..., d'un ton ferme et assuré , la gronde , lui déclare qu'elle ne la recevra plus chez elle, et qu'au reste , si elle con- tinue, elle sera détenue pendant le reste de ses jours, diaprés le consentement de tous ses parens. I^a malade reste stupéfaite d'un langage auquel elle n'est point ac- coutumée de la part d'une dame qui avait eu beaucoup de complaisance pour elle, à qui elle avait témoigné une grande confiance pendant les intervalles lucides^ Après quelques minutes de silence réfléchi , madame {C** promet de faire effort pour se vaincre : le même jour, elle demande d'aller chez l'économe; on lui ne* fuse; les domc|tiques avaient reçu l'ordre de garder le fllus absq^u silence. Cette priv-ation fiit continuée pen^- dant troi/>jours, pendant lesquels madame R.. «calme et rén veuse, stf promepait dans le jardin, et était admise à la table des convalescens. L'épreuy« passée, le dSraai, j'accorde la permissiob de voir rjéconome; en s'abordant, ces-dames s^embrassent : madame R... remercie L'économe de 568 ^^ SUICIDE. sa fermeté, et pleure' avec elle sur Thorreur desa maladie. Dès cette époque, j'observai le changement le plus favorable : la malade put comprendre le langage du dé- vouement et de l'amitié; elle accepta les moyens de distraction qui furent proposés; je parvins à la rassurer contre la crainte de ne pas guérir. Les eaux de Sedlitz ne faisant pas cesser la constipa-* tion j j'eus recours à Tbuile de ricin qui provoqua des déjections abondantes. Vers la mi -juin , madame R... entra en parfaite convalescence ; elle fut plus gaie ; le sommeil fut meilleur; les douleurs pelviennes avaient cessé. Elle rendait justice à la tendi*esse de son mari y à Tafiection de ses parens, elle desirait rentrer au seia de sa famille, mais sans impatience et sans opiniâtreté : elle jugeait très bien de son état passé, elle en avait du chagrin, mais non du désespoir. Madame R... alors put sortir, alla chez ses parens; la vue de sa mère lui fut très agréable. Le 14 septembre, elle fut rendue à sa famille, passa encore un mois à Paris, dans des distractions sans cesse renouveléeS| après lequel elle retourna auprès de son mari et de ses enfans qu'elle soigna avec la même affection qu'a» vaut sa maladie. Un an après , le mari de madame R... mourut subitement; la douleur excessive, les occupa- tions étrangères à ses habitudes, les affaires d'intérêt L qu'il fallut régler, la diminution des moyens d'existence, loin d'altérer la santé de madame R..., la confirma , car jusque-là, elle avait senû qu'il manquait quelque \ chose à la plénitude et à l'activité de ses facultés. C'est l'aveu que me fît, dix ans après ^ cette dame, reprise DU SUICIDE. 569 d'un nouvel accès qui eut des symptômes difîérens et qui fut plus long que le précédent. ' Une femme, âgée de 36 ans, mère de faihille, allai- tait son enfant : à la suite d'affections morales ^ elle voulut la mort; mais, disait-elle ,^6 rC ai pas le courage de me tuer, et pour quon me fasse mourir^ il faut que je tue quelqiHun : en effet, elle essaya de tuer sa mère et ses enfans. Conduite dans notre hospice, elle était très maigre, triste, ne parlait point, refusait de man- ger, ne voulait faire aucun remède; elle offrait tous les caractères de la lypémanie la plus profonde. La menace d'être couverte de vésicatoires la décida à prendre du petit-lait de Weiss qui lui lâcha le ventre. L'extrait de quinquina et le musc furent donnés pendant plus d'un ' mois,on revint ensuite aux purgati6; la malade futinoins sombre, mais elle répétait souvent : il faut que je tue' quelqu'un pour que je meure ; elle fut baignée pendant les grandes chaleurs; elle reçut quelques douches au mois de septembre; on appliqua un second vésicatoire. Cette femme parut alors sensiblement mieux ; ses parens désirèrent la retirer au mois d'octobre; elle avait alors démaigri; son teint était plus clair; les traits de la face étaient moins crispés^ elle faisait plus volontiers de l'exercice; elle mangeait et dormait bien; elle ne parlait plus de tuer : néanmoins les menstrues n'avaient point re- paru. J'ai su que, rendue dans sa famille, cette femme avait repris ses habitudes, et qu'elle était bien portante. Chrichton ^ rapporte plusieurs exemples de suicide ^ Jn Inquirr on the natun and origin of mental dérangement • Lon- 400,1798, ft ToL ip-S. S^o on suiciim Bomicide, empruntés aux auteurs allemands. Les infortu- nés qui sont les sujets de'Ses observations , ne pouvant m résoudre à* se tuer eux-mêmes, ont donné la mort à d'autres, espérant être condamnés h perdre. la. vie. Les exemples d'individus, qui, dans un accès de jtt* lousie, de colère ou de vengeance, ont tué l'objet de leur passion et se sont tués après, ne sont pas rares. Nous avions à la Salpétrière une femme qui avait voulu se ■ pendre; son frère, devenu amoureux de sa propre sœur , ayant appris qu'elle allait se marier, poignarda cette sœur, et se jeta par la croisée. Un cordonnier, mélancolique depuis dix ans , s^ima- gine que l'achat qu'il a fait d'une maison a causé sovl malheur et celui de sa femmo. Dans un accès de déses- poir, il lue sa femme, trois de ses enfaus, et eût tué le quatrième, si celui-ci ne s'était soustrait à sa rage; après ces horribles sacrifices, il s'ouvrit le veulre, le coup n'étant pas mortel , il retira l'instrument et se perça le cœur d'outre en outre. Ccl homme jouissait d'une bonne réputation et était d'un caractère très doux. ^ Ainsi, parmi les malheureux qui tuent avant de se suicider, il en est qui obéissent à des passions véhé- mentes qui les portent promptement à ce double homi- cide; les autres sont mus par des passions donf les effets sont lents à se produire. Il en est qui ne veulent pas se tuer dans la crainte d'être damnés, sachant que le suicide est un très grand crime, dont ils ne pourront obtenir le pardon ,^ tandis que, étant cer- ' Voyez Monomanie homicide , Wdeeine légale^ tour*' xi. DU SDICIOB. 571 tains d'être condamnes à mort/ après qu'ils auront (pommis un meurtre, ils espèrent avoir le temps, avant le^supplîce, de se reconcilier avec Dieu et de se préparer à bien mourir. Il en est qui tuent les personnes qui leur sont les plus chères pour les préserver des peines de la vie , des dangers de la damnation ; enfin on en a vu tuer les objets de leur plus vive tendresise , ne voulant pas s'en séparer, croyant être réunis avec eux, après la mort. Peut-on croire qu'une pareille violation des premières lois de la nature , que tant d'exaltation de l'imagination^ que tant d^égarement de la sensibilité, puissent se conci- lier avec la plénitude de la santé, avec l'intégiîté de la raison? Ne faut-il pas, au contraire, être arrivé au der* nier degré du délire pour se déterminer à tuer une femme que l'on chérit , des enfans qu'on adore ? n'est-ce pas s'abandonner à*la-fois aux actes les plus contraires à la loi naturelle, à l'instinct de sa conservation ? et cependant plusieurs faits prouveot que ces malheureux, hors de cet acte, avant et après son accomplissemont^ sont calmes et raisonnables. Ce calme, cette raison ne s'observent-ils pas, chez ces maniaques, qui, pour le plus léger motif, pour la contrariété la plus iuofTcnsive, vont se litrer aux actes de la fureur la plus aveugle? Ce ne sont pas les signes du délire qui manquent chez celui qui se suicident, ce sont leaobservateurs qui ne sont pas à portée de tout voir et de bien voir. Le suicide réciproque est cet acte par lequel deux individus se tuent l'un l'autre. C'est ordinairement le dâire de quelque passion et quelquefois l'extrême mi- sère qui portent ceux qui en sonti les victimes , à m 5na i>u SUICIDE. donner la mort. Une même passion, conduisant à la même détermination, fait trouver quelque charme à recevoir la mort de la main qu'on adore. Les exemples de cette fureur ne sont pas rares , on en retrouve dans l'antiquité la plus reculée; le j)Ius mémorable est celui d'Arrie et de Pœtus. Celui-ci fut condamné à mort pour avoir conspiré contre Claude. Arrie, sa femme, ne voulant pas survivre à son époux, se plonge un poignai*d dans le sein : le retire, et le présente à son mari en lui disant : prends ^ Pœtus, il ne fait point de mal. Leur fille voulut imiter l'exemple de sa mère dans une circonstance semblable; elle se fit ouvrir Jes veines, mais son époux, condamné au supplice, la conjura, et obtint qu'elle lui survécût pour ses enfans. Richard Smith , en 1 726 , donna un étrange specta- cle au monde; il avait été riche, il était devenu pauvre et infirme ; il avait une femme et un enfant au berceau auxquels il ne pouvait faire partager que la misère. Richard Smith et Bridget Smith , d'un commun consen- tement, après s'être tendrement embrassés, après avoir donné le dernier baiser à leur enfant, après avoir tué celui-ci, se pendent aux colonnes de leur lit. On trouva une lettre écrite de leur main : Nous croyons que Dieu nous pardonnera... Nous auons quitté la vie parce que nous étions malheureux, sans ressource , et nous aidons rendu à notre/ils unique le service de le tuer de peur qu 'il ne devînt aussi malheureux que nous. Il est remarquable que ces forcenés , qui avaient tué leur fils unique, écrivirent à un ami pour lui recom« mander leur chien et leur chat ! DU SUICIDE.^ SyS En 1770, un jeune homme de Lyon, beau, bien fait, aimable, plein de talens,est amoureux d'une jeune personne que les parens ne veulent pas lui accor- der : l'amant se rompt une veine en faisant un effort; les médecins déclarent qu'il n'y a plus de ressource; sa maîtresse lui donne un rendez-vous ; elle est armée de deux pistolets et de deux poignards; ils s'embrassent pour la dernière fois; la détente des deux pistolets est attachée à des rubans; l'amant tient le ruban du pisto- let qui doit tuer sa. maîtresse, celle-ci tient le ruban du pistolet qui doit tuer l'amant; tous deux tirent à un si- gnal donné, tous deux tombent au même instant. Cet exemple devenu trop fameux a eu malheureusement plusieurs imitateurs. Il y a quelques années que le fils d'un juge de paix, employé dans les bureaux de la Légion- d'Hoùneur, | aimait une jeune personne, fille d'un riche marchand. Les parens de celle-ci se refusent à leur mariage, à cause de la jeunesse du prétendant. Les deux amans se ren- dent dans la forêt de Saint-Germain; le jeune homme, après avoir brûlé la cervelle à sa maîtresse qui n'a pas la force de se tuer elle-même , se pend à un arbre avec le châle de celle qui vient de consentir à recevoir la mort pour lui et par lui. Madame de Staël qui, dans l'exaltation de sa jeu- nesse, sembla approuver le suicide, le condamna plus tard et se reprocha cet égarement. Dans un mémoire ou fragment sur le suicide, que cette femme célèbre at- tribue à la douleur de la vie y on lit l'exemple suivant : £n 181 1, M... et madame... quittèrent leur domicile Bji MI sniciBB. pour se rendre à Tauberge de Posftdam ; après aroir chanté des cantiques rektife à la aoène, M... brûla la cervelle à madame... , et se tua aussitôt après. La dame avait un père, un ëpouK^ une£lie, et, M... était un lit- térateur estimé et un officier distingué. Le suicide est quelquefois simulé^ ou pour parler' plus côrrectementi il est des individus qui menacent deseiiier sans en avoir la moindre volonté : c'est ce que Ton ob- serve quelquefois dans la société, chez des peraonnes que des désirs impérieux portent à toutes sortes de menaces, pour vaincre leâ résistances que Ton oppose à leurs de- sirs. Les aliénés, et plus particulièrement les monoma- niaques , animés par divers motifs, tantôt pour obtenir ce qu'ils désirent, tantôt pour affliger leurs amis, tantôt par caprice^ feignent de vouloir se tuer; ils ont bien soin d'être aperçus pour qu'on vienne à leur secours , ou bien ils s'arrangent pour ne pas se faire de mal. Une dame, âgée de 127 ans, entre mille extravagan- ces qui avaient toujours pour but d'affliger, de déses- pérer son mari qui l'aimait beaucoup, feignit plusieurs tentatives de suicide; après plusieurs mois, elle fut confiée à mes soins; elle portait des habits d'homme, seul vêtement qu'elle voulût porter depuis six mois. Après qu'elle fut couchée, on enleva ses habits, et je fis substituer des habits de femme. Le lendemain matin, madame réclame ses vêtemens d'homme qu'on lui refuse , alors elle s'élance de son lit , menace les per- sonnes qui la servent, pousse des hurlemens , se roule par terre et frappe la tâte contre le plancher de sa chambre. J^accours à ce bruit j madame, eu me voyant, ■\ DU SUICIDE. S7S se frappe rudemeot la tète, répétant : «ye ^veux me tuer. — .£hi)ien yfmadameytuea^voiifty.oe oecuiiune nau« VBÎfte têke de moins, votre mari sera délivré d'un grand tourment : quant àmoi, cela m'est indifférent. «A peine avais-je prononcé ces paroles d'un ton imposant , ma- dame se lève y s'habille, et depuis , quoiqu'elle soit restée avec la raison altérée, elle n'a plus fait la moin- dre menace de se tuer. Une demoiselle parlait sans cesse de se tuer : elle faisait mille tentatives sans en effectuer aucune. Un vieux oncle chez qui elle demeurait, importuné de menaces si souvent réitérées, lui propose une prome« uade à la campagne, la conduit près d'une marre, et fait mine de se déshabiller. « Allons, ma nièce, lui dit-il, jette-toi dans Teau, je m'y jetterai ensuite; tu hais tant la vie, qu'il faut eu finir. Il la presse et la pousse même : après une assez longue lutte, la demoiselle dé- clare qu'elle ne veut pas se noyer, et qu'elle ne parlera plus de se tuer; elle a tenu parole. Cet oncle à 77 ans est devenu maniaque, et est mort d'apoplexie. Enfin, le suicide supposé peut être le sujet de questions graves de médecine légale. Des scélérats^ pour cacher leur crime, sont parvenus à faire passer leurs victimes pour de véritables suicides. Le mé- decin légiste doit connaître le» signes qui font distin- guer le cadavre d'un suicide d'avec celui d'un homme assassiné^. Louis avait traité ce sujet. On lit dans son mémoire qu'un fils ayant volé à son père une somme ' Voyex signes de la Suspension vnxX la morti MédtànB Ugalê ftom, tu 5^6 BU SUICIDE. d'argent^rëtrangla et suspendit ensuite le cadayre avec le même licol qui lui avait servi à comnRettrc le parricide. Telles sont les diverses circonstances qui prépèdeol, déterminent et signalent tous les actes par lesquels l'homme se tue volontairement ou involontairement. Elles prouvent combien sont fautifs tous les relèves qu'on a publiés sur le suicide, même dressés sur les procès-verbaux déposés aux greffes de Tautoritc publi- que. Ces relevés sont peu propres à éclairer l'histoire du suicidç, parce qu'ils manquent ordinairement des docu* mens nécessaires pour en constater la vraie cause, et le motif qui a déterminé le suicide, parcequon est rare- ment informé de l'état physique et moral des individus qui se sont tués; parce qu'on ignore si un homme qu'on trouve mort était aliéné, s'il s'est tué par une détermination soudaine de désespoir ou par une réso- lution réfléchie; parce qu'enfin on ne sait pas s^il est victime d'un assassinat. Ces distinctions peuvent mettre sur la voie, si je ne me trompe, le médecin requis de faire un rapport judi- ciaire sur le cadavre d'un homme qu'on dit s'être tué; enfin elles peuvent être utiles au médecin chargé de diriger un établissement d'aliénés. Ce qui précède justifie ce que je disais en commen- çant cet article, savoir: que le meurtre de soi-même n est qu'un phénomène consécutif à des causes très di/Fé- rentes; qu'il ne peut être considéré comme une maladie sui geneiis; que le suicide est presque toujours un symptôme d'aliénation mentale. La plupart des malheureux qui ont attenté à leurs DU SUICIDE. 577 jours y ou qui se sont tués, apparliennent à des familles qui ont eu quelques-uns de leurs membres atteints d^a- liénation mentale. La plupart de ceux qui n'ont pu accomplir leur des- sein restent aliénés pendant plus ou moins de temps, ou ils le deviennent plus tard. Un grand nombre d'entre eux ont manifesté, avant de se détruire , tous les signes de la lypémanie. Quelques-uns se sont tués après avoir eu un accès de manie à la suite duquel ils sont res- tés tristes et moroses. § III. Des climats, des saisons, des âges et des sexes considérés comme causes de suicide. Le climat y ne cesse-t-on de répéter, a une grande in- fluence sur la production du suicide, témoin la fré- quence du suicide en Angleterre, causée par l'atmo- sphère surchargée d'humidité et de brouillards ; mais a - 1 - on réfléchi que le suicide était inconnu dans la Grande-Bretagne, lorsque les Romains en faisaient la conquête, tandis que le suicide était, à cette époque, fréquent en Italie? Les climats sont restés les mêmes, mais les mœurs, mais la civilisation , mais les idées ont changé; et ce sont là les causes qui influent puis- samment sur la fréquence des maladies mentales. Les / Hollandais ne vivent-ils pas sous un climat encore plus / humide, aussi brumeux que celui de l'Angleterre? Ce- pendant le suicide est moins fréquent en Hollande qu'ailleurs. Le climat de Copenhague n'est pas changé, 57^ iMi smoim* ACcpesàdttùl le» suicides j ont progressivetneai double depuis 4o 2^'- ^ BerUa ^ l6s MÎcides, depuis un sîède, ont augmenté dans une proportion dëploralik. Les sui- cides ne soQt4k pas plus frëqueos pendant certaines année», pendant certaines saisons^ dans un même pays, dans une même ville , quoique le cUmat n'ait paayari^? £b ifti I y et au printemps^ il y eut beaucoup de suicides à Paris. Le docteur Rech \ de Montpellier , m'a écrit que pe&dant l'année i8ao , il y avait eu dans cette ville plua de suicides que pendant les vingt années précédentes. Je ne veux pas nier qu'un ciel nébuleux et sombre ne dispose aux idées tristes et mélancoliques, et ne puisse entrer pour quelque chose dans la production du sui-^ cide; w^ je pense que l'autorité de Montesquieu en a imposé , et qu'on a répété son assertion sans y regarder assez* On a aussi répété que le Suicide était plus firéquent eft automne que dans toute autre saison. Cheyne, en Angl^ terre, adopte cette opinion que partage le professeur Osiander pour le nord de fAliemagne. Ne s'est-on pas laissé entraîner dans cette opinion par l'influence des théories humorales ou par l'analogie de l'automne avec les climats brumeux ? Les médecins de Vienne pcnaent: que le suicide est plus fréquent avant et après les équî- noxes. Fodéré et M. Dnglas ont observé qu'à MarseiUe le suicide est plus nombreux lorsque le thermomètre 1 Depuis cette épo^e, le docteur Rech, professeur à U ÙMulté de Meiiii- pquarante ans, se sont suicidés ^ Gall, qui rapporte ce fait, a connu une famille dont la grand'mère, la sœur, la mère se sont suicidées; la fille de cette dernière a été ' f .-G. Gall, sur Usfonctioms du cerveau, Paris , x8a5 , 0 Tol. in-8. 58a « ITT suicuiE. 4ur le point de se précipiter , et le fils s'est penda. ' Nous avons à la Salpétrière plusieurs aliénées dont le père, ou la inère, ou les sœurs, ou les frèr^ se sont suicidés. Un riche négociant, d'un caractère très violent, est père de six enfans : à mesure que ses en&ns ont fini leur éducation , il leur donne une forte somme d'argent et les «éloigne de chez lui. Le plus jeune, âgé de vingt-six à vingt-sept ans, devient mélancolique et se précipite du haut du toit de sa maison; un second frère, qui lui don- nait des soins, se reproche sa mort, fait plusieurs ten- tatives de suicide, et meurt un an après des suites d'ab- stinence prolongée et répétée. L'année suivante, un autre frère a un accès de manie dont il guérit; un quatrième frcre , médecin , qui deux ans avant m'a- vait répété, avec un désespoir effrayant, qu'il n'é- chapperait pas à son sort, se tue; deux ou trois ans après, une sœur devient d'abord maniaque, et feit mille tentatives de suicide; le sixième frère est à la lête d^un grand commerce, il eût fini comme ses frères s'il n était retenu à la vie par ses enfans et par s^ femme , qui est pour lui un ange tutélaire par ses soins et par sa tendresse. * Le suicide est plus fréquent depuis l'âge de vingt ans jusqu'à trente. C'est au moins ce que m'a démontré ! le relevé des femmes admises à la Salpétiière avant ou i après avoir fait des tentatives de suicide. ^ Quelques années après que j'écrivais ces lignes pour U preaiièic fNSy ce malheureux s'est tué. scr SUICIDE. 583 Avait i'àge de -iS aA6 a de i5 à ao « « i6 de ao à a5 ag de a5 à 3o 27 de 3o à 35 ay de 35 à /|0 27 de 4^ à 45 '. a5 de 4^ ^ ^^ ^^ de 5o à 55 7 de 55 à 60 6 de 60 à 65 7 de 65 à 70 i de 70 à 75 a 198 Ce qui porte à 198 (sur 1898 adinissloos) le nombre des femmes alténëes reçues pendant six ans dans l'bos* pice de la Salpètrière , ayant fait des tentativies de sui- cide. C'est un dixièaïc à très peu près. Quoique le suicide semble ne se manifester^ coiuUBe Taliénation mentale, qu'après la puberté, cependant nous avonf vu de nos jours des écoliers terminer leur existence, Tictimes d'une éducation vicieux, qui dès Vmr fauce avaient appris que le néant est pap-deià la vie, et que l'honnne peut disposer de l'exialenoe lorsqu'elle loi épiait. ISious avons eu à la Salpètrière une femme «qui s'était jetée dans la rivière à oeuf ans , «t qui s'y est jetée de nouveau à l'âge de ^piarante. La vieillesse, qui inspire iàirbonune le deair die vivire, fNurce qu'il est pks prài lèit perdue la Yie 9 «A mremeat t' 584 ^^ sniaDE. exposée au suicide. Cependant , dans les temps ancteos, lorsque les stoïciens se sentaient vieillir ou tomber dans lès infirmités de Tâge avancé, ils prévenaient par une mort volontaire la honte ou les infirmités de la cadu- cité. On rencontre encore quelques vieillards qui, moins avares de leur vie que le commun des hommes, se tuent, ou mieux se laissent mourir. Un médecin de Paris , âgé de quatre-vingt-quatre ans, éprouve une légère indisposition dont il est promp- tement délivré; quelques mois après il se sent malade : rien ne peut le décider, non-seulement à soigner sa sant^ mais à prendre la moindre nourriture. En suivant vos conseils, disait-il à ses amis, à sa fille unique, je puis vivre encore , mais bientôt il faudra finir. Après cinq jours d'abstinence, il consent à prendre un jaune d'œuf, et succombe quelques instans après. Sa fille devient folle à rage de trente ans. Pomponius Atticus étant malade, se condamna à l'abstinence la plus sévère; il guérît de ses souffrances; on ne put le décider à reprendre des alimens; il se laissa mourir, disant qu'il était ainsi bien préparé à mourir doucement. Le père du célèbre Barthez se laissa mourir de faim à l'âge de quatre-vingt- dix ans , désespéré de la perte de sa seconde femme. ! Quoique les femmes soient plus exposées aux ma/a- I dies mentales que les hommes, cependant le suicide est I moins fréquent parmi elles. Les observateurs de tous les pays sont d'accord à cet égard. L'exaltation de leur sen- I sibilité, les élans de leur imagination, l'exagération de i leur tendresse, leurs attachemens religieux produisent 1 en elles des maladies opposées au suicide, dont dles I I DU SUICIDE. 585 sont d'ailleurs éloignées par la mollesse de leur caractère et leur timidité naturelle; elles ont des vapeurs, des maux de nerfs; elles deviennent aliénées; elles se tuent plus rarement que les hommes, et le plus souvent c'est Tamour q^iii les pousse à cet égarement ou bien la lypé» manie. Les jeunes filles qui ne sont pas menstruées, et les jeunes femmes qui le sont mal, tombent dans la lan^ gueur et se suicident, suivant la remarque d'Hippocrâte. Brorson , qui a fait un traité sur le suicide, établit la proportion des hommes aux femmes, comme cinq est à mu , D'après un relevé fait dans laMarche de Brandebourgs il résulte qu'il y a quarante-cinq suicides par an, savoir trente-deux hommes et treize femmes. Un relevé fait à Paris pendant les années i8o5, 1806, 1807, donne deux cent quatre-vingt-deux hommes et cent treize femmes. Un relevé publié plus tard indique qu'il y a eu peu* dant le premier trimestre de 1817, trente - neuf hommes suicidés et dix femmes, plus vingt-cinq indi* vidus dont on n'a pas déterminé le sexe. Pans mon établissement, il est entré cinquante indi* vidus ayant fait des tentatives de suicide : trente-cinq hommes et quinze femmes. De ces relevés et de beaucoup d'autres, on peut conclure que le rapport du suicide est , des hommes aux femmes, comme trois est à un. Mais ces conclusions sont soumises à des exceptions accidentelles. En effet , les auteurs parlent d'épidémies de suicide qui n'ont sévi que sur des femmes. Les €arac« 586 ^^ susciDB. tères de ces épidémies oonfirment ce que nous âTOoi dit, que le suicide a^est qu'un «ymptQiffft cgin^^tif L'apparition épidémique du suicide est un phéso* mène bien singulier. Dépend^elle cTuoe dispoaitjon ca- chée de Tatmosplièfe , de riroitation si puissant^ sur la détermination des hommes , de circoi^tances qui boule- versent un pays, ou enfin de quelque idée dominante? Il est certain que ces épidémies subites et passagèies ont des causes différentes, et confirment ce que nous avons déjà dit, que le suicide n'est point une ma* ladic sui generis. Le philosophe Hégésias, enthousiaste du stoïcisme, prêche en Egypte, du temps de Ptolé- mée, le mépris de la Ti'e €t les douceurs de la mort. Le suicide devint très fréquent. Plutarque rapporte qne le suicide régna épidémiquement à Milet, et que les jeunes femmes et les filles se pendaient à reovi les unes des autres, parce que la guerre tenait les hommes élûî- gnés. Primerose assure que, de son temps, les femmes de Lyon, dégoûtées de la vie, se précipitaieot en foule dans le Rhône, sans en assigner la cause. Un ancien historien de Marseille dit que les jeunes filles de cette ville se tuaient à cause de l'inconstance de leurs amans. Sydenham dit qu'en 1697 il y eut un grand nombre de jnonomanies et de suicides dans la ville de Abuis/êid, pendant le mois de juin qui avait été très ohaud. La même chose, disions-nous tout-à-rheure^ a été obser- vée à Stuttgard pendant l'été de 181 1. £n 1806, oft observa un grand nombre de suicides à ilouen. La cha- leur de l'atmosphère et des revers de fortune parureaft en être la cause. Le docteur Desloges, médecin à Saîat* BU suiciiyE. SBj Maurice dans le Valais , observa une épidémie de sui- cide en i8i3, au village de Saint-Pierre Montjeau. Une fiamme se pendit ^ et les autres femmes se sentirent portées à suivre son exemple. Il y a quelques années que, dans les environs d'Etampes , un prêtre se pendit, et en peu de jours il s'en tua deux autres dans les en- virons, et quelques autres personnes les imitèrent. J'ai entendu raconter cette observation à Pinel, dont la campagne était voisine d'Etampes. Lorsque la nostalgie règne épidémiquement dans une armée, lorsque les habitans des montagnes descendent dans nos villes, lorsque les monomanies se propagent sur la population, particulièrement la monomanie su- perstitieuse, alors les suicides sont plus fréquens. L'éducation, la lecture des ouvrages qui vantent le suicide , là puissance de l'imitation , le mépris pour les idées religieuses, les excès de la civilisation, Tespiit militaire, les bouleversemens politiques, la dépravation des mœurs, le jeu, l'onanisme, l'abus des liqueurs fer- mentées, la douleur physique, la pi*ll|igre, sont autant de causes qui portent l'homme à se tuer. Si, par son éducation, l'homme n'a point fortifié son âme par les croyances religieuses, par les préceptes de la morale, par les habitudes d'ordre et de conduite régulière; s'il n'a pas appris à respecter les lois, à rem- plir les devoirs de la société , à supporter les vicissi- tudes de la vie; s'il a appris à mépriser ses semblables, à dédaigner les auteurs de ses jours, à être inâpérieuxdans ses désirs et ses caprices; certainement tantes choses égales d'ailleurs , il sera plus disposé à terminer vokm- ( 588 DU SUICIDE. tairemeut sou existence ^ dès qu'il éprouvera quel- ques chagrins ou quelque revers. L'homme a besoin d'une autorité qui dirige ses passions et gouverne ses actions; livré à sa propre faiblesse, il tombe dans Tin* différence et bientôt après dans le doute ; rien ne soutient son courage, il est désarmé contre les sou& frances de la vie, contre les angoisses du rœur, contre' les vicissitudes de la fortune, contre Tem portement des passions. Un étudiant élevé dans des principes religieux devient mélancolique, enfin il parle de mourir; il demande souvent à un de ses camarades s'il existe une âme. Celui-ci lui répond qu'il n'y en a pas; après une lutte pénible entre les principes de lenfance et \eé erreurs de la jeunesse, ce malheureux finit par se tuer. UD|eane homme laisse un écrit avant de se tuer, il accuse ses parens de l'éducation qu'ils lui ont fait donner. Un autre blasphème contre Dieu et contre la société. Un troisième se tue, parce qu'il n'a point assez d'air pour respirer à son aise. Deux jeunes littérateurs, à l'âge de ai ans, s'asphyxient, parce qu'une pièce de théâtre^ qu'ils ont fait en commun, n'a point réussi. Un enfant de treize ans se pend , et laisse un écrit qui commence par ces mots : Je lègue mon ame à Rousseau, mon corps à la terre!! Lorsqu'il s'est opéré un grand chan^ gement intellectuel et moral dans la société; ce chan- gement influe sur la marche des idées et sur les condi- tions de l'existence. Le dévergondage de l'esprit se ré» vêle, non -seulement dans les écrits futiles, dans les romans, mais encore dans les productions d'un ordre plus élevé. Quand le théâtre n'offre que des triomphes DU Suicide. 589 du crime et les malheurs de la vertu; quand les livres, < mis à la portée de tout le monde par leur bas prix, ne \ contiennent que des déclarations contre les croyances, j contre les liens de famille , contre les devoirs de la société y ils inspirent le dédain pour la vie; le suicide doit se multiplier. La mort étant regardée comme un port assuré contre les douleurs physiques , contre les ' soufTrances morales. La lecture des livres qui vantent le suicide est si funeste , que madame de Staël assure que la lecture du \ ff^erther de Goethe a produit plus de suicides en Aile- | magne que toutes les femmes de ce pays. Le suicide est devenu plus fréquent en Angleterre depuis Tapologie qu'en ont faite les Doune, les Blount , les Gildon ; etc. II . .. i> en est de même en France, depuis qu'on a écrit en faveur de Thomicide de soi-même y et qu'on Ta présenté au public comme un acte de notre libre arbitre et de courage. Le suicide de Richard Smith et de sa femme; celui de Philippe Mordant, qui se tua, en disant que lorsqu'on est mécontent de sa maison , il faut en sortir, furent le signal d'un grand nombre de suicides en An- g elerre. Ce qui précède prouve qu'il est des époc^ues de la so- ciété plus favorables que les autres au suicide, à cause de l'exaltation générale des esprits : plus le cerveau est ex- cité, plus la susceptibilité est active, plus les besoins aug- mentent, plus les désirs sont impérieux , plus les causes de chagrin se multiplient, plus les aliénations men- tales sont fréquentes, plus il doit y avoir de suicides. C'est ce dont chacun peut s'assurer en comparant le - ai? 5gp DU »«IC106. I tioiuljre le suiclUes daiis les villes, particuUèreœeiit dans les capitales, avec le nombre iIps suiwJvs tUut l les camE^*"^* ^' "^^ ^*- ''* i»^™^ on comparanl le iiorahi-e des suicides de la Russie avec cdm des hù* cides eu France, et aurlout eu Àugletcrrc Si aon comparons l'état actuel de l'Europe avec ce qu'dait J l'Italie du temps des empereurs, faut-il sV-tonner ifue 1 des époques si semblables pour les mœurs et TccUt | de la civiUsation soieut également (écoudes en wï- cides. Pendant le ncu' -■ et le dixième sidde, , époque de confus et de doclrioes, les f/w» lûtes, saisi!) de U 1 du suicide, se douiuieut ia moi't ou se la à prix d' argent; bonuoes, fnnmcSiCnfans, si u se jetaiciil dans les prc- i cipiccs ou sur les es gnofist&t se Lûssaieol mourir de thim , dans e de blesser une criblure (jui était une portioa L'esprit uiititairc, q a ire l'iodilTéreace pAurU vie , qui u'attaclie pas une gronde importance à iio bûn qu'cta est pri:l à £ai.riijcj' à J'auibitioa du oqajtrej l'espiiL militaire, tlis-J£, doit être favorable au suicide. À Bobw^ peudant les guerres civiles, les généraux vaincus J» tuaieat pour ne pas tomber sous le joug du vaiB^ur. Ijt vaisseau que VitelUus et sa cohorte montaient était, arrêté par la flotte de Pompée, eatre tes écuàU de la mer lUyrienne; après s'être battu vaillaouiieat , fatigué du carnage, ViteUius exhorta le reste de. les soUats, il prévenir par une mort de leur choix, la hools ds tomber entre te&.mains des vainqueurs. Aiùinés par en dtseours, ses soldats s'eatretuèreut sur le tîUac. Lea no suiciME. 591 i;randes calamitës partait au suicide, ob observa beau- coup Ae siûcide pendant la peste noire qui ravagea l'Europe, vers le milieu du quatorzième siècle. Les historiens assurent que les Péruviens et les Mexi- cains, désespérés de la de&truâtion de leur culte^ de leurs usages, de leurs lois^ se tuèrent en si grand nom- bre, qu'il en périt plus dt leurs propres mains que par le fer et le feu de leurs barbares conquérans. Ross Cox , dans le récit d'un voyage daus les eaux de Co^ lombie, imprimé à Londres, en i83i, rapporte qu'à la fin du dernier siècle , la petite-vérole fit de grands ravages dans l'Inde, que des milliers d'Indiens se pen- dirent aux arbres , croyant que le Grand-Etre les avait livrés aux mauvais esprits , pour les punir. Montaigne raconte que, pendant les guerres du Milanais, ce peu- ple impatient de tant de changemens de fortune, pri^ rent telle résolution à la mort, que fui oui dire à mon père qu'il y vinsÈ tenir compte de bien vingt-cinq mais très de maison qui s'étoient bien défaits eux^ mêmes en une semaine. £n i3ao, cinq cents Juifs, poursuivis par les Pastouraux, se réfugièrent dans le château de Verdun , sur la Garonne , assiégés par leurs implacables ennemis, et poussés au désespoir, après avoir jeté aux assiégeans leurs en&ns par-dessus les murs , ils s'égorgèrent. Les Juifs, lors du siège et de la prise de Jérusalem par Titus, et pour mettre fin à leurs maux, se précipitèrent du haut des remparts ou mirent le feu à leurs maisons pour devenir la proie des flammes. L'onanisme est signalé par Tissot comme une des causes du suicide. Très souvent j'ai vu le sui* Sga BU SUICIDE. iCiàe précédé de l'habitude de la masturbation. II en testde même de Tabus de 'boissons alcooliques. Ces [deux causes épuisent la sensibilité, jettent dans la lan- gueur ou dans le désespoir; elles produisent aussi un grand nombre d'aliénés. Les individus affaiblis tombent dans la lypémanie, ne forment plus d'autre vœu que. celui de se délivrer de la vie, quils n'ont plus la force de supporter. Nous avons eu , à la Salpétriëre , deux sœurs , elles étaient filles publiques ; Tune d'elles s'était noyée après une orgie, Tautre s'est jetée \ deux fois dans la Seine, étant ivre, et elle allait sy pré- cipiter une troisième,, lorsqu'elle en (iit empêcha et conduite à l'hospice. Nous avons eu aussi une femme âgée de trente ans, qui, à chaque fois qu'elle a du | chagrin, cherche à le noyer dans le vin; lorsqu'elle est ivre, elle fait mille tentatives pour se' tuer. Une autre fille publique, chaque fois qu'elle est prise de vin, cherche à se pendre ou à s'étrangler. lorsqu'elle est dans l'hospice, ne pouvant se livrer à son goût pour la boisson y elle est non-seulement très raisonnable, mais elle est bien loin de vouloir se tuer. Interrogée sur ce qui la porte à se détruire, elle répond vaguement quelle n'en sait rien, qu'elle ne sait ce qu'elle fait. M. Danne<7 a eu l'occasion d'observer, à l'Hotel-Dieu^ un cordouoier f|ui avait le même penchant pour la boisson^ et la même impulsion au suicide chaque fois qu'il était ivre. Un -avocat de Paris ne pouvant prévenir des excès auxquels l'ivresse le portait, en fut si désespéré, qu'il s'ouvrit les veines des deux bras et mourut au mois de décem- bre 1810. ' - DU SUICIDE. 593 La pellagre produit un grand nombre de suicides, particulièrement en Lombardie^ et M. le professeur Tliomassini m'a assuré qu'un tiers de pellagreux au moins se tuaient. Depuis la première impression de cet article en 1 82 1 1 j'ai observé la pellagre dans la Haute-Italie et surtout dans la Lombardie. La pellagre est primitive- ment une maladie de Tappareil digestif qui se com* plique, secondairement, d affection cérébrale et cuta- née. FrapoUi lui reconnaît trois périodes : dans la pre- mière, les symptômes gastriques se manifestent pres- que seuls j la peau des extrémités des membres se colore et se détache en écaille; dans la seconde période, les ^ symptômes cérébraux se montrent, la peau devient rugueuse, épaisse, crevassée; il y a délire aigu, folie avec toutes ses variétés, particulièrement lypémanie sui- cide. Quelques auteurs italiens pensent que le tiers des pellagreux se tuent, d'autres portent ce nombre jusqu'à la moitié ^. Chez un grand nombre de lypémaiiia* ques, on observe en France un phénomène analogue, ces malades éprouvant sans doute une irritation de la peau des extrémités des doigts, qu'ils déchirent, et ron- gent avec les ongles. Ce symptôme diminue et dis- paraît , lorsque la lypémanie tend vers la guérison ou lorsqu'elle a cessé entièrement. < Je ne m'étendrai pas davantage sur les causes du sui*- cide , je m'en tiendrai à l'indication de celles qui sem- blent le produire le plus ordinairement. Si je n'ai pas parlé des passions qui souvent déterminent le suicide, < r. De U Folk pellagreuse, par le docteur Brierre de Boîtmont, i834. s. 38 5q6 ^u suicide. }cs préoccupe sans cesse, dœit on ne peut les dis- traire. Toutes les pensées de ces insensés sont dirigées , concentrées sur cet objet avec Topiniâlreté qu*on observe chez les autres monomaniaques. Si la fatigue de la veille les fait dormir, ils ont des rêvet affreux. Ainsi, la nuit comme le jour, ces infortunés ne peuvent éloigner la pensée de la mort , pas plus que les autres monomaniaques ne peuvent se défaire de ridée qu'ils sont ruinés, déshonorés, damnés, etc. Il n'est pas d'individu qui n'ait eu des idées de sui- cide, et même le désir de se précipiter, lorsqu'il s'est trouvé sur un lieu élevé, ou auprès d'une croisa, ou de se noyer lorsqu'il passait sur un pont. Ces idées, comme toutes les idées possibles, qui se renouvellent sans cesse et se succèdent en foule dans l'esprit, s'y re- présentent à leur tour. Elles ne laissent ordinairement pas plus de traces après elles que les autres idées. Mais si l'homme éprouve actuellement un violent chagrin, si^Fidée de se détruire se représente pêle-mêle avec les myriades d'autres idées qui se pressent dans la tète, cette idée de suicide s'associe fortement à l'état moral présent, avec le chagrin, avec; le désir de s'en déli- vrer: de là la détermination de se tuer, comme un moyen infaillible de faire cesser ses maux. L'impulsion ^ au suicide est plus ou moins violente , plus ou moins instantanée, suivant mille causes dépendantes de l'âge du sexe, du tempérament, des habitudes, des profes- sions, de l'irritabilité de l'individu, et de mille autres circonstances qui échappent à notre observation. Cette association opiniâtre des idées n'a-t-ellc pas DU SUICIDE. 097 lieu fortuitement dans l'ëtat de santé, lorsc[ue nous sommes préoccupés d'un objet ? elle est d'autant plus durable, que des idées fausses se sont associées ensem- ble de manière à absorber toute notre intelligence , à concentrer toute notre attention, toute notre sensibi- lité; et, suivant les individus, ces idées, fortement associées, portent l'homme à des jugemens erronés, à des déterminations quelquefois promptes, quelque- fois long-temps réfléchies , avec les préventions et les raisonnemens exclusifs qui caractérisent la monomanie. Un seigneur vient voir M. Anson, son ami, et. lui dit : Je suis fatigué de l'insipidilé de la vie, mon dessein est de la quittei* demain. Après une longue conversation, M. Anson , obligé de s'absenter, obtient de ce seigneur qu'il attendra son retour, fixé à quatre heures précises, quelques jours après. M. Anson ne put arriver le jour indiqué, qu'à cinq heures; son ami s'était brûlé la cer* velle, à quatre. Mais les suicides obéissent, dit-on, à des impulsions irrésistibles. J'ai questionné plusieurs hypocondriaques et un grand nombre de lypémaniaques qui avaient fait des tentatives de suicide : tous m'ont assuré qu'ils étaient entraînés à la mort volontairement, qu'ils y pen- saient même avec plaisir. Mais tous ont ajouté qu'ils étaient dans uu état ou, physique ou moral tel, que rien n'était plus affreux que cet état qui leur sem- blait devoir être éternel, et que la mort s'était offerte à eux comme le seul moyen de s'en délivrer: c'est ce qui la leur rendait désirable. Ceux qui ne sentent plus le bien de vivre, succombât au spleen, n'ont plus de 00 sniciiML 5g9 aperçut cette fille; Il Tappelle, il la menace d'aller chercher la garde. Cette menace fait perdre la tête k cette jeune fille qui se précipite; elle est aussitôt retirée de Teau; elle arait ses menstrues cpii se suppriment: depuis y cette jeune fille est restée épileptique. * Que d'irrésolutions dans ceux qui méditent le iui«- 'cide, que de combats avant de s'y déterminer, que d'ef^ forts pour s'y résoudre, dérobés, cachés au public, pour conserver à cet acte insensé tout l'extérieur du cou- rage 5 de la force ! c'est l'anaour-propre encore qui revêt le suicide de son manteau. Combien de meurtriers d'eux- mêmes vivraient encore , si quelque ami avait pu renouer le fil de la vie qu'ils ont tranché ! Combien qui regret- tent, en la quittant, le sort qu'ils trouvaient trop mal* heureux ! avec quelle avidité ils ressaisissent la vie par tous les moyens qui leur sont offerts! Un homme se jette dans un puits, il fait tous ses efforts pour en sortir, et indique les moyens de le délivrer. Pauline, femme de Sénèque, jeune et belle, voulut mourir avec son mari. Elle se fit ouvrir les veines. ï^éron, instruit de cette résolution, ordonne qu'oq aille fermer les plaies de Pau- line. Pauline, rappelée des portes du tombeau, ne pense plus à mourir. Les suicides luttent péniblement contre le désir qui les porte à se détruire , ou bien ils ont une sorte de joie en songeant à leur destruction. Ils ont des paroxys- mes, tantôt réguliers, tantôt irréguliers, ajournant l'exécution de leur dessein, tantôt par un mptif, tantôt par un autre. Souvent ils portent sur eux , ou cachent dans un lieu sûr , les instrumens ou les moyens de des- jgoO IX^ SUICIDE. truction y incertains du temps, du lieu , de roocasion les plus favorables pour l'accomplissement de. leur pro- jet, et Ton peut, avec quelque expérience^ prévenir les effets de ces exaspérations, qui impriment à la phyisio- nomie un caractère sinistre , par le retour des symp- tômes physiques et moraux indiqués précédemment. Les symptômes physiques sont alors plus graves , les douleurs morales plus vives, la vie est plus insuppor- table. Enfin , après avoir passé , pendant des mois, des an- nées, dans une lutte intérieure, avec des alternatives de rémission , en proie aux passions les plus affreuses, ou bien indifférens à tout, insensibles à tout, ne sentant ni le bienfait ni la peine de vivre , entraînés lentement au dernier degré de Tinsensibililé physique et morale qui prive Thomme dé l'instinct conservateur de sa propre existence, ils quillent la vie pour se dérober à des tonr- meus intolérables ou à l'ennui. Leurs yeux sont ha- gards , la face est colorée ou très pâle , le regard est si- nistre , la respiration précipitée , leur tête s'embarrasse; ces insensés ne sont plus les maîtres de leurs actions. Les écrits que tracent quelques-uns d'entre eux, avant de se donner la mort, ne prouvent- ils pas l'exalta- tion et l'égarement de leur raison ? Si quelques autres écrivent à leurs parens, à leurs amis des lettres qui ex- priment le calme de la raison, ne dissimulent-ils pasJeur situation morale, comme cela arrive si souvent aux monomaniaques ? Cette destruction de toute sensibilité physique n'est pas rare chez les monomaniaques, qu'on a vus se mu- DU SUICIDE. 60 1 tiler, se brûler, s^atnputer les membres^ sans paraître en éprouver de douleur , tant l'exaltation , la fixité des idées avaient égaré leur sensibilité et l'avait déplacée de son véritable siège. Plusieurs suicides ^ après s'être blés- ses grièvement , n'accusent point la douleur causée par les plaies qu'ils se sont faites : cet ëlat d'insensibilité or- ganique indique que le délire n'a point cessé, et que les malades doivent être surveillés avec soin. Porcia, déses- pérée de la mort de son mari , avale des charbons ar* dens. Haslam parle d'une femme qui, ayant broyé du verre dans sa bouche, pendant une demi-heure, assu- rait n'avoir point souffert. J'ai appliqué des vésicatoires, des ftétons, des moxas, le cautère actuel^ à des individus fortement portés au suicide, et à des lypémaniaques, afin d'interroger leur sensibilité, je n'ai pu produire de douleur; et quelques-uns^ après leur guérison, m'ont assuré qu'ils n'avaient nullement souffert de ceç appli-^ cations. Un jeune homme, âgé de vingt-sept ans, dans un accès de désespoir maniaque, se précipite d'un qua- trième étage, il proteste qu'il ne s'est fait aucun mal, et remonte aussitôt dans son appartement. Le péroné était fracturé. Un militaire s'était fracturé une cuisse en se précipitant d'un deuxième étage; il répétait sans cesse, ce n'est rien, je ne souffre point. Je n'insiste pas sur ce point d'analogie que les suicides ont. avec les aliénés; on en lira plusieurs exemples dans cet article. Parmi les individus qui se suicident, il en est qui ne choisissent ni le genre de mort, ni l'instrument, ni le moyen de leur destruction, ils s'emparent de tout ce qui DU SDiaDE. 6o5 pas heureuse. Dès • lors , l'on aperçut chez elle un changement de caractère; elle devint triste, solitaire, et se plaignit de ses nerfs. Elle voyagea long - temps sans améliorer sa santé. Elle se persuada qu'elle portait en elle un principe de peste qui pouvait nuire aux personnes qui l'approchaient, particulièrement aux membres de sa famille , elle s'isolait du monde entier, se renfermait dans un petit appartement dans lequel une femme • de • chambre ne pouvait s'intro- duire que très rarement; plus tard la femme-de-chambre fut exclue et l'on déposait dans un anti-chambre, les alimens et les autres objets à l'usage de la malade. Cet état persista pendant plus d'un an, madame X... maigrit beaucoup, perdit le sommeil et l'appétit, ses traits s'al- térèrent , le désir de la mort vint aggraver cette déplo- rable position. Néanmoins la menstruation était régu- lière, la constipation très opiniâtre. Après quelques an- nées, madame X... se persuade qu'elle a des ennemis qu'on lui en veut; elle a des hallucinations de l'ouïe et de la vue, enfin le suicide devient une idée dominante. Etant à la campagne, elle se jette dans une rivière; on l'en retire. Le lendemain , elle refuse de manger, elle fait mille efforts pour s'étrangler, elle est reconduite à Paris. Pendant la route elle a recours à la ruse , à la force, pour se précipiter de sa voiture. Rendue à Paris, elle essaie de s'étrangler, refuse de manger, et pendant plusieurs mois, elle ne cède qu'à la force pour avaler des alimens liquides qu'il faut introduire dans sa bouche. Tous les liens sont saisis pour s'étrangler : mouchoirs , colerettes, jarretières, bandes qui maintiennent un cau« ^OlQ IHT SUICUOS. tère, etc. Madame X... se frappe de la tête contre les murs, contre les angles des cheminées; elle tâche de se préci- piter par les croisées, du haut des meubles; elle ren- verse sa têle en bas^ les pieds étant sur son lit. Elle s'empare de morceaux de verre pour s'ouvrir les artères; elle s'efforce d'avaler des plumes j des crayons , des morceaux de bois ; elle fait , avec de petits morceaux de papier, avec de la laine furtivement enlevée de ses matelas , des pelottes pour s'étouffer en les avalant ; elle démonte un meuble pour faire le même usage des clous. Un jour, se promenant dans sou jardin avec la camisole^ surveillée par une dame de compagnie et deux femmes* de «chambre, elle cache furûvemeut un caillou dans un soulier, et demande à rentrer dans son appartement : on la débarrasse de la cami- sole, aussitôt elle avale le caillou qui ne peut franchir l'œsophage; pendant les efforis qu'on fait pour ie précipiter dans l'estomac, pei'suadéc qu'elle va expi- rer, elle se réjouit. Lorsque le caillou est ingéré, ma- dame X... se console, assurant qu'il hâtera la désorgani- sation des intestins. Un jour, en se promenant à la campagne , quoique suivie de trois personnes , elle se jette sur le sabre d'un militaire; une autre fois, voyant deux soldats armés de leurs fusils , elle se met à genoux, et les conjure de la fusiller. La laêlade est logée au rez-de-chaussée, son lit et sa cheminée sont matelassés : on a retiré de son appartement tout ce qui peut réveiller ses idées de suicide ou servir a leur exé- cution, tel que ciseaux, épingles, couteaux: deux femmes pendant le jour , et deux femmes pendant la DU SUICIDE. 607 nuit , la surveillent. Elle a la conviction qu'une nou- velle révolution va éclater et que pas un noble nj échappera. Hors- de là , elle jouit d'une raison parfaite , d'une force de pensée et de raisonnement^ bien supé- rieure à la raison des femmes, mais elle ne veut re- cevoir personne , pas même ses parens : a Je me fais horreur à moi-même, dit-elle, je ne veux point être vu dans cet état , d'ailleurs je pourrais leur communiquer la peste. » Je mets en usage les bains, les lotions froides sur la tête, les purgatifs, le quinquina et le musc; tous les moyens avoués par Texpériencc sont tour-à- tour mis eu usage et administrés, pendant plusieurs mois « avec le plus grand soin : suivant la méthode d'Avenbrugger, je fais appliquer un séton sur la ré- gion du foie, et boire plusieurs pintes d eau fraîche par jour, sans obtenir d'autres changemens que Ta- bandon des tentatives de suicide, mais les inquiétudes, les train tes, les hallucinations sont les mêmes et le désir de la mort persiste. Je finis par m'en tenir au petit- lait, aux bains tièdes et aux lavemens caïmans; aux conversations fréquentes qui distraient toujours la malade. A Tâge de 4^ '*^^^y ^^^ anomalies de la menstruation ne modîBent point la sauté de ma- dame X... Mais ramaigrissemeut augmente, les pieds et quelquefois la face sont infiltrés. La malade éprouve toujours la même répugnance à prendre des alimens. Quelques mois plus tard, j'invite sa mère à lui faire une visite, cette première entrevue, après une longue absence, saisit vivement la malade, lui fait oublier ses inquiétudes et ses craintes, elle cause Tolontiers; 6od ^U SUICIDE. mais après un quart d'heure , elle îavite madame sa mère à se retirer; les visites se renouvellent, et ma- dame X... éprouvé un grand bonheur à recevoir suc- cessivement les autres membres de sa famille. Je lui fais rendre les crayons ^ les pinceaux, les couteaux, les canifs et tous les meubles à son usage. Toutes les pré- cautions qui avaient été si impérieusement nécessaires , pendant dix^huit mois , pour empêcher le suicide de- viennent superflues. Madame X.«. part pour la campagne, sa santé physique se fortifie, quoique rœdème des pieds et de la face se renouvelle de temps en temps. Le ré- gime alimentaire continue à être mauvais. Néaninoins madame X... se promène, s'occupe de lectures, de des- sin , de peinture et consent à recevoir un petit nombre de personnes de sa famille, excluant tout étranger. La menstruation cesse sans aggraver le mal ; madame X... vit encore dix ans, toujours avec les mêmes préoccu- pations d'esprit, avec les mêmes inquiétudes, avec le même refus de recevoir du monde. Sa toilette est bi- zarre , peu soignée , et sa manière de se nourrir con- siste toujours à prendre avec répugnance des purées de viande ou de légume. Un magistrat, âgé de 45 ans, ayant plusieurs pa- rens aliénés, heureux comme l'entend le monde, rîcfae, père de famille, occupant un poste favorable, est depuis plusieurs années, tourmenté 'de l'idée de sa destruction. Vers l'âge de 4^ ans, pendant que tout parait lui sou- rire, il profite de l'absence de sa femme et de ses enfans, qui sont à la campagne : il se donne plusieurs coups de rasoir à la gorge et ne meurt pas. On l'entend courir INJ SUICIDE. 609 à grands pas dans son appartement et répétant ces mots : Qu'il en coûte pour mourir! Les voisins accourent et trouvent ce malheureux étendu sur le parquet ; il avait succombé après plusieurs coups de couteau qu^il s'était portés dans la poitrine. L'opiniâtreté dans la résolution de se détruire et l'obstination dans l'exécution de ce dessein, passent quelquefois toute croyance j surtout chez les lypéma- niaques. Lorsque les lypémaniaques , dominés par une jdée fixe , ont pris la résolution de terminer leurs jours, ils résistent, je ne dis point aux conseils de la raison, de l'amitié, de la tendresse, aux obstacles matériels qu'on leur oppose ; mais ils supportent les souffrances les plus inouïes en conservant un calme, une résignation qui contrastent singulièrement avec les traits convulsifs et douloureux de la face. Vainement disent-ils ne rien souf- frir, tout trahit en eux les souffrances les plus atroces. M. de B... avait des parens aliénés; il était d'une forte constitution, d'une taille élevée, ses cheveux et ses yeux étaient noirs, son esprit était très cul- tivé e4 sa conduite régulière; atteint par la le^ée en masse ^W, ne veut pas servir, non par poltronnerie, mais par haine de la révolution ; il se livre à l'onanisme afin . de se rendre malade et d'obtenir son congé. Malheu- reusement il ne réussit que trop ; sa santé s'altère pro- fondément, ses forces s'affaiblissent au point qu'il ne peut presque pas marcher, qu'il n'a plus de voix. La maigreur est excessive^ on le croit phthisique. Ck>ntent d'être délivré du service militaire, il con- sent à soigner sa santé , qui reste faible d'une su%- I. 3(1 QlO vu tVlClUE. ceptibiUtë extrême; naturellement gai, il devient sou^ vent triste , un peu mélancolique. Un événement peu important le jette dans la lypémanie. M. de B... se per> suade qu'on espionne ses actions afin de nuire à sa (à- mille et à ses amis ; il refuse de sortir de chez lui, de- vient morose, triste, et de temps en temps il pas^edeux, trois et cinq jours sans prendre de nourriture. Après quelques mois de maladie, on apprend que le motif qui Tempêche de prendre des alimens, c*est qu'en man- geant il compromet sa fiimille et ses amis : Thonneur lui défend de manger. La maladie persiste depuis plus d'un an , lorsqu'un médecin ordonne deux larges saignées da pied : depuis les jeûnes deviennent plus fréquens-, M. de B... prend ses parens en aversion ; plus ils s'empressent pour le rassurer contre ses inquiétudes et pour l'engager k manger, plus leur présence Timportune : enfin lui-même désire s'éloigner de sa maison ; il est isolé et con6é i mes soins. Se croyant dans une maison de sauve-garde, M. de B... mange, reprend des forces ; et quoique tou- jours inquiet , il parle, cause très agréablement sur tout autre sujet, particulièrement sur la littérature qu il avait cultivée avec succès. Six mois se passent ainsi; nous étions au printemps : le malade recommence en les pro- longeant ses essais d'abstinence ; il me déclare qu'il veot s'efforcer de rester le plus long- temps possible sans rien prendre, afin de ne compromettre personne: dans d'au- tres instans il m'assure qu'il veut en finir, son état étant intolérable. Les douches , les bains, les lavemens , les frictions ne font aucun effet. Après trois refus rapproches de prendre des alimens. M. de B... reste huit jours dans ou suiGimu 6i^ rabstinence. Effrayé de cette résolution , il me vient a la pensée qu'en introduisant par les narines, dans l'ar- rière- bouche, une sonde de gomme élastique, et en ingé* rant par ce moyen quelques alimens liquides dans l'es- tomac « on convaincrait le malade qu'il peut être forcé de vivre malgré lui. M. Murât se charge de cette opé« ration. Ce moyen réussit; mais après quatre jours d'une alimentation volontaire et raisonnable, M.deB.,.. revient à ses essais. Huit jours se passent dans cet état. On sert dans la chambre du malade, quoiqu'il n'y touche pas^ les alimens qu'il préférait lorsqu'il était bien portant ; il entre en fureur , prétendant qu'on veut le tenter pour le faire manquer à l'honneur. Pendant la nuit il ne dort point , pendant le jour il se promène à grands pas» Le neuvième jour, on tâche en vain de vaincre sa résolution y en provoquant de vives douleurs avec un fer rouge flexible et légèrement appliqué sur la peau. M. de B... oppose une impassibilité stoïque à ce moyen. Le lendemain, sa mère, sa famille, qu'il n'avait pas vues depuis long-temps , se rendent auprès de lui pour ne le plus quitter. Chacun fait ses efforts pour triompher de sa résolution ; on mange dans son appartement , pour l'exciter par l'exemple. Un de ses amis intimes se joint aux parens du malade ; un ecclé- siastique, auquel il a beaucoup de conGance, n'est pas plus heureux ; tout est inutile. Le douzième jour M. de B... donne le bras à sa mère pour se promener dans un jardin ; il chancelé sur ses jambes : il est très pâle* Âpres un quart d'heure, il éprouvp une légère syncope* Pemlani cette promenade nous concertons avec soo 39. 6 II lyn smciDE. ami un sri-atagème. Lorsqu'il est revenu de sa syncope, on lui apporte une déclaration munie du sceau de Té- tât et , en apparence officielle j qui Tautorise à manger et le décharge de toute responsabilité à cet égard. Un de ses amis , qui s*était prêté à ce stratagème , le presse et Tencourage, et comme le malade hésitait encore, son ami lui dit : Crois^tu que je te trompe, que je voudrais contrefaire le timbre de îéttit? Âpres ces mots , prononcés avec vivacité , comme sortant d'un rêve, allons, ma mhre^ dit M. de B..., mon- tons^ et il monte deux étages lestement. Ses parens ne peuvent l'empêcher de dévorer la moitié d'une vo- laille contenue dans un pâté , ainsi que la moihé de la croûte de ce pâté; il boit beaucoup d'eau , assurant que la soif est ce qui l'a fait le plus souffrir, pendant sa longue abstinence. A peine M. de B... a pris ce repas, que les symptômes de l'ivresse poussée jusqu'au délire se manifestent. Trois heures après, il se couche, se plaignant de cardialgie. Des lavemens émollîens, des flanelles trempées d'eau chaude , appliquées sur l'abdo- men, diminuent les souffrances. Le malade ne dort pas; néanmoins dès la matinée qui suit cette pénible nuit, il est bien. Le soir même, M. de B... rentre chez lui et reprend ses habitudes ordinaires; il ne se plaint que d'être faible. Un mois après, sans cause connue, Af. de fi- sc renferme dans son appartement, se déshabille tout nu, et déclare qu'il n'ouvrira sa porte à personne et qu'il ne mangera plus; tous les efforts de sa mère, de sa famille sont inutiles. Je me rends chez le malade; je craignais que le moindre bruit pour ouvrir la porte ne DU suiaDB. 6i3 l'excitât à se précipiter par la croisée. Persuadé qu une surprise préviendra ce malheur ; j'envoie chercher un serrurier très fort qui , avec un gros marteau d'en- clume , d'un seul coup , fait sauter la porte. Le malade est stupéfait 9 se laisse habiller, mais refuse de manger. Fous avez bien fait y dit-il, de me surprendre y sans quoi je m'échappais par la croisée (c'était au troisième étage). On essaie de la musique, que M. de B... aimait beaucoup; pendant trois jours, les meilleurs musiciens exécutent des morceaux choisis auprès de son apparte- ment ; chaque fois le malade devient furieux. Il m'a avoué depuis que sa fureur provenait de son indigna- tion , parce qu'on s'amusait pendant qu'il était dans une situation affreuse. Le cinquième jour de cette nouvelle abstinence, M. Dubois introduit une sonde par les nari- nes et ingère dans l'estomac un bouillon et un peu de vin , en assurant au malade que s'il ne mange pas le soir, le lendemain on recommencera. Le lendemain M. Dubois éprouve une si grande résistance pour intror duire la sonde , qu'il n'ose la surmonter : le malade se met à rire, f avais fait, nous dit-il, tous mes efforts peh* dont la nuit pour contracter les muscles du pharynx ctfin d'empêcher l'introduction de la sonde. Le septième jour, tout ayant échoué, je m'avise de rouler un mou- choir sur lui-même et d'en donner quelques coups sur les jambes du malade, en lui disant d'un ton ironique : puisque vous faites l'enfant , on vous traitera comme un écolier tant que vous ne prendrez pas de nourri- ture. L'amour-propre s'irrite de ce traitement; M. de B... demande à manger; depuis et pendant quatre mois 5x4 ^^ smcitoÉ. il ne mange que douise œufs préparés à Teau , sans boire , et s'obstine à ne prendre que cela. 11 reste assis sur un tapis pendant tout ce temps, urine très rarement, et ne va à la garde-robe que tous les huit jours. Il ne laisse point faire sa barbe , essuie son nez et sa bouche avec ses doigts, et ne change de linge qu'une fois par semaine. M. de B..., quoique entouré de sa famille, est habituellement triste, itiais il cause avec esprit et quel- quefois avec gaîté. J engage les parens du malade à le confier à cet ami dont j'ai parlé plus haut ^ qui avait acquis un grand ascendant sur lui, et qui , en le me- naçant de le frapper, lui fait faire un long voyage en Suisse. Après un an, M. de B... revient à Paris, ne déraisonnant pas; mais il reste bizarre et singulier, et après quelques années, sa famille est contrainte de l'isoler. Une femme du peuple, réduite h la misère, avait nn enfant de onze ans, qui demeurait avec elle ; elle ordonne à cet enfant de faire tout ce qu'elle lui prescrira, et de ne sortir de sa chambre que le lendemain matin. Cette infor- tunée s'enferme à la clef, enlève toutes les fournitures de son lit, se couche sur un matelas, s'attache ics deux jambes , et fait attacher ses deux bras par son enfant, alors elle ordonne à celui-ci de la couvrit de ses matelas, de ses draps, de ses couvertures et de mellre par dcsfsus, tout ce qu'elle possède en bardes, meubles, jusqu'à des pots de fleurs. L'enfant obéit. Après une demi-heure il entend sa mère soupirer; il s'approche du lit, et lui demande si elle veut quelque chose; elle le rudoie de la voix. L'enfiint eflfirayé se DU SUICIDE. 6l5( retire. Une heure après il n'entend plus rien ^ et reste jusqu'au lendemain sans sortir, assis contre la porte sui- vant l'ordre que lui a donné sa mère. N'entendant pas sa mère remuer, il enlève tout ce qu'il a mis sur elle et la trouve morte; désespéré, ce petit malheureux n'ayant plus de mère, va se noyer; il est retiré de la ri* vièi'e, et raconte ce qu'on vient de lire. Je ne connais rien de plus déplorable que le fait suivant, rapporte par Hufeland, dans son Journal de médecine pratique j cahier de mars 1819. « Un négo- ciant, âgé de trente-deux ans, ayant perdu sa fortune^ et n'ayant point été secouru par ses parens, résolut de mourir de faim. Ce malheureux était malade depuis six à sept semaines; chargé d'un lourd fardeau, il avait fait une chute et avait senti alors quelque chose s« rompre dans son ventre vers le nombril, depuis il éprouvait des douleurs continuelles dansTabdomen. Du la septembre 1818 au i5, il erra dans la campagne et s'arrêta dans un bois peu fréquenté; le 1 5 il creusa une fosse, y fixa le lieu de sa mort, et y séjourna jus- qu'au 3 octobre, jour auquel il fut trouvé par un au- bergiste. Après dix-huit jours d'abstinence, il respirait encore, mais il était sans connaissance, et il expira dès que Taubergiste lui eut fait avaler, avec beaucoup de peine, une tasse de bouillon dans lequel on avait mis un jaune d'œuf. On trouva sur ce malheureux un journal écrit de sa main et au crayon. Yoici l'abrégé de ce journal : « Le généreux philantrope qui me trouvera après ma mort, est invité à m'enterrer, à conserver pour 6l6 1>V SUICIDE. lui, en raison de ce service, mes vêtemens, ma bourse , mon couteau , mon portefeuille. Je ne suis pas un suicide, mais je suis mort de faim parce que des hommes pervers m'ont privé d'une fortune considé- rable et que je ne veux pas être à charge à mes amis ; il est inutile d'ouvrir mon corps, puisqu'ainsi que je viens de le dire, je suis mort de faim i6 septembre. « Quelle nuit j'ai passé! il a plu ; j'ai été mouillé; j'ai eu froid.... 17. (c Le froid et la pluie m'ont obligé de marcher ; ma marche était pénible; la soif m'a déterminé à lécher l'eau qui était restée sur les champignons ; que cette eau était mauvaise!.... 18. ce Le froid, la longueur des nuits, la légèreté de mes vêtemens qui me fait mieux sentir la rigueur du froid, me font beaucoup souffrir.... 19. « Il se fait dans mon estomac un vacarme terrible; la faim, et surtout la soif deviennent de plus en plus affreuses. Depuis trois jours, il n'a pas plu ; si je pou* vais lécher l'eau des champignons!.... ao. « IN 'en pouvant plus de soif, je me suis traîné avec peine et beaucoup de temps pour acheter une bouteille de bière qui ne m'a point désaltéré; le soir, je suis allé chercher de l'eau à une pompe qui est près de Tauber^e où j'ai acheté la bière.... ai. « Hier (aa) j'ai pu à peine me remuer, moins encore conduire le crayon; la soif m'a fait aller h la pompe; l'eau était glaciale, je l'ai vomie; j'ai eu des convul- sions jusqu'au soir; je suis néanmoins retourné à la pompe.... a3. DU SUICIDE; 617 a Mes jambes semblent mortes ; depuis trois jours je n'ai pu me rendre à la pompe; la soif augmente ; la fai- blesse est telle que je n'ai pu consigner ces lignes qu'au- jourd'hui.... a6. a Je n'ai pu changer déplacé, il a plu, mes vêtemens ne sont passées; personne ne croira combien je souffre. Pendant la pluie, il est tombé quelques gouttes d'eau dans ma bouche, ce qui n'a point apaisé ma soif : hier j'ai vu à dix pas un berger, je l'ai salué, il m'a i*endu le sa- lut. C'est avec bien du regret que je meurs, c'est la misère qui m'y a impérieusement forcé, je prie néan* moins pour que la mort arrive : mon père, pardonnez- lui, car il ne sait ce qu'il fait ; la faiblesse, les convul- sions m'empêchent d'en écrire davantage, je isens que c'est pour la dernière fois.... 29 septembre 1818. » Quelques suicides cherchent à dérober jusqu'aux tra* ces de leur mort, tandis que d'autres se tuent avec éclat. Une femme, résolue de se noyer, va se jeter dans la Seine au-dessous deSaint-CIoudpour qu'on ne retrouve passon cadavre; plusieurs s'enfoncent dans la profondeur des forêts par le même motif. Les Anglais fournissent de nombreux exemples de suicides exécutés avec éclat, et avec des circonstances singulières dont cet acte est ac- compagné. C'est la vanité qui assiste à l'agonie du suicide. Ib se préparent à la mort comme à un jour de fête. Té- moin cet extravagant qui fait composer une grande messe en musique, la fait exécuter, et se brûle la cervelle au mi- lieu des musiciens, pendant qu'ils chantaient le dernier requiescai in pace. Cett^ singularité est bien rare chez nous, à moins que les suicides ne veuillent, par l'éclat 6i8 i>u sniciDVé de leur mort , exercer une sorte de vengeance 8ur ceux qui les ont poussés à cet acte de désespoir. Une damei mère de plusieurs enfans, mais adonnée à ses plaisirS| commet des fautes; ses parens tiennent conseil; elle court chez tous les armuriers de la ville: Pun d'eux lui donne un pistolet chargé, elle va se brûler la cervelle à la porte de la salle dans laquelle ses parens,délibéraient sur son sort (Mathey). Un jeune homme est amoureux d'une jeune personne, il apprend qu'elle se marie^ il se rend dans la maison du restaurateur chez lequel doit se faire le repas de noces , et lorsque les mariés et :les con* vives sont réunis, il se. brûle la cervelle. Il est des individns portés au suicide qiû sont d'une rusCf d'uue adresse capables de déjouer les soins de la surveillance la mieux entendue , et de déconcerter l'homme le plus expérimenté; ils eu provoquent ou en saisissent les occasions avec une préméditation et une astuce dont on ne peut trop se méfier. Il ne faut s'en laisser imposer ni par le calme, ni par la joie, ni par les promesses, ni par les sermens, car ces individus se tuent alors qu'on s'y attend le moins, et après avoir donné les plus belles assurances. Une jeune dame avait eu avant de se marier^ vers l'âge de dix-huit ans, un premier accès de lypemanie avec tendance au suicide; elle se marie à vingt ans et paraît heureuse. Cinq à six ans après, elle a de très légères contrariétés; les menstrues coulent mal; la face est vultueuse ; elle a de la céphalalgie; elle est triste et désire guérir d'un état qui lui parait d'autant plus aiïreux , qu'elle ne peut être utile dans sont ménage, et 9V SUICIDE. 61^9 quelle est à charge à son mari , à ses parens. Je lui donne quelques conseils, dont la malade se trouve bien; mais après trois semaines ^ elle vient me consul- ter de nouveau : elle exprime un désir extrême de quitter sa maison^ afin , dit-elle, de guérir plus vite; dViIléurs elle ne guérira jamais chez elle ni chez ses parens. Âo compagnée de sa mère, elle se rend dans une maison de santé que je lui ai indiquée : j'avertis de se tenir sur ses gardes, me défiant des intentions de la malade, à cause de Tempressement qu'elle mettait à entrer dans une maison étrangère ; elle embrasse ses parens et pa- raît contente. La maîtresse de la maison reste avec la malade qui cause avec calme et raison de son état , du parti qu'elle a pris, de sa résolution à faire tout ce qui lui sera prescrit; mais étant laissée seule, il ne fal* lut que quelques instans à cette jeune femme pour se pendre derrière la porte de sa chambre, en accrochant un lacet à un gond. J'ai entendu raconter à mon col- lègue Blégnie que, faisant la visite à Charenton avec M. RoyerCollard,ces messieurs s'arrêtent devant la porte d'un lypémaniaque qui avait du penchant au suicide. Le docteur Blégnie, qui était plus près de la porte, la sent se fermer et la repousse brusquement; ce mouve- ment brusque de la porte avait été imprimé par le corps du lypémaniaque , qui venait de se pendre pendant que ces messieurs causaient à sa porte. Un homme se rend à Paris avec sa femme, sa fille et deux domestiques, pour y être traité d'une lypémanie avec tentative de suicide. Je suis consulté le soir même: j'avertis sa famille d'exercer sur le malade la surveik- 6aO BU SUICIDE. lance la plus active , assurant qu'elle a tout à craindre de la plus légère négligence. Le lendemain matin , sa femme et sa fille sont obligées de sortir, et laissent au- près du malade deux domestiques : Tun d^eux quitte un instant l'appartement j le malade alors ordonne à l'autre d'aller lui chercher quelque chose. Ce second domes- tique oublie les recommandations qu'on lui a faites; il n'avait pas descendu deux marches de l'escalier^ que son maître s'était précipité du troisième étage du même escalier. Monsieur^**, âgé de trente ans, depuis deux ans amoureux d'une personne jeune et jolie, obtient enfin sa main ; le voilà lui et sa femme au comble du bonbeur. Un mois de mariage n'était pas écoulé , que le mari de- vient triste, rêveur, et répète sans cesse qu'il est mal- heureux et qu'il s'ennuie; d'ailleurs il ne déraisonne pas. Il consent à venir à Paris accompagné d'un de ses frères. A son arrivée , il met le plus grand empressement à me consulter; sa taille est moyenne, son embonpoint mé- diocre, son teint jaune, son regard distrait; M... expose très bien les causes de sa maladie et les motifs qui lui rendeut la vie insupportable; il est jaloux; je cherche à le dissuader, à le rassurer; il paraît persuadé, et cousent à passer quelques jours à Paris pour se re- poser et s'y distraire; il va le soir même au spectacle, se couche dans la même chambre que son frère, et dort. A cinq heures du matin , il se lève et sort à petit bruit; il rentre à six heures, et déclare à son frère qu'il veut partir de suite pour Rouen, pour s'éloigner de son pays. Celui-ci veut faire quelques observations, DU SUICIDE. 6a I le malade 9 qui venait de se munir de deux pistolets , pose le canon de Tun d'eux sur le front de son frère , en lui disant : si tu ne veux pas partir, je Le mal- heureux frère tombe évanoui dans un fauteuil, le ma- lade disparaît de l'hôtel, et- va se brûler la cervelle dans la forât de Bondi. Une dame, âgée de quarante-huit ans, d'une constitu* tion lymphatique, avait fait plusieurs tentatives de sui- cide : elle avait essayé de se pendre, de s'empoisonner; elle s'était jetée dans un puits, etc.; je suis appelé à lui donner des soins; après quelques mois, elle paraît très bien portante; plusieurs circonstances semblent confir- mer Fopinion que je me suis faite de son rétablisse- ment. A la suite d'une longue conversation avec cette dame, après l'avoir décidée à faire usage d'une boisson rafraîchissante qu'elle avait refusée jusque-là, je crus pouvoir me fier à elle. Pour mieux la convaincre que je la croyais guérie, j'ouvre moi-même Tune des croi- sées de son appartement, qui étaient fermées; elle paraît enchantée, je la laisse lisant un journal, ayant auprès d'elle une fimme de chambre qui brodait dans sa chambre , et qui tournait un peu le dos à la croisée ouverte. Je n'étais point sorti de l'antichambre, que cette dame s'était précipitée par la croisée. La première chose qu'elle dit lorsqu'on accourut à son secours , fut : quon ne le dise pas au docteur. M.^*, disposé à la lypémanie avec tendance au sui- cide, était triste, rêveur. Après quelques mois, il dé- clare à sa famille qu'il est guéri de ses funestes idées; il devient gai, causeur; quelques jours après, il embrasse 0U 8UICIME. 6aS justifier des prétendus torts qu'ik croient qu'cm leur reproche; enfin il en est qui pensent en ne se tuant pas, tromper la joie ou les espérances de leurs ennemis vrais ou supposés. M. A«.**9 éminemment hypocondriaque, m'a assuré que les idées religieuses l'avaient seules empêché de te suicider, ce dont il avait été tenté bien des fois pendant la durée de sa maladie; mais jamais il n'a fait de ten« tatives. Une éducation morale et religieuse, des~ idées nobles et généreuses l'ont conservé à la vie et à ses amis. Des exemples semblables ne sont pas très rares , quoique les motifs religieux ne soient pas toujours suffi* sans pour arrêter le bras du suicide. M. *** s'était coupé la gorge, et avait des hallucina- tions de l'ouie qui le portaient au suicide; maïs il fut empêché de se tuer par le besoin de se justifier d'une prétendue accusation mii avait déterminé sa première tentative de suicide. J'ai vu des individus bien résolus de se tuer et qui avaient résisté, retenus par leur parole d'honneur. Le général M..., d'une taille élevée, ayant les cheveux châtains ainsi que les yeUx, était d'un ca^ctère mélan* colique; un de ses cousins s'était suicidé. A l'armée, le général vivait peu avec ses camarades, faisait peu d'exer- cice, et ne paraissait avoir d'activité que pour un jour de bataille; ambitieux et méfiant, il appréhendait qu'on ne lui rendît pas justice quoique l'avancement n'eût jamais manqué à ses talens et à sa bravoure; à la chute de Bo* naparte il se retira dans sa province , s'y maria à une femme jeune, jolie, aimable et douée d'excellentes quft* gement dt lieu el d^objets, les sokiâ donués à rameuUe-^ ment de soa'^ppartenieiit,. le distraient et le calmesl; après quri<|ue&joQr»îl retombe dan» sa fièvre de jaleuaîe^ les cri& qu'il eot^nd dans tea rues soBt autant d'injures que lui.adres8enC ses eanemis^.ameutés par son rival ; on lae- cuse de lâcheté lui qui s'est si bien battu; il s'attacha à tous les pasde sa femme qui ne peut passer seule d'une pièce de son appartement dans une autre , ses yeux sont incessammemc &xés sur elle, le moindre regard^ le moindre geste, le moindre mouvement, le repos ie plus absolu, sont autant de signesd'intelHgence avec ses enne- mis. Si madame pleure , il croit qu'elle veut faire coot^ prendre qu elleest malheureuse; si elle rit^.c esluik VémoW guage d'amitié pour ses ennemis; sielle a le ton ferme, c'est qu'elle se croit soutenue par eux Ces misérables voient et entendent a travers les murs et les plafonds, tout ce qui se fait et tout Ce qui se dit dans l'appartement. Ala fin de juillet, son sabre à la main,, le général parcourt tout l'hôtel qu'il habite, entre chez tous ses commensaux pour chercher sou rival. On a beaucoup de peine à lempècher de sortir dans la rue, voulant tomber sur son rival qu il a aperçu. Le lendemain il en veut aux passans et sur- tout aux marchands qui lui crient tous : lâche, làchej piou , pwUy etc. N'en pouvant plus, succombant à sa frénésie jalouse, le général veut y mettre fin en sefciaM; un de ses amis, commissaire-ordonnateur^ qui lui pn>«- digue les soins les plus empressés, ne peut rien sur son esprit égaré, qui d'ailleurs ne déraisonne jamais sur t0Ot autre objet» Le malade exige de cet ami qu'il lui dDone une potion composée avec une assez forte dose d'opioD DU SUICIDE. 6lkS occupation est constante, la jalousie s'exaspère; pen«* (tant inspection de 1816, qui dure deux mois, le ma* lade est dévoré de toutes les angoisses de sa jalousie, il n'a plus de sommeil; de retour chez lui, en arrivant, il est gai et presque rendu à son caractère de bonté, mais ces jours de son bonheur sont de courte durée, bientôt la jalousie reprend tout son empire; le général voit par- tout son ami devenu son rival, il le croit couché avec sa femme pendant que lui-même est à côté d'elle; il s'élance de son lit, s'arme de son épée, et cherche d'abord dans sa chambre, et puis dans tout son château, l'objet de sa jalousie, en proférant des injures et des menaces contre son rival invisible et contre sa femme désespérée; plus tard le général se persuade que la famille de sa femme, particulièrement son beau-frère, favorise ces odieuses intrigues. Le bruit des personnes qui parlent, qui chaU'- tent, le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles sont autant d'avertissemens. Souvent, quoique dans le silence le plus profond, il entend des voix qui l'in- sultent, qui le plaisantent; ne pouvant saisir ces infâmes ennemis, car son rival a des complices, le général les appelle, les défie, les provoque, court comme un forcené les poursuivant en tous lieux armé de son épée; revenu auprès de sa femme, il exhale contre elle sa colère, son désespoir, et cependant, il ne peut se refuser à rendre justice à la vertu de sa femme; rien ne peut persuader au général qu'il est malade, qu'il a besoin de soins, et que toutes ces inquiétudes sont chimériques. Enfin ni lui ni sa femme n'y tenant plus, le général se détermine à vei nir à Paris, il y arrive vers la mi-juillet, 1817. Le chan- 6^8 DU SUICIDE. néralyjevous rendrai aubonheurje veux m'assurerqae vous n'attenterez pas à vos jours; quatre domestiques vont rester dans votre chambre et vous veiller, ou bien , donnez-moi votre parole d'honneur que vous ne ferez pas de tentatives. Choisissez, je préfère votre parole... je vous la donne , me dit - il d'une voix afTai- blie...: Il me faut votre parole d'honneur franche et militaire. Après quelques minutes d'hésitation : « £h bien y monsieur , je vous donne ma parole d'honneur militaire, d Je me retirai, laissant au malade sa cravate. Le lendemain y je me rends auprès de lui, je le félicite d'avoir résisté à son funeste dessein , je Fencourage et m'efforce de gagner sa confiance. Dans le cours de noire entretien, le malade m'a dit que plus de vingt fois il avait pris sa cravate pour s'étrangler, et que sa parole d'honneur l'avait retenu \ J'ordonne des sang- sues à l'anus , et des bains de pieds sinapisés. 3 août ; tristesse , mêmes idées , même conviction que des ennemis le poursuivent ; mais les conso- lations que je prodigue au malade ramènent un peu d'espérance dans son cœur, il -me fait con- naître la cause et l'ancienneté de sa maladie qu'il attribue à la vie trop sédentaire qu'il a menée après la vie active des camps. 4 août; amélioration sensiblej quoique triste et inquiet, le malade a perdu l'idée de sa destruction, l'appétit est bon, le sommeil est tranquille. 5 août 5 il consent à se promener dans le jardin, éprouve 1 Celle obiervation a été rapporlce par M. le docteur Aoceaume, à «pii je ravais communiquée , dans sa thèse, De U Mélancolie; Paris, 1818,111.4. DU SVICIDE. 639 les impressions les plus agréables, voyant la nature avec un plaisir quMl n'avait goûté depuis long-temps. SI je lui parle de sa femme, ses yeux se mouillent de larmes qu^il cache. Le huitième jour, je lui pro- pose d'aller déjeuner à Saint-Cloud; le temps était magnifique; pendant la route, le malade parle peu, mais semble renaître à une nouvelle vie, il exprime son con- tentement, jamais la campagne ne lui a paru plus belle , de temps en temps sa physionomie s'assom- brit, il garde le silence, il croit entendre ses ennemis au milieu du parc deSaint-Cloud; il s'arrête tout-à- coup, ses yeux sont brillans, la face s'anime; les entendez- vous, me dit-il, les misérables?... — Non^lui dis-je... — N'osant se montrer, ils lancent leurs injures par dessus les arbres. » Le sifflement des branches balancés par le vent était la cause de ses illusions; il entendait les mots : lâche , piou, piou. Je me récrie vivement et en peu d'instans je dissipe cette funeste illusion ; le reste de la journée se passe à merveille, et eu rentrant le malade fut reçu dans un appartement en rapport avec l'amé- lioration de sa santé; ce' changement inattendu pro- duit une sorte d'ivresse qui confirme les bonnes ré* solutions de la journée. Je me sens renaître, répéta- t-il plusieurs fois. Le lendemain le général est gai , joue à divers jeux , n'entend pas les voix importunes , et n'interprète plus le bruit qui se fait autour de lui. 19 août; le général reçoit la visite de son père qu'il n'attendait point, il paraît guéri à son père qui l'emmène coucher dans son hôtel où était arrivée sa femme. Bien ne semblait manquer à la guérison; le malade se eroit heureux. Mais dès le leademaia il est uioîas gaû^ la jalouâie se réveille, les hallucinations de Touîe «e font entendre, le général croit "voir son rival dans la -rue, il le provoque. Cependant, les idées de suicide ne reparaissent plus et le malade tiaitc bien son père et :Sa femme , il regi*eite néanmoins de n'être plus au- près de moi; à ma visite je le détourne de la pensée de 'S'isoler, je lui assure qu'il a besoin de distraction pour diétrutre le reste de mélancolie qui le fatigue. Dans les premiers jours de septembre ^ je lui propose de venir avec moi dans un voyage que je dois faire en Belgique, il accepte avec joie. Il parle souvent de ce voyage, mais en ajourne les préparatife; les difficultés qu'il éprouve pour obtenir un passeport, lui font croire que ses enne- mis s'opposent à son voyage; dès qu'il a obtenu son pas- seport, il est satisfait et s'applaudit d avoir remporté la victoire sur ses prétendus ennemis. Laveillc du départ, le choix d'une voiture n'étant point encore fait, il sup- pose de nouveaux obstacles à ce projet que ses ennemis empêcheront de se réaliser; néanmoins, nous nous met- tons en route le 1 5 septembre^ le malade est au comble du bonheur; mais avant d'arriver à la troisième poste, il prend des voyageurs qui sont dans une voiture qui croise la nôtre , pour des agens de ses ennemis, il re- ,tombe dans la tristesse; le lendemain, il veut aller chez un de ses amis qui demeure à quelque distance de la ville où nous avons couché; il éprouve quelques Têtards pour le transport, il les attribue aux manœu- vres de SCS ennemis; cependant il se rend chez cet ami «t m'écrit le lendemain quenfîn il a trouvé le boa- wm 8D1CV0B. 63 1 •beitr, qu'il resle chez «oa ami et me prie de ppCD-dre toutes ks prëcauticMis possibles pour que sa retraite soît îgnovëe. Feadaat trots semaines, le gënëral est dans le meilleur ëtat de santé et se croit déUvrë de son rival et de ses -ennemis; il écrit à sa femme et à ses pavens des kttpes pleines de tendresse, et d'expressions du contente» tne«rtdont il jouit. Aprèscetleëpoquey il ne se tifouve plus en sûreté là où il est, il se défie de son ami, de sa femme, ^ ses domestiques; toutes les nuits il -se barricade daus sa «chambre. Enfin il déserte 4a maison à l'insu de tout le monde, retourne à Parts et vient me retrouver le 21 oc- tobre; j'étais encore absent, le malade se persuade qu'on le trompe; peu de jours après, mon retournait renaître l'espérance dans son âme, il consent à s'isoler de nouveau de sa famille; je fais appliquer souvent des sangsues à l'anus. Des épistaxis fréquens et abondans dissipent la céphalalgie, chassent les idées mélancoliques, et rendent le malade plus accessible à la distraction ; au bout d'un mois le beau-frère du malade, que celui-ci avait toujours regardé comme l'un de ses plus ardens ennemis, vient le voir, est accueilli parfaitem^itet retrouve che2 son beau- frère même amitié et même confiance que jadis. À force de témoignages d'intérêt, à force de distraction, le beau* irère parvient à dissiper tonte«apparence de maladif cet ^heureux changement ne dure pas plus de trois semaines; la défiance renaît dans le cœur du malade, et avec elle les hallucinations se réveillent. Le gënëral reçoit la visite de sa femme et d'un de ses parens , il parait satisfait et J»eureux et par£sdtement calme pendant quelques jours, pois il retombe dans ses maUieureuses chimères; 63a BU SUICIDE. il se reunit à sa famille et passe trois mob à Paris, avec sa femme, sa belle-mère et son beau-frère ; il les traite d*abord à merveille; et puis il est accablé par ses ja- louses défiances. Toujours plein de confiance et d'a- mitié pour moi j il me voit avec plaisir, écoute mes avis, met en pratique quelques-unes de mes prescrip» tions. Après ces trois mois passés dans des alterna- tives de hien-êlre et de chagrin, le général retourne dans sa terre, projetant d'y faire des embellissemens et de se livrer à l'exercice; en arrivant il se trouve bien, mais ne tarde pas à reprendre la vie solitaire , il redevient défiant; les paroxismes de jalousie se révè- lent de temps en temps; enfin, après quelques mois, son épouse est obligée de quitter son mari et de rentrer dans sa famille. Le général, est resté seul en proie à ses chagrins jaloux, à ses défiances, tantôt bien, tantôt mai, mais n'ayant plus fait de tentatives de suicide. Plusieurs années se sont écoulées sans qu'il ait encore été possible de rapprocher le général de sa femme , rien n'ayant pu triompher de sa passion jalouse. ^ . Ceux qui essaient de se tuer ne parviennent pas tou- jours à leur but. Sur cent individus qui font des tenta- tives, il n'y en a pas la moitié qui réussit. Ceux qui ont échappé à leur propre fujçeur, présentent des dispositioii5 intellectuelles et morales bien différentes, tantôt après s'être précipités dans la rivière, ils nagent pour gagner )e rivage , appellent à leur secours ; après s'être jetés dans ^ Cette observation et plusieurs autres, qu'on peut lire dans ee cbâpître Suicide, ont été publiées en i Sac, dans le journal complémenlaiic des DU SUICIDE. 633 un puits, ils s^efTorcent d^en sortir^et indiquent les précautions nécessaires pour les aider à se sauver; ils se félicitent de n'avoir pas réussi , ils se plaignent de douleurs anciennes, ou de douleurs récentes causées par les blessures et les contusions qu'ils se sont faites; ils révèlent les motifs qui les ont portés à se détruire, et manifestent, pour la première fois, le désordre de leurs idées; ils sont honteux , expriment le regret de s'être portés à cet excès : la frayeur de la mort vue de trop près, la secousse physique et morale qu'ils ont éprouvée, les a guéri; tantôt les suicides qui ont été secourus à temps, poursuivent leur dessein avec une nouvelle fu- reur; déplorent leur maladresse, et repoussent les soins qu'on leur donne. Un individu se jette dans la Seine, des mariniers le retirent par les pieds, lorsque sa tête est hors de l'eau, il fait les plus grands efforts pour s'y re- plonger. Une femme s'était précipitée dans un puits , elle se laissa retomber trois fois dès qu'elle était près d'en sortir, il a fallu la garrotter pour la retirer. Plu- sieurs de ces malheureux enlèvent les appareils appli- qués sur les plaies qu'ils se sont faites, agrandissent les plaies avec leurs doigts; se servent des pièces d'appa- reil ou des vétemens employés pour les contenir, afin de s'étrangler. J'en ai vu retenir dans leur arrière-bou- che lesalimens, les boissons qu'on leur donnait, espé* rant s'asphyxier. Ces malheureux sont insensibles à la douleur physique; toute la sensibilité est anéantie; Sciences médicales par un de mes élèves; comme il s'y est gUssé des errears de plus d*un s^nre, je reproduis ces fidts , teb que je les ai recueillis. £34 ^^ SUICMXE. den ne peut les arracher à leur £mesle rësoliHioiL IHaiift tous ces cas^ la maladie persiifte avec toute stB •nteasité, et les malades i^clament la plos grukde sur- «reillaoce. Ainsi y parmi les personnes qui ont essaye de se toer^ ^faezies unes, les tentatives de suicide tuit été suivies de rémission y de la cessation même devint lypémaniaque ; elle avait des halluci- nations de Touie; elle croyait sentir la graisse des moyeux des voitures ( cambouis ) ; lorsqu'elle était tourmentée de cette odeur, quoiqu'elle ne fût pas i portée de la sentir, elle devenait plus triste et avait des tentations de suicide. Le paroxisme avait lieu ordi- nairement le soir; le reste de la journée, Mad... était très bien et même gaie. Madame de B... avait eu plu- sieurs accès de suicide toujours déterminés par des hal- lucinations de la vue et des scrupules religieux; une fois elle croyait voir une tête sanglante séparée dh tronc, couverte d'un crêpe noir; une autre fois, c'était un squelette tout entier dans un acier, elle voyait et entendait une procession ; ces images étaient fixées h la tempe gauche au-dessus de l'œil, elles la suivaient par- tout, la fatiguaient la nuit comme le jour; l'accès du- rait d'un à trois mois : à chacun d'eiAc Fhalhici nation changeait d'objet; le malade choisissait 4(kijours Fo- pium, espérant mourir sans df^Ieur. K l'^e de 68 ans, madame de B... prit une forte dose (Topium, et éprouva, pendant plusieurs heures avant sa mort, les douleurs les plus atroces. La dame, dont je viens de rapporter la fin déplorable, avait eu une cousine qui triste, morose depuis quelque temps , avait souvent manifesté des idées de suicide. Un voyage est con- seillé, cette dame y consent, fait les préparatifs qui DV SUICIDE. 637 paraissent la distraire; les chevaux sont mis à la voi- ture; au moment ou son fils, qui devait accompagner sa mère, lui of&e la main, pour Taider à monter dans la voiture, elle dit avoir oublié quelque chose, remonte précipitamment dans son appartement et ne redescend pas. Son fils, après quelques minutes d'at- tente, va pour reconduire sa mère, il Ta trouve expi- rante , elle venait de s'empoisonner. Ce même fils, après avoir été guéri d'une monomanie et s'être bien porté pendant douze ans, se brûle la cervelle, désespéré de la chute de Bonaparte , qu'il avait voulu renverser pen- dant qu'il était monomaniaque. H. y. B..., âgée de 69 ans, est née d'ime mère très colère; elle est rachitique et d'une grande suscep- tibilité.  l'âge de 34 ans, une affection morale dé- termine B... à se jeter dans la Seine. A 36 ans, étant grosse de deux mois, son mari meurt; second accès qui ne cesse qu'après l'accouchement. A 37 ans, chagrins, suppression de menstrues pen- dant un an , nouvel accès qui ne se dissipe qu'après le retour des menstrues. A 4< ^"Sy qftihrième accès causé par les évènemens de la révokuiqpiet par l'inqu^tude pour ses enfans. A 48 ^^ atcès qui n'est déterminé par aucune cause connufli A 54 ans, cessation de la menstruation précédée d'hémorrhagies utérines très abondantes. A 61 ans, sixième accès peu considérable et causé par de légers chagrins. A 63 ans, l'accès est provoqué par des contrariétés; 638 BIT suiaoEr • il persiste penciant 'plusieurs mois et est très Tiolent, d4?puis lora, céphalalgie fréquente ^ Pintomûssion n'est que de quatre mois. A 64 ans, huitième accès, la malade a fait les pk» grands efTorts pour s'éti*angler ; elle a avalé des cpingle& A 67 ans, accès comme les prëcédens. A 68 ans-, accès peu intense , mais la période d'aé> faissenient a été beaucoup plu& longtie; Depuis le premier axMîès^ tous les ans , pendant I0» chaleurs de l'cté, la malade éprouve des atteintes lé» gères de tristesse, d'envie de se détruire qui se dissi- pent par des pédiluves, des^ dîstraEÇtiousw Les accès ont toujours liew entêté; ils sont variables pour l'intensité et la durée ; ils s'annoncent par r'msoob* nie, desboufiees de chaleur qui montent à la tête; h face est colorée; la sensibilité est exaltée; dans cet état, la plus légère contrariété, une cause de chagrin iudif- fciente dans tout autre temps, détermine l'explosioB du délire. La malade présente au début plusieurs symp- tômes fébriles ; elle reconnaît tout le monde , mais elle parle sans cesse, dit des injures, tient des propos ob- scènes; elle cherche tous les moyens et' fait les efforts les plus violcns pour se tuer ; elle semble iurieuse alors. Quoiqu'elle mange beaucoup , eHe mai^it j la constipa- tion est opiniâtre, après la période d'agitation, e//e sent ses membres brisés; elle est accablée; elle ne bouge point; elle parle quelquefois seule et à voix basse; elte a dies cardial^s; elle démaigrit, reprend du* sonmril, et avec lui des forces , quoiqu'elle œaii|;e BXiins. Daw les intervaf'kes 9 elle est très ifaisoiiDaUey Dcnd bien mr mvcunxL 63^ compte de son état, et se soutient de ce qu'elle a fait; elle en est très honteuse et aiïligée; elle a besoin de feire de rexercice et de s'occuper. Deptiis l'âge de 64 ans, Tintermission est plus courte, elle n'est plus que de deux mois, et la période (Taf&issement est beaucoup plus longue. J'ai dit ailleurs que la fille deB... a eu plu- sieurs acc^s de manie, et que sa petite-fille a eu urv premier accès, dès l'âge de i4 a^s, avec quelques tentai tives de suicide. La fille de cette malsde est à Charen- ton dans un état de manie, voisin de la démence, et sa petite-HlIe est morte à l'âge de 21 ans, lypémaniaque et phthisique. § IV. — altérations pathologiques observées chez les suicidés. Tout ce que j'ai dit jusqu'ici , les faits que j'ai rap- portés prouvent que le suicide offre tous les caractères des aliénations mentales dont il n'est réellement qu'un symptôme; qu'il ne faut pas chercher un siège unique au suicide, puisqu'on l'observe dans les circonstances le& plus opposées, puisqu'il est symplomatique ou secou* daire, soit dans le délire aigu^ fébrile, soit dans le dé- lire chronique r au reste, les ouvertures des cadavre» de suicidés, faites jusqu'ici^ n'ont pas répandu beauteoup de lumière sur ce sujet. M. Gall pense que le crâne des suicides est épais, dense : je possède dans ma collection beaucoup de crânes qui démentent cette opiiûon. Ayant recherché sur plusieurs crânes de suicides si les proportioas dei divers diamètres pouvaient être ramenéest à; une 6^0 ^U SUICIDE. - moyenne, je n'ai pu obtenir ce résultat. Je possède des crânes de suicides dont le diamètre antéro-pos- térieur est très grand , tandis que celui de quelques autres est presque égal au diamètre latéral , en sorte que, dans le premier cas, les crânes sont très allongés, tandis que dans le second ils sont presque sphériques. Un jour peut-être pourrais-je publier le dessin de ces crânes, et les é Aides que j'ai. faites sur leur épaisseur, leur densité, leurs diamètres, leur capacité, etc. Home a vu les vaisseaux de la dure-mère très dila- tés : j'ai observé aussi cette dilatation, mais elle n'est ni constante ni particulière aux individus qui ont terminé leurs jours. Fréteau rapporte deux exemples de suicide qu'il attribué à la stagnation dans l'intérieur du crâne d'un sang épais et poisseux. M. Récamier a trouvé chez un homme mort au qua* trième jour d'un empoisonnement volontaire, à la partie antérieure de l'hémisphère gauche du cerveau, une ossification de la dure-mère, dans une étendue circulaire d'un pouce de diamètre, et l'arachnoïde opa- que et épaissie. Cette altération se rencontre sur des sujets qui n'ont pas attenté à leurs jours. Loder a observé le corps calleux très mou, et M. Gall assure qu'il est désorganisé. On lit dans , le Journal de Médecine de Hufeland (i8ia et 18 1 3) qu'on a trouvé dans un kyste au-dessus du ventricule droit du cerveau, une concrétion osseuse d'un pouce de longueur et de trois lignes de largeur. Cabanis a prétendu que le cerveau des aliénés et des DU SUICIDE. 641 suicides est plus abondant en phosphore que le cerveau des autres hommes. MM. Desgenettes et Callière parlent d'un militaire, qui y refusant obstinément de manger , mourut après plusieurs mois d'alternatives d'abstinence.  l'ouver- ture du cadavre, le cerveau était consistant , mais nul- lement injecté; le cervelet était sain; le colon trans- yerse était perpendiculaire ; la vésicule biliaire con- tenait de la bile noire j épaisse , visqueuse. Ce déplace- ment du colon est fréquent dans la lypémanie , j'en ai rapporté plusieurs exemples pages 44^ ^^ suivantes, et je l'ai observé souvent chez les aliénés qui avaient du penchant au suicide. Fourcroy et plusieurs médecins pensent qu'on trouve ordinairement des concrétions dans la vésicule biliaire : cette altération est rare. Il en est de même des lésions organiques du foie que les auteurs ont souvent regar'- dées comme la cause de la mélancolie et du suicide-; . . cependant Fodérc rapporte le fait suivant : « La nièce d'un curé dont j'ai été le médecin , sage et vertueuse j "vieillissait dans le célibat ; elle en conçut un grand ennui pour la vie , et résolut plusieurs fois de se dé- truire, en prenant différens remèdes très actifs, tels que le tartre émétique et autres, dont on réussit à empêcher les funestes effets ; mais le mal était déjà fait : il se forma une anasarque des extrémités inférieures avec * laquelle le penchant au suicide avait cessé , et la raison était revenue insensiblement. Consulté pour ce cas , je trouvai , continue ce savant professeur , le foie dou- loureux, d'une dureté squirrheuse , et d'après la fièvre u il fi4> de suppuration et les autres symptômes , je n'ai pu douter qu'il n'y eût à ce viscère ou à soa voisinage un ou plusieurs foyers de suppuration. ' M, Osiandor regarde les lésious du cœur , les iii> flamiuiktions des viscères abdom'uiaux comme la cana du suicide. Le docteur Alberls de Cœttiague pense <{\ie les lésions du coeur sont fréquentes chez les suicif6fDB. fîii à peine incommodé et racontait œt événement comme une chose indifférente : tout-à-coup il disparut de Paris, et quelque temps après j'appris que ce malheureux était allé dans la Touraine, et que là, dans une auberge, il s'était étranglé. Il noua autour de son cou une cra- vate; il avait attaché des serviettes après les avoir passées dans Tanse formée par la cravate , et les avait fixées aux pieds du lit; s'étant étendu par terre et sur le dos, il plaça ses pieds contre le lit qui lui servit de point fixe pour opérer la strangulation. M"** , âgée de 33 ans, avait des chagrins domesti- ques; elle fit plusieurs tentatives de suicide, et fut envoyée à l'hospice. M"* .... était d'une taille élevée, très maigre, d'un caractère doux ; elle fit d'abord quel* ques essais pour s'étrangler; n'y pouvant réussir, elle refusa de manger. Après deux mois, elle parut plus calme; néanmoins, pendant le mois d'août, elle avala un dé à coudre et une pièce de monnaie, des aiguilles à coudre; elle répétait souvent : laissez- moi retourner citez moi : d'ailleurs, elle ne déraisonnait pas; mais elle était triste, recherchait la solitude, marcliait lentement et ne parlait pas. Jamais on ne put la détermioer à travailler : elle pleurait souvent, avait delà constipation et dormait peu. Le 8 septembre, sans que rien pût faire craindre qu'elle essayât de s'étrangler, quoiqu'elle couservit le désir de mourir, M^.... se glissa à travers un soupi- rail^ dans uu aucien dortoir abandonné depuis quel- que tempS| et s'y pendit ave^ une cordje très i^ioce ac- crochée à un clou qu'elle trouva à l'un des murs } elle DU Stria DE. (J47 s'était soulevée sur deux moellons. Ou la trouva le dos tourné contre la muraille, la face livide, sans écume; les bras tendus le long du tronc, les mains violettes, et les pieds dans l'extension et violets ; l'un des moellons était sous ses pieds, l'autre était à quelques pouces du premier. Lorsque je fis Touverture du cadavre, nous trouvâmes que l'impression de la corde était oblique- ment marquée autour du cou, se dirigeant derrière les oreilles, sans ecchymose; la peau qui recouvrait la dé« pression était brune, déprimée, sèche, et au-dessous le tissu cellulaire comprimé formait une bande blanche brillante, de la largeur d'une ligne, sans aucune infU* tration de sang ni au-dessus ni au-dessous de la dé'- pression. Coronal fuyant en arrière; bosses pariétales proémi"^ nentes. îiulle altération dans le cerveau ni dans ses envelop- pes qui étaient injectées. Poumon droit gorgé de sang postérieurement et in- férieurement. Foie volumineux, rougeâtre. Le colon transverse se dirigeant vers le pubis ; les gros intestins distendus par des gaz. Nous n'avons point retrouvé les corps étrangers avalés deux mois avftfit la mort. La nommée L... , âgée de 33 ans , d'une constitu- tion sèche et grêle, d'un tempérament lymphatique-ner- veux^ a toujours joui d'une bonne santé et d'une par&ite tranquillité d'esprit; elle n'a eu, pendant sa jeuMSse, aucune makdie grave; à iSaiis et deori^ elle» ooni* 648 ]>U SUICIDE. mencé à être rëglëe : elle appartient à des parens bien portans. En 1 8 1 4 , effrayée par les dangers du siège dont Paris est menacé , et plus encore par la présence des ennemis, L... éprouve une inquiétude telle, qu'elle devient tout-à-coup hémiplégique, et cette paralysie n'est précédée , d'après le rapport de ses parens , d'au- cun symptôme d'hémorrhagie cérébrale. L... entre à rhôpital Saint-Louis , d'où elle sort au bout de quel- que temps à-peu- près guérie; mais son caractère ^ d'a- près la remarque de ses amis, est totalement changé: à sa gaité ordinaire a succédé une tristesse profonde. JL*. ne se plaît plus dans la société qu'elle recherchait aupa- ravant, et veut être seule; elle tousse, crache beau- coup, sans accuser de douleur locale; tout-à-coup elle rompt son silence habituel ; de triste et rêveuse elle de- vient agitée; elle est tourmentée par le remords des crimes qu'elles croit avoir commis et cherche tous les moyens de mettre fin à son existence ; le ciel, dit-elIe, l'a en horreur. C'est dans cet état qu'elle est conduite à la Salpêtrière. Je la fais placer à l'infirmerie : L.... marche avec des béquilles, est triste, et parle souvent de se détruire. Huit jours après , elle rejette ses bé- quilles ; marche avec rapidité dans la salle et va contre une croisée d'un second étage très élevé, et après quel- ques hésitations , elle se précipite. L.... est tombée sur le coté droit ; tout ce côté est horriblement mutilé par la chute; cependant ellç ne se plaint aucunement des douleurs qu'elle doit éprouver : la chute a augmenté l'exaltation de son esprit ; elle DU SUICID£. 649 montre ses bras tout couverts du sang qu'elle dit avoir versé, et ne voit dans ceux qui lui prodiguent des secours , que des bourreaux qui veulent la traîner au supplice. Chaque fois qu'on l'approche, elle est ef» frayée, ses traits se crispent, et elle conjure de ne pas la faire conduire à la guillotine. Cette scène d'horreur dure près de deux jours , et L... meurt en proie aux terreurs les plus déchirantes. Oui^erlure du corps faite par M. le docteur Amussaty alors élève interne de l'hospice de la Salpêtrière. J'éte. — Aucune lésion apparente dans le cerveau, ses membranes et la moelle épinière. Thoraxy abdomen. — ' Plusieurs cotes du côté droit sont fracturées; le poumon gauche est sain, le droit renferme dans son épaisseur un kiste rempli d'hy- datides, situé précisément au-dessus d'un semblable kiste avec lequel il communique , occupant la presque tota* lité du foie qui adhère au diaphragme , lequel est percé pour laisser communiquer les deux kistes ; l'ouver- ture de communication entre le foie et le poumon est très étroite. On trouve un fait semblable dans Bonnet. M...., victime de l'onanisme, était dans un état de monomanie compliquée de démence. Il est trouvé pendu sur son lit : rien n'avait pu faire craindre cet évèue* ment ; aucune tentative antérieure n'avait eu lieu. Avec une bande qui contenait l'appareil d'un exutoire^ M... avait formé une anse de deux pieds de circonfé** rence , l'avait suspendue à l'anneau de son lit , sa tête était passée à travers l'anse ainsi accrochée , et 05o BIT 8UI0IDV. k corps abandonné à son propre poids; la partie anté- rieure du cou repose sur l'anse; les bras piendans; les ïambes croisées, légèrement flédiies ; les pieds reposent à plat sur le lit; la surface du lit n'est distante cpie de quatre pieds et demi de Tanutati dans lequel a été passée l'anse. La face était boufïïe et violacée; les yeux étaient très ouverts et brillans ; il y avait un peu de mucosité san- guinolente à la bouche; les avant^bras, les mains, les jambes , les pieds étaient raides et violacés ; les veines grosses et gorgées de sang; le pénis en demi érection offrait une goutte de fluide à son ouverture ; on remar- quait quelques taches du même fluide sur les cuisses-, le scrotum était violacé ; l'abdomen était gonflé, tendu et J^allonné. L'ouverture du cadavre fut faite le lendcmiiin, trente heures api-ès la mort présumée. Dépression oblique de la peau du cou s'étendant du cartilage thyroïde sous les apophyses mastoïdiennes , vers la protubérance occipitale, large de trois lignes, plus marquée à droite ; la peau déprimée était d'un brun jaune, racornie et comme brûlée; vers 4'occiput, la peau était moins sèche, moins brune; au-dessus de la dépression , elle formait un bourrelet. Les parties subjacentes n'offraient rien de notable, sî ce n'est une légère infiltraiion sanguine de la largeur de quelques lignes sur la face externe du thyroïde et dans l'épaisseur du muscle peftucier. La veine jugulaire gauche , dans, l'étendue de trais lignes sûua 1» d^essioA, était d'un gris, ardoise, et. DU SUICIDE. 65t un peu au-dessus , sa membrane interne semblait rom- pue, et sa tunique celluleuse offrait une vésicule formée par le sang échappé par la rupture de la tunique interne. Crâne épais , vaisseaux sanguins et sinus du cerveau gorgés de sang , subfttance cérébrale molle. Abdomen distendu par des gaz intestinaux. L'estomac contenant des alimens à peine digérés ; sa membrane muqueuse rosée avec quelques taches bru- nâtres. La muqueuse de l'intestin grèle près du cœcum, dan» une étendue de six pouces , était rouge. Une femme que Ton avait fait passer depuis long* temps de la division des aliénées dans l'intérieur de Thos- pice , était prise de temps en temps , au dire de se» compagnes , d'accès de tristesse ; néanmoins , elle don* nait quelques soins à de petits enfaus. Elle fut contrariée à ce sujej , se précipita d'un quatrième étage, tomba sur des dalles , et mourut quelques minutes après : le crâne était brisé en plusieurs fragmens maintenus par le cuir chevelu et le péricrâne , particulièrement le pariétal droit et le coronal du même côté ; le crâne était trè» injecté ainsi que les méninges et le cerveau; les vais- seaux des méninges étaient très distendus; tous les os étaient fracturés , même le corps du sphénoïde et le» vertèbres du cou ; le foi« était déchiré en plusieurs par- ties ainsi que la rate dont nous pûmes à peine recon- naître la forme. Il se précipita , il y a quelque» années , une femme d'un premier étage très élevé ; elle tomba sur la tête ei 65a i>u SUICIDE. mourut aussitôt : les os du crâne étaient fracturés en un grand nombre de fragmens , même le corps du sphé- noïde ; le cerveau avait perdu le tiers de son Yolume ; il était très dense , et Tespace qu'il eût dû occuper dans le crâne était rempli de SiiEing noir et fluide. On lit, dans les Mémoires de la société royale, qu'une fille hystérique s'étant pendue^ on trouva l'un des deux ovaires brisé comme s'il eût éclaté par un fluide qu'il eût contenu. M. L..., âgé de 4' ^^^ y d'une forte constitu- tion , a fait la guerre de la Vendée , supporté les fatigues , les revers et les tracasseries consécutives à cette fatale guerre. Les temps devenus plus calmes , M. L... vît à la campagne , il éprouve de légères con- trariétés et des injustices^ il devient sombre, triste, défiant , et croit que ses ennemis le feront périr par le poison; il perd le sommeil, l'appétit^ etc.... Après quelques mois, M. L.... ne veut plus sortir de chez lui ni^recevoir ses amis, ses parens, et refuse les alimens. Sip'on insiste , il s'emporte et devient dangereux. Dans cet état, M. L... est confié à mes soins. Le change- ment d^lieux, la vue d'objets nouveaux, l'empresse- ment des personnes étrangères font sur l'esprit du ma- lade une impression favorable. M. L... est moins soU^ taire, se promené, cause plus volontiers et prend régulièrement ses repas , il consent même à faire quelques remèdes. Après quinze jours , alors que l'état du malade semblait s'être amélioré, tout-à-coup il re* fuse les alimens , il reste couché , sa physionomie est sombre, son teint est plus jaune , ses yeux sont injectes; BU SUICIDE. 653 quatre jours après il vomit des matières muqueuses , il repousse tout le monde ^ tous les soins, tous les remèdes et toutes sortes d'alimens, répétant sans cesse qu'il a été empoisonné. Le sixième jour, M. L... vomit des matières muqueuses mêlées d'un sang très noir. Le septième jour la prostration des forces est extrême, le malade peut à peine répondre, le pouls est très fréquent et faible; le malade vomit plusieurs fois des matières abondantes , noirâtres et très fétides. Le huitième jour, il consent à boire de l'eau gommée et se refuse à tous médicamens. Il meurt le onzième jour. A l'ouverture du cadavre , je trouve les méninges et le cerveau à l'état normal; les ventricules contien- nent de la sérosité. L'estomac et le duodénum n'offrent point d'altérations; mais toute la muqueuse du colon transverse profondément ridée, épaissie, molle, est enduite d'une mucosité rouge lie-de-vin , cette mucosité enlevée, la muqueuse, d'un rouge violacé, est spha- çélée en plusieurs points. La même altération s'étend dans la portion supérieure du colon descendant. Le reste des intestins est sain. Plusieurs calculs po- lyèdres formés d'une substance jaune et noirâtre rem- plissent la vésicule biliaire. Le foie a un aspect grais- seux. Un homme âgé de 3o ans, marié dès l'âge de 19^ est dévoré, six ans après, de jalousie. Il tue sa femme^ est mis en prison le 1 5 avril i83i, et meurt le 17 juin, après soixante -un jours d'abstinence^ ce malheureux n'ayant pris, pendant ce long espace de temps, que de l'eau et quelques cuillerées de bouillon. A l'ouverture du i654 ^^ «UICIDB. cadavre , marasme ; le poids du corps est de 66kil. ; crâne ^pais; substance blanche du cerveau dense partîcuUèro- jiient à sa base; densité du cervelet et du prolongement rachidicn ; cœur décoloré , flasque, facile à déchirer aiasi que les autres muscles ; Testomac contient 6 onces de liquide verdàtre; sa membrane muquoise, très ré- sistante à sa grosse extrémité, est plus mince et plus molle vers le pylore. Le conduit alunentaire est atro* phié y Tintesûn grêle est un peu rétréci , la muqueuse de Textrémité de l'iléon est un peu rouge, le colon trans verse est oblique vers le pubis; le foie est dense, rouge et granulé, la vésicule est distendue par la bile épaisse , noirâtre et grenue. La rate est dense. Le Ccmur étant scié, ou a trouvé dans le canal médullaire la moelle à l'état normal. On peut lire cette observation, recueillie par M. Desbareaux-Bcrnard , avec tous ces détails, dans un mémoire publié à Toulouse en i83i. Des faits rapportés par les auteurs, de ceux qui pré- cèdent , de ceux qu'on peut lire daus le mémoire sur l'incertitude des signes de la suspension avant la mort (tome n) , quelle conséquence tirer pour la détermina- tion des lésions organiques propres à faire connaître le siège du suicide? A cet égard , on éprouve la même difficulté que pour assigner le siège et la lésion orga- niques, dont le délire des maladies mentales est la ré- vélation'. Néanmoins, si l'on considère que dans les ' M. Leuret, dans Tarticle suicide du Dictionnaire de Médecine pra- tique , a donné le résumé de seize ouvertures de cada^Tes de suicidés, sa conclusion est celle-ci : « Dans sept cadavres , il n*y avait pas d'autres 1^ •ions que celles produites par le genre de mort, et dans les neuf resnatf DU SDICIDE. 655 diverses observations de suicide accompagné d'ouver* ture de cadavre^ le cerveau se trouve rarement lésé, et que l'on rencontre des altérations fréquenfes des or- ganes de la digestion , particulièrement du conduit ali- mentaire, ne peut-on pas croire que les lésions organi- ques du canal digestif sont pour beaucoup dans la dé- termination des suicides qui prennent la résolution de se laisser mourir par abstinence ? § V. Traiten\ent du suicide ; moyens pour le pré\femr. Le suicide étant un acte consécutif du délire des passions ou de la folie, je devrais avoir peu à dire sur le traitement d'un symptôme, traitement qui appartient à la thérapeutique des maladies mentales et repose essentiellement sur l'appréciation des causes et des mo* tifs déterminans du suicide; c'est donc au traitement propre à chaque variété de folie qu'il faut avoir recoursi pour traiter un individu poussé à sa propre destruction, de même qu'il faut renvoyer aux conseils de la religion et de la morale publique, lorsqu'on veut préveuir la multiplicité des suicides provoqués par l'égarement gé- néral des idées et l'exaltation des passions. Taurais pu me borner à ces données générales ; mais le suicide est un symptôme si grave^ qu'il importe de recueillir les les alléralioDS étaient tellement variées qu'on ne peut rien en induire, rela- tivement à la nature et au siège du suicide. » M. I^nrct ajoute que tous \m individus , dont il s*agit , étaient bien évidemment aliénés , avant de s'ètfe donné la mort, y^oyez le Dictionnaire cité , t. xv, p. S5. 656 i>u SUICIDE. renseignemens propres à le combattre et à le prévenir. Le suicide guérit quelquefois sponlanément , comme les maladies mentales^ par l'influence des agens hygié- niques, ou par quelque crise physique ou morale, ou à Taide des iilédicamens. Pinel parle d'un littéra* teur qui , étant à Londres pour dissiper une afTecûon mélancolique, allait se noyer dans la Tamise, lorsqu'il fîit arrêté par des voleurs; il se battit avec ces impor* tuns , et oublia le dessein qui l'avait fait sortir de chez lui; ce monsieur est mort à l'âge de 84 ans; quoique réduit à recourir souvent à la bourse de ses amis^ il n'a plus ressenti de désir de se détruire. Un jeune homme veut se tuer; il sort de chez lui pour acheter une paire de pistolets , l'armurier lui en demande un prix trop élevé; il s'irrite, se dispute avec le marchand, et oublie qu'il voulait acheter des armes pour se brûler la cervelle. Combien d'individus qui , après avoir tenté de se tuer, n'y ont plus songé, parce qu'ils ont été effrayés par le danger qu'ils^ont couru, ou parce qu'ils ont vu de trop près là mort dont ils ne veulent plus. Une dame veut mourir de faim parce qu'elle a hau- tement trahi les secrets de son cœur; des soins, des consolations, l'assurance que personne ne croit riea de ce qu'elle a dit, l'espoir de voir son amant que/Ze croyait tué, la ramènent à la vie, et elle se décide, non-seulement à prendre des alimens, mais à faire tout ce qu'on lui conseille pour son entière guérison. Un ecclésiastique s'était deux fois jeté dans un puits , après avoir été conduit à la plus profonde lypémanie par les horreurs de la révolution. Lors de la publication du DU SUICIDE. 657 premier concordat , il s'indigne , il s'irrite, il se met à écrire contre un accord qu'il croit contraire à la reli-r gion , et en peu de temps il est guéri de la mélancolie et du penchant au suicide. Moreau de la Sarthe rap- porte un fait analogue dans le deuxième volume des Mémoires de la société médicale d'émulation : une femme perd une partie de sa fortune , elle tombe dans la tristesse et veut se tuer; de nouveaux malheurs la ruinent; les, démarches et le travail réclamés par celte nouvelle position suffisent pour guérir la malade. Une dame, à la suite de quelques chagrins, éprouve une sup- pression de menstrues; elle a des maux de tête, et désire terminer son existence. Après quatre mois , elle déserte sa maison, et laisse une lettre sur son secrétaire pour avertir son mari que, lasse des peines de la vie, elle va se noyer. Elle se rend à Saint-Cloud pour exécuter son dessein, ne voulant pas qu'on retrouve son cadavre. Pendant la route, les règles se rétablissent, et aussitôt cette femme se sent très bictn , rentre chez elle : les scel- lés étaient mis; elle va chez le commissaire de son quar- tier, et lui raconte ce que je viens de rapporter. Com- bien de femmes nous arrivent à la Salpêtrière, que la misère ou les chagrins domestiques ont décidées à atten- ter à leurs jours , et qui guérissent par des soins affec- tueux, par des consolations, par l'espérance d'un meil- leur avenir, et par une bonne nourriture. Plusieurs de ces malheureuses renoncent à leur funeste dessein, lors- qu'on leur a ôté tout moyen de se détruire, lorsqu'on les a convaincues qu'on les fera vivre malgré leur résis- tance. Qui ne voit dans tous ces faits les mêmes phéno- 1. 4* 658 BlI S^I6JIDQ« inèoes qu'on observe chez les aliénés ^ quel cpœ aoik le caractère de leur délire ? Quelques médecias ont proposé un traitement spéei** £que contre le suicide. Les uns , persuadés que le foie est le foyer du mal^ que la bile en est le ppîncipey conseillent les purgatifs dits hépatiques ; d'autres veulent qu'on saigne, a6n de dégorger les gros vaisseaux 4u cerveau. Geux-ci, croyant que la tendance au suûûde est leffet de l'affaiblissement ou de l'oppression du principe vital , ont conseillé les toniques- à haute dose. 7e puis dire que le quinquina , combiné avec YopmBkf avec la jusquiame, avec le musc, ont quelquefois reus» en modîGant la sensibilité des- malades, en leur procQ- rant du sommeil; maïs ces moyens ne sauraî^it être applicables à tous les cas. Des sujets affaiblis par Tona- nisme se sont bien trouvés du bain, froid et même des aspersions d'eau froide. Avenbrugger a proposé un exutoire sur la région du foie , et la boisson abondante de l'eau. I^ célèbre Theden, et depuis le docteur Leroy, médecin d'Anvers, ont insisté sur l'usage très abondant de l'eau froide et pure , comme spécifique. Thedeu dit en avoir fait l'heu- reuse expérience sur lui-même, et rapporte quelques observations à l'appui de cette méthode. M. le docteur Cbevrey dite plusieurs observations constatant la guéri* aon du penchant au suicide par la métiiode d'Âyen- brugger ^ J'ai soumis à ce traitement. plus«U SUICIDE. gilet de force , ce moyen ne doit pas être un motif de sécurité : il est des malades qui se sont servis de ce gilet pour s'étrangler. Une femme de la Salpêtrière avait été maintenue sur sou lit^ avec le gilet de force; pendant la nuit elle se renversa hors de son lit^ son corps pesant de tout son poids sur le gilet , comprima la trachée, et la malade fut asphyxiée. Un malade contenu dans son lit, parvint à jeter hors de la couchette toutes les pièces delà literie, et resta suspeudu et étranglé parla camisole. Dans les établissemens publics, les individus portés au suicide réclament la plus grande surveillance. Ces malades ne doivent pas être mis dans des cellules iso- lées, ils doivent être placés dans des salles communes, afin d'être mieux surveillés par leurs voisins et par les employés; ils ne doivent jamais être perdus de vue. C'est à cette attention et à l'avantage d'avoir toutes les habitations aurez-de-chaussée, que nous sommes rede- vables, à la Salpêtrière , de n'avoir presque pas de sui- cides, puisque, sur une population de onze à douze cents aliénées, parmi lesquelles cent au moins ont fait des tentatives de suicide, en dix ans, nous n'avons eu que quatre suicide^ effectués , tandis que partout ailleurs le nombre des suicides est infiniment plus considérable. Je me félicite d'avoir, le premier, fait un précepte gé- néral de la vie commime des suicides, même pour le coucher, précepte qui n'a point été perdu pour d'autres établissemens, qui en ont fait l'application, dans les établissemens oîi se trouvent plusieurs individus portés au suicide. « Dès le commencement de mes études sur l'aliéna- DU. SUICIDE. 66 1 lion mentale, je fus vivement ému de l'obstination ^ de certains aliènes à repousser toute sorte de nourri- ture, et profondément affecté des angoisses qui précé- daient leurs longues agonies. J'ai déjà dit qu'au début de presque toutes les folies , les aliénés repoussent les alimens, tantôt parce que les alimens leur paraissent de mauvais goût à cause du mauvais état de leur estomac; tantôt parce qu'ils croient qu'on leur donne de la chair humaine et même leurs enfansà manger; tantôt ils s'i- maginent voir du poison, des ordures, des épingles, des aiguilles^ etc. sur les alimens qu'on leur présente; tantôt ils craignent qu'on veuille les empoisonner quoi- qu'ils ne voient point de substance vénéneuse. Il ne faut point se laisser effrayer de cette répugnance, elle se dissipe lorsque l'irrilation de l'estomac ou l'embarras gastrique ont cessé; on combat cette répugnance ps^r une médication immédiate lorsqu'elle dépend d'une altération du canal digestif, par l'application de sang- sues à l'épigastre, par des moyens propres à débarrasser les intestins, ou bien encore par des dérivatifs tels que les pédiluvcs irritans, les cataplasmes sinapisés ou même les vésicatoires aux extrémités inférieures. Le refus de prendre des alimens dépend-il d'une cause morale de la lypémanie,du désir de se tuer? il faut agir promptement et énergiquement. On a recours aux moyens de persuasion, on excite la sensibilité par des témoignages de tendresse, d'affection de la part de per- sonnes qui sont chères. On a conseillé, et Pinel entre autres, de frapper l'imagination des malades par quel- que appareil propre à les effrayer et à leur faire craiodre 66a WB SIUCI9B. un mal plus grand que la douleur morale qu'ils ëproa» yent; la douohe, les bains froids ont quelquefois vaincu ia résistance. Si tous ces moyens échouent, si le refus des alimens persiste, si le malade a pris la résolution de mourir par Tabslinence, il faut recourir à Tintroduction forcée des substances alimentaires dans Testoinac; on a imaginé plusieurs moyens mécaniques pour foroer les malades à ouvrir la bouche; ces moyens sont violeos et ne réussissent pas toujours; l'usage d'une sonde de gomme élastique introduite par les narines dans Tceso- phage pour ingérer des liquides nutritifs dans f estomac^ réussit ordinairen>6nt, si l'on a recours à ce moyen avant que l'abstinence ait déterminé l'inflammation de l'estomac et des intestins. L'ingestion tardive ne saurait prévenir la mort. IjC premier, j'ai fait usage de la sonde dans cetto circonstance, mais son emploi exige des pré- cautions; la sonde œsophagienne dont je me servab d'abord, d'un calibre trop gros, ne s'introduisait que difBcilement. On a adopté depuis une soude ordinaire, d'un calibre plus petit et qui est plus courte; il arrivait quelquefois que Textrémité de la soude se reployait sur elle-même avant d'entrer dans l'œsophage et qu'alors le liquide ressortait par les narines et la bouche. M. Bail- largé, élève interne de Cbarenton, a armé la sonde d on jnandrin en baleine et l'accident dont je viens de parler a été prévenu. Il peut arriver que la résistance soit telle que , même avec beaucoup d'expérience , on firaîe une fausse route à la sonde; cet accident très grave, est fort rare, car je ae l'ai obaervié q«i'uoe fois sur un jeme homme. I^a «onde, winodvite fagr une maia exercée et "i fDV SUICIDE. 663 habile , se fourvoya danrsfine fausse voie et provoqua une inflammation qui en peu de jours fut mortelle; je le vé* ipèle, c'est la «eule fois qae j'ai observé un pareil acd- dent. Ce moyen «st ordinairement sans danger, il a conserve à la vie un grand nombre de malades aux- quels j'ai dovraé des soins, soit dans les établissemens^ publics j soit dans ma pratiqne particulière. MUeB...., nëe dune mère très nerveuse, âgée Ûe ^5 ans , d'une taille élevée, quoique rKchitique , ayant les cheveux et les yeux nofrs, rimaghaation très -vive, était sur le poiut de se marier, lorsqu'elle rencontra celui qu'elle devafift épouser «n compagnie d*une jeune dame ; son cceur et son amour-propre sont horriblement bles- sés; elle s'agite, s'emporte, se désespère; quelques jours plus tard, elle se croit délaissée; dès-lors elle n^ yent plus vivre, et prend la résolution de se laisser mourir de faim; la tendresse de sa mère ne peut vain- 'Ore cette détermination , le chagrin, l'insomnie, le refus d*alimens jettent Mlle ïR... dans une grande débilité. Gall est appelé, et ne peut rien contre l'obstination de la analade; la maigreur est extrême, la faiblesse est trèB igrande ; je suis inyké à une consultatioa. Mlle... &.». avait les yeux caves, hagards, les joues d'une pâleur terne, les pommettes très colorées, la peaJi d'une chaleur sèohe , acre ; le peu de mots que diftât la malade n'étai^st plus entendes, elle était presque dans l'aphonie. Il est convenu qu'on auta teoours à la sonde; ce qui a lieu^ malgré les résis* tances de la malade : on ingère du bouillon oewpé et qaek|iics cuillerées d eau sucrée ; des fomentations 664 i>u SUICIDE. émoUientes sont faites sur rabdomen^ et la chaleur est provoquée aux jambes et aux pieds par des cataplasmes légèrement sinapisés et renouvelés fréquemment; le même traitement continue les jours suivans, du bouillon est ingéré quatre foispar jour; au quatrième jour, bain gélatineux d'une demi-heure ; huitième jour, bains pro- longés, les déjections alvines sont moins sèches , moins rares et moins difficiles; dixième, Mlle..., qui habitait une rue très bruyante, a pu être transportée dans un quartier retiré et à portée de vastes promenades; le sommeil s'est rétabli, la maigreur a diminué, le teint s'est éclairci, la voix est plus sonore, la peau moins brûIapCe, le pouls plus développé; mais Mlle... est trop faible povur marcher, elle reste triste, silencieuse, et s'obstine à ne point prendre d'alimens; après six semaines les bains ne sont plus donnés que trois fois la semaine; après deux mois, des purées de viande sont substituées au bouil- lon; lorsqu'on arrive avec la sonde, Mlle... se place dans un fauteuil pour que l'Introduction soit plus fa- cile. Ce n'est qu'au cinquième mois, après quelques pro- menades, après avoir repris des forces et de l'embon- point, que Mlle... parle volontiers, se nourrit comme tout le monde et reprend sa manière de vivre ordinaire. Je devrais terminer ici ce que j'ai à dire sur le sui- cide ; mais le suicide est une maladie si déplorable j si fréquente, il se propage d'une manière si effrayante pour les familles et pour la société, il soulève des ques- tions si importantes , que je ne peux me dispenser de dire un mot sur ces questions. Et d'abord le suicide est-il un acte criminel qui DU SUICIDE. 665 puisse être puni par les lois? le législateur a-t-il des moyens pour le prévenir? Puisque le suicide est presque Houjours l'efTet d'une maladie, il ne peut être puni, la loi n'infligeant de peine qu'aux actes volontairement commis dans la plénitude de la raison. Or, je crois avoir démontré que l'homme n'attente à ses jours que lorsqu'il est dans le délire, et que les suicides sont alié- nés. Fodéré est de la même opinion. En 1777, le par- lement de Paris examina cette question sans la ré- soudre. Mais, dans l'intérêt de l'humanité et de la société, le législateur peut-il recourir à des moyens propres à prévenir un acte qui outrage également les lois naturelles, les lois religieuses et les lois sociales^ et dont la fréquence est telle, qu'en France, par exemple, il se commet, par an, trois fois plus de sui- cides que d'assassinats? L'expérience démontre que des lois comminatoires ont sufli pour prévenir le suicide. Lorsque les déclamations d'Agésias rendi- rent le suicide fréquent en Egypte, il sufUt d'une loi de Ptoléméc, qui défendit, sous peine de mort, d'enseigner la philosophie de Zenon, pour faire cesser le suicide. Lorsque les filles de Milet se pendaient à l'envi les unes des autres, le sénat ordonna que le corps des suicides serait exposé nu sur la place publique, et la contagion cessa. — Les nègres transportés en Amérique se tuaient, espérant retourner en Afrique après leur mort; un Anglais fit cesser cette fureur en faisant couper les mains des nègres qui s'étaient suicidés, et en exposant ces mains coupées aux regards des nègres. La législation de quelques peuples anciens infligeait ^666 mi SUICIDE. des peines à ceux qui avaient attente à leurs jours. Les .lois d'Athènes poursuivaient ce crime dans le cadavre des suicides; elles ordonnaient que la main des cou- |»ables fût brûlée séparément du corps. Une loi de Tarquin - l'Ancien privait de la sépulture le cadavre d'un citoyen qui s'était tué volontairement* >Le sénat de la république de Marseille, qui tolérait le suidde, condamnait celui qui se tuait sans cause légitime. Dans les temps postérieurs, les lois -romaines, favorables au suicide , annulaient le testament de celui qui se tnait pour se soustraire à une peine infamante, et défendaient d'en porter le deuil. Les hommes de guerre étaient 4éshon()rés s'ils attentaient à leurs jours. A Thèbes, le cadavre d'un suicide était brûlé a\ec infamie. Les lois chrétiennes, qni condamnent toute espèœ de meurtre, ont condamné le meurtre de soi-méoie <;omme le plus grand crime, parce qu'il ne laisse aucun accès au repentir; elles refusaient au cadavre des suicides, la sépulture ecclésiastique. Toutes les légis- lations modernes auxquelles les lois de l'église ont servi de base , ont flétri le suicide. £n Angleterre^ Jes cadavres des suicides étaient jetés à la voirie; •plus tard , on les a enterrés dans la campagne entre trois chemins. En France, du temps de saint IxhùSj les meubles du suicide étaient oonfiaqnés au profit «do seigneur sur la terre duquel le cnme avait été commis; plus tard, les cadavres des ^ukides étaient traînés dans les rues «t sur one claie. Toutes ces lois «•nt tombées en désuétude^surtoutenFiianoe^ ea Aiiglc- tOfTe^^m en élude l'applkaflkni par un osntffiopt âecoéde- DD SUICIDE. 66j cinsqui constatent que celui qui Vcst suicidé était aliéné* Aujourd'hui , en France et dans une grande partie de l'Europe, ou accuserait de barbarie la punition d'un suicide. Beccaria réprouve les peines portées contre le suicide, parce que, dit-il, en n'atteignant que le cadavre, on ne fait nulle impression sur les vivans^ tandis qu'en faisant porter la peine sur les parens, on frappe des innocens, ce qui est injuste. Si l'on m'oppose^ dit l'auteur des délits et des peines^ que la crainte de l'infamie peut détourner l'homme le plus déterminé, je réponds que celui que l'horreur de la mort , les me-* naces de la damnation éternelle ne retiennent pas , ne sera pas retenu par des motifs bien moins puissans. Est-ce que tous les jours les premières lois de la nature, les menaces de la religion, ne sont pas sacrifiées aux préjugés, aux passions , aux iutérêts sociaux? Qu'on ne dise point que les peines portées contre les sorciers et les possédés, loin d'en diminuer le nombre^ l'augmentaient, et qu'il en serait de même des peines contre le suicide. Dans le premier cas, les peines infin* gées aux sorciers et aux possédés, étaient établies d'après une^erreur populaire; plus les lois se montraient sé- vères, plus elles persuadaient qu'il y avait des sorciera et des possédés, dont elles sanctionnaient la croyance. Le nombre de ces insensés dûnmua dès qu'on cessa de croire qu'il y avait des sc^riers , et de fortifier les peu^ pies dans oette croyance par l'acharnement qu'on met- tait Bon à détruire l'erreur, mais à la punir. La croyance populaire n'est pas &vorable au suicide , il ne s'agit pas de combattre une erveuTt oiais de pré- 668 DtT SUICIDE. venir un acte, quel que soit d'ailleurs son caractère moral ou lëgal.Les raisonnemens ne sauraient prévaloir contre l'autorité de Texpérience; des lois comminatoires ont fait cesser les suicides en Egypte , à Milet , en Amé^ rique. Le suicide est plus fréquent depuis que les lois qui le condamnent sont sans vigueifr; donc, dans Tintérêtde la société, le législateur peut établir des lois, non pénales contre le cadavre du suicidé, encore moins contre ses parens, mais des lois comminatoires pour prévenir le suicide. Il ne m'appartient pas d'indiquer quelles sont ces lois, mais je pense qu'elles doivent varier suivant les caractères, les mœurs et même les préjugés des peu- ples, et être dirigées contre les causes sociales qui sont propres à développer la tendance au suicide. Par exem- ple, de nos jours, le roi de Saxe vient d'ordonner que le corps des suicides fût livré aux amphithéâtres publics de dissection. • En attendant qu'une sage législation apporte quelque remède à cette plaie de la société, les amis de l'huma- nité peuvent désirer que l'éducation repose sur des principes plus solides de morale et de religion ; ils doi* vent réclamer contre la publication des ouvrages qui inspirent le mépris de la vie et vantent les avantages de la mort volontaire. Ils doivent signaler au gouverne- ment les dangers qui résultent de mettre sur la scène, les infirmités auxquelles l'homme est exposé. Us doi- vent demander hautement qu'on défende aux journaux d'annoncer tous les suicides, et de rapporter les motifs et les plus légères circonstances du meurtre. Ces récits firé- quens familiarisent avec l'idée de la mort, et font regar- DU SUICIDE. 669 der avec indifTérence la mort volontaire. Les exemples fournis tous les jours à l'imitation sont contagieux et funestes, et tel individu, poursuivi par les revers ou par quelque chagrin , ne se serait pas tué s'il n'avait lu dans son journal l'histoire du suicide d'un ami, d'une connaissance. La libei^té d'ck^rire ne saurait prévaloir contre les vrais intérêts de l'humanité. En parlant des causes particulières du suicide, j'ai fait sentir que Tâge présent était fécond en causes pro- pres à produire les suicides^; de même que, dans les tempsd'ignorance, dans les temps où les discussions reli- gieuses sont dominantes , régnent les monomanies su- perstitieuses , alors ou voit les magiciens , les sorciers , les possédés, etc.; de même le suicide règne lorsque les excès de la civilisation menacent les empires. Dans les beaux siècles de la république romaine , le suicide était rare; mais il devint fréquent lorsque la philosophie des stoïciens trouva des partisans parmi les patriciens, lorsquej deux- augures ne purent plus se regarder sans rire, lorsque le luxe et les richesses eurent changé les mœurs, lorsque les agitations politiques eurent ébranlé la république jusque dans ses fondemens : il en a été de même en Angleterre , depuis que Richard Smith et sur- tout Mordan eurent donné des exemples qui devinrent contagieux; depuis que les écrits de Donne, Blountet Gildon ont trouvé des lecteurs ; depuis qu'en France quelques philosophes ont rajeuni et accrédité la doc- trine de Zenon ; depuis que quelques autres ont pris la > Voyez aussi Considé/ allons sur les Suicides de nctre époque, par M. le docteur BroQC. {Annales d'hjgUne publique, x836, t. xti, page 294.) 0JO ]>1T WICIDE. défense du meurtre àe. soi-mâme; depuis que les rëvo- lutious ont donné un nourel essor à toutes les passions, )e suicide est plus fréquent. Dans toutes ces circonslances, les rcotifs naturels qui inspirent l'horreur de la mort, surtout le meurtre de soi-même, ne sont plus forti- fiés par les motifs pris dans les mœurs , dans la reii- gioD , dans les lois. Si le suicide est sans cesse repré- senté dans les livres, sur les thé<4tres, non^seulement comme un acte indifférent, mais comme un acte de courage devant lequel ne reculent pas les hommes les plus graves et souvent les plus émineus de la société^ xiul doule qu'alors les esprits seront plus disposés au suicide ; cette disposition se fortifiera par la puissance d'imitation, si des exemples sont rapportés chaque jour dans les journaux. Mais de ce que le suicide est plus fréquent de nos jours, je n'en conclurai point , avec le docteur Burrows, quel que soit mon estime pour ce médecin et ses écrits, que le nombre des aliénés soit augmenté en France. Le docteur Burrows * se plaint de ce que Lorry prétend que la mélancolie est endémique en Angle- terre; il accuse d'injustice les étrangers qui assurent qu'il y a plus d'aliénés en Angleterre qu'ailleurs; il ac- cuse Montesquieu d'avoir accrédité ce préjugé. Mais le docteur Burro'^'s devrait acaiser les historiens anglais, et particulièrement Smollet, J. Delarrey qui appellent l'Angleterre la terre natale du suicide; il de- * Jn inquîryinto certains errors relative to insanity, Londuo, xSan, în-8. — Commentaries on Hiê etuseSf symptoms and Trentment o/imstmity^ Loo- doUf x8a8,m-S. DU SUiaDfi. . 6jT vrait s'en prendre aux médecins anglais qui assurent que les aiiënës sont plus nombreux dans leur pays que sur le continent. Cette vérité n'a-t-elle pas été proclamée hautement dans le parlement britannique , en i8i5? Voici comment raisonne M; Burrows pour prouver que la folie est plus fréquente en France qu'en Angle- terre : « Il est aujourd'hui généralement reconnu que le suicide est une maladie mentale. Si le suicide est plu» fréquent dans une ville, l'aliénation mentale doit y être plus fréquente : Londres a beaucoup plus de rapports, de ressemblance avec Paris qu'avec toute autre ville. IjSi mortalité à Londres est beaucoup plus forte que celle de tout le département de la Seine qui renferme Pa- ris; elle est comme lo est à 7. Le nombi*e des suici- des consignés sur les tables de mortalité à Londres, est d'environ 4o 9 année commune : il est vrai que ceux qui, s'étant défaits eux-mêmes , sont déclarés aliénés, et inscrits comme tels sûr les registres de mortalité; il est vrai encore qu'il est difficile de prononcer sur la réalité de la mort volontaire de ceux qui, s'étant tués eux-mêmes, ont été trouvés noyés. Mais en supposant, continue l'auteur, que le nombre des individus qui se sont tués volontairement, et qui ont été déclarés aliénés, soit de lao; en supposant encore qu'il y en ait 40 sur lesquels il n'y a pas eu de jugement, le nombre total des suicides volontaires à lx>ndres est de aoo , tandis que le nombre moyen des suicides à Paris est de 3oo par an. Donc le nombre des suicides à Lon<» dres est à celui des auioidea à^Paris comme n est à 3 : or, les suicide»! sont des» atiénés; dcme il y^ a vm^ foi» pltie' g-t| DU SUICIDE. d'aliénës dans le département de la Seine qu'à Londres; donc l'aliénation mentale est plus fréquente en France qu en Angleterre. » Je ferai - remarquer d'abord que le docteur Burrows ne forme le nombre de aoo suicides à Londres que par une suite de suppositions; qu'il ne fait entrer dans cette somme que les suicides supposés volontaires, tandis que^ dans les relevés de Paris , sont compris , non-seu- Icment les individus qui se sont donnera mort volon- tairement ou non, mais' encore ceux qui sont trouvés morts par la police , sans que Ton puisse- toujours con- stater s'ils se sont tués, s'ils ont été assassinés, ou s'ils sont morts accidentellement. M. Burrows assure qu'il se noie plus de personnes à Paris qu'à Londres, quoique les accidens dussent être plus fréquens à Londres à cause de l'activité des tra- vaux sur la rivière. Je n'ai pu vérifier ce fait : mais je soupçonne que, s'il est constaté par les relevés des regis- tres pub]ics,|cette différence est due, en partie, à ce que la Tamise emporte tous les cadavres à la mer, tandis que les cadavres que la Seine entraîne sont arrêtés par les filets de Saint-Cloud et portés à la Morgue; en partie à la sollicitude des Anglais pour la sépulture des morts, ce qui les porte à réclamer les cadavres trouvés dans l'eau , et à faire constater le décès dans les registres de paroisses. Cet auteur assure qu'en 1817 il ya eu à Paris beaucoup plus de suicides qu'à Londres : cela prouve tout au plus, comme nous l'avons dit ailleurs, et comme nous venons de le répéter, qu'il est des années pendant lesquelles le suicide est plus fréquent, puisque DU SUICIDE. 673 nous l'avons vu régner épidémiquement dans divers pays. Ainsi vouloir établir une moyenne proportion pour le nombre des suicides à Paris , parce qu'il y en a eu 3oo en 1817 y ce serait étrangement se tromper : j'ai d'ailleurs exprimé les motifs qui me rendent défiant de la fidélité, de l'exactitude des relevés dressés d'après les registres publics. M. Balbi , dans un tableau comparatif de la France avec les principaux états du globe, établit le nombre des suicides, relatifs à la population, dans les propor- tions suivantes : ^ France. (1827). 1 suicide pour 20,740 habitans. Prusse i4»4o4 — Autriche 49,18a — New-Tork 7,797 — BostoD i3,5oo — Baltimore 1 3,656 — Philadelphie 15,675 — Le docteur Casper, qui a publié le résultat d'un grand nombre de recherches sur le suicide , a constaté des proportions un peu différentes, en comparant le nombre des suicides avec la population. 2 Copenhague. ... 100 suicides pour 1,000 habilani^. Paris 49 — «,040 — Hambourg 45 — a,aa3 — Berlin 34 — 2»74 ' — Londres 10 — 5,ooo — Elberfeld ao — 5,oo<> — * La Monarchie françahe , comparée aux principaux élats Jn gfobe, feuille in-fol. ^ Beitrage zur medicin itatistik und staafsanneizunde, B4*rlin, iS^S, in-S. I. 4i G74 ^^ SUICIUE. L'accroissement des suicides est cfTrayant depuis un demi-siècle. A Berlin de 1788 à 1797* on complaît, d'après le docteur Casper, 62 suicides, et de 18 13 à 1812, le nombre des suicides s'est ëlevé à 544- A Pa* ris, de 1817 à 1821, le nombre des suicides ëtait de 346, terme moyen, et en f 834 « il y en a eu 674- f^tis doute, il faut tenir compte de l'augmentation de la population et du soin que prend Tadministration pour constater les suicides, mais on ne peut se dissimuler que cet accroissement des suicides ne révèle quelque changement notable dans la société. Les comptes généraux de la justice criminelle en France présentent, pour les années 1827 à i83i, une moyenixe de 1808 suicides, légalement constatés dans tout le royaume. Dans cette moyenne n'entrent pas les suicides qui n'ont pas été dénoncés à l'autorité, et ce- pendant les suicides sont en France trois fois plus nombreux que les homicides. A Berlin, les suicides sont aux meurtres ou homicides comme 1 est à 5! M. Quéteiet, dans son ouvrage plein de recherches et de déductions précieuses sur le développement des facultés de l'homme ^ , assure que dans le département de la Seine, le nombre moyen des suicides est de 35o , sur 800,000 habitans, c'est-à-dire i suicide sur 3,900 habitans, proportion bien inférieure à celle qui avait été indiquée par le docteur Casper. Si nous comparons les données publiées par ce mé- * Sur l'homme et le développement de ses facultés ^ ou Essai de physique sociale, Paris, i835 , a vol., in-8. DU SUICIDE. 675 cleciii, avec les résultats signalés par M. Quétclet, nous trouverons des dilTërences btt^n remarquables, quant au suicide entre Paris el Berlin. Le nombre des suicides est beaucoup plus considérable à Berlin qu'à Paris, il est comme ao à i a d'après M. Balbi « et de ao à 39 d'après Casper. A Berlin , le nombre des suicides hommes est à celui des suicides femmes comme 5 est à i ; tandis qu'à Paris, la différence est comme 3 à i. A Paris, la strangulation , comme moyen de suicide, n^est que d'un dixième, tandis qu'elle est de la moitié à BerUo. Les armes à feu sont pour un septième à Paris et pour un tiers à Berlin; tandis que la submersion est un peu plus d'un tiers à Paris et d'un huitième à Berlin. A quoi tieunent des différences aussi remarquables? Les locali- tés, les mœurs y sont-elles pour quebjue chose? M. Guerry, avocat à la cour royale de Paris, placé dans dès circonstances toutes particulières, a fait des recherches immenses sur le suicide. Les firagmens déjà publiés font vivement désirer que cet auteur termine son travail ^. M. Guerry a conclu de ses données sta- tistiques que, dans le nord de la France, divisée par lui eu cinq régions, il y a 5i suicides, tandis qu'il n'y en a que 1 1 dans le sud et 9 dans la région du centre; que dans le nord, le nombre des suicides est à la popula- tion comme i est à 9,855, et dans le midi, comme i à 30,875 ; que le département de la Seine produit un sixième des suicides qui se commettent dans toute l'é- tendue de la France; que le nombre des suicides s'ac- ' Essai sur ta statistique morale delà Frame, Pai'i», i833, iii-i. 676 DU SUICIDE. croît progressivement à mesure qu*on se rapproche de la capitale , et qu'une progression semblable a lieu pour Marseille, relativement aux départemens qui environ- nent cette ville. M. Guerry a constaté aussi que Véié produit plus de suicides que l'automne, ainsi que je lai dit , en parlant de Finfluence des saisons sur la produc- tion des suicides; qu'il se commet plus de suicides de quatre à six heures du matin ; qu'il s'en commet moins de deux à quatre du malin ; que l'âge influe sur le choix des moyens employés par les suicides , etc. Il n'est pas démontré que le suicide soit plus fré- quent en France qu'en Angleterre; mais, cela fùt-il établi par des faits incontestables, rien ne prouverait que les aliéné3 sont plus nombreux chez nous qu'en Angleterre. Si le nombre des suicides est de nos jours plus grand en France, plusieurs variétés d^aliénation mentale ont presque entièrement disparu parmi nous, les folies religieuses^ par exemple, tandis qu'elles soot encore très multipliées en Angleterre. Les actes du parlement d'Angleterre attestent qu'en i8i5ilyavait 7000 fliiénés à Tendres et dans tous les environs, tandis qu'il n'y en a jamais eu 35oo dans tout le dé- partement de la Seine, oii les malades aflluent de toutes les provinces. FIN DU TOME PREMIER. TABLE DES MATIERES MÉMOIRES SUR LA FOLIE ET SES VARIÉTÉS. X- De l\ folie I ( I. Symptâmes do la folie 5 ( II. — Ses causes 94 S I IL — Sa marche 76 S IV. — Son pronostic ii4 S V. — Son traitement ib n. Des HAU.UCIMATIONS. 169 m Des illusions ciibsc les ALiéMés. ( Erreurs des sens) 10a XT. De la ruRBUR ai5 ▼. De l'aliénation mentale des nouvelles ACCOUCHàsS et des nourrices l3o Première partie^ considérations générales 9I1 Deuxième parlie> observations particulières a48 TX. De l'épilepsie. 174 . Terminaisons critiques de la folie 336 ▼XXX. De Li LYPéMANiE, ou mélancolie 3g8 S I. Symptômes du la Ijpémauie 4^7 ^ II. Des causes de Ta lypémauic 4^3 4 111. Maladies auxi|uelles succombent les lypéma- niaqucsj ouvei'tures des corps 44^ $ IV. Trailement de la lypémauic 4^^^ 678 TABLK DES MATIÈRES. OC. Di: L.A DàHONOMANlB 4^9 Z. DusujciDX. bif* s I. Saicide provoqué par les passioni 53 j <^ I(. Saicide précédé d'homicide 56a S III. Des climats, des saisons, des âges et des sexes, considérés comme causes de suicides. . . 677 Ç IV. Altérations pathologiques oKsenrées sur les sui- cidés 639 S V. Traitement du suicide. Moyens conseillés pour le prévenir 656 FIN DE lA TABLE Di; PREBIII-R VOLLMI-.